Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Josiane Costes, dont je salue le travail et l’engagement sans faille sur le sujet des mineurs vulnérables, nous permet aujourd’hui de discuter de la protection de l’enfance qui doit retenir toute notre attention, en particulier dans le contexte actuel de pandémie.
La commission des affaires sociales a examiné au fond les articles 5 6 et 9 qui concernent l’aide sociale à l’enfance, dont les services sont de plus en plus sollicités. Le nombre de mesures de suivi a augmenté de plus de 30 % en vingt ans : 344 000 mesures d’ASE étaient ainsi en cours auprès des mineurs et jeunes majeurs en 2017, dont la moitié pour un placement.
En outre, la crise sanitaire rappelle la nécessité de mieux protéger les enfants, en particulier contre les violences intrafamiliales auxquelles ils sont davantage exposés depuis le confinement.
Cette situation nous impose de renforcer la prévention et la prise en charge des mineurs vulnérables, dont ceux qui sont victimes de maltraitance ou de carences éducatives. Il existe malheureusement une certaine hétérogénéité dans l’accompagnement des mineurs et jeunes majeurs par l’ASE selon les départements, bien souvent par manque de moyens.
C’est ce que j’ai pu constater en examinant l’article 6 de cette proposition de loi, qui propose de rendre obligatoire la prise en charge par l’ASE de mineurs émancipés et de majeurs de moins de 21 ans en situation de vulnérabilité. Cet accompagnement, qui prend aujourd’hui la forme d’un contrat jeune majeur, est à l’appréciation des conseils départementaux.
La commission a émis plusieurs réserves sur la mesure proposée, qui risque de créer d’importantes dépenses non compensées pour les départements, au risque de diluer les moyens consacrés à l’ASE. Par ailleurs, il apparaît préférable de conserver une forme de souplesse pour l’accompagnement des jeunes majeurs selon les besoins de chacun : tous les jeunes majeurs suivis par l’ASE n’ont pas forcément besoin d’un accompagnement jusqu’à 21 ans et n’en ont pas forcément le souhait.
Par contre, un travail sur la lutte contre les sorties sèches de l’ASE, comme s’y emploie le Gouvernement, en lien avec les départements, nous paraît préférable à l’instauration d’une obligation.
L’article 9 propose quant à lui que les allocations familiales dues au titre d’un enfant confié à l’ASE ne puissent être maintenues que partiellement à la famille, sur décision du juge.
Je rappelle que le principe posé par la loi est celui du versement aux services de l’ASE des allocations familiales dues au titre d’un enfant placé. Toutefois, pour les situations de placement judiciaire, la loi prévoit que le juge peut décider de maintenir ses allocations à la famille si cette dernière participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter son retour dans le foyer. Le maintien des allocations à la famille est donc laissé à l’appréciation du juge.
En pratique, il ressort des quelques chiffres obtenus qu’il n’est pas systématiquement dérogé au principe du versement à l’ASE.
Des chiffres communiqués par le Gouvernement en 2016 faisaient état d’un versement à l’ASE dans 45 % des cas et d’un maintien des allocations familiales à la famille dans 55 % des cas. Dans certaines situations, il ne paraît pas opportun de retirer ces allocations à la famille. Je pense, par exemple, aux placements en urgence de courte durée, aux placements au titre de l’enfance délinquante, ou encore aux familles nombreuses où des liens sont encore maintenus avec l’enfant.
Pour ces raisons, la commission a considéré qu’il était préférable de laisser au juge une certaine marge d’appréciation pour s’adapter aux différentes situations familiales.
Au total, il me semble qu’un certain équilibre soit opéré entre maintien et retrait des prestations aux familles ayant un enfant placé. À cet égard, je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, est non plus versée à la famille de l’enfant confié à l’ASE, mais reversée à cet enfant sous la forme d’un pécule lorsqu’il atteint sa majorité.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les articles 5 6 et 9 de la proposition de loi. Nous entamons donc notre discussion sur la base du texte initial déposé par notre collègue Josiane Costes. L’examen de cette proposition de loi est aussi l’occasion d’échanger sur les voies d’amélioration de la protection de l’enfance qui connaît encore de trop nombreuses insuffisances.
Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez certainement nous préciser les mesures en cours de déploiement en faveur des mineurs en danger dans le cadre de la stratégie pour la protection de l’enfance mise en place par le Gouvernement à l’automne dernier.
Vous pourrez aussi nous indiquer quelles mesures sont engagées ou envisagées pour soutenir les acteurs de la protection de l’enfance, en particulier les familles d’accueil, dans le contexte de la crise sanitaire. Nous devons leur apporter sans tarder les moyens de poursuivre leur mission pour protéger et accompagner les mineurs vulnérables.