Séance en hémicycle du 28 mai 2020 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • accompagne
  • famille
  • l’ase
  • l’enfance
  • l’enfant
  • mineur
  • parent
  • simple
  • étranger

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à apporter un cadre stable d’épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes (proposition n° 311, résultat des travaux de la commission n° 449, rapport n° 448, avis n° 450).

Je rappelle que notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars dernier. L’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. Les micros seront désinfectés après chaque intervention.

J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Costes, auteure de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions discuter aujourd’hui de ce sujet vital et qu’il n’ait pas été remis à plus tard du fait de la crise sanitaire qui a touché notre pays.

Au contraire, comme l’ont souligné nombre d’observateurs, et notamment le Défenseur des droits, le confinement a rendu les inégalités familiales plus perceptibles. Le déconfinement représente également un nouvel enjeu pour les services sociaux après deux mois de liens distendus avec les mineurs placés.

À l’issue de mon expérience de professeur et à la suite des auditions et des visites que j’ai eu l’occasion de mener en tant que sénatrice, cette proposition de loi s’adresse à deux types de vulnérabilités chez l’enfant : la première est liée à de graves dysfonctionnements de la cellule familiale dans laquelle naît l’enfant, et concerne des mineurs de toutes tranches d’âge ; la seconde est plus récente et résulte de l’isolement d’adolescents envoyés en France à la suite d’un projet familial construit autour d’eux et pour eux.

Ces deux cas de figure ont en commun de bouleverser le développement de l’enfant, en le mettant face à des choix ou des responsabilités inadaptés à la maturité communément admise à son âge.

Ces deux types de vulnérabilités présentent également des défis inégaux dans nos départements, dont nous connaissons les limites budgétaires. Inévitablement, les déséquilibres démographiques de notre territoire se traduisent également par des dépenses très variables d’un département à un autre.

À l’échelle nationale, les besoins de la protection de l’enfance n’ont cessé de croitre ces dernières décennies, à la fois parce que nos exigences de protection ont augmenté, ce qui est positif, mais également en raison de l’émergence de nouveaux profils de mineurs vulnérables, tels les mineurs isolés étrangers que j’évoquais. Ils seraient près de 40 000 aujourd’hui, pour 300 000 enfants concernés par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il me paraît nécessaire que nos institutions s’adaptent à cette réalité sociale que nous ne pouvons continuer d’ignorer.

En formulant ces propositions, nous nous sommes donc attachés à nous départir de tout dogmatisme et à ne pas juger les circonstances qui ont produit ces vulnérabilités, mais simplement à constater leur existence et à tenter de concevoir les outils pragmatiques destinés à pallier chacune d’entre elles.

« L’histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies », écrivait Tocqueville. Nombre de ces propositions reprennent des pistes déjà évoquées dans le passé, en les approfondissant et en les associant pour former une stratégie cohérente autour du renforcement du recours à l’adoption simple, au cœur du dispositif, à l’article 3.

Jusqu’à présent, la politique française de l’aide sociale à l’enfance s’articule autour d’une alternative qui ne me paraît satisfaisante : soit la préservation des liens biologiques exclusifs, soit l’adoption plénière et l’effacement de ces mêmes liens biologiques. Cette dichotomie forte me semble de nature à accroître le dilemme des adultes accompagnant l’enfant – juge, assistant social et conseil de famille.

Pour une raison qui m’échappe, l’adoption simple continue d’être très peu proposée, alors qu’elle existe depuis 1804.

La loi de 2016 l’a récemment réformée pour prévoir qu’elle ne peut être révoquée qu’à la majorité de l’individu. Contrairement à l’adoption plénière, le lien avec la famille biologique est donc maintenu : l’adopté peut en conserver le nom, auquel s’ajoute celui de la famille adoptante. La famille biologique d’origine conserve d’ailleurs l’obligation de le nourrir dans le cas où la famille adoptante ne pourrait plus le faire. Pour le parent biologique, cette solution pourrait s’avérer moins déchirante et permettre une meilleure coopération avec les services sociaux.

Qui plus est, l’adoption simple permet d’établir des liens juridiques plus durables et plus étoffés qu’avec une famille d’accueil rétribuée ou un tiers digne de confiance dont l’enfant ne porte pas le patronyme et qui ne se double pas nécessairement d’une délégation de l’autorité parentale. La superposition de liens biologiques et de nouveaux liens affectifs me paraît être la plus à même de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin, parce qu’elle repose sur la gratuité, elle se révèle également relativement économique.

Les articles 1er à 4 s’inscrivent dans la logique de recherche d’une plus grande stabilité pour l’enfant, cette même logique qui avait prévalu en 2016 avec la redéfinition du projet pour l’enfant et l’inscription de la recherche de stabilité au sein des missions de l’ASE. Il s’agit en particulier d’adapter les procédures à l’âge de l’enfant, en fonction du risque d’impact pour son développement, et de lui apporter le plus rapidement possible une solution stable, qui ne soit pas totalement excluante pour la famille biologique.

Madame, monsieur les rapporteurs, je comprends la prudence, faute de données suffisantes sur les évolutions de la loi de 2016. J’espérais justement que cette initiative permettrait d’en obtenir davantage.

Dans cette proposition de loi, les mineurs isolés étrangers prennent une place particulière. Comme je l’évoquais à l’instant, au regard des données disponibles, leur situation semble différente de celle des autres mineurs concernés par l’ASE.

Il est vrai que le parcours migratoire de ces adolescents peut les amener à une maturité plus précoce que des enfants élevés dans des cadres protecteurs, ce qui justifie, pour certains, de ne pas les prendre en charge. D’une certaine manière, leur situation se rapproche de celle des jeunes majeurs issus de l’ASE que notre proposition de loi prévoit également de mieux accompagner.

Nous savons que la majorité est une fiction législative, qui est d’ailleurs passée de 21 ans à 18 ans en 1974 par la seule volonté du législateur. Ainsi, au regard de notre droit, nous ne pouvons nous dispenser de les considérer encore comme des enfants et de leur offrir la protection que la minorité garantit, sauf à introduire des ruptures d’égalité fondées sur le seul critère de nationalité, ce qui n’est pas acceptable.

Nous savons aujourd’hui que notre inaction les expose à des réseaux, à de la violence, et que leur errance nourrit un climat d’insécurité qui ne convient à aucun d’entre nous. En particulier, leur difficulté à ouvrir un compte bancaire renforce leur vulnérabilité, en les contraignant à conserver leur argent liquide avec eux. L’un d’entre eux est mort en février dernier en tentant de conserver son pécule.

Tous ceux qui ont accompagné ces jeunes savent à quel point la reconnaissance est un vecteur vertueux d’intégration. C’est la raison pour laquelle je propose quelques simplifications administratives destinées à leur permettre de s’insérer plus facilement dans notre société.

Je ne néglige pas l’importance de l’effort budgétaire que ces mesures représentent pour nos concitoyens. Mais je pense que la société s’enrichirait de la sensibilité de ces jeunes aux parcours moins rectilignes que bon nombre d’entre nous et que nous avons beaucoup à apprendre de leur résilience.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les sujets abordés par la proposition de loi que nous examinons sont tous d’actualité. Notre collègue Josiane Costes participe ainsi à une large réflexion menée sur la politique publique en matière de protection de l’enfance, dont chacun s’accorde à dire qu’elle doit être améliorée.

De nombreux travaux ont été publiés au cours des derniers mois. Je citerai le rapport sur l’adoption de notre collègue Corinne Imbert et de la députée Monique Limon, remis en octobre 2019, ou encore l’avis du Comité consultatif national d’éthique publié le 7 mai dernier.

De son côté, le Gouvernement – au travers de votre action, monsieur le secrétaire d’État – a lancé une stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance pour les années 2019-2022, principalement fondée sur une contractualisation pluriannuelle entre l’État et les départements. Elle comprend aussi un volet qui devrait être mis en œuvre par voie législative, en particulier sur l’adoption.

Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous faire un point sur son calendrier ?

Par ailleurs, la crise du Covid-19 et le confinement qui s’est ensuivi ont mis en lumière avec acuité la difficile situation des enfants victimes de violences intrafamiliales et de ceux qui vivent dans des foyers de l’aide sociale à l’enfance ou dans des familles d’accueil.

La proposition de loi se fonde sur un certain nombre de constats et d’objectifs partagés par les auteurs des travaux précédemment évoqués et comprend de nombreuses mesures. Toutefois, il nous a semblé que le texte initial n’apportait pas de réponse suffisamment efficace et globale aux problèmes actuels. C’est la raison pour laquelle la commission des lois n’a pas adopté de texte.

Les articles 5, 6 et 9 ont été délégués au fond à la commission des affaires sociales.

Les articles 1er et 2 visent à accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental dans le but d’offrir, le plus tôt possible, une prise en charge pérenne des enfants, via l’adoption.

L’article 1er permettrait de constater le délaissement, au bout de six mois seulement, et non plus un an, pour les enfants âgés de moins de 3 ans. L’article 2 supprimerait l’obligation préalable de proposer des mesures de soutien appropriées aux parents. Il imposerait également aux tribunaux judiciaires de statuer dans un délai de deux mois, réduit à un mois si l’enfant a moins de 3 ans, à compter du dépôt de la requête.

La commission des lois a jugé trop hâtif le postulat selon lequel accélérer la procédure de délaissement parental améliorerait automatiquement l’adoptabilité des enfants. Tous les enfants délaissés ne deviennent pas pupilles de l’État et tous les pupilles de l’État ne sont pas nécessairement adoptables.

Par ailleurs, le délai d’un an pour constater le délaissement semble raisonnable au regard des difficultés que traversent les familles concernées. Devoir proposer aux parents des mesures de soutien appropriées pendant cette période est respectueux de l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant et permet de mieux caractériser ensuite l’absence d’implication des parents.

Enfin, contraindre les juges à statuer dans un délai de deux mois ou d’un mois ne semble ni réaliste ni souhaitable, en raison de la complexité des enjeux de ces dossiers et de la nécessité de procéder à des investigations.

Notre collègue Josiane Costes propose une nouvelle rédaction de l’article 3 relatif au procès-verbal de remise d’un enfant par ses parents au service de l’ASE qui nous semble pouvoir être adoptée. Nous l’examinerons tout à l’heure.

L’article 4 tend à rendre plus difficile la reprise d’un enfant placé sur l’initiative de l’un ou de ses deux parents auprès des services de l’ASE pendant la période de réflexion de deux mois qui leur est accordée. Deux formalités seraient imposées : un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille, dont il n’est pas précisé s’il aurait la possibilité de s’opposer à la restitution de l’enfant.

Ce dispositif nous a paru susceptible de porter une atteinte disproportionnée aux droits des parents de mener une vie familiale normale. La durée de réflexion est déjà suffisamment brève sans qu’il soit besoin d’y ajouter des obstacles.

L’article 7 vise à étendre à tous les départements la validité de l’agrément délivré pour l’adoption des pupilles de l’État par un président de conseil départemental. Il est à craindre que la multiplication des candidatures enregistrées auprès des conseils départementaux n’aboutisse à une surcharge administrative pour leurs services.

Mieux vaudrait faciliter les échanges au niveau national entre conseils départementaux, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants dits « à besoins spécifiques », c’est-à-dire porteurs de pathologies ou de handicaps, plus âgés ou encore membres de fratries, qui représentent près de la moitié des pupilles de l’État, mais qui correspondent rarement aux attentes des parents candidats à l’adoption. Notre collègue Josiane Costes propose d’ailleurs un amendement visant à asseoir juridiquement un fichier national des agréments qui semble intéressant.

L’article 8 vise à créer un mécanisme de coordination en matière de parrainage d’enfants étrangers. Mais la commission des lois a relevé diverses difficultés, dont une absence de définition légale du « parrainage » international.

L’article 10 vise à instaurer une présomption de désintérêt à l’égard des parents de mineurs étrangers arrivés sur le territoire national et qui s’y trouveraient isolés pour faciliter la délégation de leur autorité parentale.

Outre que les textes en vigueur permettent déjà au juge de prononcer une délégation d’autorité parentale pour un mineur isolé étranger quand c’est nécessaire, ce dispositif nous est apparu attentatoire aux droits des parents de ces enfants, qui souvent suivent de près le parcours migratoire de leur enfant et ne sont pas tous délaissants.

L’article 11 tend à permettre l’attribution automatique de la nationalité française au mineur adopté en forme simple, donc dans les mêmes conditions que celles actuellement prévues pour l’adoption plénière. Cette nouvelle modalité d’octroi de la nationalité ne semble pas nécessaire pour faciliter l’intégration de ces mineurs, qui disposent d’une voie spéciale d’accès à la nationalité. De plus une telle mesure opèrerait un renversement très important de notre droit et modifierait la nature même de l’adoption simple.

L’article 12 vise à transférer au juge des enfants la compétence pour statuer sur une mesure de délégation d’autorité parentale à un tiers concernant les mineurs isolés étrangers.

Toutefois, le juge aux affaires familiales est le juge naturel de l’autorité parentale. La commission des lois n’a pas trouvé opportun de prévoir une dérogation qui serait limitée à un seul groupe d’enfant – les « mineurs isolés » – et dans le cadre d’une seule procédure, celle qui est relative à l’autorité parentale.

L’article 13 concerne le « droit au compte en banque » de tout mineur étranger dont les parents ne résident pas sur le sol français. L’auteure de la proposition de loi propose une nouvelle rédaction à laquelle la commission est favorable ; nous le verrons tout à l’heure.

L’article 14 vise à prévoir la délivrance obligatoire d’un « certificat d’authentification de titre d’identité » par les services de douanes lors d’un premier contrôle, pour simplifier les démarches administratives des mineurs isolés étrangers. Ce dispositif est très innovant, mais il ne semble ni opérationnellement possible, ni juridiquement souhaitable.

En tout état de cause, le droit existant prévoit déjà, en cas de doute sur l’état civil d’un mineur non accompagné confié à l’aide sociale à l’enfance, qu’il appartient au préfet de renverser par tous moyens la présomption de validité qui bénéficie aux actes d’état civil étrangers.

L’article 15 tend à faciliter l’admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés qui ont été recueillis par l’ASE après leurs 16 ans et intégrés dans des cursus professionnalisants. Il ne nous semble pourtant pas opportun de supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance de ce type de titres, ni de dispenser ces mineurs de la condition de suivre une formation d’au moins six mois.

L’admission exceptionnelle au séjour doit rester une compétence discrétionnaire du préfet, limitée et appréciée au cas par cas en fonction des perspectives concrètes d’intégration des enfants étrangers concernés.

La commission des lois vous invite donc à adopter les articles 3 et 13, au bénéfice des amendements proposés par notre collègue Josiane Costes, qui en a utilement retravaillé la rédaction ; nous pourrons également adopter deux articles additionnels. En revanche, la commission des lois vous proposera de supprimer ou ne pas adopter les autres articles de cette proposition de loi.

À titre personnel, je souhaiterais souligner qu’un point me semble particulièrement bloquant pour réformer le droit existant : notre manque de recul sur les différents dispositifs en place et leurs effets à long terme, comme l’a rappelé Mme Costes à l’instant.

Il n’y a pas assez de connaissances chiffrées et de travaux de recherche menés dans la durée sur des cohortes d’enfants – ce qu’on appelle des études longitudinales. Il est très difficile de connaître de manière statistique et qualitative les parcours en protection de l’enfance des enfants, pour comprendre les conséquences de telle ou telle décision les concernant, notamment en termes de délinquance ou de scolarité. Nous ne connaissons malheureusement que les cas qui se sont très mal passés.

Pour conclure, je rappellerai les propos de la présidente du groupement d’intérêt public, le GIP, Enfance en danger, propos qui me semblent très vrais : « L’indignation et les émotions suscitées par toutes les situations difficiles vécues par les enfants de la protection de l’enfance constituent des moteurs puissants de l’action, mais il est malgré tout nécessaire de leur adjoindre connaissances et méthodes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Josiane Costes, dont je salue le travail et l’engagement sans faille sur le sujet des mineurs vulnérables, nous permet aujourd’hui de discuter de la protection de l’enfance qui doit retenir toute notre attention, en particulier dans le contexte actuel de pandémie.

La commission des affaires sociales a examiné au fond les articles 5 6 et 9 qui concernent l’aide sociale à l’enfance, dont les services sont de plus en plus sollicités. Le nombre de mesures de suivi a augmenté de plus de 30 % en vingt ans : 344 000 mesures d’ASE étaient ainsi en cours auprès des mineurs et jeunes majeurs en 2017, dont la moitié pour un placement.

En outre, la crise sanitaire rappelle la nécessité de mieux protéger les enfants, en particulier contre les violences intrafamiliales auxquelles ils sont davantage exposés depuis le confinement.

Cette situation nous impose de renforcer la prévention et la prise en charge des mineurs vulnérables, dont ceux qui sont victimes de maltraitance ou de carences éducatives. Il existe malheureusement une certaine hétérogénéité dans l’accompagnement des mineurs et jeunes majeurs par l’ASE selon les départements, bien souvent par manque de moyens.

C’est ce que j’ai pu constater en examinant l’article 6 de cette proposition de loi, qui propose de rendre obligatoire la prise en charge par l’ASE de mineurs émancipés et de majeurs de moins de 21 ans en situation de vulnérabilité. Cet accompagnement, qui prend aujourd’hui la forme d’un contrat jeune majeur, est à l’appréciation des conseils départementaux.

La commission a émis plusieurs réserves sur la mesure proposée, qui risque de créer d’importantes dépenses non compensées pour les départements, au risque de diluer les moyens consacrés à l’ASE. Par ailleurs, il apparaît préférable de conserver une forme de souplesse pour l’accompagnement des jeunes majeurs selon les besoins de chacun : tous les jeunes majeurs suivis par l’ASE n’ont pas forcément besoin d’un accompagnement jusqu’à 21 ans et n’en ont pas forcément le souhait.

Par contre, un travail sur la lutte contre les sorties sèches de l’ASE, comme s’y emploie le Gouvernement, en lien avec les départements, nous paraît préférable à l’instauration d’une obligation.

L’article 9 propose quant à lui que les allocations familiales dues au titre d’un enfant confié à l’ASE ne puissent être maintenues que partiellement à la famille, sur décision du juge.

Je rappelle que le principe posé par la loi est celui du versement aux services de l’ASE des allocations familiales dues au titre d’un enfant placé. Toutefois, pour les situations de placement judiciaire, la loi prévoit que le juge peut décider de maintenir ses allocations à la famille si cette dernière participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter son retour dans le foyer. Le maintien des allocations à la famille est donc laissé à l’appréciation du juge.

En pratique, il ressort des quelques chiffres obtenus qu’il n’est pas systématiquement dérogé au principe du versement à l’ASE.

Des chiffres communiqués par le Gouvernement en 2016 faisaient état d’un versement à l’ASE dans 45 % des cas et d’un maintien des allocations familiales à la famille dans 55 % des cas. Dans certaines situations, il ne paraît pas opportun de retirer ces allocations à la famille. Je pense, par exemple, aux placements en urgence de courte durée, aux placements au titre de l’enfance délinquante, ou encore aux familles nombreuses où des liens sont encore maintenus avec l’enfant.

Pour ces raisons, la commission a considéré qu’il était préférable de laisser au juge une certaine marge d’appréciation pour s’adapter aux différentes situations familiales.

Au total, il me semble qu’un certain équilibre soit opéré entre maintien et retrait des prestations aux familles ayant un enfant placé. À cet égard, je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, est non plus versée à la famille de l’enfant confié à l’ASE, mais reversée à cet enfant sous la forme d’un pécule lorsqu’il atteint sa majorité.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les articles 5 6 et 9 de la proposition de loi. Nous entamons donc notre discussion sur la base du texte initial déposé par notre collègue Josiane Costes. L’examen de cette proposition de loi est aussi l’occasion d’échanger sur les voies d’amélioration de la protection de l’enfance qui connaît encore de trop nombreuses insuffisances.

Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez certainement nous préciser les mesures en cours de déploiement en faveur des mineurs en danger dans le cadre de la stratégie pour la protection de l’enfance mise en place par le Gouvernement à l’automne dernier.

Vous pourrez aussi nous indiquer quelles mesures sont engagées ou envisagées pour soutenir les acteurs de la protection de l’enfance, en particulier les familles d’accueil, dans le contexte de la crise sanitaire. Nous devons leur apporter sans tarder les moyens de poursuivre leur mission pour protéger et accompagner les mineurs vulnérables.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, madame Costes, mesdames, messieurs les sénateurs, « Il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir », écrivait Graham Greene. Ces mots me semblent en parfaite résonance avec l’objet de cette proposition de loi.

Cette discussion sera au moins l’occasion, et je vous en remercie, de mettre dans la lumière ces enfants, ces jeunes pour lesquels les portes restent trop souvent fermées. Je sais, madame la sénatrice, que ce sujet vous tient particulièrement à cœur.

Il fera forcément écho dans votre assemblée où siègent non seulement de nombreux anciens présidents ou présidentes, vice-présidents ou vice-présidentes de conseils départementaux qui ont œuvré, sur leurs territoires, pour protéger au mieux les enfants et les jeunes les plus vulnérables, mais aussi d’anciens ministres chargés de dossiers relatifs à l’enfance, comme le président Bas, qui a porté la loi du 5 mars 2007, et Laurence Rossignol, qui, s’appuyant sur le travail remarquable des sénatrices Meunier et Dini, a défendu la loi du 14 mars 2016. Je veux enfin citer les initiatives et travaux menés par la sénatrice Imbert – bien évidemment, j’y reviendrai – et par le sénateur Iacovelli, au printemps 2019.

Nous avons tous, collectivement, un devoir de protection vis-à-vis de ces jeunes dont la trajectoire de vie est plus difficile, et parfois dramatique. C’est la mission de notre service public d’aide sociale à l’enfance, avec près de 340 000 enfants et jeunes accompagnés dans des lieux d’accueil, au domicile familial.

C’est ici pour moi l’occasion de saluer une nouvelle fois publiquement l’engagement des élus départementaux et de l’ensemble de leurs équipes, mais aussi des travailleurs sociaux, des assistants familiaux, des associations, des établissements et des services. Ces derniers sont quotidiennement auprès de nos enfants et ils l’ont été plus encore au cours de cette crise.

Toutefois, outre assurer leur protection et leur sécurité, nous devons aussi les accompagner vers l’autonomie. C’est d’ailleurs, madame la sénatrice, ce à quoi vous faites explicitement référence dans le titre de votre proposition de loi, avec les termes « épanouissement » et « développement ».

Quand on regarde certaines études, certaines enquêtes, on s’aperçoit, par exemple, dans certains territoires, que 40 % des enfants placés ont un parent qui a lui-même été placé. Quand on sait que 25 % des jeunes sans domicile fixe ont eu, à un moment de leur vie, un parcours à l’aide sociale à l’enfance, que 20 % des adultes qui sont en détention ont aussi connu l’aide sociale à l’enfance, on comprend que nous sommes encore loin d’avoir brisé ce qui semble s’apparenter à une chaîne de fatalité.

En réalité, ces enfants et ces jeunes protégés ne demandent qu’à être des enfants comme les autres et à être considérés comme tels, rien de plus, rien de moins. J’en suis convaincu. C’est tout ce qu’ils nous demandent, et c’est tout ce que nous leur devons.

C’est tout le sens de l’action que je mène depuis seize mois. Dès ma nomination, comme l’ont rappelé les rapporteurs, j’ai engagé une large concertation avec l’Assemblée des départements de France, l’ensemble des acteurs associatifs et institutionnels : six groupes de travail ont été installés pour aboutir, quatre mois plus tard, à une stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Naturellement, il n’est pas totalement innocent d’avoir intégré la notion de prévention dans le titre et au cœur de cette stratégie pour les trois prochaines années.

Cette stratégie porte la volonté d’un partenariat renouvelé entre l’État et les collectivités départementales, qui sont chefs de file de la protection de l’enfance depuis les lois de décentralisation. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu, à l’instar de ce qui avait été élaboré pour la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté définie par le Président de la République et le Gouvernement en septembre 2018, une contractualisation sur la base d’engagements communs réciproques, fondée sur quatre objectifs.

Il s’agit, tout d’abord, d’agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leur famille, car le volet de la prévention est insuffisant dans notre pays, en particulier dans le champ social.

Ensuite, il convient de sécuriser les parcours des enfants protégés et de prévenir les ruptures de vie, entraînées parfois par le système lui-même, ce qui peut, dans certains cas, s’apparenter à une forme de maltraitance institutionnelle inadmissible.

Par ailleurs, il faut donner aux enfants les moyens d’agir et de garantir leurs droits. La pleine participation de ceux-ci à l’élaboration de cette politique publique dans nos instances de gouvernance doit être un objectif, tout comme leur pleine participation à leurs conditions concrètes de vie dans leurs établissements, leurs familles, les conseils de la vie sociale.

Enfin, il est nécessaire de préparer leur avenir et de sécuriser leur vie d’adulte, en articulation, j’y reviendrai, avec les mesures de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, laquelle, dès avant ma nomination, prévoyait de s’attaquer à la question des sorties dites sèches.

J’ai proposé cette démarche à l’ensemble des départements. En un mois, plus de 60 % d’entre eux ont répondu favorablement, avec des propositions très concrètes et des projets très élaborés, sur les volets relatifs tant à la prévention – je pense notamment à la protection maternelle et infantile (PMI), qui faisait partie d’ailleurs des « obligations » proposées au département, car nous avons besoin de renforcer ce formidable outil – qu’à la protection de l’enfance – je pense en particulier à l’accompagnement médico-social des enfants de l’aide sociale à l’enfance. Vous le savez, en France, plus de 20 % de ces enfants bénéficient d’une reconnaissance par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), c’est-à-dire qu’ils sont en situation de handicap.

Du fait de l’articulation de dispositifs sociaux et médico-sociaux, dans notre pays qui affectionne le fonctionnement en silo, un certain nombre d’usagers, dont la situation est au croisement de différentes politiques publiques, tombent dans le trou qui sépare les dispositifs. D’ailleurs, la période de confinement et de crise dont nous sortons progressivement a mis à l’épreuve ce défaut d’articulation. Elle a imposé aux acteurs d’être particulièrement créatifs pour assurer une continuité de prise en charge. Chacun a dû faire montre d’adaptation et de créativité.

Quoi qu’il en soit, il y a mieux et plus à faire. Cet aspect est au cœur de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance que je soutiens et des projets élaborés par les départements, puisque trente d’entre eux engageront cette stratégie dès cette année.

La semaine dernière, Olivier Véran et moi-même avons signé et publié la circulaire fixant le cadre opérationnel des discussions, à l’attention des préfets, des directeurs généraux des ARS et des départements. Elle permettra que soient délégués, de façon très concrète, les 80 millions d’euros que vous aviez votés, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances de 2019. J’espère que l’intégralité des départements suivra, notre stratégie ayant évidemment vocation à s’étendre partout.

Malgré la crise sanitaire que nous traversons encore et face à laquelle les départements restent en première ligne, la contractualisation est d’ores et déjà relancée, car il y avait urgence à agir.

Contrairement à ce que certains feignent de croire, cette stratégie nationale ne se résume pas à une démarche partenariale. Dans le prolongement des réflexions et travaux menés par le passé, je souhaite que nous réformions en profondeur la gouvernance des politiques de protection de l’enfance, en nous interrogeant notamment à l’échelon national sur leur pilotage insuffisant, en dépit de la création du Conseil national de la protection de l’enfance en 2016. En effet, le regroupement et le renforcement des institutions existantes restent trop morcelés.

Pour ce faire, j’ai demandé à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de me proposer des scénarios techniques d’évolution sur ce point. J’attends ses conclusions dans les prochaines semaines, la crise sanitaire ayant très légèrement décalé les choses. C’est une priorité, même si ce sujet peut paraître un peu technique. C’est fondamental pour la conduite de nos politiques publiques de protection de l’enfance, notamment pour garantir l’égalité territoriale que vous évoquiez, madame la rapporteure pour avis.

Bien évidemment, la réforme du pilotage local aura des prolongements et des ramifications territoriales. Les observatoires départementaux de la protection de l’enfance, prévus dans la loi de 2007, ne sont pas encore effectifs dans l’ensemble des départements. Les évolutions doivent s’accélérer et le pilotage doit être renforcé au plan local, avec la pleine participation des enfants.

Point important qui me tient à cœur, cette stratégie prévoit également une exigence très forte d’amélioration de la qualité et des contrôles des lieux d’accueil des enfants. Cela doit passer par un renforcement des normes en la matière. Ainsi, il n’existe pas de norme pour ce qui concerne, singulièrement, les taux d’encadrement, ce qui semble étonnant.

Le contrôle n’exclut pas la confiance et les liens, qui doivent être forts entre les départements et les établissements. Au contraire, le contrôle est même une condition de la confiance, pour le bien de nos enfants. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi en janvier dernier le Conseil national de la protection de l’enfance pour qu’il puisse me faire, d’ici au mois d’octobre, des propositions d’évolutions législatives et réglementaires visant à mieux définir les taux d’encadrement des enfants dans les lieux d’accueil.

Parallèlement, j’ai demandé à l’ensemble des préfets de me faire remonter, d’ici à l’été, un état des lieux précis des plans de contrôle des structures existantes – cela est prévu dans la loi, mais qu’en est-il dans les faits ? – et des démarches conjointes que peuvent mener État et département quand ils sont face à un dysfonctionnement.

Enfin, sachez que j’ai saisi l’inspection générale des affaires sociales d’une mission de contrôle pour mieux connaître la situation précise des jeunes relevant de l’aide sociale à l’enfance et qui sont actuellement accueillis et hébergés dans des hôtels. Un drame s’est produit en janvier dernier entre deux jeunes dans un hôtel du département des Hauts-de-Seine. Je veux qu’on comprenne ce qui s’est passé. Au-delà, je veux que ce soit l’occasion de connaître le nombre d’enfants logés dans les hôtels. Car nous l’ignorons, et c’est inadmissible. Je veux aussi que nous essayions, ensemble, de trouver des voies de sortie et d’amélioration pour ces situations.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, le sujet des mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs. La sécurisation des statuts et des parcours des mineurs non accompagnés, notamment la facilitation de leurs conditions de séjour et de travail, constitue pour moi un point de vigilance, et même d’engagement. Christophe Castaner, Muriel Pénicaud et moi-même y travaillons depuis plusieurs mois. Mes collègues m’ont confirmé leur souhait de faciliter les parcours, en activant de manière prioritaire les outils de droit commun. J’estime en effet que c’est le droit commun qui doit être mobilisé, probablement plus fortement pour ces jeunes.

Je pense notamment au Pacea, le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, à la garantie jeunes – en la matière, les réflexions se sont élargies, et nous faisons en sorte que les jeunes de l’aide sociale à l’enfance soient au centre de ces dernières – ou au service civique.

Nous souhaitons partir d’expériences territoriales concrètes, identifier et évaluer avant de généraliser. Ainsi, des coopérations ont été engagées dans le Haut-Rhin, entre département, associations, Pôle emploi et les services d’aide à la personne, pour favoriser l’emploi des mineurs non accompagnés qui sont devenus majeurs. Et elles marchent !

Au-delà de la problématique des mineurs non accompagnés, je partage votre préoccupation concernant les jeunes sortant à leur majorité de l’aide sociale à l’enfance. Je le rappelle, l’attention sur ce point s’est traduite, lors de la mise en place de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, par un volet obligatoire de lutte contre les sorties non accompagnées de l’aide sociale à l’enfance, une fois la majorité atteinte. Ainsi, 12 millions d’euros ont été alloués à l’ensemble des départements en la matière. En effet, à deux exceptions près, ces derniers ont contractualisé dans le cadre du plan de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ces 12 millions d’euros servent à financer – je vous donnerai des chiffres plus précis tout à l’heure, si vous le souhaitez – le maintien d’un lien – c’est en effet un aspect fondamental – ou un complément pour le logement.

Par ailleurs, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous expérimentons nationalement avec l’Unhaj, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes, un fonds de solvabilisation à destination des jeunes, pour aider ceux-ci à payer leur reste à charge ou leur fournir une avance en attendant des paiements d’aide personnalisée au logement. Je travaille en outre avec Julien Denormandie à affiner les besoins des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance pour ce qui concerne les volets logement et hébergement. Nous le savons tous, créer un droit au logement, qu’il soit ou non opposable, ne le rend pas forcément effectif. Or, ce qui compte, c’est de trouver des dispositifs qui changent véritablement le quotidien de ces jeunes.

Nous faisons le pari de projets et d’expérimentations que nous menons dans les territoires, notamment avec la Banque des territoires, acteur majeur en la matière, qui accompagne des projets de résidences sociales en Rhône-Alpes, à Marseille ou à La Seyne-sur-Mer, qui intègrent spécifiquement des jeunes sortant de l’ASE en France. Il faut bien entendu amplifier ces démarches et sécuriser la situation de ces jeunes.

Il convient également de renforcer, vous l’évoquiez madame la rapporteure pour avis, la connaissance et la bonne appropriation du dispositif de consignation de l’allocation de rentrée scolaire, dispositif prévu et instauré par la loi du 14 mars 2016, soutenu notamment par Laurence Rossignol. Il a concerné l’année dernière plus de 47 000 enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Si plus de 3 000 jeunes ont récupéré l’année dernière leur pécule auprès de la Caisse des dépôts et consignations, près de 12 000 jeunes disposant d’un compte n’ont pas, depuis la mise en œuvre du dispositif voilà quatre ans, entamé de démarches. Cet argent dort, alors que, probablement, certains jeunes en ont besoin.

Il faut donc renforcer la connaissance des droits, voire aller vers une automatisation de l’attribution de droits à la majorité. Nous avançons sur ces sujets. Il n’est en effet pas normal que ces droits, qui sont nécessaires, ne soient pas activés.

L’adoption, à laquelle est consacrée une grande partie des articles de cette proposition de loi, fait également partie intégrante de la stratégie que nous sommes en train de déployer. À la suite des conclusions d’une enquête menée par l’IGAS sur l’ensemble de la procédure d’adoption dans le département de Seine-Maritime, vous vous en souvenez probablement, j’ai souhaité faire de ce sujet sublime – je le dis devant Corinne Imbert – une priorité de mon action.

Ce rapport rappelait qu’aucun système discriminatoire systématique n’avait été institutionnalisé – c’était la question qui était posée à l’époque et que se pose encore un certain nombre de nos concitoyens. Toutefois, un ensemble d’usages et de pratiques, comme les propositions d’enfants à des couples homoparentaux ou à des célibataires ou les demandes d’informations, pouvaient, pour leur part, s’avérer discriminatoires. Nous en sommes arrivés là par le biais de procédures d’adoption insuffisamment transparentes, de modes de désignation et de fonctionnement des conseils de famille parfois trop opaques et de l’absence d’outils de pilotage de la politique de l’adoption.

Il fallait ouvrir les portes et les fenêtres, afin que la puissance publique reprenne légitimement la main aux niveaux national et territorial.

L’une de mes premières actions a été d’élaborer une charte de déontologie rappelant certains principes fondamentaux et devant être signée par l’ensemble des membres des commissions d’agrément et des conseils de famille. Ce fut le cas pour chaque conseil de famille entre septembre 2019 et janvier 2020.

Nous ne pouvions évidemment pas nous arrêter là. C’est pourquoi les mesures visant à améliorer l’adoption font partie de la stratégie que je défends. Elles font l’objet d’une mission bipartite avec l’Assemblée des départements de France, qui a été conduite par la sénatrice Corinne Imbert – je la salue et je la remercie encore de son excellent travail – et par la députée Monique Limon.

Vous avez raison, madame la sénatrice, de vouloir agir sur ce sujet, dans la mesure où 50 % des enfants pupilles qui ne sont pas confiés en vue d’adoption ont pourtant un projet d’adoption. Le conseil de famille n’a pas réussi à leur trouver une famille. On le sait, 14 000 familles ont reçu un agrément, alors que seulement 1 500 à 1 600 enfants sont adoptables. Cela signifie qu’il faut attendre dix ans ! Au même moment, des enfants à besoins spécifiques, qu’ils soient en situation de handicap, âgés ou appartenant à une fratrie, ne trouvent pas de famille.

Il faut donc renforcer l’accompagnement des projets d’adoption, en fluidifiant le processus de délaissement, suivant ainsi la voie des sénatrices Rossignol, Meunier et Dini, et mieux accompagner l’adoption simple, je vous rejoins sur cet objectif. Cela relève plus des pratiques, de la formation, de l’accompagnement et des usages que de la loi.

Les pistes mentionnées sont les suivantes : un outil national relatif à l’adoption, des référentiels nationaux, la consolidation de la formation de l’ensemble des professionnels intervenant auprès des enfants et des familles. Les procédures d’agrément, d’adoptabilité et d’accompagnement des parents adoptants doivent être également davantage précisées et sécurisées.

Je veux que l’on facilite l’adoption des enfants à besoins spécifiques. Monique Limon et moi-même avons fait un déplacement dans le Pas-de-Calais. Voilà quinze ans, le psychologue du service d’adoption du Pas-de-Calais a décidé que le département allait « se spécialiser » sur l’adoption des enfants à besoins spécifiques. Il a élaboré un discours d’accompagnement des parents, leur expliquant que, même s’ils adoptent non pas un enfant de trois mois en bonne santé, mais un enfant plus âgé éventuellement en situation de handicap, ils seront tout de même de vrais parents et auront de vrais enfants, qui les aimeront et qu’ils aimeront. Il faut faire cheminer les parents vers ce type d’adoption.

Nous avons rencontré des parents qui s’étaient engagés dans cette démarche. Ils étaient les plus heureux des parents. C’est ce vers quoi il faut aller. L’adoption consiste à donner non pas un enfant à des parents, mais des parents à un enfant.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Oui, mais on a eu tendance à considérer que c’était plus l’un que l’autre. Au demeurant, dans ces matières, tout est question d’équilibre très sensible.

Parallèlement, j’ai souhaité que le Conseil national de la protection de l’enfance et le Comité consultatif national d’éthique, qui sont, par essence, des lieux de représentation et de concertation et disposent de l’expertise nécessaire, complètent par des avis et des recommandations les propositions du rapport Limon et Imbert sur l’adoption, avant que nous les traduisions par des mesures législatives. Ces avis m’ont été officiellement remis fin novembre et début mai. Nous n’attendons plus qu’une opportunité parlementaire pour vous présenter un texte.

Ces différents éléments sont l’occasion pour moi d’inscrire les sujets visés par la présente proposition de loi dans la cohérence globale de mon action. Nous débattrons dans le détail sur les différents articles. Je conclurai en indiquant que certaines des dispositions que vous proposez me semblent pertinentes et adaptées aux orientations et travaux que j’ai cités et à l’action globale et cohérente que je tente de mener. Leur insertion conforte l’édifice juridique et législatif construit jusqu’à présent. Cependant, je l’évoquais à l’instant, cet édifice repose sur un équilibre sensible, complexe et intime. Or, M. Bas le disait, la loi n’est pas forcément en mesure de dire ce qui doit être fait dans le domaine de l’intime. Il faut donc laisser une certaine marge de manœuvre aux professionnels qui exercent au plus près des réalités.

Notre boussole commune, c’est la défense des intérêts de l’enfant et la réponse apportée à ses besoins fondamentaux. L’équilibre dont je viens de parler ne peut pas être fragilisé par une mise de côté trop rapide, trop automatique, de l’environnement familial et de la vie de l’enfant, au risque d’aller à l’encontre des droits de ce dernier et des droits des parents. Les uns et les autres, nous devons agir avec précaution.

Je suis convaincu que nous avons intérêt à fluidifier et à accélérer nos procédures, à accompagner et à former les professionnels de manière interdisciplinaire et interinstitutionnelle, plutôt que de prendre le risque de rigidifier le droit et de passer à côté d’une évaluation fine nécessaire de chacune des situations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être parmi vous ce matin pour parler de ce sujet.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ils font face à la pandémie avec courage et solidarité, et nous leur devons beaucoup.

Mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd’hui nous interpelle avec gravité. En France, deux enfants meurent chaque semaine. Un viol sur mineur a lieu toutes les heures. Environ 73 000 enfants sont victimes de violences chaque année. Il est à craindre que toutes ces atteintes faites aux jeunes en difficulté n’aient été exacerbées par le confinement.

Alors que la protection de l’enfance devrait être un pilier fondamental de l’égalité des chances, afin que chaque mineur de ce pays puisse s’épanouir et se construire en citoyen modèle, notre système reste largement perfectible.

Pour cette raison, le texte proposé par Josiane Costes, que je salue, et les membres du groupe RDSE est bienvenu. Pointant du doigt les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, le manque d’investissement de l’État et les lenteurs procédurales contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant, Mme Costes nous présente une proposition de loi intéressante, apportant certaines réponses aux problèmes majeurs soulevés par le Conseil national de la protection de l’enfance.

Jusqu’à présent, le législateur s’est donné pour mission de préserver un équilibre entre le maintien des droits liés à la parentalité et l’intérêt supérieur de l’enfant. En ont découlé deux échecs majeurs : tout d’abord, l’obstacle à l’adoption, qui interdit actuellement à des personnes le souhaitant d’accueillir aisément un enfant dans leur foyer ; ensuite, des procédures de délaissement longues et fastidieuses, qui plongent certains mineurs dans des situations de précarité, avec des parents souvent violents ou incapables de les élever.

Trop longtemps, le législateur est parti du postulat selon lequel les liens du sang devaient primer et l’enfant demeurer le plus longtemps possible dans sa famille biologique.

Cette tradition devrait impérativement prendre fin. Oui, certains parents ne sont pas aptes à élever leurs enfants. Oui, ces enfants doivent être mis à l’abri, protégés et confiés à des familles adoptives susceptibles de réunir les conditions essentielles à leur épanouissement.

Ainsi, les auteurs de ce texte ont souhaité rendre le recours à l’adoption simple plus facile. La filiation par adoption simple n’effaçant pas la filiation biologique, les tuteurs adoptifs prendront le relais des parents de sang pour l’éducation des enfants délaissés.

Le dernier pan intéressant de ce texte est le traitement des mineurs étrangers. Alors que le Gouvernement continue à fermer les yeux sur l’enfermement de ceux-ci en centre de rétention administrative, au détriment des préconisations de la Cour européenne des droits de l’homme, cette proposition de loi nous rappelle un élément fondamental : avant d’être des étrangers, ces mineurs sont des enfants, qu’il faut éduquer, intégrer et, surtout, protéger. En permettant à ces derniers d’accéder plus aisément à un titre de séjour et en simplifiant les règles d’adoption pour les enfants nés à l’étranger, on ferait des pas pour la normalisation de leur situation. Si ces mesures étaient adoptées, nous changerions de paradigme : l’enfant primerait sur le migrant. De tels éléments rendraient plus humaines nos politiques d’accueil des mineurs étrangers et nous saluerions positivement ces évolutions.

Cependant, certaines dispositions proposées dans ce texte semblent éloignées des réalités de terrain, voire contre-productives. C’est notamment le cas des conditions de reprise des enfants placés, qui font l’objet de l’article 4.

Pour cette raison, le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi. Nous sommes cependant favorables à ce que des travaux soient menés sur un tel sujet. C’était d’ailleurs le sens de notre proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, rejetée par notre assemblée le 20 novembre 2019.

Mes chers collègues, nos enfants sont l’avenir de notre pays. Actuellement, 300 000 mineurs sont pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Eux aussi ont le droit à un avenir meilleur, à une citoyenneté épanouissante, à une sûreté économique et à un accès sécurisé à l’éducation et à la vie active. Si nous menons ce combat de front, leur futur n’en sera que plus stable et enviable.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Yves Leconte et Mme Françoise Laborde applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un grand plaisir de rejoindre cet hémicycle pour cette merveilleuse occasion, chère Josiane Costes, de parler de la protection de l’enfance. Je vous en remercie.

Il n’est pas coutume que nous abordions ce sujet, qui devrait d’ailleurs « sortir » de l’hémicycle bien plus souvent. Dans nos départements, c’est un sujet « confiné », personne n’ayant envie de discuter de la protection de l’enfance, parce que c’est une défaite que des enfants soient abandonnés ou violentés. Si nous en parlons ici aujourd’hui, il est surtout important d’en parler dehors, demain, avec fièvre et envie de travailler tous ensemble. Car s’il est louable de publier des rapports, il faut surtout mettre notre énergie dans l’action.

La protection de l’enfance reste un sujet tabou, et il faut que cela cesse. Ces enfants sont aussi des enfants de la France, et nous ne devons pas les oublier.

Une fois n’est pas coutume, je veux remercier, en tant que responsable de la protection de l’enfance dans mon département, le cabinet de M. le secrétaire d’État. En effet, durant la pandémie, j’ai pu remarquer à quel point il s’était mobilisé. Certes, le protocole est toujours un peu trop long ! Malgré tout, nous avons vu son énergie à répondre à nos attentes et, surtout, à nos nombreuses questions, avec précision et célérité. Merci, monsieur le secrétaire d’État, et merci à ceux qui sont à vos côtés !

Je veux maintenant me joindre aux remerciements d’Esther Benbassa à tous les acteurs de la protection de l’enfance, qu’il s’agisse des médecins, des agents du conseil départemental, des éducateurs ou de tous ceux qui gravitent autour de la protection de l’enfance, en particulier les assistants familiaux. En effet, ne l’oublions pas, ces derniers ont travaillé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant deux mois et demi. Ils méritent toute notre reconnaissance. Ils sont aujourd’hui épuisés, et j’espère que les départements se mobiliseront pour leur accorder ce qu’ils leur doivent. Ils ont accueilli et accompagné ces enfants, sans le soutien des IME, les instituts médico-éducatifs, ou des ITEP, les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, qui étaient fermés. Ils ont assuré une sorte de très longue astreinte.

Nous devrons d’ailleurs réfléchir au statut des assistants familiaux, parce que, à la marge, quelques avancées sont certainement possibles. Ce statut n’a pas évolué depuis des années, alors que le monde bouge et que les enfants ont des profils de plus en plus complexes.

Je souhaite dépasser le cadre de cette proposition de loi, que j’ai trouvée très ambitieuse, puisqu’elle traite d’une multitude de sujets. Or nous n’avons pas l’habitude d’examiner des propositions de loi comportant autant d’articles. Nous ne sommes par conséquent pas frustrés, comme nous le sommes souvent avec les propositions de loi à article unique.

Pour ma part, je suis engagée dans la protection de l’enfance depuis quinze ans dans mon département. Tous les sujets abordés m’ont paru dignes d’intérêt. Si j’ai été troublée, c’est que je n’ai pas reconnu ces problématiques dans mon département. Mais je veux bien travailler avec vous sur tous ces sujets.

Trois difficultés se posent aujourd’hui, me semble-t-il, en matière de protection de l’enfance.

Premièrement, la protection de l’enfance n’a jamais été financée à son juste niveau. La décentralisation de cette compétence, à l’époque où elle a été décidée, était certes bienvenue ; mais c’est de délaissement qu’il faut désormais parler.

Mmes Laure Darcos et Nadia Sollogoub applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Premier problème, donc : le financement. Le Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’a jamais été alimenté à son juste niveau. Et je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir organisé cette stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, ce qui nous a permis de réfléchir tous ensemble sur les sujets les plus importants, et de travailler sur le fond. J’ai trouvé votre méthode excellente, monsieur le secrétaire d’État ; je ne suis pas membre de La République En Marche, mais lorsque des compliments doivent être faits, je les fais ! J’ai beaucoup apprécié cette méthode de concertation. La contractualisation avec les départements va apporter beaucoup, tant en qualité que financièrement. Pour la première fois, la protection de l’enfance bénéficiera de financements, en contrepartie d’une pratique de qualité et d’innovations.

C’est là justement l’objet du deuxième point que je souhaite aborder : faire bouger les lignes dans nos équipes départementales. Nous avons de très bons professionnels, mais ils ont parfois peur de changer de méthode ou d’orientation. J’avais d’ailleurs dit à Laurence Rossignol, lors des discussions autour de la loi de 2016, que l’inspection de mon département par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) pendant quelques mois avait été un moment important : elle avait justement permis aux professionnels de réfléchir sur leurs méthodes et sur d’éventuels changements d’approche.

Je suggère au Gouvernement de mettre en place des équipes qui iraient dans les départements, et dont la mission ne serait surtout pas de contrôler, mais consisterait à créer une dynamique, à insuffler une énergie, en matière d’innovation et de recherche de nouvelles méthodes. Ces petites équipes qui visiteraient les départements pourraient permettre très vite de diffuser les bonnes pratiques et d’améliorer les mauvaises.

Troisième difficulté : les relations en tuyaux d’orgue, avec lesquelles nous devons hélas quotidiennement composer, entre les départements, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les services de santé, notamment psychiatriques. Ce n’est plus possible ! Il faut que la justice et la protection de l’enfance parviennent à se comprendre mutuellement. Et il faut qu’elles arrivent à communiquer avec la pédopsychiatrie.

Il y a donc trois chantiers – vous avez ouvert le premier, celui du financement, avec la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mme Élisabeth Doineau. Vous constatez, mes chers collègues, avec quel enthousiasme je parle de la protection de l’enfance. Merci, ma chère collègue Josiane Costes, et merci à M. le secrétaire d’État d’aller encore plus loin concernant la qualité des pratiques.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Amiel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de mineurs pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en 2020 est estimé à 350 000, contre 300 000 en 2017. Cette hausse s’explique par une meilleure détection des cas critiques, via les enseignants et les assistants sociaux dans les familles. Mais elle livre aussi le constat d’une situation de plus en plus inquiétante.

Avec le confinement dû à l’épidémie de Covid-19, les violences intrafamiliales ont augmenté, en particulier la maltraitance à l’égard des plus jeunes.

La protection de l’enfance est l’un des aspects cruciaux de la politique d’égalité des chances en France. Elle vise en effet à offrir une prise en charge garantie par l’État partout où l’autorité parentale est défaillante. Cette prise en charge est loin d’être parfaite, même si je tiens à féliciter les personnels de l’ASE, qui font beaucoup avec peu, ainsi que tous les professionnels impliqués, services départementaux, associations, magistrats, et les familles d’accueil qui reçoivent ces jeunes.

Je prends l’exemple de mon département, l’Eure. En 2015, les enfants placés y étaient au nombre de 1 845 ; en janvier 2020, ils étaient 2 300 ; 453 assistants familiaux travaillent pour le département. Ces familles accueillent plus de 60 % des enfants placés. Les 40 % restants se répartissent entre six maisons d’enfants à caractère social, quinze lieux de vie et d’accueil et un foyer de l’enfance. Pour toutes ces structures, le budget de l’ASE dans l’Eure est de 70 millions d’euros pour l’année en cours.

L’État a un triple rôle : piloter la politique de l’enfance, contrôler la qualité des dispositifs et créer des partenariats avec les conseils départementaux. Une enveloppe de 80 millions d’euros a été débloquée en octobre dernier – c’est une bonne nouvelle – pour la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Et l’Eure fait partie des trente départements sélectionnés pour en bénéficier. En cofinançant les projets du département, l’objectif est de donner aux jeunes placés les mêmes chances qu’aux autres.

Les critiques se multiplient contre les foyers et les structures qui accueillent ces mineurs. Les délais sont importants – 31 % des pupilles de la Nation ne le deviennent qu’après une prise en charge d’au moins cinq ans par la protection de l’enfance. Il faut repenser la durée des procédures et mieux gérer chaque parcours. Je salue la volonté, qui est celle de mes collègues du RDSE, à commencer par Mme Costes, de revoir sans faux-semblants cette question complexe. Tout le monde veut bien faire, car la protection de l’enfance est une tâche noble.

Cependant, cette proposition de loi fait de l’intérêt de l’enfant le seul marqueur, unique et absolu, de cette politique. Or les besoins médico-sociaux, les modes de garde, l’intérêt des parents et de la fratrie, doivent aussi être pris en compte. L’avis de l’enfant n’est pas exempt de revirements. Ce sont tous ces besoins complexes, et parfois opposés, que la loi doit synthétiser.

Cette proposition de loi semble reposer sur un raisonnement quelque peu paradoxal. D’un côté, elle s’appuie sur le désir de parentalité. Or être parent n’est pas un droit ; c’est un devoir, et même une série de devoirs. D’un autre côté, ses auteurs envisagent, notamment aux articles 3 et 4, un recours prioritaire à l’adoption le plus tôt possible lorsque la parentalité est défaillante, arguant du fait qu’un enfant pourra ensuite « explorer sa parenté biologique », alors même que l’on sait pertinemment que l’adoption est complexe et parfois traumatisante.

La responsabilité des mineurs revient légalement à leurs parents. L’autorité parentale, cette valeur chère à ma famille politique, doit rester au cœur de la décision. L’État doit intervenir lorsque c’est nécessaire, en particulier durant cette période de crise sanitaire, mais en aucun cas déresponsabiliser les parents ou s’y substituer.

Ce sujet est encore trop souvent tabou ; l’ambition de tous est d’éveiller la conscience collective quant aux violences subies par les enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à Josiane Costes de nous avoir conduits à traiter de ce sujet si important. La France a signé la Convention internationale des droits de l’enfant, mais combien de lignes de ce texte restent lettre morte et non respectées ? Selon un chiffre de 2018, 306 000 mineurs sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ; les juges des enfants ont été saisis, toujours en 2018, de 126 145 mineurs en danger, et 122 mineurs ont été victimes d’infanticide ; le nombre d’appels au 119, numéro d’urgence pour l’enfance en danger, a augmenté de 113 % pendant les deux mois du confinement ; la plateforme d’accueil de l’enfance en danger a vu le nombre des appels qu’elle reçoit augmenter de 56 % par rapport à l’an dernier.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, cela a été dit : le travail de l’ensemble des personnels de l’ASE, dans tous les départements de notre pays, est essentiel pour faire face à cette situation.

Des enfants sont victimes de violence ; à cet égard, je dois regretter, au nom de Mme Michelle Meunier, que deux amendements qu’elle avait déposés aient été retoqués, une fois encore, en vertu du fameux article 45 de la Constitution, qui est toujours appliqué ici dans des conditions que je juge déplorables. Car enfin, que l’éducation et l’action sociale doivent s’exercer sans aucune violence ni morale ni physique, cela va de soi. Mais il n’est sans doute pas inutile de le dire ! C’est en tout cas ce qu’a pensé Mme Michelle Meunier, qui m’a chargé de vous faire part de sa réaction.

S’agissant des articles 1er, 2 et 4 de la proposition de loi, nous partageons totalement la position de M. Alain Marc, le rapporteur, car nous pensons que ces mesures pourraient être préjudiciables à l’enfance, au lien entre les parents et les enfants, à la possibilité qui doit être donnée aux parents de revenir en arrière eu égard à un certain nombre de procédures.

Pour ce qui est des allocations familiales, nous avons proposé un amendement de suppression de l’article 9 pour laisser – cela nous semble opportun – une capacité d’appréciation au juge. Et je remercie la commission de s’être elle aussi prononcée contre cet article.

Je conclurai par quelques mots sur les mineurs isolés non accompagnés, en commençant par redire, monsieur le secrétaire d’État – mais vous l’avez entendu si souvent que vous en êtes persuadé –, que la prise en charge de ces mineurs exige, sur le plan financier, un plus juste équilibre entre l’État et les départements. C’est nécessaire ! Les départements ne pourront plus continuer à assumer cette mission dans les conditions actuelles.

Ce que propose Mme Costes est très intéressant : introduire une présomption de désintérêt pour faciliter la prise en charge de ces jeunes par les services de l’enfance ; désigner, pour ceux-ci, le juge des enfants – on peut en discuter ; favoriser l’accès à un compte en banque – lorsque des mineurs reçoivent une bourse sans pouvoir la percevoir, il y a quand même quelque chose qui ne va pas, et Jean-Yves Leconte présentera un amendement très précieux à ce sujet tout à l’heure ; favoriser l’attribution de titres de séjour au bénéfice de mineurs non accompagnés intégrés dans un cursus professionnel ; généraliser l’accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans.

Ces mesures vont dans le bon sens. Les 40 000 jeunes non accompagnés – cela a été dit – sont d’abord des êtres humains, et ils sont ici ! Or, vous le savez, mes chers collègues, seuls 42 % de ces jeunes sont reconnus mineurs. Les autres doivent, pour obtenir cette reconnaissance, faire un recours – c’est très compliqué et cela pose des quantités de problèmes.

Ce sujet est encore largement devant nous. Merci, madame Costes, de nous avoir donné l’occasion de l’évoquer à la faveur de l’examen de cette proposition de loi. Je sais que vous entendrez ce message, monsieur le secrétaire d’État.

Mme Viviane Artigalas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative aux mineurs vulnérables dans un contexte de crise sanitaire qui frappe en premier lieu les publics les plus fragiles. Ce texte couvre, en quinze articles, un champ très large et traite de problématiques aussi diverses que complexes.

Je commencerai par saluer la démarche de son auteure, Josiane Costes, dont la proposition de loi permet d’évoquer des sujets essentiels tels que l’adoption, la protection de l’enfance, l’accompagnement des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers. Elle permet de mettre en lumière, une fois de plus, un certain nombre de problématiques et de dysfonctionnements auxquels nous devons apporter des solutions concrètes dans l’intérêt des enfants et des jeunes vulnérables.

Elle s’inscrit également dans un contexte global dans lequel l’ensemble des acteurs sont mobilisés. Le Parlement s’est ainsi souvent saisi de cette question – je pense au rapport de la députée Perrine Goulet, à celui de la députée Monique Limon et de notre collègue Corinne Imbert sur l’adoption, et à la proposition de loi que Nassimah Dindar et moi-même avons déposée en juillet dernier, cosignée par plusieurs collègues siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle, et qui traitait un certain nombre de sujets, dont celui de la prise en charge des jeunes majeurs.

Le Gouvernement, par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, est lui aussi mobilisé dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, qui aboutira, nous l’espérons, à de réelles avancées en matière de protection et d’accompagnement.

On constate enfin une prise de conscience collective partout dans la société, grâce, en premier lieu, aux enfants placés, qui ont largement contribué à libérer la parole et qui, chaque jour, nous rappellent qu’il est urgent d’agir.

Les trois axes de cette proposition de loi, à savoir le délaissement parental, l’adoption, la prise en charge des jeunes majeurs et la protection des mineurs isolés étrangers, constituent des problématiques complexes, mais bien réelles sur l’ensemble du territoire.

Pour ce qui concerne le délaissement parental, l’article 2 supprime l’obligation de proposer des mesures de soutien aux parents délaissants. Nous partageons l’objectif qui sous-tend cette disposition – il s’agit de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au sommet des priorités. Mais nous pensons que son adoption créerait un déséquilibre au regard de la nécessité des mesures de soutien à la parentalité, le délai prévu étant notamment trop restreint. Ces mesures ont montré leurs vertus durant le confinement, période où les tensions ont pu être plus importantes que d’habitude, en particulier dans les familles les plus précaires vivant dans des espaces restreints.

Nous croyons donc en la nécessité de trouver un juste équilibre en protégeant en premier lieu les enfants et en accompagnant davantage les parents en difficulté. Tel est l’objectif du Gouvernement, tant dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance que j’évoquais à l’instant, qu’avec le programme relatif aux 1 000 premiers jours de l’enfant que vous avez mis en place dernièrement, monsieur le secrétaire d’État.

Accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental pourrait également s’avérer inefficace, au regard du fonctionnement de la justice et du caractère délicat de l’appréciation dudit délaissement parental notamment.

Pour ce qui est de l’accompagnement des jeunes majeurs et de la problématique des sorties sèches, personne ne peut accepter que la rue à 18 ans soit la seule option pour ces jeunes. Aujourd’hui, rappelons-le, 70 % des jeunes de l’ASE en sortent sans diplôme ; 40 % des sans domicile fixe de moins de 25 ans sont passés par les services de l’aide sociale à l’enfance, alors même qu’ils ne représentent que 2 % à 3 % de la population globale. Comment pouvons-nous demander à un jeune dont le parcours de vie a été si difficile de faire ses valises le jour de ses 18 ans, alors même que, selon l’Insee, l’âge moyen de décohabitation, en France, est de 27 ans ? Ces jeunes ont eux aussi le droit d’être des Tanguy, comme tous nos enfants !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Le Gouvernement a d’ailleurs interdit les sorties sèches pendant la durée du confinement, ce dont on ne peut que se satisfaire. C’était évidemment nécessaire au regard des risques auxquels les jeunes sous protection sont exposés. Mais – nous pourrons en parler lors du débat – on a vu, dans un certain nombre de départements, des gymnases réquisitionnés pour accueillir les mineurs non accompagnés ; ils y étaient entassés, à défaut de solutions hôtelières, même si ces dernières, pour les mineurs, ne sont pas forcément la panacée. Il existe en tout cas un vrai problème de prise en charge par les départements.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez récemment publié une circulaire précisant à la fois les objectifs, le calendrier et les financements des conventions qui seront signées d’ici à quelques jours entre les agences régionales de santé (ARS), les préfets et les trente départements volontaires pour mettre en œuvre la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance annoncée le 14 octobre dernier. La fin des sorties sèches y est préconisée ; nous nous en réjouissons.

Nous saluons la proposition de l’auteure du texte visant à rehausser à 3 ans l’âge jusqu’auquel la situation des enfants confiés à l’ASE est examinée tous les six mois par la commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle. Nous voterons pour cet amendement. Il nous paraît en effet essentiel qu’ait lieu un suivi régulier du développement et du cadre de vie de l’enfant.

Par ailleurs, s’agissant du principe d’une présomption d’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale pour les parents des mineurs isolés étrangers, je comprends l’objectif visant à déléguer totalement ou partiellement l’exercice de cette autorité parentale. Les structures accueillant des enfants se retrouvent en effet confrontées à un certain nombre de situations qui, dans la vie quotidienne de l’enfant, nécessitent l’accord explicite des parents, parfois injoignables et souvent absents. Ces barrières juridiques qui empêchent, par exemple, l’enfant de se rendre, comme tous les autres enfants, à l’anniversaire d’un camarade le week-end, le privent d’une vie normale et portent préjudice à sa sociabilisation.

Cette problématique concerne les mineurs isolés étrangers, mais également tous les publics pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Nous devons donc en débattre, en concertation avec l’ensemble des acteurs, pour trouver, pour ce qui concerne tant les actes usuels que les actes non usuels, un juste équilibre entre l’intérêt de l’enfant et le respect de l’autorité parentale, tout en appliquant les dispositions en vigueur.

Pour conclure, je veux une fois de plus saluer le travail de l’auteure de cette proposition de loi, qui pose ainsi un débat essentiel. Cette question nécessiterait néanmoins une approche plus globale, vu l’importance des nombreux sujets évoqués dans ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à nos collègues de gauche de faire la démonstration, une fois de plus, de leur obsession. Alors qu’ils préparent une proposition de loi tout ce qu’il y a d’intelligent, que tout le monde devrait pouvoir signer des deux mains, concernant la protection de l’enfance, voilà qu’ils se débrouillent encore pour essayer de nous faire passer la pilule de l’immigration massive.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous ne pouvez pas vous en empêcher – c’est plus fort que vous ! Si vous faites une loi pour les petits Français, vous vous sentez obligés de la faire aussi pour les immigrés. En période de crise sanitaire, alors qu’une crise économique sans précédent va nous tomber dessus et que des millions de Français vont peut-être se retrouver au chômage et, qui sait, à la rue avec leurs enfants, vous n’avez qu’une seule priorité : les autres, encore les autres, toujours les autres. Voilà pour la logique délirante de votre proposition.

Mais venons-en au fond, qui est tout aussi dingue. On dirait que vous envoyez un message à l’Afrique, continent économiquement sinistré où la démographie explose, dont environ 40 % des habitants ont moins de 15 ans. §Vous êtes en train d’expliquer à 500 millions de jeunes Africains que, s’ils viennent illégalement chez nous, ils seront accueillis à bras ouverts, et que la France pourvoira à tous leurs besoins. On le sait – cela a été dit ici même, dans cet hémicycle : les fameux « mineurs isolés » seraient en réalité majeurs à plus de 70 %. Mais comme la gauche et la droite ont refusé de rendre obligatoires les tests osseux, on reste dans le flou – cachez ces clandestins que vous ne sauriez expulser !

Ces mineurs isolés pourront, selon les termes de votre article 6, être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 21 ans. Autrement dit, un étranger, entre 18 et 21 ans, pourra faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, mais en même temps être pris en charge par l’ASE, c’est-à-dire par les départements. D’ailleurs, pourquoi 21 ans ? Pourquoi pas 22, 30, ou 40 ans ?

Vous allez en outre dévoyer, avec l’article 11, le principe même de la nationalité française, puisqu’en cas d’adoption simple, c’est-à-dire lorsque l’enfant conserve ses liens avec sa famille biologique, il sera quand même naturalisé français.

L’article 15 est un exemple du laxisme le plus total : alors que, pour obtenir une carte de séjour à titre exceptionnel, les mineurs non accompagnés doivent aujourd’hui être en formation professionnelle depuis au moins six mois, vous voulez supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance du titre et souhaitez que la carte soit délivrable dès le jour de l’entrée en formation.

En résumé, vous attirez d’abord sur les routes de la mort, en Méditerranée, des centaines de milliers de personnes qui viendront bénéficier de notre système social ; vous mettez ensuite tout en œuvre pour qu’elles puissent rester ici toute leur vie ; vous vous apprêtez enfin à créer de toutes pièces des Français avec ceux qui seront arrivés ici et qui parviendront à se faire adopter. Non seulement vous porterez une lourde responsabilité dans les morts qu’il y aura en Méditerranée, mais, en plus, vous allez encore déstabiliser notre sentiment national : comment être une nation si n’importe qui peut devenir Français en un claquement de doigts ?

Votre proposition est non seulement délirante, mais aussi sournoise et malsaine. Vous n’assumez pas vos convictions ; vous vous cachez derrière la protection de l’enfance, à laquelle nous sommes tous attachés. Assumez votre volonté profonde : submerger notre pays d’un tsunami migratoire que vous transformerez en Français de papier.

Marques d ’ indignation sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Josiane Costes vise à apporter des améliorations au dispositif en faveur des mineurs vulnérables sur le territoire national ; il faut en remercier notre collègue.

Ce texte est une pierre supplémentaire à l’édifice constitué, il faut le dire, d’un amoncellement de rapports en la matière, issus de l’IGAS, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), du Parlement, sans oublier les deux grandes lois de 2007 et de 2016, tous ces textes visant à la mise en place d’une stratégie pour la protection de l’enfance.

Si cette proposition de loi est d’essence généreuse, nous restons dans l’attente d’une réforme globale et de grande ampleur, d’ailleurs esquissée par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, au nom du Gouvernement.

Rendre plus facile l’adoption simple des enfants délaissés est une idée certes intéressante ; on peut même se demander si elle va assez loin et s’il ne faudrait pas favoriser purement et simplement l’adoption plénière. Il est vrai que notre culture juridique de la famille donne priorité à la famille biologique, parfois, d’ailleurs, au détriment de l’intérêt de l’enfant. L’occasion m’est offerte de rappeler que l’adoption doit se situer avant tout du côté de l’enfant, et que le droit à l’enfant ne saurait se substituer aux droits de l’enfant. Quelle que soit sa forme, l’adoption doit rester une modalité de la protection de l’enfance : si tout enfant a droit à une famille, tout adulte n’a pas forcément droit à un enfant. Il y a aujourd’hui, en France, beaucoup d’enfants adoptables qui demeurent trop longtemps sans famille ; et, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons échapper à une réforme globale de l’adoption, qu’elle soit simple ou plénière, qu’elle se fasse à l’international ou qu’elle concerne des pupilles de l’État.

Si la prise en charge des jeunes majeurs au-delà de 18 ans afin d’éviter une sortie sèche de l’ASE est une nécessité absolue, elle doit, selon moi, faire l’objet d’un dispositif original, sous forme de bourse, par exemple. Pour beaucoup de jeunes en effet, s’émanciper de l’ASE constitue une volonté absolue, que l’on peut comprendre si l’on considère certains parcours particulièrement chaotiques.

Il existe en outre une grande inégalité territoriale entre les départements, pour des raisons idéologiques, mais aussi et surtout, bien souvent, de moyens. C’est pourquoi je plaide pour un pilotage national du dispositif, et pas seulement d’un point de vue observationnel.

À propos des mineurs non accompagnés, rappelons que si, juridiquement, ils relèvent aussi du droit des étrangers, ils sont avant tout éligibles au dispositif de protection de l’enfance, qui n’exige pas de condition de nationalité, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a signée et ratifiée.

À ce titre, ces mineurs dépendent des départements, et force est de constater, là encore, une grande hétérogénéité. Il y a là une raison supplémentaire, selon moi, d’être en faveur d’un dispositif national, même si, depuis 2013, un protocole a été élaboré entre l’État et l’Assemblée des départements de France pour instaurer une double solidarité, d’une part, de l’État envers les départements, par un appui logistique et financier lors de l’évaluation du mineur et, d’autre part, entre les départements, par un mécanisme de péréquation géographique destiné à équilibrer le nombre de mineurs non accompagnés accueillis, la situation actuelle n’étant guère satisfaisante.

Pour conclure, je veux insister sur ce qui me paraît de loin le plus important, en citant le préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance […] La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

Je défends avec force l’idée que la jeunesse est une priorité et, au-delà des mots, qu’elle doit relever d’une compétence régalienne de l’État, alors qu’à ce jour elle se répartit entre la jeunesse en danger de l’ASE, rattachée au ministère des affaires sociales, la jeunesse réputée dangereuse, confiée à la PJJ et donc au ministère de la justice – le recentrage de la PJJ sur le pénal depuis 2007 me paraît d’ailleurs être une funeste erreur –, et la jeunesse supposée sans problème, relevant, elle, de l’éducation nationale.

Souvenons-nous de la fragilité de l’enfance, et pas seulement dans ses premières années. Un enfant considéré comme normal peut basculer à tout moment, et si un enfant en danger peut devenir dangereux, un enfant dangereux, lui, est toujours en danger.

Insistons encore et toujours sur l’importance de la prévention dans le domaine sanitaire – Mme Doineau l’a rappelé : si l’on dépiste précocement un trouble psychiatrique de l’enfant, il peut guérir –, mais aussi dans les domaines familial et social.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, le législateur s’est régulièrement emparé de la cause des enfants, sous la triple influence d’une prise de conscience à l’échelon national de l’incidence des violences intrafamiliales dont certains enfants sont victimes ; d’un contexte international dramatique fait de guerres et de crises économiques jetant sur les routes et sur les mers des familles avec enfants, mais également des jeunes isolés venant frapper aux portes de l’Europe ; d’un mouvement juridique intervenu au plan international.

Bien sûr, des glissements sociétaux ont préparé ce changement de paradigme, en France et dans le monde. Ainsi, la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, contraignante, a consacré le changement de regard des adultes sur les enfants et produit des jurisprudences dont nous ne mesurons pas encore toute la portée. Relevons encore des initiatives non contraignantes, comme la Déclaration de Genève de 1924 ou la création de l’Unicef en 1947.

Ces dernières années, les occasions législatives de rendre les droits des enfants plus effectifs se sont multipliées de façon transpartisane. Je pense, bien sûr, à la loi de 2016 sous le précédent quinquennat, comme cela a été rappelé, et plus récemment à l’adoption de la loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires ou de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Ces initiatives ont permis de rendre visible la vulnérabilité de certains mineurs du fait de relations familiales toxiques, trop fragiles ou inexistantes. Vous connaissez aussi mon engagement pour la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs et contre l’inceste.

Dans un premier temps, la médiatisation de ces violences a permis de sensibiliser la population et de lever les tabous dans toutes les institutions : familiales, scolaires et même ecclésiastiques.

Dorénavant, la problématique se déplace vers la question de la prise en charge des mineurs vulnérables. Ces derniers mois, plusieurs reportages ont mis en lumière les limites de notre système de protection de l’enfance et l’insécurité qui peut à la fois découler du manque d’encadrement et de l’instabilité des parcours pour ces jeunes.

C’est dans ce contexte que notre collègue Josiane Costes, forte de son expérience de conseillère départementale et d’enseignante, a décidé de s’engager pleinement devant le Sénat pour défendre sa proposition de loi, soutenue par le groupe du RDSE. Très soucieuse d’améliorer la protection des mineurs, elle a voulu mettre toutes ses convictions au service de ceux-ci, afin de leur donner un cadre de vie décent, en particulier aux plus vulnérables d’entre eux.

C’est un sujet qu’elle soutient depuis de nombreuses années ; je tiens à lui rendre hommage pour cette initiative parlementaire qui ne se contente pas de dénoncer les limites du système de protection de l’enfance actuel. Elle vise également à apporter des solutions destinées à tous les mineurs vulnérables, français et étrangers – je ne ferai aucun commentaire sur ce que j’ai entendu précédemment, d’autant que je n’ai pas tout écouté puisque je me suis bouché les oreilles ! –, placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance.

Ses propositions reposent sur le constat de l’affaiblissement budgétaire des départements, qui est malheureusement une tendance structurelle. Cet affaiblissement est lié, en partie, à la performance croissante de la détection des cas problématiques, notamment depuis la loi de 2016 : mieux on détecte les cas de maltraitance, plus nombreux sont les enfants à être pris en charge, c’est mathématique !

Mais surtout, la difficulté financière des départements est liée à l’aggravation de la situation sociale sur notre sol, au renforcement des inégalités et à l’émergence de nouveaux « publics » des services sociaux : les personnes admises à l’asile et les mineurs non accompagnés.

Sans un effort financier supplémentaire substantiel de l’État, il est à craindre que la qualité de la prise en charge des mineurs ne pâtisse de la dégradation de la situation financière des conseils départementaux.

Dans sa tâche, ma collègue s’est attachée à adopter une philosophie positive et à poursuivre les travaux dans la direction de la loi de 2016, qui avait en particulier réformé l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité.

Toutes les propositions contenues dans ce texte tendent, en réalité, à ce que l’enfant puisse bénéficier d’une plus grande stabilité, d’un accueil dans la dignité et le respect de ses droits, rendant possible un accès à l’éducation, sans être balloté entre sa famille biologique, les foyers et les familles d’accueil, mais tout en préservant son droit à connaître ses origines.

Il s’agit de s’élever au-dessus des oppositions classiques de la protection de l’enfance entre, d’une part, la préservation absolue des liens biologiques et, d’autre part, l’idéalisation d’une protection étatique, et ainsi de sortir de tout dogmatisme, ce qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est un souci constant des membres du groupe du RDSE. On confond trop souvent encore l’intérêt supérieur de l’enfant et celui de ses parents.

De façon indirecte, ces nombreuses propositions pourraient permettre de repenser l’action des départements au moment où la prise en charge des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers bute essentiellement sur la question financière, comme l’a montré très récemment l’examen de la proposition de loi Bourguignon à l’Assemblée nationale.

Rappelons que, selon les chiffres de l’Assemblée des départements de France (ADF), en 2019, la seule prise en charge des mineurs isolés étrangers s’est élevée à 2 milliards d’euros. C’est pourquoi il est apparu nécessaire que ces propositions soient présentées dans le texte qui comporte également d’importantes propositions de simplifications administratives en direction des mineurs non accompagnés, lesquels continuent de se trouver dans un angle mort de nos politiques publiques.

Ainsi, avec Josiane Costes, mon groupe espère ouvrir des travaux sur l’adaptation de la protection de l’enfance à ces nouveaux paradigmes juridiques et sociétaux, afin de renforcer l’égalité des chances de tous les mineurs présents sur le sol de la République.

Nous sommes tout à fait favorables, d’une part, à ce que le débat puisse se poursuivre dans les deux chambres, dans un esprit de coconstruction respectueux du travail parlementaire et, d’autre part, à ce que tous les acteurs concernés puissent être associés à cette démarche, comme le permet la navette parlementaire. Sa lenteur a parfois des vertus !

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Xavier Iacovelli et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons donc ce matin cette proposition de loi issue d’une initiative de Josiane Costes.

Les débats relatifs à la protection de l’enfance font souvent suite à des faits divers qui marquent profondément l’opinion publique ; ils se déroulent fréquemment sous le coup de l’émotion et sans véritable recul. C’est pourquoi je veux saluer le travail apaisé et délicat réalisé par l’auteure de cette proposition de loi, nous donnant l’occasion ce matin de parler sereinement de cette question sensible, mais passionnante. Ce texte aborde trois grands sujets.

Premièrement, il vise à consolider la prise en compte de l’intérêt des mineurs délaissés et des pupilles de l’État. Cela se traduit par deux idées fortes, à savoir renforcer la déclaration judiciaire de délaissement et favoriser le recours à l’adoption simple.

En octobre dernier, à la suite de la mission qui nous a été confiée par le Premier ministre, ma collègue députée Monique Limon et moi-même vous avons remis, monsieur le secrétaire d’État, un rapport sur l’adoption, partant du constat que le nombre d’enfants confiés au titre de la protection de l’enfance était en augmentation et que, dans le même temps, le nombre d’adoptions des pupilles de l’État était en diminution. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de vous remercier de nouveau de la confiance que vous nous avez alors accordée. Le renforcement de la procédure de déclaration judiciaire de délaissement était une des préconisations que nous formulions.

Pendant longtemps, il a été considéré que le maintien des liens biologiques devait être la priorité. Toutefois, depuis plusieurs années, on estime que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir.

L’épanouissement d’un enfant ne passe pas nécessairement par le maintien d’un lien continu avec ses parents biologiques. Les différents services de la protection de l’enfance en font quotidiennement le terrible constat. L’occasion m’est donnée de les remercier de tout le travail qu’ils ont accompli, et de saluer le travail réalisé dans les établissements par les assistants familiaux au cours de la pandémie actuelle.

Partant du constat évoqué précédemment, la loi du 14 mars 2016 a instauré la mise en place de commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, les fameuses Cessec. Quatre ans plus tard, un peu moins de la moitié des départements n’a pas encore procédé à la mise en place d’une commission de ce type, non pas par mauvaise volonté, mais parce que les services de la protection de l’enfance sont en tension, confrontés à une augmentation du nombre d’enfants placés et à la diminution du nombre d’assistants familiaux, recherchant sans cesse des places pour accueillir dans les meilleures conditions possible les enfants qui leur sont confiés et pour éviter des prises en charge dans les hôtels. Se pose en arrière-plan, bien évidemment, la question primordiale des moyens financiers dont peuvent disposer les départements pour assurer leur mission.

Un changement de statut pour un enfant devenant pupille et adoptable – adoption simple – paraît évidemment une possibilité sécurisante à la fois pour l’enfant et pour les parents.

Historiquement, l’adoption simple a vu le jour plus d’un siècle et demi avant l’adoption plénière, mais nous savons que la très grande majorité des candidats à l’adoption souhaitent une adoption plénière, alors que le profil des enfants placés et des enfants à adopter a profondément évolué ces dernières années.

Ainsi, la proportion d’enfants dits « à besoins spécifiques » en raison de leur âge, de leur profil psychologique ou de leur handicap a fortement augmenté, rendant, il faut bien le dire, leur adoption plus délicate. Ce n’est bien sûr pas sans conséquence pour les services des conseils départementaux, qui sont les acteurs incontournables de la protection de l’enfance. La pédagogie et l’accompagnement des candidats à l’adoption sont de vrais enjeux, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le même esprit, il serait pertinent de favoriser et de formaliser le parrainage, afin de répondre à la diversité des profils d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Deuxièmement, cette proposition de loi aborde la prise en charge des mineurs au-delà de leur majorité. Les conseils départementaux ne sont évidemment pas insensibles à cette question. Ils accompagnent régulièrement des jeunes majeurs, notamment quand ils sont en cours d’études ou en apprentissage.

À l’inverse, il faut le souligner, et la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales l’a rappelé, il existe des jeunes qui souhaitent voler de leurs propres ailes dès leur majorité et ne veulent surtout plus être accompagnés par les services de la protection de l’enfance. Il nous faut peut-être accepter la diversité des situations.

Enfin, troisièmement, cette proposition de loi concerne les mineurs isolés étrangers. La plupart des départements ont été confrontés à une arrivée massive de mineurs non accompagnés. Il est à noter que depuis la mise en place du fichier biométrique que nous attendions et que le Sénat appelait de ses vœux, le nombre d’arrivées a stagné, à défaut d’avoir diminué.

En Charente-Maritime, afin de faciliter les démarches administratives au moment de la majorité de ces mineurs non accompagnés et de l’arrêt de la prise en charge par le conseil départemental, nous avons fait le choix de travailler étroitement avec les services de l’État, afin d’anticiper la sortie de ces jeunes du dispositif dans les meilleures conditions et d’éviter toute sortie sèche.

Nous l’avons vu, ce texte balaie plusieurs champs de la protection de l’enfance. Si je partage les propositions visant à favoriser l’adoption simple et le parrainage, je préfère attendre et revoir ces sujets à l’occasion de l’examen d’un grand texte relatif à l’adoption, rappelant, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, que l’adoption, c’est d’abord donner une famille à un enfant.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je remercie Mme Josiane Costes de l’occasion qu’elle nous offre d’échanger sur plusieurs aspects d’un sujet majeur, en particulier sur les mineurs étrangers isolés, question que j’ai suivie lors de l’examen des textes législatifs relatifs à l’asile et à l’immigration.

Nous étudions cette proposition de loi à un moment très particulier puisque la période de confinement s’est malheureusement accompagnée d’une hausse très importante des violences intrafamiliales, en particulier des violences sur les enfants, selon les statistiques qui ont été communiquées ces derniers jours.

À la suite de cette période, il est probable qu’énormément de familles seront déstabilisées par la situation sociale et salariale. Elles seront peut-être affectées par une perte de revenus. À cela s’ajoute la question de la capacité à envoyer les enfants à l’école et à faire face à différents défis. Il est donc à craindre des situations de violence.

La proposition de loi que nous examinons appelle quelques remarques importantes. Si éloigner un enfant de ses parents biologiques peut être une nécessité, en particulier en cas de violence avérée, nous devons veiller à faire en sorte qu’un tel éloignement soit très exceptionnel et autant que possible réversible. Il ne faut jamais accélérer les processus de destruction de famille.

Nous estimons que le maintien du lien est dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi l’actuel délai de délaissement de douze mois nous semble un équilibre qu’il ne faudrait pas remettre en cause. Au vu de ce qui se passe dans d’autres pays, six mois seraient probablement pour les enfants de moins de 3 ans un facteur de graves dérives. Il faut de toute façon aider les parents qui sont déstabilisés dans un moment passager à reconstruire le lien avec leurs enfants.

L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990 précise d’ailleurs que sauf maltraitances avérées les États doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’aider les parents à garder autant que possible un lien avec leurs enfants, même lorsqu’ils font face à une dépression, à une maladie, à un moment d’égarement particulièrement grave. Même dans ce cas, il ne faut pas que les conséquences soient systématiquement irréversibles.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l’idée de la présomption de désintérêt pour les parents des mineurs étrangers isolés. Laisser partir son enfant ne constitue pas nécessairement une démarche d’abandon ; c’est parfois, dans le déchirement, l’expression de la volonté de le voir échapper à une vie infernale, à la misère, à l’exploitation. Une appréciation de cet acte devrait-elle de surcroît entraîner des conséquences sur la relation entre les parents et leur enfant ?

Je ferai maintenant quelques remarques sur la question de la nationalité. Eu égard à la manière dont on peut transmettre la nationalité française par une adoption plénière par rapport à l’adoption simple, il y a un petit décalage qui mérite d’être étudié. Enfin, il existe aussi une difficulté par rapport à la situation des pays qui n’acceptent pas une double nationalité.

L’aide sociale à l’enfance est une mission essentielle et l’engagement de ses acteurs doit être salué. Les statistiques qui ont été citées témoignent non pas de l’échec de l’ASE, mais de la difficulté de sa mission.

En particulier pour les jeunes étrangers, se pose la question de la rupture après 18 ans. Quelle différence entre un jour de plus et un jour de moins ? Nous avons tous été parents et nous savons que les jeunes, quel que soit leur âge, ont tous besoin d’accompagnement. C’est encore plus vrai pour ceux qui ont eu une enfance particulièrement compliquée. L’une des difficultés actuelles est donc de prévoir un accompagnement après 18 ans.

Les mesures proposées nous semblent aller dans le bon sens. Il est essentiel de simplifier les parcours administratifs et d’examiner la question des titres de séjour. Il faut aussi rejeter les tests osseux. Je regrette la position du Sénat lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, une coupure ayant été instaurée pour les mineurs isolés dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. De ce fait, un maximum de chances ne peut pas être donné à ces jeunes, qui ont pourtant été aidés avant leurs 18 ans.

Enfin, l’ASE doit rester une priorité nationale. Elle a besoin de moyens, en particulier pour accompagner les familles d’accueil. Je vous remercie, ma chère collègue, de la démarche que vous avez engagée en ce sens.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les dix secondes de temps de parole qu’il me reste, je souhaite vous interroger sur un sujet qui n’a rien à voir avec la proposition de loi, mais qui me semble important. Sans aborder directement le débat de la gestation pour autrui, la GPA, les restrictions de circulation en Europe ont des conséquences dramatiques pour les enfants nés par GPA, en particulier en Ukraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Faut-il, monsieur le secrétaire d’État, pour des raisons morales ou pour un éventuel appel d’air, priver ces enfants de la chance de pouvoir être accompagnés de leurs parents au moment où ils ouvrent les yeux sur le monde ? Il s’agit d’une question préoccupante pour un certain nombre d’enfants français qui sont seuls à l’étranger aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme un certain nombre d’orateurs précédents, je commencerai par remercier l’auteure de cette proposition de loi, Josiane Costes, qui pose les différents enjeux de la protection de l’enfance de façon éclairée.

Il me semble très positif et encourageant de discuter aujourd’hui ensemble, au Sénat, d’un sujet aussi vaste que difficile, qui englobe tant la sortie de l’aide sociale à l’enfance que la situation des mineurs non accompagnés et qui est terriblement d’actualité. En effet, le confinement lié au coronavirus a entraîné pour certains enfants un risque de maltraitance et a mis en lumière les difficultés des violences intrafamiliales.

La raison d’être de cette proposition de loi est donc de promouvoir un recours plus précoce à l’adoption simple d’enfants mineurs dont les parents sont défaillants, mais toujours vivants.

En pratique, la loi rend l’adoption des enfants pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance très difficile, ce qui expose ceux-ci à évoluer dans des structures peu propices à la mise en place de projets de vie stables et structurants, ou de projets éducatifs.

Afin de remédier aux complexités procédurales actuelles et de proposer une alternative davantage pérenne, le texte vise à faciliter l’adoption de ces enfants mineurs dans la forme simple. Il s’agirait, notamment, d’accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental, afin d’offrir le plus tôt possible une prise en charge durable des enfants via l’adoption.

Je suis de l’avis du rapporteur : la précipitation ne semble pas adaptée à des enjeux aussi décisifs, et ce d’autant plus dans le contexte particulier de flou autour de la procréation médicalement assistée et de l’adoption par les personnes de même sexe.

C’est indiscutable, notre rôle est de protéger les enfants, et je suis conscient que certaines situations familiales sont dramatiques. Mais l’enfant ayant quasiment toujours intérêt in fine à maintenir des liens harmonieux avec sa famille naturelle, empêcher une amélioration semble excessif et nuire à son intérêt.

Selon bon nombre d’acteurs spécialisés dans la protection de l’enfance, il faut préserver autant que possible le lien parents-enfant. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Plus tôt on les accompagne, plus on augmente leurs chances de remplir pleinement leur rôle éducatif et de prévenir l’apparition de difficultés éducatives majeures.

La ligne de crête de la protection de l’enfance est de réussir à concilier l’intérêt de l’enfant, le respect de ses droits et le respect des droits des parents. La lutte contre la pauvreté est, par ailleurs, un enjeu réel. Je rappelle que 80 % des enfants en situation de placement viennent de familles vivant avec un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Cette lutte est fondamentale, notamment pour améliorer la prise en charge des mineurs placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance au-delà de leur majorité, comme le propose le texte dans un deuxième temps.

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a élaboré un certain nombre de mesures pour éviter les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance ; elles sont en cours de déploiement sur le territoire. Évaluons-les à moyen terme avant d’en élaborer d’autres.

Je dirai maintenant un mot de la généralisation de l’accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans. Il est de la responsabilité des départements d’accompagner les jeunes de l’ASE arrivant à 18 ans à travers, notamment, les contrats jeune majeur. Mais ils ne s’en affranchissent pas tous de la même façon. De plus, ces contrats concernent prioritairement des jeunes qui ont un solide projet. Or ceux qui ont le plus besoin d’accompagnement sont ceux qui n’ont pas de projet.

Pour les acteurs du terrain, il faudrait soumettre l’accompagnement des jeunes au-delà de 18 ans non pas à un projet précis, mais à l’aboutissement de l’éducation du jeune. En tous les cas, il faudrait prévoir un accompagnement vers la sortie de l’ASE au moins un an avant la majorité du jeune, afin de construire avec lui un projet.

Je finirai mon propos en évoquant l’amélioration de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il semblerait qu’il soit nécessaire de repenser le cadre d’accueil de ces derniers. Il s’agit d’un sujet important pour les conseils départementaux.

Comme je l’ai indiqué, ce texte pose de bonnes questions. Je suivrai néanmoins la commission et je voterai contre, car il n’apporte pas de réponse suffisamment globale et efficiente. Il me semble que les familles ont un rôle à jouer. J’en veux pour preuve l’école à la maison : le confinement n’a-t-il pas montré que les parents étaient les premiers éducateurs des enfants ?

Et si les parents devenaient le centre des politiques éducatives ? Je suis convaincu qu’une réflexion doit être menée sur l’accompagnement à la parentalité dans la politique familiale. Si nous accompagnons les parents, ils accompagneront mieux leurs enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’un espace réservé au groupe RDSE, qui a souhaité l’inscription de deux points à l’ordre du jour. Nous devons suspendre l’examen de ces textes au terme du délai de quatre heures, soit à treize heures.

TITRE Ier

RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DE L’INTÉRÊT DES MINEURS DÉLAISSÉS ET DES PUPILLES D’ÉTAT

L’article 381-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le mineur est âgé de moins de trois ans, le délaissement est constaté au bout de six mois. »

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter cet article, afin qu’il ne soit pas mal interprété.

Comme vous le savez, la loi de 2016 a remplacé la déclaration judiciaire d’abandon par celle du délaissement parental en supprimant l’élément d’intentionnalité qui résultait de la législation antérieure.

La modification que je vous propose aujourd’hui consiste à affiner cet instrument en fonction de l’âge de l’enfant concerné par le délaissement parental, afin de permettre aux institutions de protection de l’enfance de réagir plus rapidement au moment où l’enfant est le plus vulnérable.

Au-dessous de 3 ans, les études de neurosciences soulignent à quel point cette période est structurante pour le développement affectif de l’enfant. L’absence de scolarisation est également susceptible de renforcer l’isolement affectif lorsque les parents font défaut. Il m’a donc paru nécessaire de réduire la période de délaissement susceptible de déclencher cette procédure judiciaire.

Nous connaissons tous les bouleversements que peut induire une naissance pour les parents. Mais il ne s’agit pas en l’occurrence de retirer de sa famille un enfant parce que l’un de ses parents serait atteint d’une dépression passagère. Nous disposons déjà du recul de la jurisprudence civile appliquée à la déclaration d’abandon comme indicateur. Cette jurisprudence paraît particulièrement protectrice de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, les juges ont parfois écarté une telle procédure lorsqu’elle aurait paradoxalement conduit à éloigner l’enfant d’une famille d’accueil à laquelle il était très attaché, alors que tous les critères de l’abandon étaient retenus.

En outre, la jurisprudence garantit également qu’un mineur délaissé pris en charge par un autre membre de sa famille – les grands-parents, par exemple – ne puisse faire l’objet de cette procédure.

En définitive, cette proposition vise essentiellement les enfants n’entrant pas dans les catégories que je viens d’évoquer et se trouvant véritablement délaissés. Elle permettrait un accès plus facile au juge en raison de leur très jeune âge, afin qu’ils puissent se voir offrir plus rapidement un projet de prise en charge plus structurant, et potentiellement une adoption en forme simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 10, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

L’article 1er de la proposition de loi prévoit que la déclaration judiciaire de délaissement peut être prononcée pour les mineurs de moins de 3 ans après un délaissement de six mois.

Cette mesure s’inspire du système existant en Grande-Bretagne et tend à éloigner le plus rapidement possible les enfants les plus jeunes de leur famille biologique lorsque celle-ci est considérée comme pouvant être dangereuse pour eux.

La durée de délaissement actuellement fixée à un an doit être maintenue. La diviser de moitié pourrait donner lieu à des dérives, notamment s’agissant du nombre d’enfants pouvant faire l’objet d’une adoption. Si la durée de six mois était adoptée, comment seront traitées à l’avenir les situations où le parent, malade ou traversant une crise, ne peut pas pour des raisons de santé se manifester auprès de son enfant durant ce laps de temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Le délai d’un an pris en compte pour constater le délaissement parental me semble raisonnable ; il permet de prendre en compte les accidents de la vie auxquels peuvent être confrontés certains parents.

Il y a lieu non pas d’accélérer cette procédure, mais plutôt de mieux l’appliquer, notamment de détecter plus tôt les situations de délaissement grâce à un examen régulier de la situation des enfants.

Je l’ai dit dans mon propos liminaire, le lien entre délaissement et adoption n’est pas automatique. Tous les enfants délaissés ne deviennent pas pupilles de l’État et tous les pupilles de l’État ne sont pas nécessairement adoptables. Les raisons de la non-adoptabilité ne sont pas toujours liées à l’âge de l’enfant. C’est pourquoi la commission n’a pas adopté l’article 1er. Elle est donc favorable à cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je suis également favorable à cet amendement, globalement pour les mêmes raisons que la commission.

La procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental a été créée par la loi de 2016 pour se substituer à l’ancienne déclaration judiciaire d’abandon. Il s’agissait notamment de faciliter le recours à la procédure de délaissement parental et de fixer des critères objectifs au délaissement centrés sur la personne de l’enfant.

Plus de quatre ans après l’entrée en vigueur de cette loi, le bilan est plutôt positif puisque le nombre de demandes faites a plus que doublé et que les rejets sont rares : 32 rejets pour 689 demandes sur l’année 2018.

L’article 1er prévoit une nouvelle évolution des textes pour permettre qu’un délaissement soit constaté au bout de seulement six mois pour les enfants de moins de 3 ans, ce qui me paraît quelque peu disproportionné et probablement inadapté.

Si de jeunes parents ou une jeune mère isolée peuvent être fragilisés par la naissance, ils peuvent se ressaisir – c’est tout le sens de la protection de l’enfance. Notre rôle est d’accompagner les parents en difficulté et de leur apporter un soutien approprié. Il n’est donc pas souhaitable pour l’enfant de le couper de ses parents après seulement six mois si un travail éducatif peut être effectué. C’est l’une de nos ambitions, notamment dans le volet prévention. Je pense au programme concernant les 1000 premiers jours de la vie de l’enfant.

Aucune adoption ne pourrait être étudiée sereinement et dans l’intérêt de l’enfant si les droits de la famille d’origine n’ont pas été pris en compte.

Les textes actuels sur la déclaration judiciaire de délaissement parental sont équilibrés et répondent aux objectifs fixés, en mettant au cœur des procédures l’intérêt de l’enfant.

Afin de répondre à votre préoccupation, madame la sénatrice, un compromis a été élaboré ; vous aurez l’occasion de le défendre et nous aurons le plaisir de le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Je ne suis pas favorable au délai de six mois et je voterai en faveur de cet amendement de suppression. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être défendu, mais nous nous heurtons à des réalités de terrain : six mois, malheureusement, dans les faits et dans la pratique, c’est peu réalisable.

Il serait peut-être plus intéressant de s’assurer que les commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés instaurées par la loi de 2016 soient réellement mises en place dans tous les départements.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article L. 223-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa de l’article L. 223-5, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Cet amendement, qui rejoint la préoccupation exprimée à l’article 1er, vise à adapter les procédures de protection de l’enfant en fonction de son âge, afin d’accompagner au mieux son développement.

Les services de l’aide sociale à l’enfance élaborent tous les six mois, pour les enfants de moins de 2 ans, un rapport établi après une évaluation pluridisciplinaire, qui fait l’objet d’un examen à l’échelon de chaque département par une commission spécifique. Il est proposé d’étendre cette évaluation régulière au-delà de l’âge de 2 ans, jusqu’à 3 ans, âge théorique de la scolarisation en classe maternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

La commission approuve l’initiative de Mme Costes d’inclure les enfants âgés de 2 à 3 ans dans le suivi opéré tous les six mois par les services de l’ASE. Son avis est donc favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

L’article 381-2 du code civil est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : «, après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal statue dans le délai de deux mois après l’introduction de la requête, qui peut être réduit à un mois pour les mineurs de trois ans. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 11, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

L’article 2 de la proposition de loi tend à renforcer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement. Depuis 2016, le constat a été fait que l’obligation de proposer aux parents délaissants des mesures appropriées contribuait à protéger les parents, et non pas l’intérêt de l’enfant.

Dans le cas d’un mineur de moins de 3 ans, la prise de décision du juge serait accélérée par une limitation à un mois de l’instruction. Cette durée passerait à deux mois pour les mineurs de plus de 3 ans.

Cet amendement tend à supprimer cet article, qui aurait pour conséquence de priver l’enfant de ses parents temporairement empêchés. En effet, n’importe quel parent peut-être confronté à un moment donné à des difficultés passagères de durée variable, sans qu’il souhaite pour autant abandonner son enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Les mesures de soutien donnent une chance aux parents en difficulté de s’investir dans le travail éducatif. Elles permettent, ensuite, au juge de caractériser leur absence d’implication. Elles sont conformes à l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui impose aux États parties d’accorder l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever cet enfant. La commission des lois s’est donc prononcée contre la suppression de l’obligation de proposer des mesures de soutien aux parents délaissants.

Pour ce qui est de la durée d’examen des demandes en déclaration judiciaire de délaissement, imposer au tribunal judiciaire un délai de deux mois, voire d’un mois, pour se prononcer, semble irréaliste et peu souhaitable. Le tribunal doit pouvoir réunir des éléments d’information, recueillir l’avis du juge des enfants et organiser un débat contradictoire. Il y va de l’intérêt de l’enfant et des droits de la défense.

L’avis de la commission est donc favorable à cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

L’article 2, dont vous demandez la suppression, monsieur le sénateur, prévoit de supprimer ce devoir qui consiste à apporter des mesures de soutien aux parents. Or, pour caractériser une absence d’implication des parents, il faut nécessairement leur avoir donné la possibilité, et donc les moyens, de s’investir dans le travail éducatif.

Il n’est pas facile d’être parent et l’on n’apprend pas à l’être, tandis que l’on nous enseigne beaucoup de choses dans la vie, comme conduire ou traverser la rue…

Certains parents ont des vulnérabilités de toute nature, et pas seulement sociales, qui peuvent leur poser des difficultés pour éduquer leurs enfants. Il est important que nous soyons à leurs côtés pour les aider. Si rien n’est proposé à cette fin, il serait particulièrement abusif de prononcer un délaissement parental, qui ne serait en aucun cas conforme à l’intérêt de l’enfant.

L’article 2 prévoit, par ailleurs, un délai de traitement de deux mois, voire d’un mois, qui nous semble contraire, d’une part, à l’expérience des juges, auxquels il faut laisser une marge de manœuvre pour apprécier les situations et, d’autre part, à l’intérêt des enfants.

Ces enjeux étant considérables et cet équilibre ne devant pas être remis en cause, l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement de suppression.

L ’ amendement est adopté.

Au dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « est porté sur le procès-verbal » sont remplacés par les mots : « porté sur le procès-verbal précise le cas échéant la forme d’adoption retenue ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 12, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article

La parole est à M. François Bonhomme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

L’article 3 de la proposition de loi promeut l’adoption simple auprès des parents souhaitant placer leur enfant au sein des services de l’ASE en vue d’une adoption. L’objectif serait de réduire le risque d’instabilité pour l’enfant pouvant résulter d’une reprise. Il s’agit de laisser une place à la famille biologique.

Le présent amendement vise à supprimer ce dispositif. Ce sont les parents adoptifs qui doivent décider du type d’adoption qu’ils choisissent pour leur enfant. L’adoption plénière est la forme la plus protectrice d’adoption pour le nouveau lien familial.

L’article 3 de la proposition de loi semble avoir pour objet de tenir compte de la décision des parents biologiques, voire de l’imposer. Or la persistance du lien biologique peut avoir de graves conséquences pour l’enfant, notamment une incompréhension de sa situation entre la famille biologique et sa famille adoptive.

Cette situation est constatée par rapport aux familles d’accueil. Dans cette hypothèse, le maintien du lien avec les parents biologiques tout au long de la minorité mène à des situations d’échec, et parfois à de fortes perturbations pour l’enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Il n’est pas souhaitable, et je rejoins M. Bonhomme sur ce point, que les parents biologiques choisissent le mode d’adoption de leur enfant.

L’adoption doit se faire dans l’intérêt de l’enfant et selon le mode qui lui est le plus bénéfique. C’est in fine au conseil de famille, au nom de cet intérêt supérieur, qu’il revient de décider.

La commission considère que la nouvelle rédaction de l’article visé que va proposer Mme Costes représente un compromis acceptable, car elle met en avant le consentement des parents et non plus leur choix.

Je demande donc à François Bonhomme de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui que va présenter Josiane Costes.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit, à une nuance près. L’avis des parents qui confient leur enfant peut contribuer utilement à la construction du projet d’adoption, même s’il ne peut s’agir d’un choix exclusif guidant ce projet.

Cet avis, qui ne serait pas systématiquement recueilli, peut participer, j’y insiste, à la réussite du projet d’adoption. Il faut laisser cette possibilité. Tel est l’objet de l’amendement que présentera Mme Costes, auquel je serai favorable.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 12 ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Non, madame la présidente ; puisque Mme Costes propose un compromis satisfaisant, c’est avec plaisir que j’accepte de retirer mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 12 est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « procès-verbal », sont insérés les mots : « en précisant le cas échéant le type d’adoption auquel il est consenti » et le mot : « celui-ci » est remplacé par les mots : « ce procès-verbal ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je vais tenter de lever les inquiétudes exprimées par François Bonhomme et d’autres collègues à propos du présent article.

L’article 3 de notre proposition de loi vise à instaurer une relation de confiance entre les parents biologiques et les services sociaux, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Chacun d’entre nous peut imaginer l’état émotionnel d’un parent qui constate son incapacité à exercer son autorité parentale et qui est amené à envisager l’adoption de son enfant par une autre famille. Nous pensons que la possibilité, ouverte par l’adoption simple, pour l’enfant d’explorer lorsqu’il le souhaitera ses origines, après s’être développé dans un univers familial beaucoup plus structuré, peut inciter davantage de parents biologiques en situation très difficile à faire ce choix-là, dans l’intérêt supérieur de leur enfant.

L’adoption simple n’efface pas les liens biologiques et permet même de conserver le patronyme d’origine de l’enfant. Le souhait exprimé par les parents biologiques sur la forme d’adoption ne serait en aucune façon contraignant pour le conseil de famille.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Cette proposition relève des dispositions qui permettent de fluidifier et de simplifier les procédures d’adoption, et d’encourager le recours à l’adoption simple instaurée par la loi de 2016.

Que les choses soient bien claires : il ne s’agit que de l’expression d’un souhait. C’est bien le conseil de famille, au nom du seul intérêt supérieur de l’enfant, qui prend la décision. C’est un point cardinal, qui ne change pas.

L’avis du Gouvernement est favorable.

L ’ amendement est adopté.

Après le mot : « repris », la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « par celui de ses père ou mère qui l’avait confié au service, après un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille dans les meilleurs délais. »

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 4, dans sa rédaction actuelle, vise à encadrer les conditions de reprise par ses parents d’un enfant placé auprès des services de l’ASE. Deux formalités sont exigées : un entretien avec le tuteur de l’enfant et la convocation du conseil de famille.

Nous pouvons, hélas, craindre qu’un tel dispositif ne soit contre-productif et ne stigmatise les parents ayant délaissé leur enfant, alors que toutes les familles ayant eu recours à une telle procédure ne possèdent pas le même profil.

Tous les parents « délaissants » ne sont pas forcément maltraitants. Certains préfèrent confier leurs enfants à l’ASE en raison de problèmes sociaux, financiers, ou encore sanitaires. Or la maladie ou les problèmes d’argent peuvent parfaitement être passagers. Il ne serait donc pas compréhensible de refuser un retour simple des enfants au sein d’un foyer ayant retrouvé une situation normale.

Le droit positif est par ailleurs suffisamment protecteur, dans la mesure où un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social des parents et de l’enfant est proposé pendant les trois années qui suivent la procédure de délaissement.

Bien que nous partagions tous l’objectif défendu par Mme Costes, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant, il ne nous semble pas que cet article soit de nature à en garantir l’effectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Dans le même esprit que les précédents, cet article vise à mieux articuler l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de ses parents de mener une vie familiale normale, en renforçant les conditions de reprise de l’enfant par ses parents biologiques à l’issue du placement auprès des services de l’ASE.

En effet, lors d’un tel placement, l’enfant n’a pas la capacité de choisir et d’être maître de son sort, contrairement à son parent. Sa vulnérabilité est plus grande et, de ce fait, son intérêt supérieur nous paraît primer sur le droit du parent de mener une vie familiale normale.

La décision, prise en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à laquelle il est fait référence dans le rapport, concernait un père biologique qui ignorait la date et le lieu de naissance de l’enfant, et n’avait donc pas pu s’opposer au placement de l’enfant né sous X auprès des services de l’ASE. Il s’agit d’un cas de figure très précis, non représentatif des situations donnant lieu au placement d’enfants auprès de ces services. L’équilibre trouvé par le Conseil constitutionnel face à ce cas d’espèce ne me paraît pas avoir vocation à être généralisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Dans chaque procédure d’assistance éducative, il devrait être obligatoire de prévoir une assistance juridique, notamment celle qui est prise en charge par un avocat, pour les parents, mais aussi pour les enfants, dont la vulnérabilité a été évoquée.

Il arrive que les intérêts de l’enfant soient en contradiction avec ceux de sa famille biologique. Une assistance juridique quasiment systématique, assurée par un avocat, permettrait de régler un certain nombre de problèmes.

Je comprends l’argument selon lequel l’ASE a un rôle de protection de l’enfant, mais je pense qu’il faut prévoir, en plus, une assistance juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 13, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article

La parole est à M. François Bonhomme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

L’article 4 de la proposition de loi renforce les conditions de reprise d’un enfant placé auprès des services de l’ASE, sur l’initiative de l’un de ses parents ou des deux. Selon le droit positif, cette reprise peut intervenir sans aucune formalité. Le renforcement des conditions de celle-ci serait justifié par une meilleure prise en compte de l’intérêt de l’enfant.

Le dispositif proposé dans cet article n’est pas à la hauteur des enjeux. Le présent amendement tend donc à le supprimer.

Les conditions de reprise de l’enfant sont d’ores et déjà strictes, et il serait souhaitable que l’accompagnement du parent et de l’enfant, prévu à l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles, relève du juge des enfants et non pas du président du conseil départemental. En effet, la pratique a tendance à démontrer que ce dernier subordonne toutes ses décisions aux seules préconisations de l’ASE, lesquelles ne se fondent pas toujours sur le seul intérêt de l’enfant.

La mesure d’accompagnement devrait être le résultat d’une décision juridictionnelle, après lecture du rapport de l’ASE et consultation de l’avis des autres intervenants qui assistent l’enfant, y compris son avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

L’article 4 vise à rendre plus difficile la reprise d’un enfant remis à l’ASE par ses parents, en imposant deux formalités : un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille, dont on ignore d’ailleurs le rôle – pourrait-il s’opposer au retour de l’enfant chez ses parents ?

Ce dispositif est susceptible de rompre l’équilibre établi par l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles, et souligné par le Conseil constitutionnel, entre les droits des parents de naissance et l’objectif de favoriser l’adoption. Le délai de réflexion de deux mois est déjà bref au regard des conséquences de la décision prise de remettre son enfant à l’ASE….

L’avis de la commission est donc favorable sur cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. le rapporteur a été très convaincant. La loi de 2016 prévoit que le conseil départemental propose un accompagnement social, psychologique, éducatif des parents et de l’enfant pendant les trois ans suivant la restitution d’un enfant à ses parents. Ce dispositif nous semble approprié et il serait dommage de le remettre en cause.

L’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement de suppression.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

TITRE II

AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS PLACÉS AUPRÈS DES SERVICES DE L’ASE AU-DELÀ DE LEUR MAJORITÉ

La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « ou à la demande l’intéressé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Je rappelle que la commission des affaires sociales n’a pas souhaité adopter le présent article, au motif qu’il était déjà satisfait.

Le droit en vigueur ne prévoit aucun nombre minimal concernant les agréments. L’assistant familial peut être agréé pour l’accueil d’un seul enfant.

L ’ article 5 n ’ est pas adopté.

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-7 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les dépenses d’aide sociale obligatoires engagées en faveur des personnes mentionnées à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-5. » ;

2° À l’article L. 131-2, après le mot : « application », sont insérées les références : « des 1° à 9° » ;

3° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette prise en charge est obligatoire pour les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans lorsqu’ils ont à la fois bénéficié d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, qu’ils sont en situation de rupture familiale ou ne bénéficient pas d’un soutien matériel et moral de la famille, et qu’ils ne disposent ni de ressources financières, ni d’un logement, ni d’un hébergement sécurisant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Lors de la discussion générale, évoquant la question des contrats jeune majeur, j’ai rappelé des chiffres : 70 % des jeunes de l’ASE sortent sans diplôme du système éducatif, 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans ont eu un parcours à l’ASE… M. le secrétaire d’État rappelait également que 66 % des mineurs pris en charge par la protection de l’enfance avaient déjà un an de retard scolaire à partir de la classe de sixième.

Conscient de cette réalité, le Gouvernement a décidé de mettre fin à toutes les sorties sèches de l’ASE pendant la durée du confinement, et j’espère aussi pendant celle de l’état d’urgence sanitaire, afin de protéger ces jeunes majeurs face aux risques auxquels ils sont exposés.

Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, votre engagement pour éviter que les jeunes pris en charge par l’ASE ne se retrouvent livrés à eux-mêmes à l’âge de 18 ans, sans ressources, sans logement, sans accompagnement. J’espère que vous nous donnerez des chiffres encourageants sur la contractualisation prévue avec les départements et sur les premiers résultats de ce plan de protection. Cette priorité est au cœur de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, que le Gouvernement a mise en place, et je m’en réjouis.

Dans un certain nombre de départements, les contrats jeune majeur font office de variable d’ajustement. Comme le disait la ministre Laurence Rossignol en 2016, la protection de l’enfance, et particulièrement la question de ces contrats, est l’angle mort des politiques sociales.

J’ai entendu dire en commission que des jeunes de 18 ans avaient envie de quitter très vite les services de l’ASE… Or il s’agit de prévoir non pas l’obligation d’y rester jusqu’à l’âge de 21 ans, mais la possibilité pour les enfants qui en ont besoin d’être suivis jusqu’à 21 ans.

Et encore cet âge n’est-il pas la panacée, mes chers collègues : laissons-nous nos propres enfants, notamment lorsqu’ils suivent des études, partir à 21 ans de la maison ? Ces jeunes-là ont encore besoin d’accompagnement et du soutien de l’ASE !

Je suis favorable aux dispositions de cet article, que j’avais inscrites dans ma proposition de loi déposée en juillet dernier. Je ne me dédirai donc pas.

Nous ne pouvons plus accepter que les jeunes pris en charge par l’ASE, qui sont fragiles et dont le parcours a souvent été difficile, soient jetés à la rue à 18 ans.

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, qui n’a pas de problèmes d’argent, nous avons malgré tout beaucoup de mal à accueillir des contrats jeune majeur…

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Alors, je reprendrai la parole ultérieurement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Pour reprendre les propos de Xavier Iacovelli, les contrats jeune majeur sont vraiment nécessaires. On n’empêchera pas les jeunes de 18 ans qui ont envie de quitter l’ASE de le faire, bien entendu. Il n’en reste pas moins que de nombreux jeunes ont besoin d’un accompagnement complémentaire.

Les chiffres ont été donnés. On sait que dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), que j’ai eu l’occasion de visiter, 50 % des jeunes sont issus de l’ASE. Il ne faut pas se voiler la face !

Pour sortir de l’ASE, 18 ans, c’est beaucoup trop jeune. Même nos enfants qui vivent bien encadrés dans des familles structurées et aimantes ne sont pas prêts, à 18 ans, à affronter la vie. Des enfants qui ont subi des parcours chaotiques, déstructurants ont a fortiori besoin d’être accompagnés.

L’adoption simple serait un moyen de dégager des fonds. Les conseils départementaux auraient ainsi moins à débourser, et cet argent pourrait être consacré à l’accompagnement des jeunes de plus de 18 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ce sujet me tient particulièrement à cœur. Je pense que l’on prive les jeunes de l’ASE d’un choix. Or avoir le choix, c’est un luxe qu’il faut leur offrir.

La proposition qui est faite dans l’article est assez séduisante, mais les jeunes qui ont été longtemps suivis par l’ASE ont parfois envie de rompre ce lien, et il faudrait leur permettre de faire ce choix, de ne plus appartenir à cette catégorie de jeunes.

Ceux qui veulent continuer à être pris en charge par l’ASE, avec un contrat jeune majeur, doivent pouvoir le faire. Mais pourquoi prévoir cette barrière des 21 ans ? Ce n’est parfois pas suffisant !

J’aimerais que l’on voie aussi le verre à moitié plein et que l’on ne s’arrête pas aux mauvais exemples. Je viens de recevoir un courriel par lequel on m’indique qu’un jeune mineur non accompagné (MNA), soutenu par un contrat jeune majeur – un dispositif que je vais favoriser dans mon département –, vient d’être admis, à la suite de son inscription sur Parcoursup, en internat au lycée Louis-le-Grand.

Ces bons exemples, il faut les mettre en avant ! Il y a dans nos départements de belles réussites en termes d’études supérieures, d’apprentissage et dans d’autres parcours. C’est par l’exemple que l’on parviendra à hisser tout le monde vers le haut.

Il faut aussi compter sur la réserve civique, dont on a vu lors de la crise du Covid combien elle était précieuse. On devrait proposer à ces jeunes d’être sous la responsabilité non plus des départements, mais d’autres institutions et organismes qui les accompagneraient et qui les soutiendraient autrement, sans leurs éducateurs habituels.

Nous pouvons, les uns et les autres, travailler sur ce sujet, y réfléchir tous ensemble, et pas seulement à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Ces jeunes ont le droit d’avoir ce luxe du choix, comme tous les autres enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Il est très important de soutenir les jeunes âgés de plus de 18 ans. J’ai rencontré beaucoup de ces jeunes et je peux vous dire qu’il y a des familles qui ne voient plus leurs enfants. Il faut savoir aussi que les enfants ne sont pas forcément repris par les parents.

Certains jeunes, à l’âge de 18 ans, veulent se battre pour sortir de l’ASE, mais pour cela ils ont besoin d’aides techniques, financières, et d’aides pour se loger. Il faut en être conscient et ne pas les laisser sur le trottoir. Beaucoup d’enfants qui sortent de l’ASE sont aujourd’hui SDF !

Je vais faire un retour en arrière, à l’époque de la création du revenu minimum d’insertion (RMI). Auparavant, les jeunes qui sortaient de l’armée, ou de l’école avec un diplôme, avaient déjà des ressources : on leur versait une allocation chômage de 1 200 francs. Lorsque le RMI a été créé, les jeunes Français n’ont plus reçu cette somme, pas plus qu’une autre aide ; tout a été intégré dans le RMI, puis dans le revenu de solidarité active (RSA). Or cet argent permettait aux jeunes de rebondir.

Il faut donner un espoir à ces jeunes, même s’ils font une erreur. Quels jeunes de 18 ans sont aujourd’hui capables de maîtriser leur avenir ? Vos enfants et vos petits-enfants, mes chers collègues, n’ont-ils pas eu le droit de faire une erreur ? La différence, c’est que nos enfants ont des parents pour les aider et les soutenir.

Il est très important de donner cette aide à ces jeunes. Ainsi, croyez-moi, ils ne tomberont pas demain dans la délinquance ou dans les mains de mafieux, parce qu’ils se battront davantage que les autres pour s’en sortir et quitter l’ASE. Soyons là pour les soutenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

L’article 6 prévoit de rendre obligatoire l’accompagnement jusqu’à 21 ans. Il ne dispose pas que l’on cesse de s’occuper des jeunes quand ils atteignent l’âge de 18 ou 21 ans !

La commission des affaires sociales a préféré conserver une forme de souplesse dans l’organisation, en laissant les choses en l’état. L’idée est la suivante : les jeunes à partir de l’âge de 18 ans qui le veulent – je rejoins Élisabeth Doineau – et qui en ont besoin peuvent être accompagnés par les départements en bénéficiant d’un contrat jeune majeur. Nous avons donc préféré ne pas rendre obligatoire cet accompagnement.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Des choses importantes ont été dites, concernant notamment l’autonomie, qui implique le choix.

Xavier Iacovelli a bien présenté le problème. Comment accompagne-t-on ces enfants vers l’autonomie ? Cette question se pose parfois sur le terrain pour les jeunes de 17 ans et 9 mois, et il faut y travailler, mais il faut aussi le faire dès le début de leur histoire.

Le fait que 66 % de ces gamins aient déjà un an de retard au moment de l’entrée en sixième et que 70 % d’entre eux ne fassent pas d’études supérieures – j’entends bien que l’enseignement supérieur n’est pas l’alpha et l’oméga et qu’il y a, bien sûr, d’autres voies –, porte atteinte à leur autonomie future. La question de leur accompagnement vers l’autonomie se pose donc tout au long de leur parcours, en travaillant sur les aspects éducatif et professionnel, et sur l’intégration sociale au sens large.

Permettez-moi à mon tour, madame Gréaume, de faire un retour dans le temps.

En 1989, notre pays comptait peu d’institutions pour les adultes handicapés – il n’y en a pas encore assez aujourd’hui, mais la société change… –, car, c’était bien connu, les handicapés ne vieillissaient pas ! Cette année-là, le grand acteur Michel Creton, qui avait un fils polyhandicapé, a fait voter l’amendement qui porte son nom.

Trente ans après, où en sommes-nous ? La situation n’est pas résolue ! Il y a des adultes, et même beaucoup, dans des instituts médico-éducatifs pour enfants, qui – pardonnez-moi cette expression, d’autant que je suis un fervent partisan de la société inclusive – occupent des places qui ne sont par conséquent plus disponibles pour des enfants et dont le handicap se révèle plus élevé que celui des personnes de leur âge qui ne sont pas en institution, puisque l’accompagnement dont ils bénéficient n’est évidemment pas adapté.

Je l’ai dit et je l’assume – cela m’a valu quelques inimitiés –, je ne serai pas le secrétaire d’État d’un amendement Creton pour l’aide sociale à l’enfance. Nous avons les moyens d’accompagner ces enfants vers l’autonomie et nous commençons déjà de le faire. Oui, nous avons une obligation de résultat, car il est insupportable d’imaginer qu’un enfant, passé ou non par les services de l’aide sociale à l’enfance, puisse terminer à la rue.

Dès 2018, avant ma nomination, un volet spécifique a été dédié à cette question dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, avec – même si ce chiffre macro n’a pas grand sens – l’attribution de 12 millions d’euros aux départements pour financer quelque chose de très important : le lien. Sans doute, il y a le problème du logement – j’y reviendrai –, mais le fait de maintenir un lien est crucial. Vous l’avez très bien dit, pour l’enfant sans famille qui atteint 18 ans, un accompagnement social, les liens qu’il a noués avec son éducateur, qui cessent, c’est aussi déstructurant que l’absence d’un toit.

Je dispose de premiers chiffres, transmis par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, qui portent sur 67 départements ; le rapporteur l’a évoqué dans son propos liminaire, il y a un problème de connaissance des données, mais il sera résolu par la réforme de la gouvernance que nous allons lancer.

L’année dernière, 14 000 jeunes ont atteint leur majorité. Sur ceux-ci, 10 500 ont bénéficié, dans le cadre du plan Pauvreté, d’un accompagnement, élaboré sur le fondement d’un référentiel conçu avec d’anciens bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance.

Sur ces 10 500 jeunes, 5 000 ont bénéficié du maintien du lien – la poursuite du suivi par un éducateur – et 7 000 ont eu un accompagnement financier dans la recherche de leur logement. Certes, la somme de ces deux chiffres dépasse 10 500, mais l’aide peut être multiple.

Les 3 500 jeunes qui n’ont pas eu d’accompagnement étaient dans un processus d’apprentissage, avaient déjà un travail, ou encore ne ressentaient pas le besoin de cet accompagnement, car un certain nombre de jeunes ne veulent qu’une chose une fois leur majorité atteinte : ne plus avoir affaire aux institutions.

Par ailleurs, je veux le répéter, on met aussi, dans le cadre la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, des choses en place. J’évoquais précédemment l’expérimentation que nous menons avec l’Unhaj. Nous avons ainsi créé, de façon expérimentale, un fonds de solvabilisation, une sorte de subvention « coup de pouce », pour aider les jeunes à se loger, en prenant un appartement ou en intégrant un foyer de jeunes travailleurs.

Nous travaillons aussi avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), qui a été mobilisé pour que les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance puissent avoir un accès prioritaire aux bourses et au logement étudiant, logement qu’ils peuvent garder pendant l’été, puisqu’ils n’ont nulle part où retourner. Quant à leur bourse, elle leur est versée pendant toute l’année.

Enfin, la garantie jeune doit pouvoir être mobilisée.

Par ailleurs, il faut également aller voir dans les territoires. Je me suis rendu dans le Val-de-Marne, avec la vice-présidente du conseil départemental, Isabelle Santiago, que vous connaissez probablement. Dans ce département, quand un gamin a 17 ans, tout le monde se met autour de la table – les représentants du département, de Pôle emploi, de la préfecture, des associations – et on commence à anticiper la situation du jeune pour envisager la manière de l’accompagner vers l’autonomie. C’est aussi de cela que l’on doit s’inspirer pour éviter les ruptures et améliorer la situation de ces jeunes.

L’ensemble de ces dispositifs, conjugués, permet, nous semble-t-il, d’éviter, de façon très pragmatique, concrète, proche de la réalité de ces enfants, le risque de tomber à la rue, davantage que des mesures couperet, dont il faut redouter les effets de bord et de seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté attentivement votre explication et je comprends vos arguments.

Je veux simplement rebondir sur l’exemple que vous avez pris au travers de l’amendement Creton – je connais bien ce sujet dans le monde du handicap – et réagir d’une façon générale sur la prise en charge sociale des situations particulières des enfants.

En réalité, le problème, et le Gouvernement a entre les mains une partie de la réponse, c’est la suradministration des systèmes : à un moment donné, on fonctionne par case, par situation, par financement. On crée ainsi des ruptures de parcours de vie pour les différentes personnes concernées, que ce soient les personnes handicapées ou les enfants en difficulté.

L’amendement Creton était une réponse adaptée à la situation du moment, mais le vrai problème réside dans la barrière des 18 ans. Vous avez en main la possibilité de faire sauter cette barrière, mais celle-ci n’existe pas sans raison : avant 18 ans, c’est l’État qui paye et, au-delà, ce sont les départements. Par conséquent, tant que l’on ne réglera pas ce problème par la simplification, par la souplesse administrative, malgré les plus beaux discours, beaucoup de bonne volonté, nous rediscuterons sans cesse des mêmes situations, nous resterons dans l’incapacité d’agir.

Je le répète, le vrai problème réside dans la suradministration du système, tant pour le handicap que pour l’aide sociale à l’enfance.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

L ’ article 6 n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

TITRE III

AMÉLIORER LA COORDINATION EN MATIÈRE D’ADOPTION ET DE PARRAINAGE

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 225-7 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette transmission se fait par l’alimentation d’un fichier national des agréments en vue de l’adoption dont les conditions de fonctionnement et de consultation sont fixées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Nous le savons, la départementalisation de l’aide sociale à l’enfance produit des inégalités d’accès à l’adoption pour les familles, selon leur situation géographique sur notre territoire.

En l’absence d’une gestion nationale, cela contribue à la déperdition démographique de certains départements et peut inciter de jeunes familles à déménager pour tenter de satisfaire leur désir d’enfant par voie adoptive.

Dans l’esprit de l’article 7 de la proposition de loi, qui renforce l’égal accès à l’adoption pour les familles adoptantes, quelle que soit leur situation géographique sur le territoire, cet amendement vise à la mise en œuvre d’une recommandation du rapport de l’inspection générale des affaires sociales de mars 2019 intitulé Contrôle des procédures d ’ adoption dans le département de Seine-Maritime, et de la recommandation n° 21 du rapport sur l’adoption de Monique Limon et Corinne Imbert. Il s’agit de donner un fondement légal à la base nationale des agréments en vue de l’adoption, créée en 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

L’amendement de Mme Costes vise à encadrer juridiquement le fichier national des agréments en vue de l’adoption.

Cela semble être une bonne initiative ; deux rapports l’ont recommandé et ce pourrait être la première étape d’un dispositif permettant une meilleure mutualisation des dossiers d’agrément entre départements. Les conseils départementaux pourraient plus facilement rechercher des familles en dehors de leur territoire, lorsque cela est nécessaire. Je pense en particulier aux enfants à besoins spécifiques, c’est-à-dire porteurs de pathologie ou de handicap, ou encore membres d’une fratrie. Ces enfants représentent près de la moitié des pupilles de l’État, mais correspondent rarement aux attentes des parents candidats à l’adoption ; il est donc plus difficile de leur trouver une famille.

Cela dit, il s’agit d’un domaine sensible, celui des données personnelles, et nous n’avons pas eu le temps d’expertiser cette mesure. La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Dans la lignée des deux rapports que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, dont celui de Mme la sénatrice Imbert et de Mme la députée Limon, cette mesure permettrait de fluidifier le système, de renforcer l’accompagnement des projets d’adoption, de faciliter les échanges. Nous avons tous entendu ces histoires et rencontré, dans nos circonscriptions, des parents nous disant qu’ils avaient un projet, qu’ils attendaient depuis des années et qu’ils avaient déposé un dossier dans un autre département.

On sent bien qu’il faut un pilotage national et davantage de fluidité. On le sait, cela ne suffira pas pour régler toutes les situations, mais, notamment pour les enfants à besoins spécifiques, cela peut permettre de faire coïncider un désir et d’enfant et un besoin de parents.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 7.

L’article L. 225-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 225 -6. – L’agrément ainsi délivré est valable dans tous les départements, dans des conditions précisées par décret. Lorsque des personnes à qui un refus ou un retrait d’agrément a été notifié changent de département de résidence, ce refus ou retrait leur demeure opposable. »

L ’ article 7 n ’ est pas adopté.

L’article L. 148-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 148 -2. – Il est institué une Autorité centrale pour l’adoption chargée d’orienter et de coordonner l’action des administrations et des autorités compétentes en matière d’adoption et de parrainage à l’international. »

L ’ article 8 n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

TITRE IV

IMPLICATIONS PÉCUNIAIRES DU DÉLAISSEMENT D’ENFANT

Le quatrième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « général », sont insérés les mots : « au vu d’un rapport établi par le service d’aide sociale à l’enfance » ;

b) Après le mot : « maintenir », il est inséré le mot : « partiellement » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À compter du quatrième mois suivant la décision du juge, le montant de ce versement ne peut excéder 35 % de la part des allocations familiales dues pour cet enfant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent article 9 limite le montant de la part des allocations familiales versées à la famille en cas de placement de l’enfant auprès de l’aide sociale à l’enfance.

Actuellement, lorsqu’un enfant est placé, les allocations familiales sont en principe perçues par les services de l’ASE.

Toutefois, la loi prévoit une dérogation à ce principe, si un enfant fait l’objet d’une mesure judiciaire de placement. Le juge peut alors décider de maintenir le versement de ces allocations à la famille, dans le cas où celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de celui-ci dans son foyer. Dans ces cas spécifiques, la retenue partielle des allocations familiales ne saurait être justifiée, appropriée ou pertinente.

Par ailleurs, nous ne saurions ignorer que nombre de familles « délaissantes » le sont pour des raisons financières. La crise sanitaire liée au Covid-19 a mis encore plus en relief cette dimension dans les foyers modestes ; en attestent les besoins croissants d’aide alimentaire dans les familles.

Au regard de la conjoncture, il semble qu’une telle disposition fragiliserait encore plus les familles déjà paupérisées. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier la loi en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Je suis un peu embarrassé, parce que, dans ma proposition de loi figurait, mot pour mot, cette disposition. Il est donc difficile pour moi de m’opposer à cet article.

Pourtant, j’ai évolué sur ce sujet en un an et je pense qu’il faut laisser le juge décider de la suppression des allocations familiales. Encore une fois, on risque de précariser un peu plus les familles et de réduire à néant le retour éventuel des enfants en leur sein.

J’ai donc changé d’avis et je voterai pour la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 4, présenté par MM. Leconte et Sueur, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement permet de mettre en musique les interventions précédentes.

C’est vrai, des dispositions figurent déjà dans le droit et il nous semble utile de maintenir la souveraineté du juge, de lui laisser la faculté de prévoir une dérogation au principe inscrit à l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles pour accompagner au mieux la famille dans son lien avec l’enfant. D’où cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

La commission des affaires sociales a émis des réserves sur cet article 9, qui prévoit que l’attribution à la famille des allocations familiales dues au titre de l’enfant placé ne puisse être maintenue, sur décision du juge, qu’à titre partiel.

Il ressort des chiffres que nous avons obtenus qu’il n’est pas systématiquement dérogé au principe posé par la loi, selon lequel les allocations familiales sont versées à l’ASE lorsque l’enfant est placé ; par dérogation, sur décision du juge, elles peuvent continuer d’être versées à la famille si celle-ci participe à la prise en charge de l’enfant ou pour favoriser le retour de celui-ci dans le foyer.

Il semble donc préférable de laisser au juge le soin d’apprécier chaque cas, les situations familiales et les raisons du placement pouvant être très différentes.

En outre, depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’allocation de rentrée scolaire n’est plus versée aux familles qui ont un enfant placé ; elle est versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant, date à laquelle le pécule est attribué à ce dernier.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Il faut laisser au juge la pleine appréciation de la situation, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas deux familles pareilles, pas deux situations identiques. Que ferions-nous, par exemple, d’une fratrie dont un enfant seulement serait placé et qui connaîtrait déjà des difficultés sociales ? On enfoncerait encore plus la famille ? On empêcherait un possible retour de l’enfant, si tant est que cela soit son intérêt, dans sa famille ? Il faut vraiment laisser l’appréciation au juge, parce que, je le répète, il n’y a pas deux situations identiques et qu’il faut prendre en compte la situation familiale.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur cet amendement de suppression.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, l’article 9 est supprimé et l’amendement n° 15 n’a plus d’objet.

TITRE V

MIEUX PROTÉGER LES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS

SOUS-TITRE Ier

RENFORCER LEUR PROTECTION JUDICIAIRE ET FACILITER LEUR ADOPTION

Le deuxième alinéa de l’article 377 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le désintérêt des parents de mineurs isolés étrangers est présumé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 377 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les parents ne résident pas sur le sol français, l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale est présumée. » ;

2° À la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « au présent article, », sont insérés les mots : « sauf lorsqu’ils résident à l’étranger, ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

L’article 10 de notre proposition de loi permet de sortir de l’hypocrisie, relative aux mineurs isolés étrangers, qui consiste à considérer que le maintien de contacts dématérialisés de ces mineurs avec leur famille d’origine, qui est souvent une réalité, suffit à leur apporter la protection nécessaire qui convient à leur âge.

L’amendement n° 21 rectifié tend à préciser le dispositif initial, en instaurant une présomption d’impossibilité d’exercer l’autorité parentale pour des parents situés à l’étranger. Cette disposition ne vise évidemment pas les jeunes étrangers venus en France pour effectuer des études, correctement domiciliés et pris en charge par des membres ou des proches de leur famille ; elle a pour objet de mieux protéger les adolescents arrivés sur notre sol au terme de parcours dangereux, fragilisés par cette expérience et par l’absence de protection et de prise en charge par un adulte digne de confiance, une fois atteint le sol français. Il s’agit simplement de prendre acte de leur isolement et de la vulnérabilité qui en découle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

L’amendement n° 21 rectifié vise à instaurer une présomption d’impossibilité d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des parents qui ne résident pas sur le territoire national. L’objectif est toujours de faciliter la délégation, aux services de l’ASE, de l’autorité parentale exercée sur les mineurs isolés présents sur le territoire.

Néanmoins, malgré la nouvelle rédaction suggérée pour l’article 10, cette disposition présente toujours de sérieuses difficultés, que nous avions relevées en commission ; l’innovation proposée serait particulièrement attentatoire au droit des parents de ces enfants, qui risqueraient de se voir systématiquement retirer l’autorité parentale ; on ne peut pas déduire du simple éloignement géographique des conséquences aussi définitives sur cette dernière. D’ailleurs, les acteurs de terrain nous ont confirmé que certains parents de mineurs non accompagnés connaissent, voire souvent soutiennent, le parcours migratoire de leur enfant.

Ainsi, cette disposition, conçue de manière bien trop large, s’appliquerait abusivement aux enfants de tous les Français de l’étranger qui résident dans un autre pays, de même qu’aux jeunes étrangers qui viennent en France, dans le cadre d’une année de stage ou d’un échange scolaire.

Par conséquent, il est préférable de s’en tenir au droit en vigueur ; il faut laisser pleinement le juge apprécier, au cas par cas, si l’éloignement rend ou non les parents incapables d’exercer leur autorité parentale, sans créer une nouvelle présomption juridique.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Même avis, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

On peut parler de délaissement à propos de certains enfants arrivés en France ; beaucoup ont été obligés de se prostituer pour passer la frontière. Cette mesure pourrait les protéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J’ai l’impression que, en voulant faire mieux, on propose quelque chose de pire.

Je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, on ne peut pas préjuger que le fait d’envoyer son enfant en France pour échapper à une situation particulièrement difficile témoigne d’un désintérêt pour lui. Considérer que ces parents se désintéressent de leur enfant nous semblait déjà difficile, mais, au travers de cet amendement, on ajoute le risque que tout Français habitant à l’étranger et envoyant son enfant en France se retrouve dans cette situation. On peut débattre du premier point, mais le risque associé au second ne me semble pas raisonnable dans la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Je voterai contre cet amendement, parce que les textes actuels permettent d’ores et déjà de constater la vacance de l’autorité parentale. Nul besoin d’en rajouter, surtout dans la confusion.

En revanche, il faudrait se pencher sur les critères d’évaluation de l’isolement des mineurs non accompagnés conduisant à leur protection, parce que cette évaluation est trop souvent subjective et conduit à des recours massifs devant le tribunal administratif. C’est un des sujets dont nous devrions débattre prochainement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 10 n ’ est pas adopté.

L’article 21 du code civil est ainsi modifié :

1° Il est ajouté le mot : « majeur » ;

2° Est ajoutée la phrase : « Lorsqu’il est mineur au moment de l’initiation de la procédure d’adoption, l’adopté en forme simple reçoit la nationalité française dans les mêmes conditions que l’adopté en forme plénière. »

L ’ article 11 n ’ est pas adopté.

Le premier alinéa de l’article 377-1 du code civil est complété par les mots : «, si l’enfant est un mineur isolé étranger, par le juge des enfants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

La question des mineurs étrangers isolés ne bouleverse pas seulement les rapports entre l’État et les départements, elle modifie également la charge contentieuse au sein des juridictions.

Lors de nos visites de terrain, nous avons évoqué avec des juges la possibilité de concentrer le suivi de ces mineurs sur les juges des enfants. Cela a été dit, malgré la grande mobilisation d’associations très engagées auprès d’eux, ces mineurs manquent souvent d’adultes de référence. Dès lors, nous pensons qu’il serait souhaitable de limiter le nombre de figures d’autorité autour d’eux et de confier le suivi judiciaire de leur prise en charge au seul juge des enfants.

Nous entendons l’argument relatif à la cohérence et à la nécessité de préserver des blocs de compétences ; néanmoins, vu l’importance croissante du nombre de jeunes concernés, il nous semble indispensable d’adapter toutes nos institutions, y compris l’institution judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je souhaite simplement expliquer pourquoi la commission est contre cet article : le juge naturel de l’autorité parentale est le juge aux affaires familiales.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Le Gouvernement est également opposé à cet article.

L ’ article 12 n ’ est pas adopté.

Le I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Tout mineur étranger dont les parents ne résident pas sur le sol français. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 1° du I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le mineur étranger âgé de plus de quinze ans est privé de la protection de sa famille ou confié à l’aide sociale à l’enfance, il peut se faire assister lors de l’ouverture du compte par une personne de confiance autre que son représentant légal. »

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

L’article 13 et le présent amendement revêtent une importance capitale. Il s’agit de faciliter l’ouverture de comptes en banque pour les mineurs isolés étrangers, afin que ceux-ci n’aient pas à conserver, sur eux, en liquide, les allocations qui leur sont versées pour survivre.

Je l’ai expliqué devant la commission, cela expose ces enfants à une grande violence ou les pousse à recourir à la violence pour se défendre. Cette violence produit de l’insécurité, qui ne convient à personne. En début d’année, au mois de février, un jeune homme est mort, pour quelques centaines d’euros, et je voudrais tout faire pour prévenir ces situations.

Cet article répond donc à la volonté de mieux faire respecter, en France, l’article 19 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui prévoit, je le rappelle, que les « États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle ».

Après en avoir discuté avec des associations, il est apparu que la difficulté de se faire accompagner par un représentant légal constitue le principal obstacle. Je propose de prévoir que ces mineurs puissent faire seuls la démarche, dès qu’ils atteignent l’âge de travailler dans le cadre de contrats d’apprentissage. Après nos échanges en commission, la rédaction a évolué.

Il s’agit d’un point essentiel, selon moi : quand ils veulent travailler, quand ils veulent s’engager dans un contrat d’apprentissage – beaucoup d’entre eux veulent s’insérer –, ces jeunes ont besoin d’un compte en banque.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Cet amendement nous semble aller dans le bon sens. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Nous nous rejoignons évidemment quant à la nécessité que l’article 19 de la convention précitée soit respecté et surtout que, très concrètement, ces enfants puissent bénéficier effectivement de ce droit au compte. Je pense que c’est cela le sujet, en réalité : il s’agit moins du droit au compte que de l’effectivité de pouvoir en bénéficier.

On a pu voir, pendant la période de confinement, un certain nombre de jeunes mineurs non accompagnés avoir des difficultés à bénéficier des allocations diverses et variées auxquelles ils avaient droit, heureusement de manière pas toujours aussi dramatique que dans la situation qui a été exposée.

Cela dit, nous ressentons le besoin de travailler davantage sur le sujet.

D’une part, cet amendement nous paraît créer une discrimination entre mineurs étrangers et mineurs français, puisque seuls les mineurs étrangers pourront bénéficier de cette disposition.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Certes, ils sont confrontés à des difficultés que d’autres n’ont pas, je vous le concède aisément, mais la réalité du droit est celle-ci.

D’autre part, en France, le régime de l’administration légale des biens par les titulaires de l’autorité parentale est un système de représentation. C’est probablement sur ce sujet que nous devrons travailler avec, notamment, la Fédération bancaire française. La démarche accomplie par le représentant légal pour demander l’ouverture d’un compte au nom du mineur n’est pas un simple accompagnement ; c’est le représentant légal qui demande l’ouverture du compte et, avant 16 ans, c’est même lui qui le fait fonctionner, à une exception près, les dépôts sur un livret d’épargne.

Il nous paraît important, dans ce contexte, de conserver une cohérence dans les règles qui régissent ce régime de protection des mineurs, a fortiori étrangers. Ce point ne nous semble pas devoir être traité au travers de la procédure particulière du droit au compte.

Toutefois, je le répète, nous partageons l’objectif. J’ai bien entendu l’avis de la commission. En tout état de cause, quelle que soit l’issue du vote, nous nous engageons à travailler pour assurer une plus grande effectivité de ce droit au compte.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Aujourd’hui, ouvrir un compte est une galère pour les mineurs non accompagnés. La plupart des banques demandent un titre de séjour. Or, par définition, ces jeunes n’en ont pas !

Il faudrait effectivement qu’un simple passeport puisse suffire à ouvrir un compte, mais on voit bien qu’il y a des blocages de la part des banques, qui le refusent quasi systématiquement. C’est un vrai sujet.

Cela dit, je ne voterai pas en faveur de cet amendement, ayant entendu l’engagement de M. le secrétaire d’État à travailler avec Bercy et avec les banques pour essayer de trouver une solution afin de régler cette situation.

Je remercie Josiane Costes d’avoir mis ce problème en lumière.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le secrétaire d’État, le problème que nous évoquons est majeur, et pas seulement pour les mineurs non accompagnés. Je pourrais vous citer bien des mineurs faisant des études supérieures en France et dont les parents vivent à l’étranger qui ont droit à une bourse du Crous et qui, à cette période de l’année, n’en ont toujours pas perçu un euro, parce qu’ils n’ont pu ouvrir un compte bancaire.

On nous promet depuis des années que l’on va travailler sur ce sujet majeur. Il faut maintenant voter !

Monsieur le rapporteur, je ne suis pas certain que ce soit juste une question d’effectivité : jusqu’à présent, ce droit n’a tout simplement pas été reconnu aux mineurs.

Que faire ? L’adoption de l’amendement de Mme Costes fera automatiquement tomber le mien. Or sa rédaction est moins « dure », puisqu’il part du postulat que le droit au compte est effectif, ce qui, à mon sens, est discutable. S’il est adopté, il faut aussi que la disposition s’applique aux mineurs français qui font des études supérieures.

Par conséquent, je vais déposer un sous-amendement à l’amendement de Mme Costes, afin de supprimer l’adjectif « étranger » de son dispositif. Cela permettra de gérer tous les cas et de répondre à l’une de vos observations, monsieur le secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur Leconte, il est trop tard pour déposer un sous-amendement lors de la discussion d’un amendement.

La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Ce sujet est absolument majeur.

Dans mon département, il n’y a pas de chômage. Au contraire, les employeurs des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du bâtiment ne parviennent pas à recruter. Ils sont très mécontents, car, dans le même temps, il y a des jeunes qui veulent s’insérer dans la société, signer des contrats d’apprentissage, mais qui ne peuvent le faire, faute de pouvoir se faire verser leur salaire. C’est dramatique !

Je suis prête à modifier mon amendement. Le Gouvernement ne pourrait-il pas en améliorer la rédaction de manière que celui-ci puisse être adopté ? Cette question est vraiment essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, vous avez semblé considérer qu’il n’était pas possible de déposer un sous-amendement lors de la discussion d’un amendement. J’ai l’honneur de vous demander sur quel article du règlement se fonde votre analyse.

Dans ce débat très riche, il est apparu qu’il y avait un intérêt à supprimer le mot « étranger ». En effet, comme mon collègue Jean-Yves Leconte l’a dit avec force, il est absurde que des jeunes qui ont droit à une bourse ne puissent pas la percevoir. C’est un problème concret, que tout le monde comprend.

Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir soumettre le sous-amendement proposé au vote avant l’amendement, comme le veut la logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je le ferai bien volontiers quand je l’aurai sous les yeux, mon cher collègue, ce qui ne saurait tarder…

Je suis saisie du sous-amendement n° 23, présenté par M. Leconte, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer le mot :

étranger

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je comprends mon collègue Jean-Yves Leconte, mais le dispositif proposé par Mme Costes concerne spécifiquement des enfants placés à l’ASE.

Je ne conteste pas la possibilité de le modifier, mais le sous-amendement me semble quelque peu inutile en l’état actuel. Nous ne sommes qu’au début du parcours législatif de cette proposition de loi. Nous verrons ensuite si des éléments positifs du texte seront intégrés à un futur projet de loi ou complétés à l’Assemblée nationale.

Cela dit, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je vous remercie de m’avoir sensibilisé à ce sujet, dont je n’avais pas forcément pleinement conscience.

J’émets un avis défavorable, mais je m’engage de nouveau, dans le cadre de la navette parlementaire ou des différents projets que nous avons lancés, à travailler avec le ministère de l’économie et des finances – vous aurez compris qu’une partie de la réponse se trouve à Bercy.

Monsieur le sénateur, je vous assure que je travaillerai sur cette question, même s’il me semble à moi aussi – je suis assez d’accord avec M. le rapporteur – que les deux sujets sont différents.

Le sous-amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé et l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.

La section 6 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67-2 ainsi rédigé :

« Art. 67 -2. – Un certificat d’authentification de titre d’identité comportant les informations utiles à l’identification de la personne sur le territoire national est délivré par les services douaniers à l’occasion d’un premier contrôle. »

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je souhaite insister sur l’importance de cet article, qui vise à garantir l’effectivité du droit prévu à l’article 27 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, tout en permettant une bonne administration.

En effet, l’absence de titres d’identité reconnus comme authentiques complexifie toutes les procédures administratives et judiciaires dans les États de droit comme le nôtre, qui reposent sur des preuves écrites. Il s’agit à la fois d’une perte de temps pour la personne concernée et pour l’administration.

L’objet de cet article est donc de permettre à toute personne se trouvant sur le territoire français d’être fixée définitivement sur l’authenticité attribuée au titre d’identité dont elle se prévaut, afin de limiter les recours inutiles.

Les informations dont nous disposons nous laissent penser que nos services diplomatiques et consulaires sont à même d’exercer ce contrôle rapidement et qu’une telle mesure ne comporterait pas de risque de rétention aux frontières. Ces vérifications ont déjà lieu au moment de la soumission des demandes de visas et ne concerneraient donc pas les personnes en disposant.

Il s’agit également d’une protection pour la personne titulaire de ce titre d’identité, laquelle ne pourrait pas se le voir refuser par une autorité administrative non compétente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 16, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

L’article 14 de la proposition de loi vise à permettre la délivrance d’un certificat d’authentification de titre d’identité unique par les services des douanes, afin de simplifier les démarches administratives des mineurs isolés étrangers, notamment en cas de dysfonctionnement de leurs services consulaires.

Le présent amendement tend à supprimer cet article, en raison du délai particulièrement long nécessaire à la délivrance d’un tel document. Il en résulterait un risque de rétention accrue aux frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

La commission est favorable à cet amendement de suppression. En effet, il ne nous semble pas opportun que les services des douanes délivrent des certificats d’authenticité. Cela créerait de nombreux problèmes.

La rédaction de l’article est trop large. Surtout, sa portée juridique est incertaine et son adoption poserait de très importantes difficultés opérationnelles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Favorable, pour les mêmes raisons.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, l’article 14 est supprimé et l’amendement n° 20 rectifié n’a plus d’objet.

La première phrase de l’article L. 313-15 du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :

1° Au début, les mots : « À titre exceptionnel et » sont supprimés ;

2° Les mots « depuis au moins six mois » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Le présent article vise à faciliter l’accès des mineurs isolés étrangers aux contrats d’apprentissage, afin de leur permettre d’accéder plus rapidement à une autonomie financière et de s’émanciper par le travail.

Comme je l’ai déjà dit, dans beaucoup de départements, dont le mien, des postes sont vacants dans de très nombreux secteurs. Il me paraît dès lors inconcevable de refuser à de jeunes volontaires qui veulent s’intégrer d’y candidater, au seul motif de leur nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Je souhaite aller encore plus loin que Mme Costes et porter ici la parole des élus qui m’ont saisie à plusieurs reprises depuis le début de mon mandat sur des cas particuliers.

Ainsi, un collègue maire m’a fait part de la situation d’un jeune homme, intégré dans l’équipe des services techniques de la mairie et donnant parfaite satisfaction, qui, pour une histoire brumeuse de documents d’identité, s’est retrouvé sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

On m’a parlé de cas similaires : celui d’une jeune femme aspirant à devenir préparatrice en pharmacie et bénévole régulière aux Restaurants du cœur, celui d’un jeune homme qui maintenait l’équipe de football locale, en lui permettant d’enregistrer de bonnes performances…

Ces jeunes sont des forces vives pour nos territoires, qui, pour certains, en ont grandement besoin, et pas seulement pour occuper les emplois. Tous ces rendez-vous manqués sont regrettables. Il faudrait plus de souplesse dans l’instruction des dossiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, M. Henno, Mme Vullien, M. Cadic, Mme Vérien, MM. Détraigne et Longeot, Mme Rauscent, M. Prince, Mme Gatel, MM. Cigolotti et Le Nay et Mmes Gréaume, Bonfanti-Dossat, Berthet et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

Après la première phrase du même article L. 313-15 est insérée une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour temporaire peut être délivrée dans les mêmes conditions lorsque l’étranger demandeur justifie d’un contrat d’engagement au titre du service civique. »

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Cet amendement vise à élargir les possibilités de régularisation aux jeunes ayant souscrit un engagement au titre du service civique.

Je pourrais encore m’étendre sur leur investissement associatif ou sportif. Je dirai, en bref, que nous avons parfois grand besoin des ressources que représentent tous ces jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Ma chère collègue, nous comprenons vos arguments.

Cependant, imaginez les conséquences que pourrait avoir l’automaticité de l’autorisation de séjour pour ceux qui sont engagés dans un service civique en amont ! Je pense à ceux qui font régulièrement passer des jeunes en situation illégale sur le territoire.

Je crois qu’il faut laisser les préfets agir sur le terrain. Vous avez cité des cas particuliers. Je pourrai en citer d’autres, dont j’ai eu connaissance dans mon département.

Malheureusement, si l’entrée dans le service civique garantissait une autorisation de séjour, nous verrions rapidement beaucoup de jeunes entrer illégalement sur le territoire.

C’est surtout pour cette raison – il y en a d’autres – que la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement comme à l’article 15.

La suppression du délai de six mois prévu à l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui permet d’encadrer la délivrance des titres de séjour, aurait pour effet de donner plus de latitude. Je ne suis pas sûr que cela ne serait pas contre-productif au regard de votre objectif.

Dans le cadre de la stratégie du Gouvernement pour l’asile et l’immigration, nous avons travaillé avec le ministre de l’intérieur pour faire en sorte de mieux intégrer, lorsque cela est possible, les mineurs non accompagnés qui se trouvent sur notre sol.

Je me suis appuyé sur ce que j’ai constaté dans les territoires. De fait, monsieur Ravier, derrière les fantasmes que brandissent un certain nombre, il y a des réalités humaines et territoriales. Or, sur le terrain, on voit des jeunes dont le parcours pour venir chez nous a été dramatique. On voit des jeunes non francophones qui apprennent le français en quelques mois, qui ont envie de bosser et qui s’inscrivent dans des filières d’apprentissage. Mme Costes a raison, un certain nombre d’entreprises, sur les territoires, n’ont qu’une envie : pouvoir embaucher ces jeunes.

Je pense que la clé est l’anticipation. Là aussi, comme pour les jeunes majeurs dont nous parlions, n’attendons pas que le couperet s’abatte pour commencer à se poser des questions. Ne laissons pas suspendre une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ces jeunes – on la sent jusque dans le regard de ceux que l’on rencontre.

Dans l’Oise, par exemple – j’espère ne pas me tromper : me déplaçant beaucoup sur le terrain, il m’arrive de confondre les territoires, aussi spécifiques et magnifiques soient-ils –, le préfet et le département ont passé une convention pour que l’on commence à examiner la situation du jeune au plus tard à ses 17 ans. On étudie la trajectoire dans laquelle il s’inscrit, on regarde si l’on peut anticiper son intégration dans la société française… Cette première évaluation ne vaut pas décision, mais elle permet de calmer un peu les angoisses du jeune, qui a, ainsi, une perspective. Surtout, elle permet qu’une décision soit prise pour ses 18 ans et qu’il n’ait pas à subir un délai d’examen susceptible d’entraîner une rupture supplémentaire dans son parcours. Il s’agit d’éviter, par exemple, qu’il doive quitter sa filière d’apprentissage parce qu’il n’a plus de papiers. Cela permet donc également de fluidifier les parcours.

Une disposition de la loi Asile et immigration prévoit l’extension, par circulaire, de ce type de procédure à l’ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Alors que nous parvenons à la fin de son examen en séance, force est de constater que ce texte a été largement modifié. Les dispositions dont il s’agit n’en demeurent pas moins essentielles.

Bien entendu, on peut toujours faire preuve de bonne volonté, au cas par cas. On peut toujours prévoir des dérogations par circulaire, lorsque cela est possible.

Cependant, c’est en affirmant des droits et en pariant sur l’intégration par le travail que la République s’est construite dans les moments où elle parvenait à accueillir et à intégrer les étrangers.

L’article 15 et l’amendement vont dans ce sens. Il faut voter les deux !

Il s’agit véritablement de faire un pari sur l’intégration républicaine par le travail. Il faut le faire non par le biais de faveurs ponctuelles des préfets, mais en affirmant des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Monsieur Leconte, je vous remercie de votre soutien.

Néanmoins, je vais retirer mon amendement, qui – je pense que vous l’aurez compris – était essentiellement un amendement d’appel.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai vraiment été sensible à vos propos. Je vous invite dans mon département, la Nièvre : nous avons des cas concrets à vous présenter. Nous aurions vraiment besoin de votre aide pour pouvoir les résoudre ensemble.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

L ’ article 15 n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Mme Josiane Costes. Madame la présidente, je veux remercier M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur, Mme la rapporteure pour avis et l’ensemble de mes collègues de la qualité des débats.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, les débats ont été fructueux, mais un peu longs.

Vu l’heure avancée, je vous propose de reporter l’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte au prochain espace réservé du groupe RDSE, qui se tiendra le 24 juin prochain. En effet, je trouverais dommage que nous commencions la discussion générale de ce texte, pour l’achever un mois plus tard. Il vaut mieux maintenir l’unité de l’examen de cette proposition de résolution, d’autant que nous avons beaucoup à faire actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Acte vous en est donné, mon cher collègue.

L’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte est donc retiré de notre ordre du jour.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.