Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 28 mai 2020 à 9h00
Mineurs vulnérables sur le territoire français — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de mineurs pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en 2020 est estimé à 350 000, contre 300 000 en 2017. Cette hausse s’explique par une meilleure détection des cas critiques, via les enseignants et les assistants sociaux dans les familles. Mais elle livre aussi le constat d’une situation de plus en plus inquiétante.

Avec le confinement dû à l’épidémie de Covid-19, les violences intrafamiliales ont augmenté, en particulier la maltraitance à l’égard des plus jeunes.

La protection de l’enfance est l’un des aspects cruciaux de la politique d’égalité des chances en France. Elle vise en effet à offrir une prise en charge garantie par l’État partout où l’autorité parentale est défaillante. Cette prise en charge est loin d’être parfaite, même si je tiens à féliciter les personnels de l’ASE, qui font beaucoup avec peu, ainsi que tous les professionnels impliqués, services départementaux, associations, magistrats, et les familles d’accueil qui reçoivent ces jeunes.

Je prends l’exemple de mon département, l’Eure. En 2015, les enfants placés y étaient au nombre de 1 845 ; en janvier 2020, ils étaient 2 300 ; 453 assistants familiaux travaillent pour le département. Ces familles accueillent plus de 60 % des enfants placés. Les 40 % restants se répartissent entre six maisons d’enfants à caractère social, quinze lieux de vie et d’accueil et un foyer de l’enfance. Pour toutes ces structures, le budget de l’ASE dans l’Eure est de 70 millions d’euros pour l’année en cours.

L’État a un triple rôle : piloter la politique de l’enfance, contrôler la qualité des dispositifs et créer des partenariats avec les conseils départementaux. Une enveloppe de 80 millions d’euros a été débloquée en octobre dernier – c’est une bonne nouvelle – pour la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Et l’Eure fait partie des trente départements sélectionnés pour en bénéficier. En cofinançant les projets du département, l’objectif est de donner aux jeunes placés les mêmes chances qu’aux autres.

Les critiques se multiplient contre les foyers et les structures qui accueillent ces mineurs. Les délais sont importants – 31 % des pupilles de la Nation ne le deviennent qu’après une prise en charge d’au moins cinq ans par la protection de l’enfance. Il faut repenser la durée des procédures et mieux gérer chaque parcours. Je salue la volonté, qui est celle de mes collègues du RDSE, à commencer par Mme Costes, de revoir sans faux-semblants cette question complexe. Tout le monde veut bien faire, car la protection de l’enfance est une tâche noble.

Cependant, cette proposition de loi fait de l’intérêt de l’enfant le seul marqueur, unique et absolu, de cette politique. Or les besoins médico-sociaux, les modes de garde, l’intérêt des parents et de la fratrie, doivent aussi être pris en compte. L’avis de l’enfant n’est pas exempt de revirements. Ce sont tous ces besoins complexes, et parfois opposés, que la loi doit synthétiser.

Cette proposition de loi semble reposer sur un raisonnement quelque peu paradoxal. D’un côté, elle s’appuie sur le désir de parentalité. Or être parent n’est pas un droit ; c’est un devoir, et même une série de devoirs. D’un autre côté, ses auteurs envisagent, notamment aux articles 3 et 4, un recours prioritaire à l’adoption le plus tôt possible lorsque la parentalité est défaillante, arguant du fait qu’un enfant pourra ensuite « explorer sa parenté biologique », alors même que l’on sait pertinemment que l’adoption est complexe et parfois traumatisante.

La responsabilité des mineurs revient légalement à leurs parents. L’autorité parentale, cette valeur chère à ma famille politique, doit rester au cœur de la décision. L’État doit intervenir lorsque c’est nécessaire, en particulier durant cette période de crise sanitaire, mais en aucun cas déresponsabiliser les parents ou s’y substituer.

Ce sujet est encore trop souvent tabou ; l’ambition de tous est d’éveiller la conscience collective quant aux violences subies par les enfants.

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