Intervention de Michel Amiel

Réunion du 28 mai 2020 à 9h00
Mineurs vulnérables sur le territoire français — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Josiane Costes vise à apporter des améliorations au dispositif en faveur des mineurs vulnérables sur le territoire national ; il faut en remercier notre collègue.

Ce texte est une pierre supplémentaire à l’édifice constitué, il faut le dire, d’un amoncellement de rapports en la matière, issus de l’IGAS, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), du Parlement, sans oublier les deux grandes lois de 2007 et de 2016, tous ces textes visant à la mise en place d’une stratégie pour la protection de l’enfance.

Si cette proposition de loi est d’essence généreuse, nous restons dans l’attente d’une réforme globale et de grande ampleur, d’ailleurs esquissée par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, au nom du Gouvernement.

Rendre plus facile l’adoption simple des enfants délaissés est une idée certes intéressante ; on peut même se demander si elle va assez loin et s’il ne faudrait pas favoriser purement et simplement l’adoption plénière. Il est vrai que notre culture juridique de la famille donne priorité à la famille biologique, parfois, d’ailleurs, au détriment de l’intérêt de l’enfant. L’occasion m’est offerte de rappeler que l’adoption doit se situer avant tout du côté de l’enfant, et que le droit à l’enfant ne saurait se substituer aux droits de l’enfant. Quelle que soit sa forme, l’adoption doit rester une modalité de la protection de l’enfance : si tout enfant a droit à une famille, tout adulte n’a pas forcément droit à un enfant. Il y a aujourd’hui, en France, beaucoup d’enfants adoptables qui demeurent trop longtemps sans famille ; et, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons échapper à une réforme globale de l’adoption, qu’elle soit simple ou plénière, qu’elle se fasse à l’international ou qu’elle concerne des pupilles de l’État.

Si la prise en charge des jeunes majeurs au-delà de 18 ans afin d’éviter une sortie sèche de l’ASE est une nécessité absolue, elle doit, selon moi, faire l’objet d’un dispositif original, sous forme de bourse, par exemple. Pour beaucoup de jeunes en effet, s’émanciper de l’ASE constitue une volonté absolue, que l’on peut comprendre si l’on considère certains parcours particulièrement chaotiques.

Il existe en outre une grande inégalité territoriale entre les départements, pour des raisons idéologiques, mais aussi et surtout, bien souvent, de moyens. C’est pourquoi je plaide pour un pilotage national du dispositif, et pas seulement d’un point de vue observationnel.

À propos des mineurs non accompagnés, rappelons que si, juridiquement, ils relèvent aussi du droit des étrangers, ils sont avant tout éligibles au dispositif de protection de l’enfance, qui n’exige pas de condition de nationalité, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a signée et ratifiée.

À ce titre, ces mineurs dépendent des départements, et force est de constater, là encore, une grande hétérogénéité. Il y a là une raison supplémentaire, selon moi, d’être en faveur d’un dispositif national, même si, depuis 2013, un protocole a été élaboré entre l’État et l’Assemblée des départements de France pour instaurer une double solidarité, d’une part, de l’État envers les départements, par un appui logistique et financier lors de l’évaluation du mineur et, d’autre part, entre les départements, par un mécanisme de péréquation géographique destiné à équilibrer le nombre de mineurs non accompagnés accueillis, la situation actuelle n’étant guère satisfaisante.

Pour conclure, je veux insister sur ce qui me paraît de loin le plus important, en citant le préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance […] La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

Je défends avec force l’idée que la jeunesse est une priorité et, au-delà des mots, qu’elle doit relever d’une compétence régalienne de l’État, alors qu’à ce jour elle se répartit entre la jeunesse en danger de l’ASE, rattachée au ministère des affaires sociales, la jeunesse réputée dangereuse, confiée à la PJJ et donc au ministère de la justice – le recentrage de la PJJ sur le pénal depuis 2007 me paraît d’ailleurs être une funeste erreur –, et la jeunesse supposée sans problème, relevant, elle, de l’éducation nationale.

Souvenons-nous de la fragilité de l’enfance, et pas seulement dans ses premières années. Un enfant considéré comme normal peut basculer à tout moment, et si un enfant en danger peut devenir dangereux, un enfant dangereux, lui, est toujours en danger.

Insistons encore et toujours sur l’importance de la prévention dans le domaine sanitaire – Mme Doineau l’a rappelé : si l’on dépiste précocement un trouble psychiatrique de l’enfant, il peut guérir –, mais aussi dans les domaines familial et social.

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