Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 28 mai 2020 à 9h00
Mineurs vulnérables sur le territoire français — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons donc ce matin cette proposition de loi issue d’une initiative de Josiane Costes.

Les débats relatifs à la protection de l’enfance font souvent suite à des faits divers qui marquent profondément l’opinion publique ; ils se déroulent fréquemment sous le coup de l’émotion et sans véritable recul. C’est pourquoi je veux saluer le travail apaisé et délicat réalisé par l’auteure de cette proposition de loi, nous donnant l’occasion ce matin de parler sereinement de cette question sensible, mais passionnante. Ce texte aborde trois grands sujets.

Premièrement, il vise à consolider la prise en compte de l’intérêt des mineurs délaissés et des pupilles de l’État. Cela se traduit par deux idées fortes, à savoir renforcer la déclaration judiciaire de délaissement et favoriser le recours à l’adoption simple.

En octobre dernier, à la suite de la mission qui nous a été confiée par le Premier ministre, ma collègue députée Monique Limon et moi-même vous avons remis, monsieur le secrétaire d’État, un rapport sur l’adoption, partant du constat que le nombre d’enfants confiés au titre de la protection de l’enfance était en augmentation et que, dans le même temps, le nombre d’adoptions des pupilles de l’État était en diminution. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de vous remercier de nouveau de la confiance que vous nous avez alors accordée. Le renforcement de la procédure de déclaration judiciaire de délaissement était une des préconisations que nous formulions.

Pendant longtemps, il a été considéré que le maintien des liens biologiques devait être la priorité. Toutefois, depuis plusieurs années, on estime que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir.

L’épanouissement d’un enfant ne passe pas nécessairement par le maintien d’un lien continu avec ses parents biologiques. Les différents services de la protection de l’enfance en font quotidiennement le terrible constat. L’occasion m’est donnée de les remercier de tout le travail qu’ils ont accompli, et de saluer le travail réalisé dans les établissements par les assistants familiaux au cours de la pandémie actuelle.

Partant du constat évoqué précédemment, la loi du 14 mars 2016 a instauré la mise en place de commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, les fameuses Cessec. Quatre ans plus tard, un peu moins de la moitié des départements n’a pas encore procédé à la mise en place d’une commission de ce type, non pas par mauvaise volonté, mais parce que les services de la protection de l’enfance sont en tension, confrontés à une augmentation du nombre d’enfants placés et à la diminution du nombre d’assistants familiaux, recherchant sans cesse des places pour accueillir dans les meilleures conditions possible les enfants qui leur sont confiés et pour éviter des prises en charge dans les hôtels. Se pose en arrière-plan, bien évidemment, la question primordiale des moyens financiers dont peuvent disposer les départements pour assurer leur mission.

Un changement de statut pour un enfant devenant pupille et adoptable – adoption simple – paraît évidemment une possibilité sécurisante à la fois pour l’enfant et pour les parents.

Historiquement, l’adoption simple a vu le jour plus d’un siècle et demi avant l’adoption plénière, mais nous savons que la très grande majorité des candidats à l’adoption souhaitent une adoption plénière, alors que le profil des enfants placés et des enfants à adopter a profondément évolué ces dernières années.

Ainsi, la proportion d’enfants dits « à besoins spécifiques » en raison de leur âge, de leur profil psychologique ou de leur handicap a fortement augmenté, rendant, il faut bien le dire, leur adoption plus délicate. Ce n’est bien sûr pas sans conséquence pour les services des conseils départementaux, qui sont les acteurs incontournables de la protection de l’enfance. La pédagogie et l’accompagnement des candidats à l’adoption sont de vrais enjeux, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le même esprit, il serait pertinent de favoriser et de formaliser le parrainage, afin de répondre à la diversité des profils d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Deuxièmement, cette proposition de loi aborde la prise en charge des mineurs au-delà de leur majorité. Les conseils départementaux ne sont évidemment pas insensibles à cette question. Ils accompagnent régulièrement des jeunes majeurs, notamment quand ils sont en cours d’études ou en apprentissage.

À l’inverse, il faut le souligner, et la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales l’a rappelé, il existe des jeunes qui souhaitent voler de leurs propres ailes dès leur majorité et ne veulent surtout plus être accompagnés par les services de la protection de l’enfance. Il nous faut peut-être accepter la diversité des situations.

Enfin, troisièmement, cette proposition de loi concerne les mineurs isolés étrangers. La plupart des départements ont été confrontés à une arrivée massive de mineurs non accompagnés. Il est à noter que depuis la mise en place du fichier biométrique que nous attendions et que le Sénat appelait de ses vœux, le nombre d’arrivées a stagné, à défaut d’avoir diminué.

En Charente-Maritime, afin de faciliter les démarches administratives au moment de la majorité de ces mineurs non accompagnés et de l’arrêt de la prise en charge par le conseil départemental, nous avons fait le choix de travailler étroitement avec les services de l’État, afin d’anticiper la sortie de ces jeunes du dispositif dans les meilleures conditions et d’éviter toute sortie sèche.

Nous l’avons vu, ce texte balaie plusieurs champs de la protection de l’enfance. Si je partage les propositions visant à favoriser l’adoption simple et le parrainage, je préfère attendre et revoir ces sujets à l’occasion de l’examen d’un grand texte relatif à l’adoption, rappelant, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, que l’adoption, c’est d’abord donner une famille à un enfant.

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