Je remercie Mme Josiane Costes de l’occasion qu’elle nous offre d’échanger sur plusieurs aspects d’un sujet majeur, en particulier sur les mineurs étrangers isolés, question que j’ai suivie lors de l’examen des textes législatifs relatifs à l’asile et à l’immigration.
Nous étudions cette proposition de loi à un moment très particulier puisque la période de confinement s’est malheureusement accompagnée d’une hausse très importante des violences intrafamiliales, en particulier des violences sur les enfants, selon les statistiques qui ont été communiquées ces derniers jours.
À la suite de cette période, il est probable qu’énormément de familles seront déstabilisées par la situation sociale et salariale. Elles seront peut-être affectées par une perte de revenus. À cela s’ajoute la question de la capacité à envoyer les enfants à l’école et à faire face à différents défis. Il est donc à craindre des situations de violence.
La proposition de loi que nous examinons appelle quelques remarques importantes. Si éloigner un enfant de ses parents biologiques peut être une nécessité, en particulier en cas de violence avérée, nous devons veiller à faire en sorte qu’un tel éloignement soit très exceptionnel et autant que possible réversible. Il ne faut jamais accélérer les processus de destruction de famille.
Nous estimons que le maintien du lien est dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi l’actuel délai de délaissement de douze mois nous semble un équilibre qu’il ne faudrait pas remettre en cause. Au vu de ce qui se passe dans d’autres pays, six mois seraient probablement pour les enfants de moins de 3 ans un facteur de graves dérives. Il faut de toute façon aider les parents qui sont déstabilisés dans un moment passager à reconstruire le lien avec leurs enfants.
L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990 précise d’ailleurs que sauf maltraitances avérées les États doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’aider les parents à garder autant que possible un lien avec leurs enfants, même lorsqu’ils font face à une dépression, à une maladie, à un moment d’égarement particulièrement grave. Même dans ce cas, il ne faut pas que les conséquences soient systématiquement irréversibles.
C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l’idée de la présomption de désintérêt pour les parents des mineurs étrangers isolés. Laisser partir son enfant ne constitue pas nécessairement une démarche d’abandon ; c’est parfois, dans le déchirement, l’expression de la volonté de le voir échapper à une vie infernale, à la misère, à l’exploitation. Une appréciation de cet acte devrait-elle de surcroît entraîner des conséquences sur la relation entre les parents et leur enfant ?
Je ferai maintenant quelques remarques sur la question de la nationalité. Eu égard à la manière dont on peut transmettre la nationalité française par une adoption plénière par rapport à l’adoption simple, il y a un petit décalage qui mérite d’être étudié. Enfin, il existe aussi une difficulté par rapport à la situation des pays qui n’acceptent pas une double nationalité.
L’aide sociale à l’enfance est une mission essentielle et l’engagement de ses acteurs doit être salué. Les statistiques qui ont été citées témoignent non pas de l’échec de l’ASE, mais de la difficulté de sa mission.
En particulier pour les jeunes étrangers, se pose la question de la rupture après 18 ans. Quelle différence entre un jour de plus et un jour de moins ? Nous avons tous été parents et nous savons que les jeunes, quel que soit leur âge, ont tous besoin d’accompagnement. C’est encore plus vrai pour ceux qui ont eu une enfance particulièrement compliquée. L’une des difficultés actuelles est donc de prévoir un accompagnement après 18 ans.
Les mesures proposées nous semblent aller dans le bon sens. Il est essentiel de simplifier les parcours administratifs et d’examiner la question des titres de séjour. Il faut aussi rejeter les tests osseux. Je regrette la position du Sénat lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, une coupure ayant été instaurée pour les mineurs isolés dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. De ce fait, un maximum de chances ne peut pas être donné à ces jeunes, qui ont pourtant été aidés avant leurs 18 ans.
Enfin, l’ASE doit rester une priorité nationale. Elle a besoin de moyens, en particulier pour accompagner les familles d’accueil. Je vous remercie, ma chère collègue, de la démarche que vous avez engagée en ce sens.
Monsieur le secrétaire d’État, dans les dix secondes de temps de parole qu’il me reste, je souhaite vous interroger sur un sujet qui n’a rien à voir avec la proposition de loi, mais qui me semble important. Sans aborder directement le débat de la gestation pour autrui, la GPA, les restrictions de circulation en Europe ont des conséquences dramatiques pour les enfants nés par GPA, en particulier en Ukraine.