Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme un certain nombre d’orateurs précédents, je commencerai par remercier l’auteure de cette proposition de loi, Josiane Costes, qui pose les différents enjeux de la protection de l’enfance de façon éclairée.
Il me semble très positif et encourageant de discuter aujourd’hui ensemble, au Sénat, d’un sujet aussi vaste que difficile, qui englobe tant la sortie de l’aide sociale à l’enfance que la situation des mineurs non accompagnés et qui est terriblement d’actualité. En effet, le confinement lié au coronavirus a entraîné pour certains enfants un risque de maltraitance et a mis en lumière les difficultés des violences intrafamiliales.
La raison d’être de cette proposition de loi est donc de promouvoir un recours plus précoce à l’adoption simple d’enfants mineurs dont les parents sont défaillants, mais toujours vivants.
En pratique, la loi rend l’adoption des enfants pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance très difficile, ce qui expose ceux-ci à évoluer dans des structures peu propices à la mise en place de projets de vie stables et structurants, ou de projets éducatifs.
Afin de remédier aux complexités procédurales actuelles et de proposer une alternative davantage pérenne, le texte vise à faciliter l’adoption de ces enfants mineurs dans la forme simple. Il s’agirait, notamment, d’accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental, afin d’offrir le plus tôt possible une prise en charge durable des enfants via l’adoption.
Je suis de l’avis du rapporteur : la précipitation ne semble pas adaptée à des enjeux aussi décisifs, et ce d’autant plus dans le contexte particulier de flou autour de la procréation médicalement assistée et de l’adoption par les personnes de même sexe.
C’est indiscutable, notre rôle est de protéger les enfants, et je suis conscient que certaines situations familiales sont dramatiques. Mais l’enfant ayant quasiment toujours intérêt in fine à maintenir des liens harmonieux avec sa famille naturelle, empêcher une amélioration semble excessif et nuire à son intérêt.
Selon bon nombre d’acteurs spécialisés dans la protection de l’enfance, il faut préserver autant que possible le lien parents-enfant. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Plus tôt on les accompagne, plus on augmente leurs chances de remplir pleinement leur rôle éducatif et de prévenir l’apparition de difficultés éducatives majeures.
La ligne de crête de la protection de l’enfance est de réussir à concilier l’intérêt de l’enfant, le respect de ses droits et le respect des droits des parents. La lutte contre la pauvreté est, par ailleurs, un enjeu réel. Je rappelle que 80 % des enfants en situation de placement viennent de familles vivant avec un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Cette lutte est fondamentale, notamment pour améliorer la prise en charge des mineurs placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance au-delà de leur majorité, comme le propose le texte dans un deuxième temps.
Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a élaboré un certain nombre de mesures pour éviter les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance ; elles sont en cours de déploiement sur le territoire. Évaluons-les à moyen terme avant d’en élaborer d’autres.
Je dirai maintenant un mot de la généralisation de l’accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans. Il est de la responsabilité des départements d’accompagner les jeunes de l’ASE arrivant à 18 ans à travers, notamment, les contrats jeune majeur. Mais ils ne s’en affranchissent pas tous de la même façon. De plus, ces contrats concernent prioritairement des jeunes qui ont un solide projet. Or ceux qui ont le plus besoin d’accompagnement sont ceux qui n’ont pas de projet.
Pour les acteurs du terrain, il faudrait soumettre l’accompagnement des jeunes au-delà de 18 ans non pas à un projet précis, mais à l’aboutissement de l’éducation du jeune. En tous les cas, il faudrait prévoir un accompagnement vers la sortie de l’ASE au moins un an avant la majorité du jeune, afin de construire avec lui un projet.
Je finirai mon propos en évoquant l’amélioration de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il semblerait qu’il soit nécessaire de repenser le cadre d’accueil de ces derniers. Il s’agit d’un sujet important pour les conseils départementaux.
Comme je l’ai indiqué, ce texte pose de bonnes questions. Je suivrai néanmoins la commission et je voterai contre, car il n’apporte pas de réponse suffisamment globale et efficiente. Il me semble que les familles ont un rôle à jouer. J’en veux pour preuve l’école à la maison : le confinement n’a-t-il pas montré que les parents étaient les premiers éducateurs des enfants ?
Et si les parents devenaient le centre des politiques éducatives ? Je suis convaincu qu’une réflexion doit être menée sur l’accompagnement à la parentalité dans la politique familiale. Si nous accompagnons les parents, ils accompagneront mieux leurs enfants.