Intervention de Michel Canevet

Réunion du 28 mai 2020 à 14h30
Plafonnement des frais bancaires — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Michel CanevetMichel Canevet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe socialiste, tout particulièrement Rémi Féraud, qui connaît parfaitement le dossier, d’avoir déposé la présente proposition de loi tendant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Le sujet est important.

Vous le savez tous, la question des frais bancaires a fait l’objet de différents textes législatifs depuis un certain nombre d’années. Ainsi, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a institué des mesures de plafonnement pour ceux qui doivent faire face à des incidents de paiement ou à des irrégularités.

En France, nous avons la chance d’avoir un réseau bancaire particulièrement important et dense, constitué de plus d’une centaine d’institutions financières, qui offrent des produits très diversifiés et variés. Cela permet à la clientèle d’opérer des choix s’agissant des services à en attendre. Cet élément mérite d’être signalé.

Nous sommes tous particulièrement attachés au maintien de la présence bancaire sur le territoire. Le réseau se compose d’un grand nombre d’agences, dont on déplore parfois la réduction, de même que celle des distributeurs automatiques de billets. Le groupe Les Indépendants a déposé plusieurs textes visant à améliorer l’offre territoriale de distributeurs de billets. Les institutions financières ont donc un rôle essentiel dans notre pays.

La proposition de loi a été déposée avant la crise actuelle. La pandémie a modifié la perception que l’on pouvait avoir des institutions financières. Si les choses ne se sont pas trop mal passées en matière financière, c’est parce que les établissements concernés ont su faire preuve de célérité et de simplicité dans l’application d’un certain nombre de dispositions. Je pense en particulier aux prêts garantis par l’État, qui ont tout de même été mis en œuvre dans des délais extrêmement brefs, avec des taux d’acceptation très élevés, preuve du bon fonctionnement du dispositif. Les institutions financières se sont également attachées à prendre différentes mesures, dont certaines étaient d’ailleurs suggérées par le Gouvernement ; je pense, par exemple, aux reports d’échéance. Elles ont également fait preuve de beaucoup plus de bienveillance s’agissant des frais pouvant être facturés en cas d’irrégularités et d’incidents de paiement. Nous devons, me semble-t-il, prendre ces éléments en compte et avoir conscience de la chance que nous avons eue de disposer d’un réseau bancaire aussi efficient.

La présente proposition de loi s’intéresse aux personnes en situation de fragilité financière, qui sont évaluées à environ 3, 6 millions en France. Celles-ci sont inscrites soit au fichier des incidents de paiement, si elles ont été confrontées à de tels incidents pendant trois mois consécutifs, soit dans le dispositif des situations de surendettement, auquel cas elles sont automatiquement considérées comme étant en fragilité financière.

Les établissements financiers ont aussi leurs propres critères pour définir les personnes en situation de fragilité financière, à partir du niveau de ressources ou des incidents de paiement répétitifs qui sont observés. Dans ce cas, ainsi que cela a été évoqué, des dispositifs permettant de limiter les frais à 8 euros par opération et 80 euros par mois pour un client lambda sont mis en œuvre. L’offre spécifique, qui a été instituée depuis 2014, comprend un nombre minimal de services. Le nombre de bénéficiaires a augmenté significativement, passant de 380 000 personnes en 2018 à 487 000 aujourd’hui. En d’autres termes, environ 15 % des personnes peuvent être considérées comme étant en situation de fragilité financière. Pour les bénéficiaires de cette offre spécifique, le plafonnement est à 4 euros par opération et à 20 euros par mois. Nous le voyons, des dispositions existent, et elles ont montré tout leur intérêt.

La proposition de loi vise à intégrer l’ensemble des coûts bancaires, c’est-à-dire les frais liés aux incidents et aux services bancaires, dans ces plafonnements. Or, de mon point de vue, il ne faut pas remettre en cause notre système bancaire français, qui est particulièrement opérant. Si l’on réduit les moyens des banques, ne nous étonnons pas de les voir ensuite diminuer leur présence sur le territoire, se séparer de personnels et opter pour la dématérialisation, comme on le constate effectivement. Il faut que des personnes restent en relation avec les clients, pour jouer un rôle de conseil.

Par conséquent, la commission des finances a estimé qu’il n’était pas souhaitable d’adopter la présente proposition de loi.

Le texte prévoit en outre de donner à la Banque de France et aux présidents de conseil départemental et de centre communal ou intercommunal d’action sociale la possibilité d’enjoindre aux établissements financiers d’ouvrir des comptes au titre de l’offre spécifique pour les clients. Pour ma part, je considère que la responsabilité individuelle existe dans notre pays. Ne faisons pas les choses à la place des autres ! Le rôle des services sociaux est d’accompagner les personnes dans un certain nombre de démarches, pas de se substituer à elles dans l’exercice de leurs droits et libertés. Que chacun reste à sa place ! La commission des finances n’a donc pas jugé opportun de retenir une telle proposition.

Certes, des dispositifs existent, par exemple pour le droit au compte. Mais force est de constater qu’ils sont très peu usités : il y a eu deux interventions seulement en 2018. Leur existence, qui part de très bonnes intentions, n’est pas justifiée.

Il faut évidemment accompagner ceux qui ont des problèmes. C’est le rôle des points conseil budget (PCB), qui ont été institués en 2016. J’invite d’ailleurs le Gouvernement à continuer de lancer des appels à projets en ce sens, car l’objectif initial de 400 PCB n’est pas atteint ; on en dénombre seulement une centaine aujourd’hui. Il est souhaitable que les points conseil budget puissent se développer sur le territoire, car ils permettent à des personnes en situation de fragilité financière de mieux gérer leurs comptes. Certains ont en effet du mal à gérer leur situation financière. Le fait qu’il existe des frais à payer les conduit sans doute à réfléchir à cette question et incite les banquiers à s’y intéresser aussi, par exemple en proposant un accompagnement.

Pour terminer, je salue l’initiative que le Gouvernement a prise en 2018 et encore tout récemment pour inciter les établissements bancaires à avoir une approche beaucoup plus rigide, en contingentant le niveau des frais bancaires. Nous voyons que cela donne des résultats. Il faut continuer.

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