Séance en hémicycle du 28 mai 2020 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bancaire
  • banque
  • client
  • d’urgence
  • fragile
  • frais
  • période
  • social
  • solidarité

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-François Husson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Madame la secrétaire d’État, la prise en charge par l’État d’une partie des dépenses relatives aux masques mis à la disposition des Français, qui relève de votre compétence, est un sujet important.

Vous le savez, les collectivités territoriales ont engagé beaucoup de dépenses de matériels de protection. Le 5 mai, j’avais interrogé Mme Gourault, en rappelant les annonces du Premier ministre : une prise en charge des dépenses locales pour l’achat des masques à hauteur de 50 % sous réserve que la commande soit postérieure au 13 avril. Comme je l’avais alors souligné, celles et ceux qui ont pris des initiatives plus tôt se retrouvent malheureusement victimes d’un dispositif inéquitable et injuste.

M. Lecornu avait répondu le même jour qu’au lieu de cibler certaines catégories de collectivités au risque de créer une usine à gaz, le choix avait été fait de les viser toutes, en partant du principe que les plus grosses et les plus riches aideraient les plus petites et les plus pauvres à irriguer le territoire en masques grand public. Il insistait également sur la « souplesse » du dispositif, la date de référence étant la date de facturation, et non celle de livraison. Or, depuis, une instruction du Premier ministre évoque toujours la date de commande.

Le sujet me paraît trop important. Il faut – c’est le cas de le dire ! – arrêter la guerre des masques. Le Président de la République a déclaré que l’État serait présent « quoi qu’il en coûte ». Je pense qu’une position claire, rassurante et digne de l’importance du sujet s’impose. L’ensemble des collectivités ayant pris des initiatives doivent bénéficier de la participation de l’État à hauteur de 50 %, quelle que soit la date non plus de commande, mais de facturation – celle-ci sera forcément postérieure au 13 avril, ce qui permettra d’englober tous les cas de figure – jusqu’au bornage indiqué, actuellement fixé au 1er juin. J’attends que l’État soit au rendez-vous, une fois de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol, M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 339, résultat des travaux de la commission n° 447, rapport n° 446).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en déposant cette proposition de loi au début de l’année, nous étions bien loin d’imaginer l’intensité de la crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, ainsi que les conséquences économiques et sociales dramatiques qui frappent désormais un grand nombre de nos concitoyens. En effet, si notre pays connaît une augmentation des inégalités sociales depuis plusieurs années et si la question du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations et du débat politique depuis 2018, la crise risque d’accentuer encore bien davantage les disparités sociales, la précarité et les difficultés financières des plus modestes.

Dès lors, nous avons le devoir de définir des mécanismes visant à contenir une telle dégradation, en limitant autant que possible la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens. C’est pourquoi la question des frais bancaires est si importante aujourd’hui. Ces frais maintiennent la tête sous l’eau de ceux qui sont déjà en difficulté et nuisent directement à l’efficacité des actions publiques menées pour les aider à sortir de cette situation. Ils constituent donc un levier sur lequel nous devons agir, puisque nous en avons la possibilité. C’est l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter, au nom du groupe socialiste et républicain.

La situation actuelle n’est plus acceptable. Ainsi, l’association 60 millions de consommateurs considérait en 2018 que les frais liés aux incidents de paiement coûtaient chaque année 34 euros en moyenne à chaque Français, mais près de 300 euros à ceux qui étaient en difficulté persistante. Cette même étude montrait aussi qu’un foyer en difficulté financière sur cinq était prélevé à hauteur de 500 euros par an au total. Si l’on compare ce montant à la somme perçue par les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou bien au niveau du seuil de pauvreté, il est difficile d’imaginer comment les personnes concernées peuvent s’en sortir. Par exemple, l’aide exceptionnelle de 200 euros que le Gouvernement a mise en place pour les étudiants au mois de juin servira souvent à peine à combler les frais bancaires accumulés pendant cette période. C’est aberrant !

Selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire, en 2019, en France, 3, 6 millions de personnes étaient considérées comme en situation de fragilité bancaire. Ce sont autant de Français qui auraient dû bénéficier d’un plafonnement effectif des frais bancaires. Car, et c’est peut-être le chiffre le plus parlant, plus de 90 % des personnes qui perçoivent moins de 1800 euros de revenus mensuels, c’est-à-dire le salaire médian en France, payent plus de 40 euros de frais pour incident par mois. Nous devons agir. Je sais que nous sommes nombreux à partager cette volonté. À nos yeux, ce plafonnement doit être entendu au sens large, et non limité aux seuls incidents de paiement, si nous voulons que notre action ait des répercussions fortes sur le pouvoir d’achat.

À plusieurs reprises, le Gouvernement a pris des engagements ces dernières années.

En réponse à la crise des gilets jaunes, le Président de la République a lui-même promis au mois de décembre 2018 de plafonner les frais bancaires pour les plus fragiles de nos concitoyens. Car, dans la crise démocratique et sociale qui venait de se déclencher avec tant de violence, l’enjeu des frais bancaires était l’une des revendications mises en avant avec force et apparaissait comme un levier sur lequel l’État pouvait agir.

Interrogé dans cet hémicycle par Laurence Rossignol au mois de novembre dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a réitéré ces engagements : plafonner les incidents bancaires à 20 euros par mois et 200 euros par an dans le cadre de l’offre spécifique ; augmenter le nombre de clients bénéficiaires de cette offre ; plafonner les frais d’incidents bancaires à 25 euros par mois pour les personnes aux revenus modestes n’ayant pas nécessairement besoin de l’offre.

Force est de constater que ces mots n’ont toujours pas été suivis d’effets. Et pour cause : la bonne volonté du Gouvernement est moins grande que la mauvaise volonté des banques !

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a fait supprimer l’amendement du groupe socialiste qui visait à protéger les ménages les plus fragiles des frais et commissions pour incident bancaire au cours de cette période. Cet amendement avait pourtant été adopté très largement par le Sénat. Écoutez bien l’exposé des motifs de l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale : « Cette disposition pourrait créer des effets d’aubaine importants ou susciter des effets indésirables, notamment en réduisant les incitations à honorer certains paiements dus. » C’est de cette logique punitive qu’il faut sortir, car elle enfonce les plus fragiles et les plus pauvres et, plus largement, tous ceux dont les revenus couvrent à peine les dépenses incontournables. Même le ministre Olivier Véran a reconnu : « Je ne l’aurais pas écrit ainsi et je regrette ces mots qui n’ont pas à figurer dans un exposé sommaire quand il s’agit de frais bancaires pour des personnes précaires. » Madame la secrétaire d’État, qui a donc rédigé un tel exposé des motifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Depuis, Bruno Le Maire a de nouveau affirmé qu’il n’y avait pas lieu de renforcer le cadre légal existant relatif aux frais bancaires, dans une déclaration faite quarante-huit heures après l’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour. Heureuse coïncidence…

C’est pour mettre fin à de telles tergiversations que Patrick Kanner, mes collègues du groupe socialiste et républicain et moi-même avons déposé cette proposition de loi. Ce texte, s’il ne répond sans doute pas à toutes les problématiques, permettra néanmoins, en cas d’adoption, d’en traiter une partie importante.

Je ne veux pas être trop long sur le dispositif lui-même. Je sais que le rapporteur, Michel Canevet, y reviendra. Je tiens d’ailleurs à le remercier de son travail au nom de la commission des finances.

D’abord, en modifiant le code monétaire et financier, l’article unique de notre proposition de loi vise à intégrer dans les plafonnements définis par décret la problématique des frais bancaires. Nous l’avons souligné, ceux-ci ont connu une croissance très soutenue ces dernières années et servent beaucoup trop aux établissements bancaires de variable d’ajustement pour leurs marges. La somme perçue – je parle des frais visant l’ensemble des services bancaires – représente au total près de 30 milliards d’euros par an. Ainsi, les plafonnements s’appliqueraient aux sommes perçues par les banques pour les incidents de paiement et pour les différents et très nombreux services bancaires proposés par les établissements.

Ensuite, nous proposons que les plafonds spécifiques dont peuvent bénéficier les personnes en situation de fragilité bancaire atteignent au maximum le tiers du plafond général existant. Il s’agit là d’un enjeu important sur le plan social : éviter que les plus modestes ne soient ceux qui contribuent le plus en réalité, comme c’est le cas aujourd’hui.

Enfin, dans la mesure où il est avéré que les établissements bancaires ne sont pas suffisamment coopératifs en matière de reconnaissance des personnes en situation de fragilité et qu’ils ont toujours l’interprétation la plus restrictive possible, nous voulons ouvrir aux présidents de conseil départemental, de centre communal ou intercommunal d’action sociale, ainsi qu’à la Banque de France la possibilité d’exiger d’un établissement bancaire l’application du statut de personne en situation de fragilité. Car ce que nous constatons aujourd’hui, c’est une interprétation trop restrictive de la part des banques : certains bénéficiaires qui devraient en relever y échappent, la plupart en bénéficient trop tardivement et en sortent ensuite trop rapidement, rendant l’offre spécifique, qui est un progrès, largement inopérante.

Par ailleurs, une fois n’est pas coutume, le groupe socialiste a déposé des amendements sur son propre texte. Ceux-ci visent à prendre en compte la situation de crise sanitaire qui est apparue après le dépôt de la proposition de loi. Les modifications suggérées permettront d’inclure les citoyens les plus durement touchés par la crise dans les dispositions que nous proposons d’adopter, comme nous l’avons déjà voté ensemble lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

J’espère que le Sénat confirmera son engagement en ce sens, comme il l’a fait, malgré l’avis défavorable du Gouvernement, à une très large majorité voilà tout juste deux semaines.

Mes chers collègues, l’urgence sociale nous impose de ne pas renoncer. Face à cette crise, encore plus qu’hier, nous avons le devoir de protéger les plus modestes avant les bénéfices réalisés par les banques. Sur le sujet des frais bancaires, si important pour les Français, nous avons déjà beaucoup attendu. Il est maintenant temps de vraiment changer les choses, donc de légiférer !

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe socialiste, tout particulièrement Rémi Féraud, qui connaît parfaitement le dossier, d’avoir déposé la présente proposition de loi tendant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Le sujet est important.

Vous le savez tous, la question des frais bancaires a fait l’objet de différents textes législatifs depuis un certain nombre d’années. Ainsi, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a institué des mesures de plafonnement pour ceux qui doivent faire face à des incidents de paiement ou à des irrégularités.

En France, nous avons la chance d’avoir un réseau bancaire particulièrement important et dense, constitué de plus d’une centaine d’institutions financières, qui offrent des produits très diversifiés et variés. Cela permet à la clientèle d’opérer des choix s’agissant des services à en attendre. Cet élément mérite d’être signalé.

Nous sommes tous particulièrement attachés au maintien de la présence bancaire sur le territoire. Le réseau se compose d’un grand nombre d’agences, dont on déplore parfois la réduction, de même que celle des distributeurs automatiques de billets. Le groupe Les Indépendants a déposé plusieurs textes visant à améliorer l’offre territoriale de distributeurs de billets. Les institutions financières ont donc un rôle essentiel dans notre pays.

La proposition de loi a été déposée avant la crise actuelle. La pandémie a modifié la perception que l’on pouvait avoir des institutions financières. Si les choses ne se sont pas trop mal passées en matière financière, c’est parce que les établissements concernés ont su faire preuve de célérité et de simplicité dans l’application d’un certain nombre de dispositions. Je pense en particulier aux prêts garantis par l’État, qui ont tout de même été mis en œuvre dans des délais extrêmement brefs, avec des taux d’acceptation très élevés, preuve du bon fonctionnement du dispositif. Les institutions financières se sont également attachées à prendre différentes mesures, dont certaines étaient d’ailleurs suggérées par le Gouvernement ; je pense, par exemple, aux reports d’échéance. Elles ont également fait preuve de beaucoup plus de bienveillance s’agissant des frais pouvant être facturés en cas d’irrégularités et d’incidents de paiement. Nous devons, me semble-t-il, prendre ces éléments en compte et avoir conscience de la chance que nous avons eue de disposer d’un réseau bancaire aussi efficient.

La présente proposition de loi s’intéresse aux personnes en situation de fragilité financière, qui sont évaluées à environ 3, 6 millions en France. Celles-ci sont inscrites soit au fichier des incidents de paiement, si elles ont été confrontées à de tels incidents pendant trois mois consécutifs, soit dans le dispositif des situations de surendettement, auquel cas elles sont automatiquement considérées comme étant en fragilité financière.

Les établissements financiers ont aussi leurs propres critères pour définir les personnes en situation de fragilité financière, à partir du niveau de ressources ou des incidents de paiement répétitifs qui sont observés. Dans ce cas, ainsi que cela a été évoqué, des dispositifs permettant de limiter les frais à 8 euros par opération et 80 euros par mois pour un client lambda sont mis en œuvre. L’offre spécifique, qui a été instituée depuis 2014, comprend un nombre minimal de services. Le nombre de bénéficiaires a augmenté significativement, passant de 380 000 personnes en 2018 à 487 000 aujourd’hui. En d’autres termes, environ 15 % des personnes peuvent être considérées comme étant en situation de fragilité financière. Pour les bénéficiaires de cette offre spécifique, le plafonnement est à 4 euros par opération et à 20 euros par mois. Nous le voyons, des dispositions existent, et elles ont montré tout leur intérêt.

La proposition de loi vise à intégrer l’ensemble des coûts bancaires, c’est-à-dire les frais liés aux incidents et aux services bancaires, dans ces plafonnements. Or, de mon point de vue, il ne faut pas remettre en cause notre système bancaire français, qui est particulièrement opérant. Si l’on réduit les moyens des banques, ne nous étonnons pas de les voir ensuite diminuer leur présence sur le territoire, se séparer de personnels et opter pour la dématérialisation, comme on le constate effectivement. Il faut que des personnes restent en relation avec les clients, pour jouer un rôle de conseil.

Par conséquent, la commission des finances a estimé qu’il n’était pas souhaitable d’adopter la présente proposition de loi.

Le texte prévoit en outre de donner à la Banque de France et aux présidents de conseil départemental et de centre communal ou intercommunal d’action sociale la possibilité d’enjoindre aux établissements financiers d’ouvrir des comptes au titre de l’offre spécifique pour les clients. Pour ma part, je considère que la responsabilité individuelle existe dans notre pays. Ne faisons pas les choses à la place des autres ! Le rôle des services sociaux est d’accompagner les personnes dans un certain nombre de démarches, pas de se substituer à elles dans l’exercice de leurs droits et libertés. Que chacun reste à sa place ! La commission des finances n’a donc pas jugé opportun de retenir une telle proposition.

Certes, des dispositifs existent, par exemple pour le droit au compte. Mais force est de constater qu’ils sont très peu usités : il y a eu deux interventions seulement en 2018. Leur existence, qui part de très bonnes intentions, n’est pas justifiée.

Il faut évidemment accompagner ceux qui ont des problèmes. C’est le rôle des points conseil budget (PCB), qui ont été institués en 2016. J’invite d’ailleurs le Gouvernement à continuer de lancer des appels à projets en ce sens, car l’objectif initial de 400 PCB n’est pas atteint ; on en dénombre seulement une centaine aujourd’hui. Il est souhaitable que les points conseil budget puissent se développer sur le territoire, car ils permettent à des personnes en situation de fragilité financière de mieux gérer leurs comptes. Certains ont en effet du mal à gérer leur situation financière. Le fait qu’il existe des frais à payer les conduit sans doute à réfléchir à cette question et incite les banquiers à s’y intéresser aussi, par exemple en proposant un accompagnement.

Pour terminer, je salue l’initiative que le Gouvernement a prise en 2018 et encore tout récemment pour inciter les établissements bancaires à avoir une approche beaucoup plus rigide, en contingentant le niveau des frais bancaires. Nous voyons que cela donne des résultats. Il faut continuer.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat et la concertation sont indispensables à la vie démocratique. C’est d’ailleurs la méthode que nous avons suivie depuis le début du quinquennat et que nous continuons de suivre pour répondre aux attentes de nos concitoyens et leur apporter les meilleures solutions possible.

C’est notamment le cas sur la maîtrise des frais bancaires. Le sujet est important, dans un contexte où nombre de nos concitoyens sont confrontés à une dégradation de leur situation économique et sociale.

Le plafonnement des frais d’incidents bancaires mis en place par le Gouvernement en faveur des publics fragiles est effectif. Il permet de soutenir nos concitoyens en difficulté dans la période actuelle. Le Gouvernement ne s’est pas contenté de promesses sur le sujet ; il a pris des mesures fortes qui s’appliquent désormais.

Première étape, au mois de septembre 2018, nous avons conclu un accord avec le secteur bancaire pour plafonner les frais d’incidents à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les publics bénéficiaires de l’offre dite « clients fragiles ». Cette offre spécifique, prévue par la loi depuis 2014, garantit l’accès aux services bancaires de base à un prix modique. Nous avions également fixé l’objectif d’une progression de 30 % du nombre de personnes bénéficiant de l’offre, soit environ 300 000 à l’époque.

Deuxième étape, au mois de décembre 2018, nous avons élargi le principe du plafonnement à tous les clients identifiés comme fragiles financièrement, permettant à plus de 3 millions de personnes d’être éligibles au dispositif. Les banques se sont engagées auprès du Président de la République à plafonner à 25 euros par mois et à 300 euros par an les frais d’incidents bancaires pour tous les clients concernés.

Ces mesures sont importantes. Elles fonctionnent aujourd’hui pour les Français touchés par la crise. Le dispositif que nous avons mis en place a démontré son efficacité pour réduire les frais d’incidents des personnes en fragilité financière. Comme vous le savez, ces engagements sont suivis et contrôlés depuis 2019 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Observatoire de l’inclusion bancaire. Des contrôles de l’ACPR et de la DGCCRF ont ainsi été diligentés à partir de 2019. Nous avons réalisé sur cette base un bilan de l’application du plafonnement en février dernier. Il en ressort que les engagements pris par les banques en matière de plafonnement ont bien été respectés.

Le plafond mensuel de 25 euros de frais d’incidents bancaires s’applique à 3, 3 millions de clients. Il a permis une diminution des frais pour plus d’un million de nos concitoyens. En 2019, 490 000 personnes ont bénéficié de l’offre spécifique, contre 380 000 à la fin de l’année 2017, soit une progression de plus de 100 000 personnes en quelques mois. Ces résultats sont significatifs.

Sur la base de ce bilan, nous avons amélioré le dispositif pour répondre aux attentes des différentes parties prenantes. En février dernier, nous avons obtenu l’engagement des grandes entreprises émettrices de factures de déployer d’ici à la fin de l’année 2021 des solutions, afin que les prélèvements infructueux représentés – ils peuvent générer plusieurs fois des frais – soient automatiquement identifiés. Ainsi, pourra être évitée l’application répétée de frais. Ces entreprises vont également pouvoir proposer à leurs clients de choisir librement les dates de prélèvement pour prévenir les accidents de trésorerie.

D’autres améliorations inspirées de discussions concrètes avec les acteurs de terrain vont être mises en œuvre dans les prochaines semaines.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, Bruno Le Maire s’est engagé à améliorer la définition de la fragilité financière, qui conditionne l’accès à l’offre bancaire spécifique et au plafonnement des frais d’incidents. Cette évolution vise à permettre aux personnes fragiles de bénéficier plus rapidement des effets du plafonnement, qui intervient aujourd’hui après trois mois. L’idée est de déclencher plus précocement ce repérage des personnes fragiles. Nous allons également renforcer la transparence relative à l’application du plafonnement par chaque établissement de crédit et aux résultats concrets.

Vous le voyez, le dispositif existe, il est effectif et les résultats sont au rendez-vous. Cela démontre qu’il n’est pas besoin de passer par la contrainte législative pour parvenir à des résultats concrets et puissants, et que le dispositif peut être amélioré constamment en s’appuyant sur les remontées de terrain. Nous proposons donc pragmatiquement de poursuivre dans cette voie, car elle a démontré son efficacité.

Au-delà de cette question de méthode, nous avons également une divergence de fond avec le dispositif proposé. Le texte de la proposition de loi elle-même n’est pas en accord avec l’exposé des motifs. En effet, il prévoit un plafonnement de l’ensemble des frais bancaires, et pas seulement de ceux qui sont liés à des incidents, pour toutes les clientèles, quelle que soit leur situation de revenus et de patrimoine. Cela ne nous semble pas vraiment pertinent. Il nous paraît difficile de défendre un plafonnement généralisé qui s’appliquerait de manière indiscriminée aux frais d’incidents et aux frais de fonctionnement normaux, lesquels rémunèrent des prestations habituelles fournies par les établissements bancaires. Il nous semble aussi difficile de défendre l’extension aux clientèles plus aisées d’un dispositif de plafonnement créé pour les clients fragiles.

Il n’y a rien d’anormal à ce qu’un client effectuant de nombreuses transactions bancaires et disposant de moyens financiers importants paye des frais, notamment en cas d’incident ; on peut effectivement estimer qu’il est suffisamment organisé pour éviter une telle situation.

En outre, un plafonnement généralisé aurait des effets collatéraux contre-productifs. En plafonnant tous les tarifs pour toutes les clientèles, nous risquons d’inciter les établissements à ne plus proposer certains services, qui sont quasiment gratuits aujourd’hui, comme la mise à disposition de chéquiers, mais aussi à renchérir d’autres produits, comme les crédits à la consommation ou les crédits immobiliers, pour qu’ils puissent retrouver des marges.

Une telle contrainte risquerait enfin d’accélérer la réorganisation de certains réseaux bancaires, ce qui pourrait nuire à la continuité territoriale de l’offre bancaire et à la densité des réseaux, à laquelle je sais votre assemblée à juste titre sensible.

J’ajoute enfin que cette proposition irait à l’encontre du développement de services innovants. En effet, dans le secteur bancaire, le développement d’offres alternatives favorise le consommateur. Je pense notamment aux néo-banques, qui font partie intégrante du paysage bancaire pour nombre de nos concitoyens et qui permettent d’accéder à des services bancaires de qualité pour un coût très faible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne soutiendra pas ce texte, qui, tant sur la méthode que sur les propositions formulées, n’améliorera pas la situation des plus fragiles.

En matière de frais bancaires, le dispositif de plafonnement des frais d’incidents mis en place par le Gouvernement en lien avec le secteur bancaire et les associations protège nos concitoyens touchés par la fragilité financière. Nous allons poursuivre la mise en œuvre de cette méthode de terrain fondée sur la concertation, qui a démontré son efficacité.

Les Français, particulièrement dans cette période difficile, attendent avant tout des résultats. C’est ainsi que nous répondrons réellement au défi social qui est devant nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui de la proposition de loi du groupe socialiste visant à renforcer le plafonnement des frais bancaires.

Les observateurs quelque peu cyniques y verront sans doute une scène écrite d’avance ; lors de ce duel annoncé entre les consommateurs, en particulier les plus modestes, et les banques, chaque côté de l’hémicycle défendra probablement un camp différent, dans un style très « ancien monde »… En réalité, il ne s’agit pas du tout de cela. C’est pourquoi je remercie le rapporteur et les auteurs de la proposition de loi d’avoir posé le problème.

Soyons précis : qu’un service proposé ait un coût, quoi de plus normal, d’autant que le jeu de la concurrence empêche les excès. Mon inquiétude porte moins sur le prix des services que sur les frais d’incidents bancaires. S’il me semble bienvenu de rappeler que le coût de gestion d’un incident de paiement ne se limite pas, pour la banque, au prix du timbre utilisé pour envoyer une lettre au client, est-il pour autant acceptable de constater que les citoyens les plus fragiles financièrement sont aussi ceux qui peuvent payer le plus de frais bancaires, au risque d’être entraînés dans une spirale sans fin ? Non, nous ne pouvons pas nous y résoudre !

Mes chers collègues, ce texte comporte néanmoins des imperfections manifestes. Outre les questions juridiques, le plafonnement proposé paraît excessif à bien des égards. Il vise ainsi l’ensemble des Français, alors que la problématique des frais bancaires ne pourra être résolue qu’au moyen d’une approche plus fine.

Quant à la suppression des frais proposée par les auteurs de cette proposition de loi durant la crise sanitaire, elle a certes le mérite d’envoyer un signal fort, mais elle ne résout en rien le problème de fond, au contraire même. Je suis d’ailleurs peu enclin à la gratuité, quelle qu’elle soit, car c’est une forme de leurre. Ce qui est gratuit a toujours un coût supporté par d’autres et a, de surcroît, un effet déresponsabilisant.

Il faut, me semble-t-il, lier ce débat à celui du modèle économique des banques dans son ensemble, notamment dans un contexte de taux bas. Si les prêts ne rapportent plus, il faut bien trouver l’argent ailleurs. Dans le retrait d’espèces ? On sait malheureusement qu’entre les zones blanches et la surabondance de distributeurs bancaires dans certains endroits, les injustices sont nombreuses.

Ne resterait-il alors que les frais bancaires pour survivre ? Non, assurément ! Et ce raisonnement simpliste doit nous conduire à nous interroger. Un plafonnement aveugle déplacerait simplement le problème, et, demain, une nouvelle proposition de loi socialiste serait peut-être déposée pour demander l’intervention de l’État face à une nouvelle étape de désengagement territorial des banques.

Le ciblage plus fin et la détection plus rapide des publics vulnérables, pour lesquels l’on pourrait ainsi réduire fortement la charge des frais bancaires pour leur éviter la spirale que j’évoquais précédemment, sans bouleverser davantage le modèle économique des acteurs bancaires, paraissent une piste intéressante. Nous avons eu l’occasion de rappeler que le taux de souscription de l’offre spécifique n’excédait pas 15 % des clients éligibles. Faut-il alors réformer le fonctionnement d’un outil considéré comme trop rigide pour ses détenteurs ? La question est posée.

Mais il est toujours délicat de faire en sorte que l’offre spécifique ne soit pas perçue comme punitive et stigmatisante. Pour autant, il ne s’agit pas d’en faire un statut comme un autre alors qu’elle signifie la fragilité du client.

Face à ce dilemme, les engagements forts négociés avec le secteur depuis la crise des gilets jaunes ont été rappelés. Dont acte. Oui, nous devons apprécier ces avancées, qui auraient bénéficié, selon vos chiffres, madame la secrétaire d’État, à un million de clients supplémentaires.

Profitons dès lors de ce texte pour traduire dans la loi les engagements mis en œuvre depuis dix-huit mois sur les frais bancaires, la loi étant par définition moins perméable aux aléas du contexte général. Le rapporteur, Michel Canevet, dont je salue une nouvelle fois le travail, propose de profiter de l’examen de ce texte pour apporter des améliorations reposant sur une logique importante, la transparence. Cette transparence paraît en effet nécessaire, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté qu’il y a à connaître le réel montant des frais d’incidents bancaires acquittés chaque année par les Français. On le sait, derrière l’opacité, les règles de la réelle concurrence des marchés sont vite distordues ; c’est un terreau propice à certains abus.

Mes chers collègues, je pense que l’esprit de responsabilité de Sénat peut et doit imprégner cet épineux sujet, trop souvent réduit à la caricature du banquier qui se gave sur le dos des plus modestes. Sachons élever le débat au bon niveau, en évitant tout excès. Derrière les mots se cachent des réalités très différentes, et nous devons éviter de les caricaturer ou de les traiter à la légère.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour le groupe socialiste et républicain, la crise que nous traversons n’est pas seulement une crise sanitaire et économique ; c’est aussi une bombe sociale à fragmentation. Les mesures prises par le Gouvernement depuis deux mois n’anticipent pas, malgré nos multiples alertes, cette situation dégradée qui attend notre pays et qui risque de s’installer pour de nombreuses années.

Certes, cette proposition de loi a été pensée bien avant que nous puissions imaginer la situation actuelle.

Certes, la problématique des frais bancaires est bien antérieure à la crise que nous vivons. Notre texte aurait été tout aussi pertinent il y a six mois, deux ans, voire plus encore.

Je dois le dire, même si c’est une évidence : le dispositif que nous proposons est encore plus opportun aujourd’hui. J’ai bien entendu les remarques de M. Husson, et je sais que des amendements ne manqueront pas d’être adoptés à l’occasion de notre débat. Mais nous sommes heureux de constater que ce texte d’interpellation a manifestement atteint sa cible.

Nous le savons, et l’histoire est là pour le rappeler, les crises sociales n’accouchent que rarement d’un monde d’après plus fraternel et plus solidaire. Il nous appartient de veiller à ce que cette solidarité s’inscrive dans les faits.

Si nous ne faisons rien, cette crise sera comme les autres. Les plus fragiles seront durement frappés, les inégalités augmenteront, une partie de la classe moyenne basculera dans la précarité et le populisme progressera.

La tâche qui nous attend est colossale. Deux mois de quasi-arrêt de l’économie, des échanges internationaux au plus bas, une confiance des ménages très faible : ces différents facteurs vont mécaniquement provoquer une hausse du chômage et une baisse des revenus pour de nombreux Français. Les chiffres publiés aujourd’hui par Pôle emploi sont terribles.

La crise ne pourra être évitée, mais ses conséquences doivent être réduites le plus possible. Pour cela, l’urgence la plus absolue doit être décrétée par le pouvoir exécutif. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Des mesures d’urgence ont bien été prises pour faire face au confinement et pour accompagner le déconfinement ; des aides ponctuelles ciblées ont été débloquées. Je les salue, mais les enjeux sont bien plus larges, et le thermomètre de l’explosion de la demande alimentaire doit plus que nous alerter.

Oui, l’urgence est à l’action sur le front social !

Convoquer l’esprit du Conseil national de la Résistance, comme l’a fait à plusieurs reprises le Président de la République, ne suffit pas. Il faut agir et mettre en place en urgence un nouveau pacte social national pour amortir l’effet de la crise sociale et sanitaire. Sinon, mes chers collègues, ce sont non pas des jours heureux qui nous attendent, mais des jours désastreux.

Le groupe socialiste et républicain compte sur la Haute Assemblée pour engager le travail, dès maintenant, en votant cette proposition de loi, sûrement amendée. J’espère que le Gouvernement, à la lumière de ces éléments et de la dégradation de la situation sociale, se montrera plus ouvert. Qu’il cesse de qualifier d’effet d’aubaine la limitation de ces frais, comme l’a rappelé Rémi Féraud ! Cette prise de position est calamiteuse et porte atteinte à la dignité des Français les plus en difficulté.

L’exécutif doit changer de ton et de position. Actuellement, il se contente de demander aux banques davantage d’autorégulation. Il semble donc placer la défense et la liberté d’action du secteur bancaire comme une priorité, plutôt que d’agir en direction des 80 % de nos concitoyens en situation d’endettement qui, dans les faits, ne bénéficient d’aucun plafonnement. En permettant aux banques de jouer le rôle du gendarme et, parfois, du voleur, il renforce les inégalités sociales.

La situation est grave. Actuellement, près de la moitié de la population active subit une perte substantielle de ses revenus en se retrouvant au chômage partiel, et risque de rejoindre la cohorte des Français précaires asphyxiés par des frais toujours plus importants.

Nous avons donc décidé que cette limitation des frais bancaires devait concerner non seulement les plus fragiles, mais également les Français qui subissent une perte de revenus temporaire en raison de la crise.

Notre dispositif de limitation de ces frais permet de réguler un domaine qui ne l’est pas assez et de desserrer l’étau qui empêche de nombreuses familles de sortir la tête de l’eau pour quelques centaines d’euros.

Ce n’est plus la pression des ronds-points qui doit vous pousser à agir dans ce domaine, madame la secrétaire d’État, mais la lutte contre le cataclysme social qui se dessine.

Le groupe socialiste et républicain pense que la République est légitime quand elle est sociale. Ce n’est pas un effet de tribune que de le dire. Il faut regarder les choses en face. Si nous ne faisons rien, la désespérance ne sera pas seulement sociale ; elle sera aussi démocratique, et elle entraînera des conséquences que chacun mesure parfaitement dans cette enceinte.

Aujourd’hui, mes chers collègues, vous avez le pouvoir d’agir pour le pouvoir de vivre. Ensemble, sachons saisir cette opportunité !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, rendre effectif et renforcer le plafonnement des frais bancaires est une démarche qui pourrait recueillir une très large adhésion au Parlement et sans doute être plébiscitée par nos compatriotes.

Cette initiative relève d’une bonne intention et peut avoir son utilité dans notre réflexion sur un tel sujet.

Avant de se prononcer sur ce texte, il convient de rappeler la situation du secteur bancaire et certaines caractéristiques de son fonctionnement et de son évolution.

Le modèle bancaire a changé au cours de la dernière décennie, avec un produit net bancaire en légère diminution de 3 % entre 2009 et 2016 et un équilibre de ses composantes qui s’est sensiblement modifié.

Si les banques se trouvent aujourd’hui parfois concurrencées par d’autres acteurs, notamment sur les moyens de paiement, leurs fondamentaux historiques – prêts, activités de marché, autrement dit les placements financiers, et commissions – résistent bien. Cependant, ils ne sont plus des vecteurs aussi dynamiques que par le passé, ce qui a conduit le secteur bancaire lui aussi à se diversifier, par exemple sur le marché de l’assurance.

Cette appréciation prudente de la solidité et des perspectives de ce secteur ne nous exonère cependant pas d’examiner la pertinence des méthodes et des niveaux de frais bancaires, surtout pour ceux auxquels la loi peut conférer une base légale.

Par ailleurs, il faut bien reconnaître que l’ensemble des commissions, frais, pénalités représente un vrai maquis dans lequel les clients ont souvent du mal à se retrouver et où la transparence s’affiche toujours en petits caractères.

Mais avec cette proposition de loi, nous nous intéressons moins au secteur bancaire ou financier qu’à ses clients, en particulier les plus modestes, c’est-à-dire ceux qui sont souvent les plus vulnérables pour ce qui concerne la gestion de leurs revenus et de leurs dépenses. Il est vrai que ces personnes fragiles, tout comme d’autres particuliers – travailleurs indépendants, artisans, commerçants, petites et moyennes entreprises –, sont confrontées, chacune à leur niveau, aux mêmes difficultés face aux frais bancaires, ce qui peut les entraîner dans une spirale infernale pour les uns, mais profitable pour les autres. Ainsi, l’imputation des frais et pénalités du mois précédent sur un compte peut mettre celui-ci en position de découvert ou de dépassement d’autorisation, générant ainsi de nouveaux impayés et le déclenchement de nouveaux frais bancaires. C’est le système de la cascade : petit à petit, certains clients creusent le trou de leur compte.

La facturation globale du découvert bancaire représentait bien 6, 5 milliards d’euros de revenus en 2016, dont 4, 9 milliards d’euros de bénéfices, soit 16 % du résultat net des banques françaises, qui s’élevait à 30, 4 milliards d’euros. Ces revenus sont toutefois supportés non pas majoritairement par les catégories les plus modestes, mais par le secteur des PME, TPE et travailleurs indépendants.

J’adhère à la réflexion entourant ce texte. Pour autant, je ne me ferai pas l’avocat de cette proposition de loi, pour deux raisons essentielles. Elle me paraît en effet, d’une part, trop générale sur la notion de frais bancaires, d’autre part, trop ciblée sur le public concerné.

Sur le premier point, en termes de frais bancaires, il convient de bien faire la différence entre ce qui relève d’un contrat ou d’une prestation de services soumis naturellement à la libre concurrence et ce qui relève des pénalités – même si celles-ci portent parfois un autre nom –, lesquelles peuvent justifier un encadrement par la loi ou la réglementation. Il convient donc d’agir plus sur les principes et sur les pratiques que sur le montant des commissions ou des rémunérations.

Sur le second point, le périmètre ne doit pas être limité au seul public en difficulté, qui bénéficie déjà des protections rappelées par Mme la secrétaire d’État, car il n’y a aucune raison que les limitations ou l’encadrement aient un caractère catégoriel, suivant des normes qui ressembleraient plus à celles d’une caisse d’allocations familiales qu’à celles d’une banque, même publique ou mutualiste.

Bien évidemment, les personnes modestes, qui rencontrent, pour de multiples raisons, des difficultés, devraient être les premières bénéficiaires de nouvelles limitations ou protections, qu’il convient cependant de définir et d’adopter de manière plus générique.

Dans ces conditions, non sans avoir au préalable remercié les auteurs de cette proposition de loi de nous avoir permis de développer une réflexion sur ce sujet et le rapporteur de son analyse et de ses propositions, le groupe RDSE se ralliera, dans un souci d’efficacité, à la proposition de nouvelle rédaction de l’article unique formulée par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des tarifs pratiqués par les établissements bancaires a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs mois.

Je crois cette préoccupation partagée par toutes les couleurs politiques, et je remercie mes collègues du groupe socialiste d’avoir inscrit cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour qui leur est réservé, aux termes du règlement de notre assemblée.

La question, comme les choses de la vie, a toute sa place dans le débat parlementaire : les associations de consommateurs estiment à près de 6, 5 milliards d’euros les frais payés par les Françaises et les Français aux établissements bancaires. Ce chiffre comporte des disparités au niveau individuel : les clients en difficulté financière persistante se voient prélever près de 300 euros de frais par an, contre huit à neuf fois moins – 34 euros – pour l’ensemble des clients en moyenne.

Même si les chiffres ne sont pas objectivés faute de données fiables, les ordres de grandeur sont représentatifs de la situation des Français.

Cette question a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs années : depuis 2007, les tarifs bancaires liés aux incidents de paiement, c’est-à-dire le rejet par les banques d’un ordre de paiement par chèque, prélèvement ou carte, sont plafonnés, tout comme les commissions d’intervention perçues en raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire, depuis 2014. Voilà deux évolutions importantes, concrétisées sous deux majorités différentes.

En outre, et sous l’influence du droit européen, les établissements bancaires sont tenus, depuis la transposition de la directive du 23 juillet 2014, de proposer une offre spécifique comportant des services de base aux personnes en situation de fragilité financière. En sont bénéficiaires les personnes faisant l’objet d’une procédure de traitement de surendettement, les personnes inscrites au fichier central des chèques en raison d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par la banque et les personnes en situation de fragilité financière selon les banques.

Les mesures d’information ont également été renforcées : délai d’information avant de débiter les commissions d’intervention et présentation d’un document d’information tarifaire accessible en ligne gratuitement et distinct de la brochure tarifaire ; il s’agit de pouvoir comparer les frais bancaires d’un pays à l’autre.

Les évolutions ont aussi été liées à la colère exprimée à l’occasion du mouvement des gilets jaunes en 2018. Le Président de la République s’est largement impliqué lorsqu’il a convoqué les dirigeants des principales banques et obtenu le gel des hausses des frais bancaires en 2019.

D’autres engagements ont été pris, comme cela a déjà été souligné : plafonnement des frais d’incidents bancaires pour les personnes en situation de fragilité financière à 25 euros par mois, réduit à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique ; diffusion accélérée de l’offre spécifique pour la clientèle en situation de fragilité financière. Comme le note le rapporteur, Michel Canevet, dix-huit mois plus tard, force est de constater que ces engagements ont été tenus.

Je ne reviendrai pas sur l’article unique de la proposition de loi, le rapporteur ayant été suffisamment précis quant aux obstacles qui doivent pousser le Sénat à amender ce texte.

Les discussions entre le Gouvernement et les établissements bancaires se montrent fructueuses, sans mépris. Il me semble que les banques assument leur responsabilité dans le climat social de notre pays et répondent aux attentes toujours plus fortes et légitimes de justice.

Nous croyons, en revanche, que des précisions législatives peuvent intervenir. À ce titre, mon groupe proposera deux amendements.

Le premier vise à engager un effort de transparence des établissements bancaires quant aux critères qu’ils utilisent pour qualifier les personnes en situation de fragilité financière, lesquels relèvent à ce stade quasiment de leur libre appréciation.

Le second repose sur le constat que la transparence permise par le document d’information tarifaire, décliné en France par application de la directive du 23 juillet 2014, n’a pas conduit à une meilleure lisibilité pour les Français, tandis que disparaît progressivement l’extrait standard des tarifs.

Nous proposons donc que les banques publient dans un document unique les frais liés à douze services de base, et rien d’autre, en complément du document d’information tarifaire qui, lui, est exhaustif.

Par ailleurs, nous accueillons avec beaucoup d’intérêt les propositions du rapporteur, Michel Canevet. Il les a détaillées, et nous y reviendrons au cours du débat. À ce stade, je peux dire que nous partageons évidemment à la fois le constat du rapporteur et les pistes pour assurer une protection effective et une meilleure transparence. Ces propositions pertinentes doivent vous servir, madame la secrétaire d’État, à nourrir la réflexion sur ce sujet.

Enfin, mes chers collègues, je ne peux que rappeler la complexité de ces problèmes et des transformations qui sont à l’œuvre. La crise sanitaire a accéléré la fin de la monnaie sonnante et trébuchante des ferrailleurs de Max au profit d’un relèvement du paiement sans contact, par carte ou via smartphone. Mais elle a aussi rappelé que nombreux sont nos concitoyens exclus de ces outils. Je pense par exemple aux files d’attente devant les bureaux de poste formées de personnes désirant faire valoir leur droit à bénéficier d’allocations de solidarité. Face à cette étrange affaire, il faut travailler des solutions qui, sans doute, ne relèvent pas de la loi ; je pense notamment au développement d’applications numériques européennes et sûres pour une utilisation sur smartphone.

« La politique est une pratique créatrice », nous dit Cornelius Castoriadis. Alors, madame la secrétaire d’État, créons !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui nous permet de débattre en séance de la question du plafonnement des frais bancaires.

Ce texte était très pertinent dès le départ ; il l’est encore davantage aujourd’hui dans le contexte que nous connaissons. Il s’agit effectivement d’un vrai sujet, dont l’origine n’est pas vraiment récente. Ainsi, une étude sérieuse, reprise par un quotidien économique sérieux il y a quelques mois, a révélé des chiffres absolument astronomiques sur l’évolution des frais bancaires.

Le cabinet Sémaphore Conseil a étudié l’évolution des tarifs sur un panel représentatif de dix-huit banques depuis 2010 – banques nationales, mutualistes, régionales et banques en ligne. Sur ces dix années, les banques ont mis l’accent sur une stratégie de numérisation des services, l’objectif étant de diminuer globalement les prix des services assurés via internet et d’augmenter les tarifs en agence. Ainsi, les frais de consultation de compte à distance, qui étaient encore payants pour environ 70 % des banques du panel en 2010, sont désormais gratuits partout.

Dans le même temps, la gratuité des virements sur internet s’est généralisée, alors que les mêmes opérations réalisées en agence ont vu leur coût moyen augmenter de 28 % – l’étude évoque un tarif de 3, 70 euros par virement.

Toujours en agence, la mise à disposition de fonds coûte aujourd’hui 61 % de plus qu’il y a dix ans. Et les frais de location de coffre-fort ont progressé de 14 %, avec une facture moyenne de 99 euros.

Selon cette même étude, les frais de tenue de compte sont désormais facturés, dans le panel concerné, 17, 06 euros par an en moyenne, contre 1, 43 euro dix ans plus tôt, soit une hausse vertigineuse de 1193 % en dix ans. Les banques ne baissent pas les prix des cartes, qui restent assez coûteuses pour beaucoup d’entre elles, jusqu’à 325 euros par an pour une carte Visa Infinite en 2018, et dont les cotisations annuelles ont progressé de 5, 5 % à 14, 8 % sur dix ans. Tel est le contexte général.

Ces sommes pourront paraître dérisoires à des gens qui n’ont pas de difficultés en fin de mois, mais elles viennent sensiblement grever les moyens limités de nos concitoyens les plus en difficulté.

Selon les associations de consommateurs, 78 % des personnes en situation d’endettement n’ont bénéficié d’aucun plafonnement et 91 % des clients touchant moins de 1 800 euros de revenus et payant plus de 40 euros de frais pour incidents par mois n’ont pas non plus bénéficié du plafonnement à 25 euros, sur lequel les banques s’étaient engagées.

Par ailleurs, certains frais sont, à nos yeux, totalement injustifiés, par exemple ceux qui sont imputés lors de la saisie à tiers détenteur – c’est une véritable double peine qu’il conviendrait, selon nous, d’interdire. Citons encore le rejet de prélèvement qui est facturé 20 euros, alors que son coût administratif n’est en réalité que de quelques centimes.

Autant d’opérations qui viennent alimenter le montant de 6, 5 milliards d’euros cité par notre collègue dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Certes, la Fédération bancaire française semble contester ce chiffre, ce qui peut paraître surprenant pour des professionnels du chiffre au quotidien qui doivent pourtant être capables, à mon avis, de comptabiliser ces opérations ! Une commission d’enquête parlementaire serait-elle nécessaire pour obtenir ce chiffre ?

Un premier bilan établi fin 2019 montre que le principe du gel des frais bancaires a été globalement appliqué par la majorité des banques. Une analyse détaillée devrait être publiée très prochainement sur ce sujet – M. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, en parlait récemment. Il y a donc eu quelques exceptions notables.

Sans doute faudra-t-il exercer une certaine vigilance quant à l’évolution des tarifs sur l’année en cours. En effet, il faut absolument éviter une forme de rattrapage du gel de 2019. Toute augmentation serait socialement et moralement inacceptable. La force d’une loi serait la bienvenue de ce point de vue.

La pandémie en cours a des effets économiques énormes ; dans ce contexte, les millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté seraient particulièrement exposés à ce risque.

L’action du Gouvernement pour contrer ces effets nous semble insuffisamment volontariste et les propositions des banques souvent trop complexes, voire restreintes. C’est pourquoi le groupe CRCE est d’accord avec le présent texte qui propose un encadrement global de tous les frais bancaires.

Le plafonnement proposé par ce texte permet de laisser une marge de manœuvre assez large aux négociations entre le secteur bancaire et le Gouvernement, puisqu’il sera décidé par décret et garde la forme actuelle d’un plafonnement par mois et par opération. Toutefois, un plafonnement obligatoire par an serait, selon nous, le bienvenu.

Permettre à différentes instances, comme la Banque de France ou les présidents des conseils départementaux, d’enjoindre aux banques de proposer à certaines personnes l’offre spécifique renforcerait la visibilité de cette option et du statut de fragilité financière, qui est aujourd’hui appliqué de manière plus ou moins inégalitaire selon les établissements et mériterait d’être mieux défini.

La croissance soutenue des frais bancaires sur les dernières années et les stratégies de contournement des banques pour compenser les plafonnements partiels existants sont une véritable plaie sociale qui accroît les inégalités et fait des clients une variable d’ajustement pour réaliser des marges, à l’heure où les taux sont à la baisse et alors même que les banques devraient être au service de leurs clients.

Réglementer davantage le secteur bancaire incitera les banques à limiter les coûts de gestion liés aux irrégularités et les encouragera à mieux accompagner les personnes en difficulté financière. Au-delà d’une telle réglementation, nous défendons la mise en place de sanctions pour les établissements ne respectant pas les plafonnements. Des instances comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Observatoire de l’inclusion bancaire doivent être mobilisées pour aller vers plus de transparence.

Nous voterons donc cette proposition de loi de bon sens qui invite à une tarification responsable et à une meilleure inclusion bancaire.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par une petite histoire, celle d’une banque au rayon d’action limité – elle ne travaillait même pas sur la totalité de son département d’implantation. Un jour, cette banque a eu une idée : éduquer ses clients, en leur apprenant à bien gérer leurs comptes. Elle pensait en particulier à ceux de ses clients qui rencontraient des difficultés, par exemple ceux qui avaient de temps en temps des découverts injustifiés. Voilà comment est née la commission d’intervention !

Cette petite banque, le Crédit mutuel d’Anjou – une très belle région naturellement, puisque située à l’ouest de la France… –, a créé cette commission d’intervention dans un objectif, disons, pédagogique : faire évoluer le comportement de ses clients vers une meilleure gestion financière.

D’autres banques ont repris cette idée et la pratique s’est peu à peu généralisée, mais au fil du temps l’intervention de la banque auprès de ses clients a disparu, alors que la commission restait… Je rejoins donc l’idée qu’il faut analyser précisément à quoi correspondent les frais bancaires. Certaines commissions d’intervention atteignent aujourd’hui 17, 85 %, un taux un peu fort de café, d’autant que cette commission s’ajoute aux agios, aux frais de tenue de compte et à d’autres charges.

C’est pourquoi je salue l’inscription à notre ordre du jour de cette proposition de loi qui nous permet d’ouvrir le débat sur ce sujet de fond. Comme le rapporteur l’a rappelé, la France a la chance de disposer d’un réseau de banques solide, efficace et reconnu au niveau international – beaucoup de pays peuvent nous l’envier ! –, mais il doit s’appuyer sur le développement des services rendus, pas sur des frais injustifiés.

La rentabilité des banques ne doit plus s’appuyer sur ce type de frais et nous ne pouvons pas continuer dans cette direction. C’est d’ailleurs ce que nous ont dit les Français. Pourquoi croyez-vous que le mouvement des « gilets jaunes » s’est manifesté avec autant de force ? Pas parce que tout va bien ! Sommes-nous dans un pays parfaitement juste et égalitaire ? Évidemment, non !

Certains collègues ont évoqué la dématérialisation. À quoi sert-elle finalement ? À économiser l’envoi des relevés de compte ! En outre, quand vous ne recevez plus vos relevés de compte, vous n’avez pas vraiment conscience que la banque vous a facturé une commission et prélevé des frais. Vous ne vous en rendez compte que si vous prenez l’initiative de regarder la situation de votre compte sur le site internet de la banque, soit bien trop tard.

Souvent, on demande au client de payer une intervention qui n’a en fait pas eu lieu. Pourtant, si un conseiller bancaire avait appelé le client pour l’alerter sur le dérapage en cours, celui-ci aurait pu expliquer la situation – peut-être est-ce dû à un simple retard ? – et réagir comme il faut. Faire payer une « intervention » qui n’a pas eu lieu me paraît totalement inacceptable et irrégulier et nous ne pouvons pas accréditer de tels comportements. Si la banque facture une intervention, celle-ci doit être réelle !

C’est la raison pour laquelle, je le redis, je salue l’initiative de nos collègues socialistes. Elle a été prise bien avant l’épidémie de coronavirus qui a rendu certaines situations encore plus compliquées. Ce débat est très utile et, pour y contribuer, j’ai déposé un certain nombre d’amendements, dont nous discuterons tout à l’heure. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’examiner les choses de plus près. C’est ce que les Français attendent, parce que la situation actuelle ne peut pas leur donner entièrement satisfaction.

M. Patrick Kanner applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier le groupe socialiste et républicain d’avoir pris l’initiative d’inscrire à notre ordre du jour cette proposition de loi importante et bienvenue. Je souhaite également souligner le travail du rapporteur qui nous propose d’éliminer un certain nombre de petites imperfections de ce texte, ce qui nous permettra de le voter.

Le 23 mai dernier, un très grand professeur de droit social avec lequel j’ai beaucoup travaillé, Jean-Jacques Dupeyroux, nous quittait. Il avait à cœur de défendre les plus faibles et les plus fragiles, ceux dont nous parlons aujourd’hui, les 3, 5 millions de personnes qui sont dans la précarité. Il avait l’habitude de nous parler de l’effet Matthieu : « On donnera à celui qui a et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a ». Coluche a traduit et résumé ce principe : « Moins tu peux payer, plus tu payes ! »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Or c’est exactement ce qui se passe avec les frais bancaires. C’est pourquoi cette initiative doit être soutenue, même si elle présente des limites en termes de calendrier ou de navette parlementaire, comme l’ont indiqué Michel Canevet et Rémi Féraud. Il est extrêmement important que notre Haute Assemblée s’occupe des plus précaires d’entre nous dans la situation actuelle, puisqu’une véritable casse sociale risque de survenir dans les semaines ou mois à venir.

J’entends naturellement l’argument selon lequel une telle loi entraînera moins de services dans les territoires et pour les clients eux-mêmes, et nous devons regarder les choses attentivement. Des amendements ont d’ailleurs été déposés pour prendre en compte cet argument.

Pour autant, nous ne devons pas oublier qu’il a fallu attendre que la Banque centrale européenne tape du poing sur la table pour empêcher les banques, compte tenu de la situation actuelle, de distribuer en 2020 les dividendes de 2019.

Nous devons toujours viser un équilibre entre la protection des plus faibles et la non-fragilisation des banques. Les membres du groupe Union Centriste y sont très attachés. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements présentés par la commission des finances et le texte ainsi modifié.

J’espère que d’autres amendements intéressants pourront être adoptés. Je pense notamment à ceux sur la transparence des frais bancaires et sur l’information du bénéficiaire du compte.

L’information des clients est très importante et il ne faut pas oublier ceux qui n’ont pas de smartphone ou n’ont pas accès aux outils numériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Souvent, les populations fragiles ne peuvent pas choisir une banque en ligne, une « néobanque » pour reprendre l’expression de Mme la secrétaire d’État. Il faut donc prévoir une information « physique » du client et être attentif à ces nouvelles pratiques qui ne sont pas accessibles à tout le monde.

La Banque postale présente justement l’intérêt de préserver un minimum de relation physique entre la banque et le client. C’est pourquoi elle conserve toute son importance.

Si cette proposition de loi est votée – je crois qu’elle le sera, nous le devons aux populations les plus fragiles –, nous devrons vérifier ensuite comment les choses se mettent en place. La commission des finances a su trouver un équilibre entre les différents principes qui doivent nous guider. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera des deux mains la proposition de loi amendée par les propositions de la commission.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce type de débat relatif aux banques est souvent l’occasion de voir se confronter deux approches. L’une présente les banques comme des acteurs incontournables au service de l’économie et les frais bancaires comme l’un des corollaires du maintien d’un réseau d’agences sur tout le territoire. L’autre verse parfois dans la critique facile d’un supposé système et dans le bank bashing, les établissements bancaires étant perçus comme des machines à produire des dividendes pour les actionnaires sur le dos des clients grâce notamment aux frais bancaires.

De fait, la perception des banques dans l’opinion me semble assez dégradée. D’ailleurs, lors de manifestations, des agences bancaires sont régulièrement attaquées, les banques étant considérées comme les agents de la financiarisation au détriment de l’économie « réelle ».

À propos des frais bancaires, quelle que soit leur catégorie, les citoyens les perçoivent souvent comme opaques, excessifs ou sans rapport avec le coût réel du service, bien qu’ils fassent l’objet de diverses réglementations restrictives. Le problème existe donc bien et l’encadrement est certainement incomplet.

Ces derniers mois, l’épidémie de coronavirus a causé d’importants dégâts à l’économie. Les particuliers, mais aussi les entreprises et les collectivités ont et auront besoin du soutien des banques pour traverser cette période difficile et assurer la reprise. Dans ce contexte dégradé, les personnes les plus en difficulté risquent d’être davantage fragilisées. Elles sont les plus exposées aux coûts des incidents bancaires et aux frais divers qui accroissent la précarisation, même si elles ne sont pas les seules.

Après les manifestations des « gilets jaunes », l’État a obtenu des banques, en complément du gel des tarifs, le plafonnement des frais d’incident, geste que certains pourraient qualifier de timide, alors que les banques évoquent un manque à gagner significatif qui pèse sur leurs résultats.

Pour autant, tout n’apparaît pas résolu, puisque le malaise subsiste entre banques et usagers. Comme pour illustrer ce dialogue de sourds, des associations de consommateurs ont relevé dans une étude publiée en 2019 que 78 % des interdits bancaires et des surendettés ne bénéficiaient d’aucun plafonnement, quand la Banque de France considère que les banques ont bien respecté leurs engagements et ont fait des progrès significatifs.

Ce qui semble certain, c’est que des banques jouent davantage le jeu que d’autres, que des disparités existent entre les réseaux et les territoires, conduisant à des inégalités, et que la baisse de revenus liée au niveau très bas des taux d’intérêt conduit les banques à chercher d’autres ressources. En attendant, nombre de personnes continuent de s’enfoncer dans les difficultés, dès lors que les frais peuvent se cumuler en cas d’incidents répétés.

Certes, comme le signale la commission des finances, cette proposition de loi est perfectible, notamment parce que ses dispositions apparaissent à la fois trop fortes dans les restrictions qu’elles apportent et trop limitées dans leur périmètre. Néanmoins, à l’instar d’autres textes examinés ici – je pense à la proposition de loi relative à l’accès à l’énergie –, il me semble nécessaire d’être vigilant sur ces sujets.

Malgré des propositions inadaptées, ce texte soulève de véritables questions qui correspondent à des difficultés du quotidien des Français. Or, en particulier dans cette période de redémarrage de l’économie, il est important d’aider nos concitoyens, notamment les plus fragiles, et de restaurer la confiance entre les banques et les usagers – cela me semble primordial. Nous constatons chaque jour les effets délétères d’une société de défiance : citoyens mécontents, ménages en difficulté, agences bancaires vandalisées. Il nous faut avant tout sortir de cette spirale, sur laquelle prospèrent les extrêmes, et créer les conditions du rétablissement de la confiance et du dialogue.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

M. Patrick Kanner applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Les deux mots les plus importants sont sans doute « rendre effectif », parce que, si les ménages, sur lesquels les banques prélèvent des frais depuis tant d’années, avaient touché le montant de ces frais chaque fois qu’un gouvernement ou un ministre s’était engagé à les plafonner, à les limiter ou à les réduire, ces ménages seraient aujourd’hui très riches…

C’est vraiment une longue histoire. Cinq annonces ont déjà été faites : en 2004, en 2011, en 2014 et en septembre et décembre 2018, différents gouvernements ont annoncé que, cette fois, les banques s’étaient engagées la main sur le cœur à plafonner les frais bancaires.

Je vais d’ailleurs vous raconter une anecdote. En 2013, le Sénat a examiné un projet de loi de séparation et de régulation bancaires et j’avais déposé un amendement pour limiter les frais bancaires, preuve que je suis assez obstinée, même si je ne le suis certainement pas autant que Bercy ou les banques… Cet amendement avait été adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, mais dès le lendemain le ministre de l’économie et des finances demandait une seconde délibération, en prenant des engagements. Et aujourd’hui, nous sommes toujours en train d’en discuter…

Durant ma vie parlementaire, j’ai vu peu de sujets qui déclenchent aussi rapidement et mécaniquement autant de coups de téléphone. En temps normal, les banquiers me contactent rarement, mais dès que je dépose un amendement pour limiter les frais bancaires, cela n’arrête pas, chacun en appelant à ma responsabilité… Pour réagir aussi vite, il doit y avoir vraiment beaucoup de gens dans les établissements bancaires qui passent leur temps à suivre les débats parlementaires.

Madame la secrétaire d’État, vous faites comme vos prédécesseurs, comme Bruno Le Maire il y a quelques mois, comme le Président de la République au moment des « gilets jaunes » : vous nous dites que tout est réglé, puisque les banques se sont « engagées ».

Pourtant, entre fin 2019 et maintenant, le nombre des personnes protégées a explosé – toutefois, le dispositif de recensement des clientèles fragiles qui bénéficient d’offres spécifiques est simplement déclaratif…

Rémi Féraud et d’autres collègues ont déjà cité l’étude de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) qui n’est pas à proprement parler une officine révolutionnaire, communiste ou socialiste, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme Laurence Rossignol. … qui voudrait la peau des banques, comme on pourrait nous soupçonner de le faire.

M. Philippe Dallier ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Selon cette étude de l’UNAF, les conditions de protection des personnes fragiles ne se sont que très faiblement améliorées depuis trois ans – les chiffres ont été rappelés.

Finalement, tous ces débats ne visent qu’à une chose : éviter de légiférer. C’est la logique des banques, mais aussi de Bercy, qui souhaite laisser les banques libres d’organiser comme elles veulent la protection de qui elles veulent dans les conditions qu’elles veulent. Il est tout de même choquant pour une parlementaire d’entendre dire qu’en légiférant elle contraint, enferme, brime…

Aujourd’hui, l’équilibre des banques repose sur une solidarité inversée : en effet, les frais bancaires sont aussi élevés parce que les taux d’intérêt sont bas. Par conséquent, qui finance les intérêts de ceux qui ne payent probablement pas de frais bancaires ? Ceux qui payent beaucoup de frais bancaires, c’est-à-dire les plus fragiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La hausse des frais bancaires est concomitante à la baisse des taux d’intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous exagérez ! C’est une coïncidence temporaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

C’est un fait communément admis, monsieur Dallier. L’équilibre entre la baisse des taux d’intérêt et l’augmentation des frais bancaires est organisé par les banques. Vous ne voulez pas qu’on légifère, parce que vous ne voulez pas contraindre les banques. Or c’est justement un sujet sur lequel il faut fixer des règles.

Pour finir, je veux me référer à une étude publiée par des économistes de l’université de Zürich qui s’appelle Honnêteté des comportements dans les banques. Je tiens cette étude à votre disposition, elle conclut que les banques ont besoin d’être contraintes et encadrées pour être éthiques. Ainsi, avec ce texte, si nous contraignons et encadrons, c’est uniquement pour permettre aux banques d’être éthiques. C’est donc une mesure de salubrité publique !

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi a été déposée le 19 février dernier. Depuis, rappelons-le, la situation a beaucoup évolué au bénéfice des particuliers, notamment pour ceux qui sont les plus touchés par la crise.

En effet, le ministère de l’économie et des finances et la Fédération bancaire française ont signé, il y a deux semaines, un accord destiné à plafonner les frais d’incidents bancaires pour les personnes en difficulté – il prévoit un maximum de 25 euros mensuels dès le premier mois au lieu de trois mois auparavant. D’autres engagements ont été pris par les banques, comme celui de remédier à l’application répétée de frais sur un même prélèvement infructueux. Un texte devrait d’ailleurs être présenté très prochainement.

Bien que pavée de bonnes intentions, cette proposition de loi me semble donc inadaptée. Faire porter le chapeau des difficultés financières de particuliers à des entreprises privées me semble contre-productif. Rappelons-le, puisque nous avons tendance à l’oublier, les banques sont des entreprises et doivent par conséquent réaliser des bénéfices. Elles doivent aussi remplir les obligations de Solvabilité 2 fixées par le législateur.

Imposer à une entreprise une limitation de ses frais me semble inconstitutionnel. Je crois qu’il faut savoir raison garder et détailler un certain nombre de points fondamentaux.

Le secteur bancaire est constitué de deux branches : la banque de dépôt et celle d’investissement. La banque de dépôt est composée d’agences locales. Leur mission est de gérer les dépôts, d’accompagner les ménages et les entreprises dans leurs investissements et d’apporter du service.

Avec la baisse des taux, les bénéfices des banques de dépôt sont beaucoup plus faibles que ceux des banques d’investissement. De plus, les banques françaises subissent des pressions de la part du superviseur européen qui demande toujours plus de rentabilité par rapport aux autres modèles européens ou aux banques par internet – je suis pro-européen, mais j’attends autre chose de l’Europe.

Revenons à notre sujet ! Chaque année, nous constatons, impuissants, des fermetures d’agences locales, des licenciements et des services de plus en plus éloignés, sans personne physique pour nous répondre. Nous pestons de voir un système bancaire qui ne peut et ne veut résoudre les problèmes non courants, comme ouvrir un compte de campagne…

En réduisant les frais bancaires, nous diminuerons les recettes et accélérerons les fermetures des agences locales dans les territoires. Est-ce cela que nous souhaitons ? Je ne le crois pas. Souhaitons-nous augmenter les licenciements et réduire l’économie sur nos territoires ? Je n’en suis pas sûr…

Au contraire, si nous voulons que les banques de proximité continuent d’exister, il faut que le législateur contribue à consolider le modèle économique des banques de dépôt. Celles-ci veulent garder l’universalité et la relation commerciale avec tous les clients et rester des acteurs de la vie locale, quelles que soient les difficultés. Les banques sont également nécessaires pour réguler les défauts de paiement et sécuriser les échanges, en limitant les impayés par des sanctions.

Il est aussi primordial qu’elles restent de proximité pour comprendre les spécificités de chaque territoire, pour connaître leurs clients. Plus cette proximité sera mise à mal, moins les banques s’intéresseront aux dossiers complexes.

Avec une telle proposition de loi, j’ai le sentiment que nous déresponsabilisons une nouvelle fois les Français les plus en difficulté. Je ne suis pas sûr que ce soit générateur de situations pérennes. Demain, pour maintenir les réseaux, allons-nous les subventionner ? Il est temps de penser avant tout à ceux qui se lèvent chaque matin et qui sans cesse perdent du pouvoir d’achat, parce que la TVA, la CSG, l’impôt sur le revenu ou les taxes augmentent. Ces Français n’en peuvent plus de se sacrifier un peu plus. Ils souhaitent qu’on cesse de faire plus de social vers une minorité qui bénéficie déjà, et c’est tant mieux, de mesures très protectrices.

Vous l’aurez compris, je ne soutiendrai pas le texte proposé par le groupe socialiste, mais je m’associerai très volontiers à toutes les initiatives qui seront prises pour protéger les Français titulaires de comptes bancaires, sans mettre à mal le modèle économique des banques de dépôt.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Je ne vais pas répondre à l’ensemble des interventions, mais simplement donner quelques chiffres relatifs aux contrôles qui ont été réalisés sur la mise en place effective du plafonnement des frais bancaires, puisque certains orateurs ont affirmé que les engagements pris étaient purement déclaratifs.

Deux organismes dont les pouvoirs sont assez étendus réalisent ces contrôles : l’ACPR et la DGCCRF.

L’ACPR a procédé à deux vagues de contrôles sur seize établissements bancaires appartenant aux cinq grands réseaux nationaux qui représentent 98 % des clients fragiles. L’Autorité a constaté un gel des tarifs appliqués en 2019 et l’absence de rattrapage en 2020. En outre, 1, 1 million de clients ont bénéficié d’un plafonnement de leurs frais bancaires. Les frais d’incidents bancaires sont en moyenne de 19 euros par mois. L’offre spécifique concerne 487 000 bénéficiaires, ce qui représente une augmentation de 27 % par rapport à 2018. Les moins de 15 % de situations non conformes font l’objet d’un suivi de la part de l’ACPR et d’une mise en demeure en l’absence de régularisation.

Les engagements pris par le Gouvernement en 2018 sont donc appliqués et contrôlés ; je veux être très claire sur ce point, même si cela est peut-être différent de la situation qui prévalait auparavant…

De la même manière, la DGCCRF vérifie la bonne application de la réglementation sur les frais bancaires et la détection des publics fragiles. Sur une période de douze mois, elle a inspecté dans soixante-deux départements 1 500 comptes de particuliers.

Je ne vais pas entrer dans le détail, mais je voulais simplement apporter cette précision qui me paraissait utile. Fort heureusement, nous n’avons pas attendu la crise pour nous occuper des publics les plus fragiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion est générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.

I. – L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Art. L. 312 -1 -3. – I. – Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et les facturations de frais et de services bancaires sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au II du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques, d’un montant inférieur au tiers du plafond mentionné au présent I.

« II. – Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.

« III. – La Banque de France, le Président du conseil départemental, le Président du centre communal d’action sociale ou le Président du centre intercommunal d’action sociale peuvent, pour les personnes résidant sur le territoire de leur compétence, enjoindre sous huitaine un établissement bancaire à proposer cette offre spécifique à un de leurs clients et ainsi à appliquer le plafond spécifique mentionné au I.

« IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Comme l’ont rappelé d’autres collègues avant moi, cette proposition de loi présente un certain nombre de biais, si je puis dire. Elle a néanmoins le mérite de porter un regard appuyé, aiguisé sur les publics fragiles qui doivent faire face à des frais financiers et bancaires. Évidemment, la proposition de loi a été construite et déposée bien avant la crise sanitaire et la crise économique que nous allons aborder maintenant. Aussi, les publics fragiles auxquels vous pensiez à ce moment-là, mes chers collègues, ne sont peut-être pas ceux d’aujourd’hui.

Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur les étudiants, qui font face à des difficultés financières, parce qu’ils n’ont pas d’emploi, par définition. De surcroît, certains d’entre eux vont finir leur cursus de formation cet été et ils vont devoir commencer à rembourser leur emprunt étudiant. À mon sens, ils devraient pouvoir bénéficier d’un report, et cette proposition de loi peut être l’occasion de nous interroger collectivement sur la pertinence d’une telle mesure. Bien que cela ne corresponde pas tout à fait à l’objet du texte, je profite de la présence de Mme la secrétaire d’État parmi nous pour lui demander s’il est envisageable, non pas de réglementer – j’ai bien entendu que nous n’étions pas toujours en phase quant à l’obligation de légiférer sur ce genre de dispositif –, mais d’interroger les organismes bancaires pour aller dans ce sens. Il me semble qu’une telle mesure est attendue dans le monde étudiant.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de deux amendements et de trois sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 312-1-1 A, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

2° L’article L. 312-1-3 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Pour les personnes mentionnées au troisième alinéa du présent article, les frais liés aux irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et aux incidents de paiement sont plafonnés par mois et par an. » ;

c) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les éléments pris en compte par les établissements de crédit pour apprécier la situation de fragilité sont transmis, chaque année, à l’observatoire de l’inclusion bancaire et publiés. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Comme Stéphane Piednoir vient de le dire à l’instant, il convient de bien prendre en compte des situations variées, comme celle des étudiants. Je pense qu’un contact avec les réseaux bancaires sur ce sujet pourrait être bienvenu pour apporter des réponses adaptées.

Comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, les principales orientations de ce texte, déposé par le groupe socialiste et républicain, ne me semblent pas aller dans le bon sens ou, en tout cas, ne méritent pas d’être retenues en tant que telles. Je propose donc une réécriture générale de cet article unique non seulement pour intégrer des préoccupations permettant de faire évoluer le cadre législatif actuel, mais aussi pour répondre à un certain nombre d’interrogations qui sont ressorties des interventions des uns et des autres sur la nécessaire transparence et la clarté des informations provenant des établissements bancaires. Il importe que nous puissions analyser la situation et, pour cela, nous avons besoin de données extrêmement précises.

C’est pourquoi cet amendement a pour objet de prévoir, d’une part, le plafonnement global dans la loi des frais d’incident bancaire pour les personnes en situation de fragilité financière. Cela correspond aux engagements pris par la profession bancaire en décembre 2018, que nous transcrivons dans le texte. Cette mesure va permettre de protéger durablement les personnes en situation de fragilité financière contre une cascade de frais.

D’autre part, il vise à assurer la transparence des critères mis en œuvre par les banques pour identifier leurs clients fragiles en rendant obligatoire leur transmission à l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB). Je rappelle qu’il existe également un Observatoire des tarifs bancaires, puisque ce problème a été évoqué tout à l’heure. Tout cela est observé effectivement, cher Éric Bocquet, mais, pour ce qui concerne les clients en situation de fragilité, c’est bien l’Observatoire de l’inclusion bancaire, lequel réunit à la fois les professionnels des établissements financiers et les organisations de consommateurs, qui constitue le lieu idoine pour appréhender cette problématique dans les meilleures conditions.

Enfin, je crois que le Gouvernement s’est engagé par ailleurs à ce que la procédure de name and shame soit utilisée, le cas échéant, si des pratiques qui ne correspondent pas aux termes de la loi étaient observées. Dans ce cas, il faut que les orientations retenues par les établissements puissent être connues de tout le monde et réprimées.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le sous-amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les commissions d’interventions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire ne peuvent être facturées que si une intervention a été effective par un conseiller bancaire.

Monsieur Guerriau, pouvez-vous présenter en même temps les sous-amendements n° 18 rectifié bis et 19 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le sous-amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’établissement doit permettre au titulaire de ce compte de procéder aux ajustements nécessaires au moins cinq jours avant de procéder au prélèvement et apporter la preuve de l’avoir avisé préalablement.

Le sous-amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

En cas de manquement à ces vérifications, l’établissement est sanctionné d’une pénalité d’un montant dix fois supérieur au montant prélevé. Ce montant est reversé au titulaire du compte sur lequel les commissions ont été perçues.

La parole est à M. Joël Guerriau.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je reviens sur ce que j’ai dit. En fait, si cet amendement de la commission était adopté, je souhaiterais qu’il soit précisé sur un certain nombre de points, ce qui nous permettrait de mieux cibler les conséquences des pratiques que l’on constate aujourd’hui, et notamment de la fameuse commission d’intervention.

À l’origine, cette pratique était louable, puisqu’il s’agissait pour les banques qui l’avaient mise en place de faire en sorte que leurs clients changent de comportement lorsqu’ils avaient une tendance à se laisser aller à des irrégularités trop fréquentes. Or il se trouve que cette commission, aujourd’hui, est bien perçue par les établissements bancaires sans qu’il y ait la moindre intervention d’un conseiller.

Je propose, de manière équitable, de laisser la possibilité de percevoir cette commission, à condition qu’elle soit la contrepartie d’un travail bancaire effectif.

Comme un de nos collègues l’a dit en parlant de questions éthiques, il est utile d’avoir un cadre qui permette d’autoriser la banque à prélever de telles commissions, à condition qu’elles correspondent à un travail effectif de sa part, et non pas à une surenchère d’agios, qui aboutit à une augmentation des découverts des clients, alors même que, dans la réalité, le banquier n’a réalisé aucun travail effectif.

Je souhaite donc que notre assemblée adopte ce sous-amendement n° 17 rectifié bis, car il ne « mange pas de pain ». Il vise simplement à enjoindre aux banques d’être raisonnables et de n’appliquer des commissions que dans la mesure où elles ont effectivement mené une action auprès du client pour le sensibiliser et le prévenir, soit par un coup de téléphone, soit par un mail, qu’il devait régulariser son compte dans les plus brefs délais.

Ce premier sous-amendement ne fait que cadrer les choses de la manière la plus régulière possible pour éviter les abus constatés, qui viennent creuser les découverts des clients en ajoutant de nouvelles commissions d’intervention, etc. On n’en finit plus ! Je souhaite simplement mettre un terme à une situation abusive en imposant un comportement éthique aux banquiers.

Imaginez que vous allez dans une pharmacie pour un mal de gorge. Vous demandez un médicament au pharmacien pour vous soigner. Plus tard, vous vous rendez compte que l’on vous a prélevé des frais médicaux sur votre compte bancaire, comme si vous étiez allé voir votre médecin. Autrement dit, on vous facture une visite chez le médecin, alors que vous ne l’avez pas vu. C’est la même chose pour les commissions d’intervention.

Les sous-amendements suivants portent sur les délais et, enfin, les pénalités, au cas où ces règles ne seraient pas respectées.

Avec le deuxième sous-amendement, je propose un délai de cinq jours pour prélever la commission d’intervention, après avoir préalablement prévenu le client du risque qu’il encourait. C’est d’autant plus nécessaire que, avec la dématérialisation, le client, très souvent, ne s’en rend pas compte. Il constate le prélèvement trop tardivement, au moment où il consulte ses comptes sur internet.

Le troisième sous-amendement porte sur les pénalités. Il s’agit de dire à la banque qui serait tentée de ne respecter ni les règles portant sur l’action effective ni les délais de prévenance qu’elle sera pénalisée. Cette pénalité correspondrait à dix fois le montant prélevé au client dès l’instant qu’elle n’aurait pas respecté les règles qui relèvent de l’éthique : premièrement, je fais effectivement le travail pour lequel je me fais rémunérer ; deuxièmement, je donne un délai aux clients pour qu’ils réagissent ; troisièmement, je suis pénalisée si je n’ai pas respecté ces règles.

Voilà, ces propositions sont très simples, basiques et de bon sens et leur adoption permettrait d’établir un cadre correct, clair et transparent.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 8, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de leurs services proposés aux personnes vulnérables au regard de leur situation de fragilité financière, les établissements de crédits publient deux fois par an, sur leur site internet, les critères retenus, le nombre de bénéficiaires dans leur réseau, ainsi que le montant moyen des frais payés par eux. »

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

La transparence est évidemment un sujet clé pour comparer les offres bancaires. L’objet de cet amendement est donc d’améliorer la transparence. Nous savons que les critères pour bénéficier de l’offre spécifique sont précisés par le code monétaire et financier : il s’agit des personnes inscrites au fichier central des chèques de la Banque de France pendant plus de trois mois consécutifs, à cause d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par leur banque, et des personnes faisant l’objet d’une procédure de surendettement.

Néanmoins, une plus grande marge de manœuvre est laissée aux banques s’agissant des personnes en situation de fragilité financière. Ainsi, les études réalisées par l’ACPR montrent que certains établissements bancaires usent de critères particulièrement restrictifs pour apprécier la fragilité de leurs clients. Ce sont par exemple uniquement ceux dont les revenus sont inférieurs à 1 200 euros par mois, quel que soit leur historique d’incidents de paiement.

Nous proposons que les banques rendent publics, notamment sur leur site internet, le nombre de clients identifiés comme vulnérables, les critères qu’elles ont retenus et le montant moyen des frais qu’ils ont payés.

Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’inscrire dans la loi les engagements pris par les banques en septembre 2018, c’est-à-dire le plafonnement à 250 euros par an et à 25 euros par mois des frais bancaires pour les clients les plus fragiles, et à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les détenteurs de l’offre spécifique. Nous pensons en revanche que cette transparence dans les critères retenus, qui seraient ainsi davantage connus de tous, pourrait permettre d’assurer une plus grande équité de traitement, et surtout de pointer du doigt les mauvaises pratiques.

Nous nous abstiendrons sur l’amendement de la commission des finances. Cette intervention vaudra explication de vote sur les autres amendements et sous-amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements et sur l’amendement n° 8 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

S’agissant des sous-amendements de M. Guerriau, je voudrais rappeler que les commissions d’intervention sont plafonnées aujourd’hui à 8 euros par opération et à 80 euros par mois pour l’ensemble de la population, et à 4 euros par opération et à 20 euros par mois pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique.

Bien sûr, je partage tout à fait l’idée de mettre l’accent sur une démarche préventive, qui est effectivement souhaitable. Simplement, le dispositif proposé risque de ne pas être opérationnel, car il est concentré sur les seules commissions d’intervention, alors même que les frais d’incident bancaire excèdent cette seule question. Les banques tendent d’ailleurs à mélanger les commissions d’intervention avec d’autres frais. Il faut aussi souligner que la facturation actuelle des commissions d’intervention, lorsqu’elle est intégrée à un montant forfaitaire de frais de rejet, ne permet pas aux clients de visualiser le respect effectif du plafond. Enfin, je crois que le cadre législatif actuelprévoit déjà l’information préalable du client. Le sujet relève à mon avis plutôt des modalités réglementaires de mise en œuvre de cette information. J’émets donc un avis défavorable sur les trois sous-amendements, même si, je le répète, il faut accentuer la démarche préventive.

L’amendement n° 8 de M. Bargeton, qui vise à assurer la publicité des critères retenus par les établissements de crédit pour l’identification de la clientèle en situation de fragilité financière, est à mon sens satisfait par le dispositif que je propose. J’en demande donc le retrait.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

S’agissant des trois sous-amendements, je vais reprendre l’argumentaire du rapporteur. Effectivement, il y a déjà un plafonnement des commissions d’intervention. Celles-ci interviennent en regard, justement, du non-respect de la convention bancaire. Vous parlez de sanction : c’est un peu la même logique, mais appliquée aux clients et l’enjeu est de prévenir ces situations. J’émets donc un avis défavorable.

Je demande le retrait de l’amendement n° 14, en cohérence avec la position que j’ai exprimée sur l’ensemble de la proposition de loi. En fait, cet amendement est satisfait par le dispositif actuel. Il y a déjà un plafonnement et, par ailleurs, l’OIB collecte déjà les critères de fragilité utilisés par les établissements. Ceux-ci publieront dès cette année, dans leur rapport annuel, ces critères d’identification. C’est une avancée que nous mettons en place cette année, de façon à ce que non seulement l’OIB, mais également le public puissent y avoir accès.

Enfin, monsieur Bargeton, je vous suggère de retirer l’amendement n° 8 pour la même raison, c’est-à-dire qu’il est satisfait, même si la publication est prévue seulement une fois par an, au lieu de deux, comme vous le proposez. Cependant, il y aura bien, au-delà de l’OIB, l’obligation d’une publication annuelle des critères de fragilité, qui sont d’ailleurs, je le rappelle, encadrés réglementairement par l’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier. Vous mentionnez le niveau d’approvisionnement du compte, qui reste à la main de la banque. C’est justement ce que nous voulons faire préciser.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Les sous-amendements sont intéressants, même s’ils abordent parfois des questions périphériques par rapport à l’objet initial de la proposition de loi. En donnant votre avis sur les sous-amendements, madame la secrétaire d’État, vous avez dit que les commissions d’intervention répondaient non pas à une logique de rémunération d’un travail, mais à une logique de sanction. C’est précisément de cette logique que nous voulons sortir.

Par ailleurs, le sous-amendement n° 18 rectifié bis vise à donner au client le temps de rattraper un oubli, à moins, évidemment, de trouver d’autres solutions. Or cela concerne non pas les clients les plus en difficulté des banques, mais, en général, ceux qui ont oublié de virer de l’argent d’un compte d’épargne vers leur compte courant. Quant au sous-amendement n° 19 rectifié bis, il a pour objet d’imposer des sanctions supplémentaires en cas de non-respect des règles. Je crois que cela va aussi dans le bon sens.

Je dirai la même chose concernant la transparence, sujet qu’aborde l’amendement n° 8 présenté par Julien Bargeton. Comme le disait Laurence Rossignol lors de la discussion générale : puisque les banques prétendent respecter ce principe, quel problème y aurait-il à l’inscrire dans la loi ? En réalité, ce refus de légiférer vise toujours à permettre d’interpréter a minima les engagements pris et, le cas échéant, de les oublier en cours de route, sur la durée. Je crois donc qu’il est important d’inscrire les obligations de transparence dans la loi.

C’est ce que permet d’ailleurs l’amendement n° 14 présenté par le rapporteur, qui constitue un véritable progrès. S’il est adopté – je n’ai guère de doute sur ce point –, cet amendement constituera la colonne vertébrale du texte que le Sénat adoptera. À partir du moment où cette colonne vertébrale existe, nous aurons permis un progrès par rapport à la situation actuelle. C’est une évidence et c’est vraiment très important. Néanmoins, cet amendement vise à réécrire notre proposition de loi, qui ne comporte qu’un article unique, tout en limitant beaucoup sa portée et son impact en la limitant aux frais pour incidents bancaires et aux publics les plus fragiles.

Je veux d’ores et déjà noter le travail sérieux et les progrès certains obtenus cet après-midi au Sénat. Toutefois, comme nous pensons qu’il faut être plus ambitieux que le rapporteur, nous ne voterons pas son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je veux d’abord remercier M. Rémi Féraud de son interprétation de mes sous-amendements. J’ai du mal à comprendre l’intervention de M. le rapporteur. Je n’ai pas posé la question de savoir s’il fallait plafonner ; j’ai posé la question de savoir s’il fallait laisser perdurer une pratique injustifiée, qui consiste à prélever des frais pour une prestation qui n’a pas été réalisée. C’est comme si l’on acceptait finalement un vol manifeste.

Je ne comprends pas que le législateur ne réagisse pas. Comment accepter que les banques, qui admettent que la commission « d’intervention » ne correspond plus à une intervention, tentent de nous rassurer en disant qu’elle sera plafonnée ? Cela revient à autoriser une irrégularité et prétendre l’atténuer en invoquant le plafonnement. On pose une limite à un vol manifeste. Je suis désolé : s’il y a intervention, il y a facturation ; s’il n’y a pas intervention, il n’y a pas facturation ! Mon sous-amendement est extrêmement simple : l’intervention doit être effective !

Vous êtes en train d’autoriser que perdure une pratique inacceptable. Je le dis haut et fort, et si vous voulez m’attaquer, il n’y a aucun souci. Je ne manque pas de preuves.

Un de nos collègues vient de nous parler des étudiants. Figurez-vous que j’ai reçu une pétition d’étudiants qui se plaignent des commissions d’intervention. Les étudiants sont touchés par cette pratique, et en grand nombre. Ce sont même eux qui sont les premiers touchés par ces commissions d’intervention, qui ne sont justifiées par aucune intervention réelle. Je trouve inadmissible que, en tant que législateurs, nous puissions accepter cette situation en nous rassurant avec le plafonnement. Cela me choque énormément !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je vais bien évidemment soutenir l’amendement du rapporteur, mais je souhaite aussi soutenir les sous-amendements n° 17 rectifié bis et 18 rectifié bis.

S’agissant de l’intervention effective, je serai moins énergique que notre collègue auteur de ces sous-amendements, mais je voudrais rappeler, notamment à notre président de séance, qui met tellement de soin à présenter des « textes balais », que ce n’est pas le seul sujet pour lequel on prélève des frais pour des interventions qui n’existent pas. Ainsi, en matière de saisies immobilières, le créancier continue à payer une somme astronomique pour le salaire du conservateur des hypothèques, qui n’existe plus depuis des dizaines d’années. Je ne suis pas non plus d’accord pour payer des services qui n’existent pas et je soutiens donc le premier de ces sous-amendements.

En ce qui concerne le deuxième sous-amendement, c’est une question d’information, et puisque l’on a réduit le champ de cette proposition de loi par rapport à l’ambition initiale et qu’elle est tout à fait conforme à ce que voulait notre commission des finances, je pense que l’on peut ajouter un peu de transparence, car cela ne nous emmène pas trop loin. Au contraire, ce sous-amendement nous permettra d’avoir une vision plus claire de l’ensemble des frais bancaires et des prélèvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour me conformer à nos règles déontologiques, je vais simplement dire que je suis un employé du secteur bancaire en suspension de contrat de travail. Madame Rossignol, depuis que je suis parlementaire, personne n’a eu le culot de me passer le moindre coup de téléphone pour essayer d’orienter mon vote ou mes prises de parole. Cela aurait pu être le cas, puisque je me suis déjà exprimé sur ce sujet lors de la réunion de la commission des finances. Cela étant dit, je ferme la parenthèse.

Pour en revenir au texte de nos collègues socialistes, je le dis d’emblée, le groupe Les Républicains va soutenir la proposition de notre rapporteur, qui nous semble un bon compromis. Qu’un problème se pose, personne ne dit le contraire. Il y a eu des abus, avec des cascades de frais pour incidents bancaires, qui pénalisent effectivement trop souvent ceux qui ont déjà des difficultés. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut effectivement légiférer pour essayer de limiter ce genre de situation. Toute la question est de savoir jusqu’où aller.

Or votre proposition de loi ne traite pas que des gens qui sont en difficulté. Vous voulez toucher tout le monde et toujours tout réglementer. C’est là que je vois un vrai problème ! Vous étiez en train de nous expliquer, voilà quelques instants, que, si quelqu’un qui a des moyens oublie de transférer une somme de son compte d’épargne sur son compte courant et que, tout d’un coup, survient un incident de paiement, il fallait aussi traiter ce cas dans la loi. Franchement, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de nous proposer, en plus de l’exemple que vous êtes en train de nous donner ?

Nous devons donc être prudents, parce que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.

Je suis élu d’un département compliqué, la Seine-Saint-Denis, où beaucoup d’habitants n’ont effectivement pas d’autre solution que d’aller à La Poste, qui est effectivement la seule banque qui les accepte, même si d’autres banques sont présentes. Les dispositions que vous nous proposez poseront beaucoup de difficultés. Je pense au quatrième alinéa, où vous donnez le pouvoir au président du CCAS ou du CIAS de délivrer une injonction à l’agence bancaire pour classer tel ou tel client. Mes chers collègues, imaginez-vous les conséquences possibles d’une telle disposition ? Croyez-moi, beaucoup de ces banques fermeront leurs agences dans ces territoires pour ne plus avoir à subir des réglementations de cette nature. Au bout du compte, on ne fera que pénaliser un peu plus ceux qui cherchent effectivement une solution dans une banque « classique » – je ne dis pas, pour autant, que La Banque postale n’est pas une banque classique…

En résumé, je pense que notre rapporteur nous propose un bon compromis. Avec ce que nous nous apprêtons à transcrire dans la loi, nous allons plus loin que ce qui existe aujourd’hui. C’est une bonne chose, mais, de grâce, n’allons pas jusqu’au bout des idées que vous développiez dans le texte initial. Merci de m’avoir laissé conclure, monsieur le président, même si j’ai largement dépassé mon temps de parole.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Toute la difficulté, c’est que nous avons une approche un peu parcellaire de ce sujet. Je suis sensible à ce que dit Joël Guerriau : il n’y a pas de prestation, mais on facture une prestation ! Ce sujet mérite d’être traité, mais là, on ne traite pas l’ensemble du problème.

Je vais vous citer un autre cas que j’ai découvert. Je ne savais pas que cela existait, mais il faut savoir que les banques raclent les fonds de tiroir. Pour une petite entreprise, il y a ainsi une commission de lecture de bilan, facturée 250 euros. Je l’ai découverte cette année, parce qu’elle n’était pas appliquée auparavant à ladite entreprise. On découvre toujours des nouveautés… Je pense qu’il faut plus parler des pratiques et des méthodes utilisées que du niveau des prestations, car ce dernier aspect relève du domaine de la concurrence.

Avec votre approche, on va poser quelques rustines pour essayer d’améliorer le système, puis on y reviendra, parce qu’on s’apercevra qu’il y a d’autres trous ailleurs qui ne sont pas supportables. Cette problématique mériterait un examen un peu plus large. On s’y est intéressé non pas par le biais des banques, mais par le biais d’une préoccupation sociale parfaitement justifiée à mon sens. Cependant, on va boucher trois trous et en laisser cinq ou six, sur lesquels il faudra revenir.

J’y insiste, le fonctionnement du secteur bancaire mériterait un examen plus approfondi, madame la secrétaire d’État, même si vous pensez qu’il est globalement satisfaisant. Il y a sans doute des améliorations à y apporter, en matière d’équité et de simplification pour les entreprises, mais aussi de justice sociale pour un certain nombre de familles modestes. Je me rallierai à la position de la commission, mais j’en appelle à un examen plus approfondi du fonctionnement du système bancaire vis-à-vis de ses clients. Il y a des pratiques qui peuvent ne pas être justifiées, comme l’a dit Joël Guerriau à propos des commissions d’intervention.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Je souhaite rebondir sur l’intervention de M. Gabouty. Effectivement, ce texte aborde le seul cas des particuliers. Or nous venons de lancer, parce que c’est un élément qui nous a été signalé dans le cadre de la stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité, une mission spécifique sur les frais bancaires des TPE. En effet, celles-ci ne sont pas toujours armées pour bien choisir leur banque après mise en concurrence. Parfois, elles se plaignent de leurs frais bancaires. Cela peut être dû à un défaut d’accompagnement ou à une situation où elles se voient imposer des frais bancaires qu’elles n’auraient pas à payer. En tout état de cause, ce problème fera l’objet d’un rapport dans les prochains mois.

Le sous-amendement n ’ est pas adopté.

Le sous-amendement n ’ est pas adopté.

Le sous-amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé, et les amendements n° 8, 1 rectifié, 2 rectifié, 13 rectifié, 10 rectifié, 3 rectifié, 11 rectifié et 12 rectifié n’ont plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Féraud, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier est remplacé par deux paragraphes ainsi rédigés :

« I. – Les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition de leur clientèle et du public l’information sur les prix, en base annuelle, des services les plus représentatifs liés à un compte de paiement ou d’un compte de dépôt énumérés au A du I de l’article D. 312-1-1 du code monétaire et financier. Cette information est délivrée gratuitement sous forme électronique sur le site internet de l’établissement, et en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible, et accessible.

« …. – Les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt, selon des modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l’économie. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Cet amendement nous a été inspiré par l’UFC-Que Choisir. Il vise à renforcer la transparence des informations tarifaires, parce que certains établissements éditent des documents qui comportent plusieurs centaines de prix différents et, en fonction des établissements, ces tarifs sont présentés sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle. En réalité, on est face à une transparence illisible pour le consommateur, si vous me permettez cet oxymore. Pour que les consommateurs puissent plus facilement déterminer les sommes qu’ils auront à débourser et effectuer un choix éclairé au moment d’ouvrir un compte dans un établissement bancaire, nous proposons de faciliter la lisibilité des frais bancaires dans leur ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 15, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au I de l’article L. 312-1-1, après le mot : « dépôt », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux frais liés aux irrégularités de fonctionnement et aux incidents de paiement » ;

2° Au I de l’article L. 314-13, après la référence : « L. 522-4 », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux frais liés aux irrégularités de fonctionnement et aux incidents de paiement ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Cet amendement vise à renforcer l’information des clients sur le détail et le montant des tarifs d’irrégularités de fonctionnement et d’incidents de paiement.

Actuellement, les frais d’incidents bancaires ne figurent pas dans la liste des informations que les établissements de crédit ou de paiement sont tenus de mettre à disposition de leur clientèle et du public. Nous proposons de les y inclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 9, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le I de l’article L 312-1-1 du code monétaire et financier, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Les établissements de crédit présentent, dans un document unique, notamment sur leur site internet, les tarifs applicables aux services suivants :

« 1° Abonnement à des services de banque à distance ;

« 2° Abonnement à des produits offrant des alertes sur la situation du compte par SMS ;

« 3° Tenue de compte ;

« 4° Fourniture d’une carte de paiement internationale à débit immédiat ;

« 5° Fourniture d’une carte de paiement international à débit différé ;

« 6° Fourniture d’une carte de paiement à autorisation systématique ;

« 7° Retrait d’espèces en euros dans la zone euro d’un autre établissement avec une carte de paiement internationale ;

« 8° Cotisation à une offre d’assurance perte ou vol de moyens de paiement ;

« 9° Virement SEPA occasionnel ;

« 10° Frais par paiement d’un prélèvement SEPA ;

« 11° Frais de mise en place d’un mandat de prélèvement SEPA ;

« 12° Commission d’intervention ;

« Les tarifs à mentionner sont ceux qui correspondent à ce qui est prélevé sur le compte du client : soit à l’unité, soit pour une période donnée qui est alors précisée. Si cette période n’est pas annuelle, une mention complémentaire est indiquée pour information en annualisant le tarif.

« Si plusieurs produits ou services dans l’offre proposée par l’établissement correspondent à une des définitions, un seul est retenu par l’établissement. »

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Cet amendement, dans la lignée de ceux qui ont été présentés à l’instant, vise à renforcer la lisibilité des offres bancaires pour les particuliers.

Depuis la mise en place du nouveau document d’information tarifaire uniformisé à l’échelle européenne, les établissements bancaires ont progressivement mis de côté l’extrait standard des tarifs qui présentait de manière synthétique les principaux frais bancaires pratiqués. Cet extrait standard reposait sur une norme de droit souple adoptée par la Fédération bancaire française.

Je veux répondre d’avance à un argument de M. le rapporteur : il ne s’agit pas de reprendre ce que prévoit la partie réglementaire du code monétaire et financier, auquel cas notre amendement serait d’ores et déjà satisfait ; j’en ai bien conscience. L’objet de l’amendement est plutôt d’imposer aux banques la publication, sur leur site internet ou en agence, d’un document détaillant les frais de douze services de base : tenue de compte, cotisation à une carte de paiement, ou encore commissions d’intervention.

Il convient par ailleurs d’insister sur un point qu’a évoqué M. Féraud, même s’il peut apparaître comme un détail : nous devons inciter les banques à publier les tarifs bancaires en base annuelle ou à l’unité. Actuellement, les établissements bancaires indiquent leurs tarifs sur une base tantôt mensuelle, tantôt trimestrielle, tantôt annuelle ; cela ne facilite pas la compréhension des tarifs et engendre des malentendus inutiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 7 rectifié ter et 9 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

L’amendement n° 7 rectifié ter a le même objet que celui de la commission : améliorer l’information du public. Simplement, les frais d’incidents bancaires ne figurent pas dans son dispositif. C’est pourquoi je demande à M. Féraud de bien vouloir le retirer au profit de celui de notre amendement n° 15.

Quant à l’amendement n° 9, il tend, pour l’essentiel, à reprendre des dispositions qui figurent déjà dans la partie réglementaire du code monétaire et financier. Il me semble en outre toujours aussi important que les frais d’incidents bancaires puissent être intégrés au dispositif permettant de comparer les offres des différentes banques et, ainsi, de faire jouer la concurrence, comme nous le proposons. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Il est défavorable sur ces trois amendements. En effet, le document d’information tarifaire présente bien l’ensemble des frais bancaires. Des travaux de place se sont employés à répondre à la demande de clarté, car les informations tarifaires pourraient être données de manière si précise et complète que la comparaison entre établissements serait impossible.

Je tiens à préciser que l’arrêté du 29 juillet 2009 portant application des articles L. 312-1-1 et L. 314-13 du code monétaire et financier prévoit que les informations que doivent fournir les établissements dans le cadre des conditions générales relatives à la gestion d’un compte de dépôt ou d’un compte de paiement incluent les frais d’incidents bancaires. L’amendement n° 15 est donc satisfait.

Quant à l’amendement n° 9, d’après les informations qui me sont parvenues, en particulier des associations de défense des consommateurs, il y a peut-être effectivement encore des progrès à faire autour du document d’information tarifaire ; nous pouvons poursuivre ce travail. En revanche, je ne recommande pas de faire figurer de telles dispositions dans la loi, car, outre qu’elles seraient redondantes, elles me semblent relever d’une démarche de place qui doit être poursuivie. Je m’engage en tout cas à reposer cette question.

L’action que nous menons avec la DGCCRF et l’appui que nous offrons aux associations de consommateurs témoignent de notre attachement, dans tous les domaines, à l’exercice de la transparence la plus totale, afin que le consommateur puisse comparer les offres disponibles et prendre les bonnes décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

La question est peut-être redondante, madame la secrétaire d’État, mais elle n’est pas réglée ! C’est pourquoi il convient de soutenir énergiquement l’amendement n° 15 de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

L’amendement n° 15 aura peut-être plus de succès ; c’est pourquoi je vais retirer le nôtre. Nous voulions surtout appeler solennellement les banques à publier à nouveau l’extrait standard de leurs tarifs. J’aimerais vraiment que cette idée progresse ; en effet – nous y avons tous été confrontés –, le nouveau document d’information tarifaire est extrêmement difficile à déchiffrer. Une grille très simple qui présenterait les tarifs de douze services de la même manière d’une banque à l’autre serait un vrai plus. Cela dit, monsieur le président, je retire l’amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 9 est retiré.

Monsieur Féraud, l’amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Oui, monsieur le président. S’il est rejeté, nous voterons en faveur de l’amendement de la commission.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

L’amendement n° 16, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 312-1-1 B du code monétaire et financier est complétée par les mots suivants : «, ainsi que d’évaluer la mise en œuvre du plafonnement prévu au deuxième alinéa de l’article L. 312-3 ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Cet amendement vise à préciser la mission de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, que j’ai déjà évoqué, de manière à ce qu’il évalue la mise en œuvre du plafonnement des frais d’incidents bancaires appliqué aux personnes en situation de fragilité financière. Il s’agit d’assurer le suivi du mécanisme de plafonnement. À cette fin, l’Observatoire a besoin de disposer de données fiables et exhaustives sur l’ensemble des frais d’incidents bancaires. Cela permettra l’élaboration d’un diagnostic commun.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

En cohérence avec la position que j’ai exprimée sur les autres amendements, il me faut émettre un avis défavorable, même si je reconnais qu’une telle disposition est la contrepartie logique de l’amendement n° 14 que vous avez adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par MM. Féraud et Raynal, Mme Rossignol, MM. Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Blondin, M. Bérit-Débat, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1- … . – Les personnes relevant du régime de l’activité partielle tel que défini par l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à une année.

« Elles sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Cet amendement, ainsi que les suivants, vise à adapter notre proposition de loi à l’état de crise sanitaire, économique et sociale que nous connaissons aujourd’hui, mais qui n’avait pas encore commencé à l’époque de son dépôt.

Le présent amendement vise à exonérer les personnes frappées par le chômage partiel de frais bancaires perçus au titre des incidents de paiement. Ce dispositif s’appliquerait durant une période limitée : celle de l’état d’urgence sanitaire ainsi que les trois mois suivants.

Ces personnes devraient également bénéficier, pendant au moins une année, du statut de personne en situation de fragilité bancaire, de manière à éviter qu’elles soient plus encore mises en difficulté.

Nous avons eu un débat similaire à l’instant au sujet des sous-amendements déposés par M. Guerriau. Si une commission d’intervention n’est pas liée à la rémunération d’un service, mais à une logique de sanction, toutes celles et tous ceux qui sont frappés, de manière très brutale, par la crise sociale actuelle ne doivent pas subir une telle sanction.

Nous avions déjà tenté d’avancer en ce sens lors de l’examen de la loi d’urgence ; j’estime nécessaire de compléter la présente proposition de loi, en particulier par cette mesure visant les salariés qui auront été en chômage partiel, mais aussi par les dispositions que contiennent les deux amendements suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Cet amendement tend à mettre en situation de fragilité financière 12, 7 millions de nos concitoyens, du serveur de bar au joueur de football professionnel ! Ce n’est pas raisonnable. La commission des finances a auditionné le gouverneur de la Banque de France, qui nous a fait état du niveau de thésaurisation de tous les livrets d’épargne : on compte plus de 60 milliards d’euros de thésaurisation supplémentaire ! Certes, certains salariés au chômage partiel rencontrent sans doute des difficultés, mais c’est loin d’être le cas de tout le monde. Pourquoi, dès lors, placer en situation de fragilité financière des gens qui n’en relèvent pas ? L’avis de la commission sur cet amendement ne peut donc être que défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais il vaut tout de même mieux toucher 4, 5 fois le SMIC au titre du chômage partiel que recevoir un salaire de 1, 5 SMIC ! Le critère du chômage partiel ne nous semble pas pertinent pour des mesures de ce type, d’autant qu’il a un caractère temporaire.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par MM. Féraud et Raynal, Mme Rossignol, MM. Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1- … . – Les personnes physiques bénéficiaires du fonds de soutien défini par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à une année.

« Elles sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Le présent amendement reprend un dispositif semblable à celui du précédent amendement, mais il vise cette fois-ci les personnes physiques qui bénéficient du fonds de solidarité pendant la crise actuelle.

Nous ne nous comprenons pas, monsieur le rapporteur, à moins que nous fassions semblant de ne pas nous comprendre. Les joueurs de football professionnel, du moins les mieux payés d’entre eux, ne seront dans les faits pas concernés par ce dispositif, puisqu’ils ne connaîtront pas d’incidents bancaires. Le salarié qui touche 4, 5 SMIC au titre du chômage partiel, à moins de se trouver dans une situation tout à fait particulière, ne sera pas non plus concerné. Notre proposition concerne bien les personnes qui connaissent des difficultés financières en cette période du fait de la crise sociale ; quant aux autres, ils ne bénéficieront pas d’un dispositif qui, de fait, ne les concernera pas : cela ne coûtera donc rien aux banques.

Par ailleurs, nous n’entendons appliquer ce principe d’exonération des commissions d’intervention que sur une période extrêmement restreinte. Pour le reste, il ne s’agit ni de gratuité ni de suppression, mais bien d’un plafonnement. Il en sera comme pour les personnes qui bénéficient du dispositif dit « spécifique » : celles-ci payent quand même des commissions d’intervention pour incident bancaire, mais une limite est posée de manière à ce qu’elles ne se retrouvent pas, ensuite, la tête sous l’eau pour des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La disposition proposée vise les bénéficiaires du fonds de solidarité mis en place par l’État, mais ce fonds s’adresse à une clientèle professionnelle. La présente proposition de loi ne concerne toutefois que les particuliers, non les professionnels. Cette disposition ne s’inscrit donc pas dans l’esprit du texte. La commission a donc émis sur cet amendement un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Il est également défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par M. Féraud, Mme Rossignol, MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1- … . – Les bénéficiaires des aides mentionnées aux articles L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, L. 821-1 du code de l’habitat et de la construction et L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les personnes bénéficiant des bourses sur critères sociaux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ainsi que les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

En déposant cet amendement, nous avons voulu faire confirmer par notre assemblée l’adoption, il y a deux semaines, d’un amendement similaire déposé par Mme Rossignol lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

Cet amendement visait à protéger contre les commissions d’intervention pour incidents bancaires les personnes les plus fragiles, c’est-à-dire les bénéficiaires des minimas sociaux, du RSA et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), mais aussi les jeunes, notamment les étudiants, qui bénéficieront en juin de l’aide versée par l’État, public que nous avons déjà évoqué au cours de notre débat. Nous avions veillé à limiter le champ de cette disposition aux frais bancaires pour incidents de paiement.

Il serait à mes yeux d’une logique imparable de confirmer le vote alors exprimé par le Sénat. Par ailleurs, nous nous honorerions à vraiment prendre en compte les effets de l’état d’urgence sanitaire en la matière.

Le coût de cette mesure pour les banques ne serait d’ailleurs pas considérable ; elles ne pourraient pas l’invoquer pour justifier des fermetures d’agences, d’autant qu’elle serait très limitée dans le temps.

Cette mesure aurait en revanche une importance considérable pour l’intérêt public. Elle permettrait d’éviter que l’argent versé par la collectivité ne serve qu’à arroser le désert. Ainsi, on doit verser aux étudiants 200 euros, une seule fois, au mois de juin ; s’ils ont dû s’acquitter d’un montant à peu près équivalent en commissions d’intervention pour incidents bancaires au cours des trois mois précédents, quelle serait donc l’utilité de cet argent ? Nous pouvons demander aux banques de participer au soutien apporté aux Français les plus modestes et les plus fragiles dans la période si grave et particulière que nous traversons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Cet amendement part certainement d’une très bonne intention : porter une attention particulière aux plus fragiles de nos concitoyens. C’est tout à fait légitime.

Cela dit, il faut quand même déterminer l’opérationnalité des dispositifs que nous adoptons. Mettre en place des dispositifs qui ne peuvent être opérationnels ne me semble pas être utile ou de bon sens.

Il est question dans cet amendement de la période d’urgence sanitaire, mais cette proposition de loi ne sera pas adoptée avant le 10 juillet prochain. Si de telles dispositions devaient être ainsi mises en place, ce serait a posteriori. Il me semble que ce serait extrêmement compliqué.

En outre, cet amendement vise les seules commissions d’intervention, alors qu’il aurait fallu évoquer l’ensemble des frais bancaires.

La mise en œuvre du dispositif proposé me paraît par ailleurs difficile. Pour identifier la clientèle concernée, il faudrait prendre bien des mesures et, notamment, élaborer des fichiers pour lesquels l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) serait nécessaire, dans la mesure où il s’agirait de l’identification de personnes par un processus complexe qui risque d’être stigmatisant. En tout cas, je vois mal comment tout cela pourrait être rapidement mis en œuvre : c’est pourquoi je juge que ce dispositif n’est pas opérationnel.

Enfin, une telle mesure risque de rendre difficile la situation de La Banque postale, dont la clientèle compte nombre de personnes figurant parmi les plus fragiles. Le président de La Banque postale m’a prévenu qu’il fallait veiller à ne pas priver cet établissement des moyens de continuer sa mission de service public au service de la population et, en particulier, des plus fragiles. Cette mission coûte de l’argent ; il faut donc lui donner les moyens de la remplir.

Selon moi, ce dispositif n’étant pas opérationnel, il ne serait pas bon de le faire figurer dans la loi. Je suggérerais plutôt au Gouvernement de mener des discussions avec les établissements bancaires pour bien leur faire comprendre que, dans cette période difficile, ils doivent se montrer attentifs aux situations des plus fragiles. Les publics qui bénéficient d’aides pourraient ainsi être exonérés de facto de commissions d’intervention et autres frais bancaires, de manière à ce que leur situation ne se détériore pas plus encore : tout cela relève des discussions à mener avec la Fédération bancaire française et les établissements de crédit.

Il me semble que les banques ont déjà pris des dispositions permettant de prendre en compte la situation de ces publics, comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire : des échéances de prêts ont été reportées, certaines cotisations ont été annulées, comme me l’ont confirmé certains établissements bancaires. Cela atteste que les banquiers ont compris la difficulté de la situation ; ils ne sont pas non plus ennemis de la bonne santé financière de leurs clients.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

L’argumentaire très complet M. le rapporteur me dispense d’apporter une autre justification à l’avis défavorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je comprends bien les difficultés techniques soulevées par M. le rapporteur, mais il me semble que les banques peuvent les affronter, les gérer et les lever ; le dispositif peut également être affiné par la voie réglementaire.

Il est surtout important, selon moi, que ceux qui sont mis en difficulté dans la période actuelle, que ce soit, au mieux, parce qu’ils sont au chômage partiel, ou parce que, n’étant pas salariés et ne relevant donc pas de ce régime, ils connaissent une importante perte de revenus, soient accompagnés, au-delà de cette période, au cours de la sortie de crise, qui sera particulièrement difficile pour eux. On sait très bien que la crise actuelle constitue une trappe à pauvreté : on peut y tomber très vite et peiner à en sortir.

C’est pourquoi empêcher les banques de prélever ce qu’on appelle communément des « agios » pendant la crise sanitaire me paraît être une mesure à caractère social, de lutte contre l’accroissement et l’approfondissement de la pauvreté. Elle mérite donc d’être adoptée par notre assemblée comme elle l’a été à l’occasion de l’examen de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Nous avions été étonnés, puis choqués, de voir la majorité de l’Assemblée nationale, qui se dit souvent sociale, accepter l’injonction du Gouvernement de revenir sur cette mesure adoptée par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Il me faut dire quelques mots, puisque j’avais défendu, il y a deux semaines, lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, la position favorable du groupe Les Républicains sur un amendement à l’objet identique. J’avais porté cette idée et j’avais été suivi par mes collègues, ce dont je les remercie.

Je souhaitais vraiment saluer l’initiative de cette réflexion sur la situation des membres plus pauvres et les plus en difficulté de notre société, ceux qui touchent les minima sociaux, au regard du contexte actuel. C’est pourquoi nous avions voté, presque à l’unanimité, en faveur de cet amendement.

Cela dit, depuis deux semaines, des éléments importants sont apparus. Nous avons travaillé sur le dispositif de cet amendement, sur ses aspects techniques. La commission des finances nous a apporté son éclairage, la CNIL a également été sollicitée pour que nous puissions disposer, en quelque sorte, de son avis sur l’application d’une telle mesure.

Au regard des informations ainsi reçues, deux réelles difficultés apparaissent. D’une part, le délai qui s’impose est très court, puisque la fin de l’état d’urgence sanitaire se rapproche, même si trois mois supplémentaires sont proposés. D’autre part, une incertitude juridique demeure qui n’a pu être levée.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains suivra l’avis de M. le rapporteur et votera contre cet amendement, bien qu’il s’agisse selon moi d’un vrai sujet de préoccupation. Je tiens en revanche à vous saluer, mes chers collègues, pour avoir porté ce débat au sein de la Haute Assemblée ; je voulais simplement vous faire comprendre pourquoi notre vote sera différent de celui qui a eu lieu il y a deux semaines. La logique de cette maison, qui tient à adopter des lois pragmatiques, et non pas simplement des déclarations d’intentions, doit prévaloir sur le regard que vous pouvez porter sur notre vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je tiens à répondre à l’intervention de M. Mouiller. Qui peut dire, mon cher collègue, que le 10 juillet l’état d’urgence sanitaire sera levé ? Personne, à ce stade ! Pour notre part, nous estimons qu’il vaut mieux prévenir que guérir ; c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Dès lors, non seulement nous le maintenons, mais nous demandons qu’il soit mis aux voix par scrutin public, de manière à ce que les choses soient claires. J’ai bien noté, mon cher collègue, que vous estimiez qu’il n’y avait pas de contradiction entre votre vote à venir et celui d’il y a deux semaines ; quant à nous, nous jugeons qu’il vaut mieux persister dans la défense de celles et ceux qui sont le plus en difficulté.

Cet amendement est très important : il est plus que symbolique, il répond à une demande très forte. Les raisons qui vous ont amenés, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, à voter en faveur d’une disposition identique il y a quinze jours, existent toujours ; la situation est même pire encore ! Alors, ne soyez pas frileux ! J’espère au moins qu’une partie d’entre vous, dans le cadre d’un scrutin public, saura nous soutenir sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

M. le rapporteur n’a pas tort : la responsabilité de cette situation incombe avant tout au Gouvernement.

Le Sénat a adopté un amendement, à l’unanimité, ou presque, de manière à exprimer une préoccupation sociale qui a été jugée très légitime au-delà des clivages politiques.

Dans un deuxième temps, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un amendement de suppression de cette disposition. Il l’a d’ailleurs défendu de manière incohérente. En effet, l’exposé des motifs de cet amendement de suppression présentait un argument de fond, selon lequel ceux qui auraient dû payer des frais d’incidents bancaires pourraient profiter d’un effet d’aubaine si ces frais étaient annulés, ce qui serait très grave, mais M. le ministre des solidarités et de la santé, lors de son examen en séance publique, a déclaré regretter cet exposé des motifs, qu’il disait découvrir en même temps que les députés : il a préféré invoquer à l’appui de la suppression de cette disposition l’argument selon lequel il s’agirait d’un cavalier législatif. Ce n’était pas, selon M. Véran, le bon moment pour adopter cette mesure, qu’il affirmait approuver sur le fond. Je résume ses propos, mais je ne crois pas les dénaturer profondément.

Enfin, aujourd’hui, alors que le Sénat revient sur ce sujet, à l’occasion de l’examen de notre proposition de loi, on nous affirme que c’est trop tard et que le dispositif n’est pas opérationnel. Eh bien, je sais que la responsabilité de la situation qui nous a conduits à déposer cet amendement revient au Gouvernement, mais j’estime qu’il n’est pas trop tard, comme l’a bien dit Patrick Kanner. Surtout, le sujet est suffisamment important pour que nous affirmions notre volonté d’avancer sur ce dispositif à l’occasion de l’examen de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je regrette de contrarier notre cher rapporteur, mais je soutiendrai cet amendement.

En effet, premièrement, invoquer l’inopportunité de cette mesure quand on sait dans quelle situation se débat une partie de la population la plus fragile ne me paraît pas juste. On a parlé d’effet d’aubaine : il me semble qu’il n’est pas forcément là où on l’imagine ! J’ai beaucoup travaillé sur la fraude et je ne suis pas sûre que les populations dont il est aujourd’hui question profiteraient d’un tel effet d’aubaine.

En deuxième lieu, le Sénat a déjà voté en faveur de cette disposition ; nous n’avons aucune raison de nous déjuger.

Enfin, si notre vote doit être un vote de cohérence, on nous objecte l’argument du pragmatisme : on ne sait pas quand ce texte sera examiné par l’Assemblée nationale, s’il y arrive jamais. Quoi qu’il en soit, c’est le moment d’envoyer un signal fort aux populations que nous voulons aider : nous soutenons une mesure visant à les exempter de ces frais pendant la période d’urgence sanitaire. De toute façon, ce texte n’a presque aucune chance d’être examiné par l’Assemblée nationale avant la fin de l’état d’urgence ; je le soutiens simplement par principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Édouard Herriot disait : « Une bonne argumentation m’a parfois fait changer d’opinion, plus rarement de vote. » Eh bien, l’argumentation de M. le rapporteur, que je considère pourtant comme un ami, ne m’a fait changer ni d’opinion ni de vote ! Par cohérence avec mon intervention dans cet hémicycle il y a deux semaines, je voterai à nouveau en faveur de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié quater.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Nous voterons le texte amendé, mais nous aurions bien évidemment souhaité aller plus loin, notamment grâce à l’adoption de l’amendement n° 6 rectifié quater, dont l’objet semblait en cohérence avec les intentions que nous avions exprimées sur l’ensemble de ces travées voilà quinze jours, à l’occasion de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Nous le voterons, parce que toute avancée en faveur des plus défavorisés est utile pour notre pays, dans cette période de crise sociale. Nous le ferons en responsabilité.

Notre ambition était plus grande. Elle a malheureusement été ramenée à des objectifs plus restreints. Néanmoins, et tout le monde l’a rappelé dans cet hémicycle, il a été utile que nous puissions collectivement discuter et adresser des messages, notamment en direction du monde bancaire. Celui-ci doit comprendre qu’il lui faut aussi prendre sa part de l’effort national, dans le cadre de l’unité que nous souhaitons pour notre pays.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir permis que nous examinions un texte, je le répète amoindri par rapport à notre ambition initiale, mais utile pour le pays et les plus défavorisés de nos concitoyens.

Madame la secrétaire d’État, vous avez, au nom du Gouvernement, systématiquement émis des avis défavorables sur les propositions qui ont été présentées. C’est ainsi : vous étiez d’emblée contre ce texte et les amendements déposés. Ce choix, vous devrez l’assumer, alors même que nous pensions que, dans cette période, le Gouvernement serait attentif à nos arguments. Je regrette qu’il en soit ainsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. »

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que nous devrons suspendre ce débat au terme du délai de quatre heures réservé à l’espace du groupe socialiste et républicain, soit à dix-huit heures quarante-cinq.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre aujourd’hui des conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire, c’est aussi définir le monde d’après.

Selon Jean-Jacques Rousseau, le souverain, c’est le peuple. La Constitution française témoigne que celui-ci s’est choisi une République sociale. Ce sont ces fondamentaux qui sont au principe de notre pacte social et qui doivent guider la politique qui nous permettra d’affronter la terrible crise qui se profile.

Le confinement a fait apparaître les vices de notre organisation sociale et économique.

Il n’a fallu que deux mois pour voir des milliers de Français basculer de la précarité dans la pauvreté ou de la pauvreté dans l’extrême pauvreté. D’ores et déjà apparaissent ceux que l’on appelle les « nouveaux vulnérables », qui représentent 4, 3 millions de personnes issues des rangs des salariés les plus durement et immédiatement touchés par la crise, ceux de l’hôtellerie-restauration, de la culture, des transports entre autres. Ils viennent s’ajouter aux 400 000 pauvres supplémentaires dénombrés en 2019, du fait de la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL), de la désindexation des pensions de retraite en 2019, de la diminution de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), de la suppression du complément de ressources – jusqu’à 170 euros par mois – aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la réforme de l’assurance chômage.

De l’alimentation au logement, la satisfaction des besoins vitaux et le respect de la dignité humaine sont des prérequis non négociables pour la septième économie mondiale. Ils n’ont pas été votre priorité.

Avant la crise, vous vous glorifiiez de résultats économiques en progression, mais, au lieu d’en élargir les bénéfices, vous en profitiez pour immédiatement réduire non pas les inégalités, mais les mesures de solidarité ou de redistribution, et pour revoir, en même temps, une politique fiscale en faveur des plus riches dans l’espoir d’un vain « ruissellement ».

Comme le dit Alain Supiot, « seul le choc avec le réel peut réveiller d’un sommeil dogmatique ». Nous y sommes. Il faut réparer maintenant. Notre pacte social national doit réhabiliter quelques fondamentaux.

Les premières mesures s’imposent et sonnent comme une évidence : rétablissement de l’impôt sur la fortune et de la compensation des dépenses à la sécurité sociale, restitution de leurs moyens aux associations, suppression de la réforme de l’assurance chômage…

Il faut aussi agir sur les inégalités structurelles par des politiques innovantes et commencer par la considération de ceux qui exercent les métiers dont la crise a révélé l’utilité immédiate et indispensable, ceux que certains croisent sur le quai d’une gare en disant qu’ils « ne sont rien » ou ceux que les mêmes renvoient implicitement parmi les « derniers de cordée », en mettant en avant les « premiers de cordée ». Bien évidemment, la considération passe par la rémunération.

Pourquoi ne pas s’intéresser à ce qui se fait au Québec depuis de très nombreuses années autour du concept d’équité salariale ? Ce principe va plus loin que le principe « à travail égal, salaire égal », puisqu’il exige un salaire égal pour un travail différent, mais équivalent. De manière générale, tous les emplois doivent être évalués à l’aune, d’une part, de leur utilité sociale, d’autre part, de quatre facteurs déterminés, qui sont les qualifications requises, les responsabilités assumées, les efforts exigés et les conditions dans lesquelles le travail est réalisé.

Le résultat conduit à une augmentation sensible des salaires correspondant aux emplois d’ordinaire les plus mal payés, parce que l’utilisation de cette grille de lecture démontre à la fois la primauté de leur utilité sociale, mais aussi les conditions souvent difficiles dans lesquelles ils sont exercés.

Ce concept a une autre vertu, et non des moindres, celle de donner toute leur place aux emplois dits féminins. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été au départ conçu.

Je rappelle que les héros de la lutte contre le Covid-19 sont en majorité des héroïnes, structurellement en charge des emplois à la fois mal payés et indispensables au fonctionnement de notre société. Le personnel soignant est majoritairement féminin et huit dixièmes des vendeurs et caissiers sont des femmes, sans parler des personnels de l’aide à domicile et d’entretien. La place des femmes doit faire partie intégrante de l’évolution de notre pacte social.

En France, la démarche de rémunération appropriée des professionnels est au contraire assez mal engagée. Le Gouvernement a en effet répondu à l’enjeu qui s’est imposé à la suite de cette crise par la multiplication anarchique de primes à destination de certaines des différentes catégories de personnels qui ont été en première ligne.

Pour notre part, ce que nous voulons, c’est au contraire très exactement ce qu’a promis le Président de la République le 13 avril dernier : que soit mieux prise en compte l’utilité sociale des métiers, pour tous, hommes et femmes. L’enjeu est de tourner le dos à la libéralisation du marché du travail et de restaurer la démocratie sociale au sein des entreprises et de la fonction publique.

Pour rebâtir un pacte social qui nous convienne, l’enjeu du rapport à nos aînés est également central.

Le Covid-19 a ouvert les portes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : ce que nous y avons découvert n’est pas toujours glorieux, quand ce n’est pas carrément sordide, à l’image de ce que l’on a trouvé dans certains établissements du secteur privé lucratif.

Nous attendons le contenu de vos propositions au travers d’un projet de loi relatif au grand âge et à la dépendance et nous espérons que, contrairement à d’autres projets de loi, nous serons pleinement associés dans un temps suffisamment long pour produire un travail et, à la fin, une loi de qualité.

Quelles stratégies pour prévenir la dépendance ? Quelle implication du secteur public ? Comment offrir un service de prévention, puis de traitement de la dépendance égal, quels que soient les revenus ?

Après la survenue de la dépendance, pourquoi ne pas imaginer des transitions plus douces et la prise en compte du lien entre les différentes générations ? Il me semble qu’il serait par exemple intéressant de réfléchir à des Ehpad intégrés au domicile.

Quelles formations pour les personnels dédiés, et pas uniquement pour les personnels soignants ? La vie d’une personne âgée dépendante ne peut s’articuler seulement autour du soin et des besoins vitaux. Nombreuses sont les personnes âgées qui survivent, mais qui ne vivent plus !

Il est évident que toutes les générations doivent faire l’objet d’une attention spécifique. Or les plus démunis se trouvent aux deux extrémités de la pyramide des âges : les personnes âgées et les plus jeunes.

Alors que nous avons eu le spectacle désespérant de résidences étudiantes devenues des zones de parcage de jeunes économiquement fragiles et n’ayant pas nécessairement les moyens de se nourrir, la mise en place d’un revenu de base d’un montant suffisant s’impose comme une nécessité, pour les jeunes comme pour d’autres.

Un nombre croissant de jeunes sont laissés sur le côté pour de multiples raisons, dont la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, avec un ascenseur social en panne et une éducation nationale qui, malgré l’implication et le dévouement de ses personnels, ne parvient pas à briser le mur séparant enfants issus d’une famille au capital socioculturel élevé et ceux qui sont pourvus d’autres richesses.

Il faut casser à la base la spirale infernale du déterminisme social. Cela passe, nous le savons tous, par des politiques d’accompagnement dès la petite enfance et par l’amélioration perpétuelle des dispositifs en faveur des jeunes tels que la garantie jeunes mise en place sous le quinquennat précédent, qui a fait largement ses preuves et dont il va falloir ouvrir les vannes pour aider les primo-demandeurs d’emploi dès maintenant. Nous savons en effet que la génération des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi cette année sera la première sacrifiée.

Je ne peux bien évidemment pas ici brosser le tableau de tout ce qu’il est nécessaire de mettre en place dès aujourd’hui pour que n’explose pas notre vivre ensemble à la sortie de cette crise.

Je conclus en rappelant que la redéfinition de notre pacte social national doit faire coexister dans l’harmonie les différentes composantes de notre société, en assurant toujours plus de justice entre classes sociales et générations.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe socialiste et républicain d’avoir inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur notre pacte social et sur les mesures nécessaires pour le renforcer dans la période de sortie de crise sanitaire.

Avant d’envisager les évolutions futures de ce pacte qui nous unit, permettez-moi de revenir sur le rôle essentiel du pacte social français dans les dernières semaines. Je l’ai souvent répété : nous avons eu de la chance de ne pas avoir dû improviser un système de protection sociale dans l’urgence de la crise.

Le filet de protection que nous avons tendu pour protéger les Français des conséquences de l’épidémie a joué pleinement son rôle. Nous avons tout d’abord maintenu les revenus des travailleurs en mettant en place un dispositif d’activité partielle massif qui, au plus fort de la crise, a touché plus de 12 millions de salariés. La protection sociale complémentaire a également été maintenue pour l’ensemble des salariés. Nous avons créé un dispositif d’activité partielle dédié pour les particuliers employeurs, qui a notamment bénéficié aux assistants maternels, dont l’activité était particulièrement affectée. Nous avons versé des indemnités journalières à tous ceux qui devaient cesser leur activité, parce qu’ils présentaient une vulnérabilité particulière à l’égard du Covid-19 ou parce qu’ils devaient garder leurs enfants. Nous avons veillé à éviter toute rupture de droits en rendant automatique le versement des minima sociaux pour tous les bénéficiaires empêchés de faire leur déclaration pendant la période épidémique.

Nous avons travaillé avec les collectivités locales, avec les acteurs du champ social et médico-social, avec l’ensemble des services de l’État pour que, partout sur notre territoire, chacun puisse voir ses besoins essentiels satisfaits. Nous avons en particulier travaillé au maintien de l’aide alimentaire. Nous avons constitué une réserve sociale et une réserve civique pour soutenir les associations en manque de bénévoles. Nous avons demandé aux préfets de coordonner la poursuite des distributions, département par département, pour que les associations soient accompagnées dans la mise en œuvre des gestes barrières, pour que des locaux municipaux adaptés au contexte sanitaire soient mis à disposition, que les bénévoles puissent se déplacer et que les nouveaux dons alimentaires parviennent bien aux associations.

Nous avons mis en place un plan d’urgence d’aide alimentaire à hauteur de 39 millions d’euros, pour soutenir les associations à hauteur de 25 millions d’euros, d’une part, pour apporter une aide d’urgence alimentaire aux territoires en souffrance à hauteur de 14 millions d’euros, d’autre part.

En parallèle, nous nous sommes très fortement mobilisés pour maintenir le service public de l’hébergement. La trêve hivernale a été prolongée jusqu’au 10 juillet prochain. Des centres spécialisés pour sans-abri atteints de formes non graves du Covid-19 ont été ouverts sur l’ensemble de notre territoire et de nombreuses places d’hébergement ont été mobilisées par l’État dans des hôtels, dans des établissements publics, dans des bâtiments vacants. Au total, 178 000 places d’hébergement d’urgence sont ouvertes tous les jours et financées par l’État, contre 157 000 avant le début de la crise sanitaire.

Pour compléter ce dispositif, nous avons décidé de verser une aide exceptionnelle de solidarité aux ménages les plus en difficulté. Cette aide a été versée automatiquement le 15 mai dernier à 4, 1 millions de foyers sans qu’aucune démarche soit nécessaire de la part des bénéficiaires.

Nous avons également souhaité apporter un soutien spécifique aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, dont certains se sont retrouvés dans des situations de grande précarité. Une aide de 200 euros sera versée à 800 000 d’entre eux prochainement.

C’est à mes yeux un enseignement majeur de cette crise : la solidarité nationale, socle de notre pacte social, a joué pleinement son rôle. Toutefois, cette crise a également mis en valeur certaines failles de notre système de protection sociale et nous devons aujourd’hui consacrer tous nos efforts à les combler plutôt que reconstruire ou renforcer notre pacte social national.

Le constat de la pauvreté en France ne date pas de cette crise. Nous l’avons dressé dès notre arrivée au pouvoir et nous avons engagé des chantiers et des moyens inédits pour la faire reculer. Je pense tout d’abord à la stratégie de lutte contre la pauvreté, qui mobilise 8, 5 milliards d’euros pour faire de l’investissement social et donner aux structures qui accompagnent les plus fragiles au quotidien les moyens de les extraire de la pauvreté. Je pense à l’augmentation des prestations et ressources financières de nos concitoyens les plus fragiles, avec la revalorisation de 100 euros par mois de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, et à l’augmentation massive de la prime d’activité qui touche les travailleurs précaires. Je pense à la complémentaire santé solidaire ou au dispositif « 100 % santé » mis en place pour que nos concitoyens les plus modestes n’aient plus à renoncer à se faire soigner.

Ce ne sont que quelques-uns des chantiers que nous avons engagés et que nous devons aujourd’hui poursuivre plus avant. C’est tout l’enjeu du plan de sortie de crise sur lequel travaille actuellement le Gouvernement.

Ces travaux ne sont pas achevés, mais je souhaite aujourd’hui vous faire part des trois axes qui me semblent les plus essentiels pour renforcer notre pacte social.

Le premier axe consiste à garantir à chacun la possibilité de répondre à ses besoins essentiels.

Je pense en particulier à la simplification de l’accès au droit et à la lutte contre le non-recours, ce qui implique notamment de développer davantage l’offre de domiciliation, les démarches d’« aller vers » des organismes de sécurité sociale.

Je pense également au déploiement d’une politique publique de lutte contre la précarité alimentaire de nature à absorber la hausse des besoins engendrés par cette crise. Il s’agit de sécuriser les financements et les approvisionnements des opérateurs, de renforcer le maillage territorial, d’étendre la tarification sociale des cantines et la distribution des petits déjeuners à de nouveaux territoires, d’articuler la politique de lutte contre la précarité alimentaire avec celle de l’insertion par l’activité économique.

Je pense à l’accès aux soins des plus fragiles, que nous devrons renforcer encore en articulant mieux les missions des acteurs sanitaires et sociaux, en augmentant les moyens humains et financiers permettant d’aller vers les publics vulnérables, en renforçant les permanences d’accès aux soins mobiles, les maraudes médicalisées.

Je pense également à l’inclusion bancaire, à l’inclusion numérique ou encore à la lutte contre le décrochage scolaire et à la vigilance toute particulière que nous devons avoir à l’égard des élèves fragilisés par la période de confinement.

Ces chantiers sont nombreux et chacun d’entre eux appelle une ambition sans équivoque. C’est celle qui m’anime depuis de longs mois pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et qui continuera de m’animer dans la conception des mesures de sortie de crise.

Le deuxième axe essentiel est le soutien au pouvoir d’achat des ménages et le maintien ou le retour à l’emploi.

Je l’ai dit, nous avons décidé la semaine dernière de verser des aides financières exceptionnelles pour soutenir les publics les plus vulnérables, dans un contexte particulier. Nous devrons tirer tous les enseignements de cette période afin que nos prestations soient plus réactives et équitables et qu’elles permettent de lutter davantage contre le non-recours aux droits.

Nous devrons aussi nous donner les moyens de faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail en renforçant tout particulièrement l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et en accordant une attention spécifique aux secteurs les plus durement touchés. Nous devrons continuer à lever les freins à l’emploi contre lesquels nous luttons depuis bientôt trois ans, développer l’accès aux modes de garde, accélérer le déploiement des crèches à vocation d’insertion professionnelle.

Pour terminer, le troisième axe doit concerner les jeunes, en particulier dans les territoires les plus fragiles. C’est l’un des principaux constats qui nous a conduits à concevoir la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le taux de chômage des jeunes demeure trop élevé. La France compte 60 000 mineurs qui ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi.

La sortie de crise devra être une période d’accélération des mesures dédiées à ces publics, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous devrons également agir pour la formation des jeunes de moins de 25 ans sortis peu ou pas qualifiés du système éducatif, développer encore l’apprentissage, renforcer le service civique.

Nous devrons nous poser la question de la place des jeunes dans notre système de protection sociale.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Nous devrons dans ce contexte nous interroger sur les problématiques spécifiques de certains territoires et prévoir en sortie de crise des actions ciblées, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville notamment.

Je le répète, les défis sont très nombreux. Ils exigent une mobilisation à la fois immédiate, concertée et massive. C’est le prix de notre pacte social. Nous continuerons à œuvrer en ce sens, en concertation avec l’ensemble des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Merci, madame la secrétaire d’État. Vous aurez l’occasion de revenir sur certains points en réponse aux questions qui vous seront posées au cours du débat interactif.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous allons maintenant procéder au débat interactif sous la forme d’une série de quinze questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Philippe Mouiller.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur le pacte social national dans le domaine de la santé.

En France, ce pacte garantit un droit fondamental : l’accès à la santé pour tous. Mais la présente crise sanitaire, et les nombreux appels des professionnels de santé qui l’ont précédée, ont durement démontré la nécessité d’une réforme d’ampleur.

En inaugurant le Ségur de la santé, le Premier ministre s’est engagé à procéder à des « changements radicaux », à faire « des choix forts et rapides ».

Au regard des premières annonces, je tiens à souligner que le système de santé français est en difficulté pour plusieurs raisons et que rien ne serait pire que de ne s’attaquer qu’à l’une d’entre elles.

Il faut bien évidemment revaloriser les salaires. Un médecin généraliste allemand gagne plus de quatre fois le salaire moyen de son pays, contre 2, 9 fois pour un médecin français. Le salaire moyen des infirmiers français est l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. Ces revalorisations devront viser les métiers paramédicaux, mais également l’ensemble des personnels hospitaliers.

Il est également impératif de revoir les statuts des personnels. En effet, les professionnels et les services de santé sont étranglés par les rigidités d’une fonction publique qui n’accorde aucune souplesse. Il faut valoriser les carrières, renforcer l’attractivité des hôpitaux, qui peinent à recruter et à fidéliser leurs salariés, et pour cela revoir leurs conditions de travail. Il faut s’attaquer à la « suradministration » du système de santé et donner plus de poids aux médecins.

Le fonctionnement des hôpitaux privés est éclairant. L’hôpital public a aujourd’hui besoin d’autonomie, il doit pouvoir choisir ses praticiens, adapter les rémunérations, les heures supplémentaires, le choix des équipements, l’organisation des services. Un débat sur la gouvernance est nécessaire.

Il s’agit de réformes structurelles ; partagez-vous cette ambition, madame la secrétaire d’État ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, votre question me permet de saluer à mon tour l’engagement et le dévouement de l’ensemble des professionnels de santé, dans les cabinets de ville, mais aussi dans les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés.

Notre système de santé a été mis à rude épreuve. Pourtant, il a tenu et s’est montré réactif, agile et d’une résilience sans pareil. Nous avons vu des professionnels de santé s’organiser pour mettre en place des parcours de prise en charge rapide des patients atteints du Covid-19 ou susceptibles de l’être.

Je tiens également à saluer le rôle majeur qu’ont joué les infirmiers libéraux dans la continuité de la prise en charge à domicile, dans des conditions souvent difficiles, notamment auprès de nos aînés.

La stratégie Ma santé 2022 nous avait permis de commencer à poser des jalons qui ont été très utiles durant la crise, notamment l’organisation des professionnels de ville grâce aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ce dispositif a permis dans les territoires d’adapter et de réorienter le travail de l’ensemble des soignants vers les patients atteints du Covid-19.

De même, l’expérimentation du service d’accès aux soins (SAS) a permis de mieux orienter les patients dans les bons services au moment où ils en avaient besoin. Enfin, la télésanté, généralisée par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, a permis un million de téléconsultations par semaine. Les télésoins ont pu être maintenus durant la crise, de même que les parcours de santé par les kinésithérapeutes et les infirmiers, notamment.

Face à ces constats, mais aussi parce qu’il est urgent d’aller plus vite et plus loin, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont lancé le 25 mai dernier le Ségur de la santé, lequel repose sur quatre piliers : une revalorisation des salaires et de la place des soignants, une meilleure articulation entre l’administratif et le soignant, une réorganisation de la gestion de notre service hospitalier, la prise en compte des retours d’expériences des territoires. Il s’agit de permettre au système de santé de s’adapter aux besoins spécifiques des territoires.

Ces travaux sont en cours et s’achèveront à la mi-juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Nous faisons certes le même constat sur l’action des soignants durant la crise, mais je ne pense pas, contrairement à vous, que nous disposions globalement de tous les outils nécessaires ni que tout se passe relativement bien.

Il est essentiel de tirer les conséquences de la mobilisation des soignants et de la situation. Je ne pense pas que l’on puisse se satisfaire des politiques mises en place aujourd’hui par votre gouvernement et par vos prédécesseurs. Je suis en fait plutôt inquiet après votre réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, souvenons-nous, c’était il n’y a pas longtemps : le pays était tétanisé, confiné, comptait les morts.

Nous étions tous admiratifs de tous ceux qui allaient massivement au front tous les matins, allaient travailler, prenaient les transports en commun. J’ai alors espéré que la reconnaissance de ces professionnels, de leurs carrières, mais aussi la revalorisation de leurs salaires seraient une évidence au lendemain de la crise.

Je me suis toutefois étonné, lors de l’examen de la première loi d’urgence, que l’on puisse envisager de dire à ces personnes qu’elles allaient peut-être devoir sacrifier des congés.

Mes espoirs ont été de courte durée. Lorsque le Medef s’est réveillé, lorsqu’il est sorti de sa torpeur, il a déclaré qu’il allait falloir revoir la durée légale du travail. Il n’a alors plus du tout été question de reconnaissance ou de revalorisation pour les salariés de l’agroalimentaire, du commerce, des transports, des services ; il n’a alors plus été question que de sang et de larmes pour tout le monde, parce que la crise économique allait provoquer une crise sociale. On a alors compris que, dans le monde dans lequel on entrait, c’est aux mêmes que l’on continuerait de demander de faire des sacrifices.

Madame la secrétaire d’État, allez-vous encourager les revalorisations salariales pour tous ces salariés ? Allez-vous donner l’exemple dans la fonction publique en dégelant le point d’indice pour les 5 millions de fonctionnaires qui n’ont eu aucune augmentation depuis février 2017 ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler l’effort important qui a été consenti pendant la crise pour préserver l’économie et les salaires : plus de 12 millions de salariés ont bénéficié du chômage partiel en France, ce qui est sans précédent. Nous avons étendu notre système de protection, notamment aux employés à domicile, afin de préserver leur emploi et leurs ressources.

Je rappelle par ailleurs que la prime d’activité compensera partiellement, pour les personnes qui en bénéficient, la baisse de leur salaire durant leur période de chômage partiel. Cela a été trop peu dit, mais la prime d’activité sert aussi à cela.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

La crise sanitaire n’étant pas terminée, il est trop tôt pour établir un bilan concret et définitif de la crise sociale. Nous travaillons pour activer différents leviers, afin notamment d’éviter un accroissement de la précarité et de la pauvreté. Mon rôle au sein du Gouvernement est de travailler sur les jeunes, notamment les jeunes précaires.

Nous avons également permis la mise en œuvre du télétravail, mais nous y reviendrons, car nul doute que des questions me seront posées sur ce sujet. Je rappelle que Muriel Pénicaud, la ministre du travail, notamment dans les premiers textes qui ont été adoptés, a renvoyé cette question au dialogue social entre les employeurs et les salariés. C’est dans ce cadre-là que peuvent être discutées les évolutions de salaires que vous demandez.

Pour les soignants et l’ensemble des professionnels des secteurs médical et paramédical, ces questions seront traitées dans le cadre du Ségur de la santé lancé lundi dernier. L’objectif est bien d’augmenter les salaires, de réorganiser le temps de travail et de valoriser tout ce qui n’est pas pris en compte dans les métiers médicaux. Nous y travaillons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier nos collègues du groupe socialiste et républicain d’avoir engagé ce débat qui nous impose de réfléchir aux moyens que nous souhaitons mettre en œuvre pour soutenir les plus vulnérables.

La violence de la crise sanitaire et le confinement auront en effet mis en évidence la précarité de plusieurs millions de nos concitoyens et accentué une partie des inégalités existant au sein de notre société.

Je pense tout particulièrement aux jeunes, qui subissent la perte des « petits boulots », l’annulation des stages, la suspension des formations, une entrée difficile sur un marché du travail en berne. Quel que soit leur niveau de formation, ils sont les premiers touchés quand survient une crise économique.

Pour les plus précaires, le Premier ministre a annoncé le 4 mai dernier devant notre assemblée une aide spécifique de 200 euros, laquelle concernera 800 000 jeunes et étudiants en difficulté. Si l’on peut bien évidemment se féliciter de cette mesure ponctuelle, il nous paraît nécessaire d’activer d’autres leviers.

Dernièrement, plusieurs voix se sont élevées pour demander l’ouverture du revenu de solidarité active aux moins de 25 ans, mais cette solution ne semble pas emporter l’adhésion du secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, qui estime que « la crise économique ne doit pas donner lieu à un aménagement des aides sociales existantes ». Il évoque en revanche l’idée d’introduire des mesures pour l’emploi des jeunes dans le plan de relance prévu pour la rentrée.

Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : quelles sont les différentes pistes envisagées par le Gouvernement pour que nos jeunes ne soient pas la « génération sacrifiée du coronavirus » ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, votre question me permet de revenir sur le troisième axe du renforcement de notre pacte social, que je n’ai pas eu le temps de présenter en détail dans mon propos liminaire, et qui porte sur la précarité des jeunes.

Vous avez évoqué les propos de mon collègue Gabriel Attal concernant la garantie jeunes. J’indique que 100 000 jeunes bénéficient de ce dispositif et, de ce fait, d’un accompagnement spécifique. Or la France compte un peu plus de 1, 5 million de jeunes en situation de précarité, étudiants ou non. La garantie jeunes est donc assez « sectaire », si vous me permettez cette expression. De nombreux autres dispositifs existent, je pense aux écoles de la deuxième chance ou aux établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide).

Vous posez en fait la question de la place que nous donnerons aux jeunes dans notre système de protection sociale dans les semaines et les mois à venir. Pour résoudre le problème de la précarité des jeunes, je ne sais si la solution est le RSA ou le revenu universel d’activité, sur lequel des travaux ont été entamés par un comité national comprenant un collège dédié aux jeunes. Nous devrons reprendre notre réflexion sur cette base, avec les acteurs du secteur et avec les parlementaires que vous êtes, afin de trouver ensemble une solution.

Des mesures importantes ont déjà été prises, notamment dans la loi pour une école de la confiance portée par Jean-Michel Blanquer. Je pense à l’obligation d’accompagnement et de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans afin d’éviter les décrochages scolaires. Il s’agit de leur permettre de retrouver le chemin de l’école, de suivre une formation ou de bénéficier d’un accompagnement pour qu’ils ne deviennent pas des « invisibles ». Il faut faire de la prévention et prévoir des moyens supplémentaires, comme nous avons commencé à le faire, mais aussi éviter les sorties « sèches » de l’aide sociale à l’enfance en accompagnant les jeunes au-delà de leurs 18 ans.

Enfin, nous avons prévu des moyens d’insertion par l’activité économique dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il s’agit là de leviers importants d’insertion pour nos jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Madame la secrétaire d’État, la reconstruction du pacte social est un défi crucial que nous devrons relever dans les prochains mois.

Les questions, nous les connaissons : quel contrat social sommes-nous prêts à accepter aujourd’hui ? En tant que citoyens partageant un « commun », plutôt qu’entre individus partageant un intérêt, quelles solidarités devons-nous mettre en œuvre ?

Si pour certains la solidarité repose sur l’individu plutôt que sur le collectif ou sur les chaînes de solidarité – elles ont pourtant été nombreuses durant la crise –, s’ils considèrent que cette solidarité a remplacé celle de l’État, nous ne partageons pas leur analyse.

La crise qui a endeuillé la France nous a contraints à nous recentrer sur l’essentiel : la santé, la famille, la solidarité. Elle a permis de faire renaître la solidarité de tous les jours, comme en témoigne le fait que 300 000 Français aient rejoint la réserve civique via la plateforme jeveuxaider.gouv.fr.

Force est de constater que cette crise, comme les précédentes, qu’elles aient été sociales, économiques ou sociétales, ont montré que les croyances ont évolué, mais surtout que les attentes des citoyens envers la puissance publique, notamment en pareille période, sont très élevées. C’est pourquoi il est urgent de reconstruire le pacte social, qui est au cœur des solidarités collectives, tout en stimulant les solidarités individuelles mises en lumière par la crise.

Ce que révèle déjà cette pandémie, c’est que « la santé gratuite […], notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe », pour reprendre les propos du Président de la République lors de son allocution du 12 mars dernier. Notre protection sociale, c’est ce qui nous permet de faire société.

Hier, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, telle qu’elle a été pensée en 1945. Attendu sur de nombreuses travées de cette assemblée, ce nouveau risque permettra la prise en charge de la perte d’autonomie.

Vouloir construire le monde d’après, ce n’est pas gérer la crise et penser l’après-crise comme le prolongement du précédent contrat social, avec plus ou moins de politiques sociales ou écologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

C’est accepter de mettre en œuvre les solutions que requièrent des problématiques connues.

Ma question est donc la suivante, madame la secrétaire d’État : de quelle manière le Gouvernement entend-il sortir de cette crise et remettre les solidarités collectives au cœur du contrat social ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, permettez-moi de saluer à mon tour ce que vous avez appelé la solidarité de tous les jours, la solidarité de proximité qui a émergé tout au long de cette crise. Partout sur notre territoire, de nouveaux bénévoles se sont en effet mobilisés. Cette solidarité, qui est le fondement de la France, est un élément important de notre pacte social, d’un point de vue collectif.

Je rappelle que l’État ne peut pas tout faire tout seul. Il a besoin de son écosystème, les collectivités territoriales, et en premier lieu des départements, qui sont chefs de file de l’action sociale, des communes, des centres communaux d’action sociale (CCAS) ou encore des associations. C’est ensemble que nous devons porter ce pacte social, ce collectif de solidarité.

À titre d’exemple, j’évoquerai la contractualisation entre l’État et les départements dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette contractualisation permet d’octroyer des moyens supplémentaires aux départements afin qu’ils puissent réinvestir le champ de l’accompagnement et de l’insertion sociale, notamment des bénéficiaires du RSA, pour ne citer que ce public sur lequel nous ciblons en effet des sommes importantes. Ce budget s’est élevé à 135 millions d’euros en 2019 et à 175 millions d’euros en 2020. Il atteindra près de 200 millions d’euros en 2021. Je tiens à rappeler que ce budget est entièrement neutralisé dans le cadre du plan de Cahors, comme les sommes réinvesties dans les mesures de lutte contre la pauvreté en sortie de crise.

Enfin, vous l’avez rappelé, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la dépendance. La question est de savoir quelle place nous voulons donner à nos seniors dans la société, qu’ils souhaitent vivre à domicile ou en établissement, sachant que le reste à charge dans les établissements est important.

Des travaux seront engagés à la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lequel prévoit 500 millions d’euros pour les services de soins à domicile, notamment.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Nous avons encore du travail à faire, nous y sommes prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons commencer à envisager une sortie de la crise sanitaire, et je dois dire que c’est une bonne nouvelle.

En revanche, nous nous engageons dans une crise économique et sociale d’une ampleur terrible. Les chiffres sont tombés en début d’après-midi : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de plus de 22 % durant le mois d’avril, ce qui représente 843 000 chômeurs de plus. Le dispositif de chômage partiel doit donc être prolongé afin que des milliers d’autres personnes ne connaissent pas le même sort.

Notre pacte social est malade et le désastre économique et social pourrait s’aggraver d’ici à la fin du mois de juin, enfin pas pour tout le monde si l’on en juge par le montant faramineux du bonus dont va bénéficier le PDG d’Air France, alors que l’État prête 7 milliards d’euros à la compagnie aérienne.

Il est donc nécessaire, voire d’une urgence absolue, de changer de logiciel. On voit où la loi du marché nous a conduits !

Elle a provoqué un affaiblissement de l’hôpital et du système de santé, quitte à mettre en danger l’ensemble de la population, mais aussi de tous les services publics qui structurent la solidarité nationale. Elle a ensuite mis à genoux le cœur de l’économie : notre industrie. Tout démontre que l’argent a pris le dessus sur l’intérêt général. L’argent roi est bien la clé d’un nouveau contrat social.

Une nouvelle répartition des richesses est la voie du salut public. Le Gouvernement s’arc-boute, ne veut même pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel a été affaibli et réduit à la portion congrue depuis dix ans. M. Le Maire se gausse même de son inefficacité.

Alors, chiche ! Allons plus loin, beaucoup plus loin ! Supprimons les dispositions qui protègent de manière éhontée le capital, comme la flat tax ; agissons de manière déterminée contre l’évasion fiscale ; ramenons l’échelle des salaires à un écart raisonnable de un à vingt ; construisons un pôle public bancaire et financier pour donner à l’État les moyens d’agir et de se dégager de l’emprise des marchés.

Pour ne pas s’écraser sur le mur social, il faut faire d’autres choix que ceux qui sont mis en œuvre depuis quarante ans. Il faut, je le répète, changer de logiciel. Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Madame la sénatrice, la pression fiscale ne sera pas la réponse à la crise sociale…

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Notre pays est déjà celui de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte. Les Français ont exprimé ces dernières années un véritable ras-le-bol fiscal.

C’est au contraire en réduisant la pression fiscale que nous permettrons à l’économie de repartir. Ce sont des mesures comme la baisse massive des impôts annoncée l’année dernière par Gérald Darmanin, notamment pour les revenus les plus faibles, comme la baisse et la suppression progressive de la taxe d’habitation, comme l’augmentation de la prime d’activité pour nos travailleurs les plus modestes, qui permettront aux Français de conserver leur pouvoir d’achat, voire de l’augmenter. Telle est bien notre ambition.

Nos entreprises ont besoin de marges de manœuvre pour pouvoir réinvestir et recruter. C’est l’emploi qui permet de sortir de la pauvreté. Il faut permettre aux bénéficiaires des minima sociaux d’être accompagnés pour être opérationnels, pour pouvoir retravailler et sortir de la précarité dans laquelle ils sont trop souvent enfermés. Plus de la moitié des 2 millions de bénéficiaires du RSA sont dans ce dispositif depuis plus de quatre ans et plus de la moitié d’entre eux n’ont aucun accompagnement vers l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d’accompagner les départements. Il faut permettre aux allocataires des minima sociaux de sortir de la pauvreté par l’emploi. C’est ce qu’ils souhaitent, comme nos concitoyens.

Enfin, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a permis de préserver la justice sociale en favorisant le retour des investissements dans notre pays.

Je le répète, l’impôt n’est pas la réponse, d’autant que, comme le montrent les dépenses que nous avons engagées, l’État prend entièrement ses responsabilités pour faire vivre la solidarité nationale. L’emprunt est un outil à notre disposition, c’est un investissement sur l’avenir et sur nos forces vives. Les propositions communes du président Macron et de la chancelière Merkel vont dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la secrétaire d’État, la crise a révélé les vulnérabilités de notre modèle social, mais également ses forces adaptatives, comme un catalyseur d’évolutions prêtes à émerger. Ce phénomène est flagrant dans le domaine du travail.

Entre mars et mai 2020, des millions de salariés ont poursuivi leur activité à distance. Si les grèves provoquées par la réforme des retraites ont été une sorte de répétition générale, il semble que l’épidémie de Covid-19 bouleverse durablement notre modèle traditionnel d’organisation du travail.

À l’aune de cette expérience à marche forcée, 62 % des Français plébiscitent le recours au télétravail. Si certaines entreprises annoncent vouloir recruter des télétravailleurs à temps complet, d’autres proposent un modèle hybride. Ces nouveaux modes d’organisation n’ont rien de philanthropique, la volonté affichée est bien de gagner en productivité, de fidéliser les meilleurs employés et de faciliter les recrutements dans les zones les plus éloignées.

En effet, l’enjeu sous-jacent est celui de l’égalité territoriale : 75 % des salariés intéressés par un télétravail à temps complet envisageraient de déménager. Cela nous conduit à considérer le télétravail comme un moyen de désengorger les centres urbains surpeuplés et pollués, où les loyers sont hors de prix. Il est donc un moyen d’offrir à la France une nouvelle politique d’aménagement de son territoire.

Dans cette perspective, un cadre national est indispensable afin d’éviter que la généralisation du télétravail ne se traduise par une délocalisation des emplois qualifiés vers des pays à bas salaires.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement est-il prêt à prendre pour encadrer le recours au télétravail afin qu’il permette d’instaurer en France un nouvel équilibre territorial et qu’il ne soit pas un facteur supplémentaire de délocalisation ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler que les outils du télétravail sont issus des ordonnances relatives au travail de 2017, lesquelles ont fait de la législation française l’une des plus favorables au télétravail en simplifiant considérablement ses modalités de mise en œuvre. Elles ont fait du télétravail un véritable droit pour le salarié.

C’est ainsi que, vous l’avez rappelé, plus de 5 millions de salariés ont pu recourir au télétravail durant le confinement. Alors que le télétravail reste préconisé dans les semaines à venir, un guide opérationnel a récemment été publié pour faciliter sa mise en œuvre par les employeurs et les salariés.

Les partenaires sociaux pourraient également se saisir prochainement de cette question, tout comme les employeurs et les salariés. C’est par le biais du dialogue social que nous pourrons trouver ensemble la meilleure solution.

Cela étant, vous avez raison, nous devons être vigilants et veiller à ce que le télétravail n’entraîne pas de délocalisations des emplois locaux dans d’autres pays.

C’est l’homogénéité de nos territoires et l’accès au télétravail partout dans notre pays qui permettra d’instaurer en France un nouvel équilibre entre les différents bassins de vie.

Je rappelle que, en juin 2019, le ministère de cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a lancé le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », doté d’un budget important de 45 millions d’euros. Ce programme permet aux collectivités et aux acteurs privés de créer des tiers-lieux, c’est-à-dire des espaces de travail ou de vie où les gens peuvent bénéficier d’une connexion à internet et se retrouver sur des temps spécifiques afin de ne pas rester isolés chez eux. De tels outils permettent aux salariés de travailler dans de bonnes conditions. Enfin, c’est le dialogue avec l’employeur qui permet d’éviter d’éventuelles dérives. Nous serons attentifs à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.

Il me vient une réflexion sur le télétravail au sein des services de l’État. Je pense par exemple aux services des impôts, à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui exercent des activités de contrôle. Ces contrôles pourraient très bien être effectués en télétravail. Une telle réflexion est-elle à l’ordre du jour du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je vois au moins quatre conditions pour reconstruire le pacte social national que souhaite le groupe socialiste et républicain : du travail, du pouvoir d’achat, du dialogue social et, bien évidemment, de la solidarité.

Je limiterai mon propos à l’amélioration du pouvoir d’achat. Plusieurs pistes peuvent être étudiées. La généralisation de l’intéressement peut être une des voies de relance après la crise sanitaire. Il existe déjà des plans d’intéressement dans les entreprises, mais cet outil est sous-utilisé. Relançons-le en l’améliorant.

Une telle mesure ne coûterait pas un euro aux finances publiques et associerait pleinement chaque salarié au redressement du pays.

Autre piste : le projet de loi sur les retraites. Le Gouvernement a décidé de surseoir à son examen. Néanmoins, un certain nombre d’avancées sociales avaient été actées : le minimum retraite, la lutte contre les effets pervers des carrières hachées, notamment pour les femmes, et la revalorisation des retraites des agriculteurs.

Toutes ces questions ne sont pas derrière nous. Elles sont toujours présentes, et peut-être plus que jamais. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’automne prochain, devrait nous permettre d’avancer, madame la secrétaire d’État. Une conférence sociale pourrait se tenir à la même période afin d’en préciser le contour et le contenu.

Enfin, face à la pauvreté et à l’exclusion sociale que la crise risque d’exacerber, la question de la mise en place du revenu universel de base mérite d’être à nouveau débattue. Pourquoi ne pas expérimenter cette mesure afin de lutter notamment contre la précarité des plus jeunes et soutenir les ménages les plus pauvres et les travailleurs les plus fragiles ?

Madame la secrétaire d’État, je crois que ne pas transformer notre modèle social serait une erreur historique. Pour réussir, il faudra, à l’instar de ce que proclamait Danton en 1792 : « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ! »

Mme Annick Billon applaudit.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

En ce qui concerne l’amélioration du pouvoir d’achat des Français, monsieur le sénateur, nous avons consacré plus de 6 milliards d’euros à la hausse des minima sociaux, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou encore la prime d’activité.

Vous évoquez à juste titre la nécessité de promouvoir l’intéressement pour améliorer le partage de la richesse au sein des entreprises. Ce constat vous a amené à adopter la loi Pacte, voilà un an. Ce texte comporte une série de mesures qui visent à inciter les entreprises à mettre en œuvre des accords d’intéressement. Je pense notamment à la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés. La loi Pacte prévoit également des accords d’intéressement types négociés au niveau de la branche et adaptés aux secteurs d’activité pour faciliter leur déploiement dans les petites et moyennes entreprises. Il s’agit de mesures qui vont dans le bon sens et que vous défendez.

En ce qui concerne vos interrogations sur le projet de loi sur les retraites, il ne me revient pas aujourd’hui de m’exprimer à titre personnel. Les arbitrages sont en cours sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne peux m’étendre davantage sur ce sujet.

Comme je l’ai dit, les travaux sur le revenu universel d’activité ont été interrompus en raison de la crise du Covid-19. Nous devrons nous poser la question de la précarité des jeunes dans notre système de protection sociale, comme celle du montant des minima sociaux. Ces sujets seront débattus et nous pourrons vous convier à travailler sur ces questions avec nous, si vous le souhaitez.

La question de l’expérimentation du revenu de base est extrêmement complexe. Chaque caisse d’allocations familiales ayant son propre fichier, il faudrait modifier tout le système informatique pour mener une expérimentation, même sur deux ou trois territoires seulement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il ne faut pas se cacher derrière l’informatique !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Merci de vos réponses, madame la secrétaire d’État. J’ai bien noté quelques ouvertures.

J’ai encore une suggestion à vous faire pour financer tous ces projets : la suppression – déjà bien entamée – des cotisations salariales et patronales, hors retraites, et leur remplacement par une contribution légère sur l’ensemble des paiements scripturaux dont l’assiette est plus large et solidaire, ce qui ne coûterait pas un euro à l’État. Une contribution de 2 % suffirait à dégager 400 milliards d’euros pour payer les prestations sociales et renforcer ainsi la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je vous livre cette proposition de la Fédération pour la défense du pouvoir d’achat et de l’emploi…

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Avec cette crise sanitaire et la crise économique à venir, l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi est une vraie source d’inquiétude.

L’apprentissage est également en danger. J’ai la conviction que cette filière d’excellence doit être soutenue. Dans la réflexion sur le pacte social, il est indispensable de consacrer un volet de soutien à l’apprentissage, faute de quoi la France manquera de main-d’œuvre qualifiée dans les prochaines années.

L’apprentissage, dans ma région des Pays de la Loire, c’est presque 30 000 jeunes formés dans cinquante-quatre centres de formation. Les Pays de la Loire se positionnent ainsi en tête des régions pour leur nombre d’apprentis parmi les jeunes de 16 à 25 ans.

Mais l’entrée en apprentissage s’annonce fortement impactée : les prévisions de baisse du nombre de contrats en apprentissage se situent entre 30 % et 50 %. En effet, les entreprises, fragilisées par la baisse d’activité, vont être très frileuses pour recruter des apprentis. Cette baisse va elle-même entraîner un problème de financement des centres de formation : c’est un cercle infernal qui va entraîner des fermetures de classes et, in fine, un risque de disparition de compétences pour les métiers. Vous le comprenez, l’apprentissage est en danger.

Les régions ont fait la preuve de leur agilité et de leur réactivité lorsqu’elles exerçaient cette compétence, mais vous avez souhaité modifier cette gestion. En période de crise, cette transition va être difficile, notamment à cause des lourdeurs administratives.

Il me semble donc aujourd’hui nécessaire de sécuriser les parcours des apprentis, d’alléger le coût financier pour les entreprises, pour lesquelles recruter des apprentis dans ce contexte particulier représentera un effort, et de sécuriser les centres de formation afin qu’ils maintiennent l’activité et les compétences.

Il est urgent d’agir et de mettre en place, dès maintenant, des outils pour accompagner les entreprises qui feront le choix de recruter et de maintenir des apprentis. Il faut envisager, par exemple, d’allonger la durée du statut de scolaire alternant aux candidats à l’apprentissage qui ne parviendraient pas à trouver une entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour préserver l’entrée en apprentissage ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Merci de votre question, monsieur le sénateur, qui soulève un sujet important.

Muriel Pénicaud a longtemps œuvré pour le développement de l’apprentissage. Ce travail commençait à porter ses fruits. Malheureusement, avec la crise, nous craignons également de constater une baisse. Ce serait fort dommage, car il s’agit d’un levier important, notamment pour l’entrée dans la vie active de nos jeunes. Il est nécessaire et important de lier formation théorique et en entreprise.

Muriel Pénicaud est au fait de cette question. Elle travaille en lien avec l’ensemble des régions pour favoriser, maintenir et continuer à développer l’apprentissage.

La question se pose aussi de l’orientation des jeunes et de leur éventuel décrochage scolaire. En période de crise, la fermeture des écoles nous fait craindre une augmentation du nombre de jeunes décrocheurs. C’est la raison pour laquelle nous avons, avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud, rédigé un courrier à l’attention des préfets et des recteurs de façon à travailler en amont de la rentrée scolaire. Il s’agit, en lien avec les régions, d’aller chercher les jeunes qui ne donnent plus signe de vie dans les classes virtuelles ou dans les établissements qui ont rouvert, de les accompagner, de s’assurer qu’ils sont présents à la rentrée et de les réorienter, si besoin, vers l’apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Dans votre propos liminaire, madame la secrétaire d’État, vous avez commencé par faire le panégyrique de l’action du Gouvernement avant la crise. Je voudrais juste vous rappeler que, à tout mettre bout à bout, politique fiscale et politique sociale, on constate un enrichissement des 5 % les plus riches et un appauvrissement des 5 % les plus pauvres de nos concitoyens. Voilà qui pose les bases.

La crise a montré toutes les failles de notre système, notamment la précarité extrême d’une grande partie de la population, et particulièrement de la jeunesse. On a même entendu des préfets craindre des émeutes de la faim. Cette situation provoque un risque majeur d’augmentation de l’endettement et un basculement d’un grand nombre de personnes dans la pauvreté. Et nous avons assisté, cet après-midi, à l’indifférence totale de votre collègue secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances face aux agios bancaires que se verront appliquer certains de nos compatriotes en difficulté.

Les aides que vous avez apportées sont trop faibles. Le Président de la République a appelé à des décisions de rupture. Nous vous appelons donc à l’ouverture de l’expérimentation du revenu de base. De nombreux départements sont prêts à le faire pour lutter contre le non-recours, contre la pauvreté, pour permettre une existence enfin sereine. Le revenu de base est un outil pour l’autonomie, pour la dignité de chacune et de chacun des citoyens de notre pays. Quand allez-vous enfin permettre cette expérimentation ?

Nous vous appelons également à ne pas entrer dans une politique de création de pauvreté avec la réforme de l’assurance chômage, encore susceptible de s’appliquer à la rentrée. Il faut annuler cette réforme.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Madame la sénatrice, la crise a montré des failles, mais elle a aussi montré la solidarité de notre système de protection sociale. J’en ai longuement détaillé les aspects, je n’y reviendrai pas.

La crise a eu un impact particulier sur les précaires, ce qui pose de manière indiscutable la question de notre système de soutien aux revenus des plus précaires.

J’ai reçu les présidents de département socialistes, ainsi que les députés qui avaient déposé une proposition de loi visant à expérimenter l’instauration d’un revenu universel. Je les ai invités à venir travailler avec nous sur le revenu universel d’activité. Nous partageons l’objectif de lutte contre le non-recours, sujet important sur lequel nous avons consenti des efforts et auquel le revenu universel d’activité, tel que nous le concevons – plus juste, plus lisible et plus pilotable –, permettrait de répondre avec une seule prestation et un seul dossier pour chaque Français.

Comme je l’ai souligné, nous devons nous poser la question de la place de nos jeunes et du montant des minima sociaux dans notre système de protection sociale. Je vous le dis clairement : nous poserons la question, comme nous avons commencé à le faire dans le cadre de notre réflexion sur le revenu universel d’activité.

Je n’étais pas d’accord avec les auteurs de la proposition de loi sur la question de l’inconditionnalité. Toute prestation doit être couplée à un accompagnement qui permet aux personnes concernées de s’inscrire dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle afin de sortir de la pauvreté. Une prestation permet de vivre quand on est en situation de pauvreté, mais pas de sortir de la pauvreté.

C’est donc par le travail que nous pourrons permettre à ces personnes d’en sortir, de gagner des revenus beaucoup plus décents, de garder leur dignité et de trouver une place dans la société. Nous avons contractualisé avec 99 départements pour développer un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA dans un délai d’un mois quand il fallait attendre entre quatre et six mois pour obtenir un premier rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Madame la secrétaire d’État, l’inconditionnalité est extrêmement importante. Il faut arrêter de mettre les gens en situation d’aller, tous les trois mois, réclamer et remplir des dossiers. On met les personnes en difficulté. On leur demande perpétuellement de venir se justifier au lieu de les aider à construire leur projet de manière positive.

Le revenu de base inconditionnel, c’est justement la possibilité d’accéder enfin à la sérénité pour construire. Nous, nous faisons confiance aux gens, nous ne pensons pas qu’il faille leur mettre le couteau sous la gorge, comme avec votre réforme de l’assurance chômage, pour les remettre au travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian. Ils ont envie de se construire un avenir. Et c’est justement ce que permettra le revenu universel d’existence !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le confinement mis en place pour lutter contre le développement du Covid-19 restera une période dont il faudra longtemps pour mesurer les conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales.

En parallèle de ce combat contre la maladie, une nouvelle révolution se déroule sous nos yeux : l’accélération de la digitalisation de la société dont nous sommes, au Sénat, les premiers témoins et même des acteurs. L’organisation de nos travaux a changé depuis maintenant plusieurs semaines, dans des proportions que nous n’aurions jamais imaginées jusqu’ici.

Le phénomène du télétravail modifie et va modifier en profondeur notre manière d’appréhender nos vies et aura un impact significatif. Les atouts du télétravail sont nombreux : gain de temps, économie d’espace et de transport – ce qui est appréciable en cette période si particulière –, meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, réévaluation du lieu de notre domicile, comme cela a déjà été souligné.

Mais le développement du télétravail inquiète également. Il engendre de nombreuses conséquences sociales en termes de management, avec des risques d’isolement, en termes de relations sociales et de construction d’un projet collectif d’entreprise, mais aussi de représentation des salariés. Il représente une mutation profonde et accélérée de notre environnement économique et social.

Madame la secrétaire d’État, comment voyez-vous l’évolution du paritarisme et du dialogue social dans ces conditions ? N’est-il pas l’heure d’organiser une grande conférence sociale et, pourquoi pas, de proposer de nouvelles lois sociales refondées afin d’aborder, dans le dialogue social, ces mutations profondes ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Comme je l’ai déjà souligné, un guide opérationnel a récemment été publié sur le télétravail afin de faciliter son approbation par les employeurs et les salariés. Il est d’ailleurs préconisé de continuer le télétravail dans les semaines à venir.

Dans les secteurs d’activité qui correspondent davantage à mon périmètre – je pense à tous les métiers de l’accompagnement social –, nous avons essayé, autant que faire se peut, de poursuivre le travail par téléphone. Mais cette situation ne peut perdurer. En outre, dans certains métiers où la relation humaine est importante, comme pour les professionnels de la petite enfance, par exemple, le télétravail n’est pas possible.

Laissons nos forces vives, salariés et employeurs, mais aussi administrations, dialoguer et travailler ensemble pour trouver le juste équilibre. Faut-il revenir de temps en temps dans un lieu commun ? Doit-on développer les tiers lieux ? Tout le système est à réinventer. Cette crise permet des avancées majeures sur ce sujet.

Je ferai part à Muriel Pénicaud, qui est pleinement mobilisée sur l’accompagnement des salariés et des entreprises, de votre proposition de conférence sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

La cohésion sociale va subir de nombreux chocs. Bruno Le Maire a déclaré ce matin que cette crise pourrait être d’une ampleur proche de celle de 1929. Eu égard aux chocs sanitaires, économiques, sociaux et technologiques à venir dans cette période si particulière, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour associer les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par une ordonnance du 22 février 1945, la France instaurait un pacte social national.

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 fondant la sécurité sociale visaient à créer un modèle social pour les travailleurs salariés qui avaient particulièrement souffert socialement durant la Seconde Guerre mondiale.

Le 15 mars dernier, le président de la République a qualifié de guerre cette crise sanitaire sans précédent qui a aggravé la situation économique déjà très fragile.

Le 25 avril 2019, le Président de la République avait annoncé une série de mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes » et tenant compte des résultats du grand débat national. La mise en œuvre de ces mesures a été freinée par la crise sanitaire. Il faut désormais les réinvestir politiquement, les faire mûrir et les évaluer.

Tout le monde a subi cette crise. Ce fut un choc symétrique. Certains, il est vrai, l’ont subi plus fortement que d’autres. Mais il ne s’agit pas de prévoir une aide financière conjoncturelle en une seule fois. Il faut envisager la reconstruction sur le long terme, aux côtés des institutions et des entreprises. Ce nouveau paradigme de société passe par trois points : l’alliance des secteurs public et privé pour l’intérêt général, la solidarité entre Français et l’implication de nos collectivités territoriales.

Sur ce dernier point, les mesures du Gouvernement doivent nécessairement être le fruit des remontées du terrain, avec les maires comme premiers interlocuteurs qui enrichissent la réflexion à l’échelle nationale. À l’échelon local, il devient nécessaire de créer une cellule de veille sanitaire et sociale.

Madame la secrétaire d’État, après le grand débat et cette crise sans précédent, quels outils comptez-vous mettre en place auprès des collectivités territoriales pour faire face, de manière pérenne, aux risques sociaux et sanitaires ? C’est une question que beaucoup d’élus se posent.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Dans la relation entre l’État et les collectivités territoriales, tous les échelons s’investissent dans le champ social et médico-social : régions, départements, communes et EPCI. Le ministère de la cohésion du territoire mène ce travail constant avec l’ensemble des représentants des collectivités territoriales dans le partage et les évolutions de compétences.

Je consulte régulièrement l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF), l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) et l’Assemblée des départements de France (ADF) sur la stratégie de lutte contre la pauvreté et sur les questions de solidarité et de politique de la petite enfance. Sur ces dernières, et bien qu’il s’agisse d’une compétence optionnelle, les caisses d’allocations familiales sont aux côtés des collectivités pour le compte de l’État.

C’est ensemble que nous pourrons amener cet écosystème à travailler par contractualisation, à travers des schémas de réorientation. Nous devons surtout mettre en œuvre concrètement des compétences sans superposition des uns et des autres. Chacun doit pouvoir s’y retrouver, nos concitoyens au premier chef, pour savoir qui fait quoi et où aller dans le champ social et médico-social.

Des travaux ont été amorcés dans ce cadre-là. Je travaille avec l’ADF pour apporter des moyens financiers supplémentaires aux communes et aux régions pour assurer un meilleur accompagnement en matière de lutte contre la pauvreté.

Dans le champ social, je crois que formation, développement économique et accompagnement des demandeurs d’emploi ou des bénéficiaires du RSA forment un triptyque à même d’offrir une vraie visibilité sur un bassin d’emplois, un bassin de vie.

Les formations financées par les régions doivent bien aller aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSA, accompagnés par les collectivités ou par nos services, …

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

… et répondre aux besoins de nos entreprises en termes de recrutement.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le confinement a rendu visible ce que vous ne voulez pas voir : la précarité des travailleurs « ubérisés », dépendants des plateformes de livraison, et les chauffeurs de VTC, dont le droit dit régulièrement qu’ils sont de faux indépendants. La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 mars dernier, a même utilisé le terme d’indépendant « fictif » – c’est grave ! – avant de requalifier l’emploi du plaignant en emploi salarié.

Madame la secrétaire d’État, vous bricolez et tergiversez depuis 2017 en cherchant à créer un tiers statut entre ceux de salarié et d’indépendant, avec des chartes et que sais-je encore dont le droit dit également régulièrement qu’elles ne conviennent pas. Ces travailleurs ne peuvent plus attendre. Après la crise, le salariat doit s’imposer dans certains secteurs.

Nous avons proposé une coopérative d’activités et d’emplois pour réguler beaucoup mieux l’activité des plateformes numériques, auxquelles nous ne sommes pas opposés, et apporter de vraies garanties aux travailleurs. Ces plateformes doivent immédiatement assumer leurs responsabilités réelles, qu’elles soient sanitaires ou financières.

Vos chartes et solutions sont de toute part, et notamment dans cet hémicycle, considérées comme aussi précaires que les plateformes que vous tentez de protéger. Il est temps de revoir les choses. Nos collègues du groupe CRCE vont présenter, la semaine prochaine, une autre solution que celle de la coopérative d’activités et d’emplois, mais toujours autour du salariat. Créer de vrais statuts de travailleurs indépendants peut être une autre piste, comme le souligne un rapport de la commission des affaires sociales.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, Muriel Pénicaud a lancé une mission sur les travailleurs numériques en mars dernier, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation que vous évoquiez. Nous nous sommes pleinement saisis de cette question.

Le statut d’autoentrepreneur et d’indépendant est parfois le premier pas vers une réinsertion sociale et professionnelle. Certaines structures comme l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), par exemple, accompagnent des autoentrepreneurs dans leur création d’entreprise. Je pense encore à un dispositif comme « Lulu dans ma rue » qui va aider des autoentrepreneurs à trouver quelques heures de travail et à commencer un parcours d’insertion. Il ne faut pas généraliser et qualifier nécessairement tous ces parcours de « précaires ». Il s’agit aussi de parcours d’insertion.

Ces autoentrepreneurs qui déclarent leurs revenus peuvent bénéficier de la prime d’activité, ce qui nous permet aussi de mieux les accompagner.

Peut-être faut-il encore améliorer certains dispositifs. Muriel Pénicaud y travaille. Certaines personnes souhaitent continuer à profiter de ce statut qui constitue un premier pas vers une reprise d’activité avant de pouvoir d’évoluer, notamment grâce aux dispositifs que j’ai cités.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

J’ai bien entendu votre réponse en deux temps, madame la secrétaire d’État.

Vous évoquez la fameuse mission Frouin qui est bien en peine, avec cette crise, d’avancer sur les sujets qui lui ont été confiés. Du peu que je sache, ses membres sont parfaitement dubitatifs, en raison de l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars dernier qui met en l’air toute une partie de la stratégie que vous envisagiez.

L’autre partie de votre réponse consiste à dire que ces plateformes offrent petits boulots et parcours d’insertion à certains. Des études encore rares montrent que les livreurs à vélo étaient bien souvent, au début, des étudiants sympathiques qui arrondissaient leurs fins de mois ou des personnes qui cherchaient un revenu complémentaire. Mais on est passé aujourd’hui aux précaires de Seine-Saint-Denis, par exemple, ou aux migrants qui utilisent des comptes détournés.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Cette situation n’est pas acceptable. Il faut mettre les gens devant leurs responsabilités, et vous en premier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, crise financière, crise écologique, crise démocratique et aujourd’hui crise sanitaire : nous sommes bien devant une crise durable.

D’un côté, les plus forts d’entre entre nous, une minorité très qualifiée, de mieux en mieux payée ou vivant de la spéculation et non du travail ; de l’autre, les plus faibles qui fournissent, dans le meilleur des cas, des biens et des services locaux ou qui vivent de l’assistance apportée par l’État- providence. Entre les deux, une solidarité qui s’effrite inexorablement.

L’addition est lourde : mécontentement généralisé des citoyens vis-à-vis de la démocratie représentative, accusée d’être impuissante ; sécession sociale et morale des élites ; sécession territoriale des pays ou régions les plus riches.

Mais voilà qu’aujourd’hui tout doit être sacrifié sur l’autel du sacro-saint pragmatisme : il n’est plus nécessaire de parlementer indéfiniment pour savoir si une politique est bonne ou mauvaise, il faut seulement savoir si elle est efficace ou non. Une fois cela posé, il n’y a plus de débat idéologique possible, mais seulement des questions techniques qui ne concernent alors plus les citoyens, mais les experts, ceux qui savent comment fonctionne la machine d’État. Ainsi la démocratie s’achève-t-elle en technocratie. Nous y sommes précisément !

L’heure n’est plus au bricolage et à l’accumulation de dispositifs incompréhensibles. Il est maintenant extrêmement urgent de définir enfin ce que nous considérons comme une priorité à respecter, une ressource à préserver et comme un bien à conserver. Dans ce contexte, réhabiliter la Nation peut paraître contre-intuitif aux bonnes consciences humanistes, progressistes, sociales-démocrates, écologistes, et j’en passe… Il nous faut pourtant non seulement réhabiliter la Nation, mais la réinventer. Nous devons redéfinir le pacte social national afin de le mettre tout entier au service d’une pratique sobre et apaisée de la conversation civique et de la décision publique.

C’est à ce prix que l’on réconciliera l’économie mondialisée avec la promesse démocratique et la sobriété écologique. Partagez-vous cette ambition, madame la secrétaire d’État ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Je partage l’ambition d’un équilibre entre le partage et la redistribution des richesses. C’est la redistribution des richesses qui est importante et qui constitue le socle de notre pacte de solidarité. Je l’ai dit et le redis, face à la crise, notre système de solidarité a tenu. Les filets de protection, qui ont joué le rôle d’amortisseur – je pense à l’activité partielle, au maintien des droits, aux arrêts de travail pour garder les enfants, à la sécurisation des personnes en longue maladie par rapport à une épidémie qui peut être fatale – ont fonctionné.

Pour autant, nous ne devons pas nous arrêter là. Il convient en effet d’analyser les failles du système. C’est l’objet du travail en cours, notamment pour ce qui concerne les solidarités avec la question de la précarité des jeunes, de l’accès et du maintien à l’emploi et de l’accompagnement. Quelle place pour l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils soient jeunes, moins jeunes ou seniors – je pense à la création d’une cinquième branche pour couvrir le risque lié à la dépendance ?

Le Président de la République a évoqué une protection du XXIe siècle. La crise en révèle les failles et, à ce titre, permettra d’introduire des réformes, conformément à notre ambition concernant le pacte de solidarité nationale.

Nous avons commencé à construire cette protection du XXIe siècle, en particulier dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais nous devons aller plus loin pour ce qui concerne les familles et les modes de garde. C’est un ensemble qu’il faut construire, pour que tous nos concitoyens, quels que soient leur situation ou leurs besoins, se retrouvent dans cette solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

M. Jean-Raymond Hugonet. Je vous entends, madame la secrétaire d’État. Je vois que le Gouvernement a mis en place, dans une situation très critique, des éléments qu’il fallait mettre en place. Ma réflexion va bien plus loin. Vous devez mettre les 67 millions de Français devant leurs responsabilités : ont-ils encore envie de vivre ensemble, grâce à quelque chose que l’on appelle la solidarité, mais qui dépasse de loin les bricolages technocratiques ? Sur ce point, il faut un vrai grand débat.

M. Jean-François Husson applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Madame la secrétaire, pour illustrer la suite de mon propos, j’évoquerai tout d’abord deux entrepreneurs de Boulogne-Billancourt.

Le premier, Patrice Kretz, est le dirigeant de la chaîne Chantelle. Il a répondu très rapidement à l’appel du Gouvernement, en réorientant ses outils de production pour fabriquer des masques dans ses usines de Cachan et des blouses dans ses usines d’Épernay.

Le second, Emmanuel Nizard, atteint du Covid-19, s’est rendu compte qu’il était impossible de se procurer des masques en France. Il s’est donc décidé à changer de métier et à devenir lui-même fabricant. Aujourd’hui, à Meudon, dans une usine créée de toutes pièces pour répondre à l’urgence sanitaire, on sort 50 000 masques par semaine, l’objectif étant fixé à 200 000 d’ici au mois de septembre.

Ces deux exemples se résument en deux mots : réactivité et proximité, caractéristiques du « produire en France » ou made in France, qui répond à trois objectifs : il permet de s’éloigner d’une trop forte dépendance des autres économies, notamment dans le domaine alimentaire, risque mis en avant par la crise sanitaire ; il répond aux besoins d’emplois, alors même que notre pays connaît une crise économique sans précédent – l’Insee annonçait hier que le PIB pourrait chuter de 20 % au deuxième trimestre de cette année – ; il répond aussi aux souhaits de nos concitoyens, qui ont envie de consommer localement et durablement. Ainsi l’usine installée à Meudon permet-elle de produire des masques dont le bilan carbone est inférieur de 98 % à ceux qui, fabriqués en Chine, arriveraient en France.

Au regard de ces éléments, que compte faire le Gouvernement pour renforcer le made in France, alors même que nos propres coûts de production sont très élevés ? Les produits fabriqués en France doivent bénéficier à l’ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

En effet, le made in France est une révélation de la crise, mais le phénomène était déjà sous-jacent. Dans ce domaine, on le voit, il est nécessaire de lever certains freins, dans le cadre d’actions combinées du public et du privé. Il ne semble pas opportun d’opposer l’un à l’autre, pas plus que les producteurs historiques aux nouveaux entrants.

Sur la question de la production de masques, nous avons pu répondre aux besoins de nos concitoyens. Nous atteindrons, d’ici à octobre, 50 millions d’unités.

Le made in France fait partie du made in Europe et n’est pas opposé à la mondialisation. En effet, la production française doit songer à l’export, car il n’est pas possible de « s’autosuffire ». C’est dans ce cadre que nous devrons travailler ensemble.

Je prendrai l’exemple de la politique de l’aide alimentaire et du travail que j’ai commencé à mener avec les associations pour cesser d’acheter des produits européens, alors que nous pourrions avoir une production locale.

Notre production d’aide alimentaire permettra de répondre aux besoins des agriculteurs et offrira aux personnes les plus précaires la possibilité de manger local et, parfois, bio ou, au moins, en respectant le développement durable. Sur tous ces sujets, il convient de mener une réflexion. Si certaines thématiques sont plus faciles que d’autres, c’est l’intelligence des consommateurs et des producteurs qui fera coïncider l’offre et la demande, à des coûts raisonnables. Ces travaux à venir sont importants. Ils font écho à la loi Égalim, qui prévoyait en substance de mieux rémunérer et d’acheter local. C’est ainsi que notre société deviendra souveraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je vois que nous partageons la même volonté. Ma question portait également sur le coût du travail, qui freine aujourd’hui l’industrie française.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Après la crise inédite des « gilets jaunes » et la réforme tumultueuse des retraites, nous sommes entrés dans une crise sanitaire également inédite, qui, si elle révèle les ressources profondes de notre pays, n’en menace pas moins son unité.

Cette crise a souligné des carences : pénurie de masques, incapacité de tester massivement les populations, dysfonctionnements dans la chaîne de commandement entre les agences régionales de santé et les préfectures, appels dans l’urgence aux collectivités territoriales.

Néanmoins, nous pouvons être fiers du sens civique manifesté par les Français et de l’esprit de responsabilité des élus locaux. Notre République, lorsqu’elle traverse des crises ou est prise de convulsions, a toujours su puiser dans ses ressources pour en ressortir plus forte. Si nos institutions ont été et demeurent solides, l’esprit qui les fait vivre doit être renouvelé. Le pacte social qui nous maintient unis malgré nos différences ne peut plus fonctionner avec les recettes d’hier.

J’entends donc savoir comment le Gouvernement entend concilier urgence sociale, redressement économique, protection et sécurité sanitaire et impératifs écologiques. Compte-t-il s’appuyer concrètement sur l’ensemble des corps intermédiaires, bien malmenés depuis 2017 ?

Debut de section - Permalien
Christelle Dubos

Monsieur le sénateur, votre question est double.

S’agissant de notre système de santé, il est toujours loisible de critiquer. Pour autant, j’estime que nous n’avons pas à rougir des actions mises en œuvre pour gérer cette crise inédite. Nous le voyons, notre système de santé a fonctionné et nous avons trouvé et apporté ensemble des solutions.

Pour ce qui concerne la gestion de la crise, je rappelle que celle-ci n’est pas encore achevée. Le virus continuant de circuler, il convient d’être prudent. Nous ne sommes pas encore à l’heure du bilan. Dans la mesure où nous commencerons à avoir quelques aperçus des conséquences, nous préparerons, dans un cadre interministériel, l’après-crise. Ce travail est d’ores et déjà en cours, quels que soient les sujets : solidarités, éducation, logement et finances.

L’État ne pourra pas répondre seul à toutes ces questions. En matière de santé, il faut analyser le maillage du territoire et l’écosystème que constitue l’ensemble des activités des collectivités publiques et du privé. L’État ne peut qu’interagir dans un écosystème. C’est ensemble que nous pourrons apporter les réponses.

C’est en respectant les compétences des uns et des autres, en ne superposant pas les dispositifs et en n’ajoutant pas une couche dans la couche que nous trouverons la bonne réponse. Ce qu’attendent nos concitoyens, c’est d’avoir une lisibilité et une visibilité sur ce qu’il est possible de faire, à leur niveau, pour s’intégrer dans notre société et faire nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

En effet, madame la secrétaire d’État, ce qui doit nous rassembler, c’est de faire France ensemble. Cela signifie prendre appui sur les collectivités dans le cadre d’une politique de décentralisation conjuguant compétences, moyens et responsabilités.

Ensemble, cela veut dire retrouver le goût du dialogue social, qui ne peut plus être vu comme un reste de l’ancien monde. Ce dialogue, comme l’activité du Parlement, est non pas un obstacle aux réformes et à leur rapidité, mais un passage utile et obligé pour que les réformes proposées puissent être enrichies et marquées d’une légitimité plus grande.

Ensemble, cela veut dire aussi conjuguer une politique écologique qui ne pénalise pas les plus modestes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

… mais vise, à l’inverse, à offrir une valeur ajoutée écologique à de nouvelles dynamiques économiques.

Ensemble, cela veut dire oser le débat, souffrir la contradiction, reconnaître avec humilité que l’on s’est trompé et préférer à la disruption jupitérienne la concorde républicaine, socle incontournable de la reconstruction de notre pays, pour autant qu’elle soit le fruit d’un pacte de confiance scellé au préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Pour clore ce débat, la parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je formulerai plusieurs remarques.

Tout d’abord, je veux saluer, madame la secrétaire d’État, l’introduction de votre propos. Vous avez en effet indiqué que, grâce à notre système de protection sociale, nous avions pu amortir les effets de la crise pour les plus fragiles. Je me réjouis de cet hommage que vous rendez à notre système de protection sociale. Pour tout vous dire, je préfère que vous en parliez ainsi plutôt que d’entendre le Président de la République évoquer un « pognon de dingue » à propos des allocations familiales.

Nous sommes au moins d’accord sur le fait qu’il faut un système de protection sociale fort pour protéger les plus fragiles. Ce système doit d’ailleurs être tellement fort que vous avez dû revenir sur vos propres décisions, en suspendant l’application de la réforme de l’indemnisation du chômage. Vous vous êtes en effet rendu compte que cette réforme, sans doute acceptable dans un pays ayant atteint un taux de chômage résiduel, était néfaste dans un pays encore soumis à la pauvreté, à la crise et à la fragilité.

On peut également se réjouir que la crise sanitaire vous ait amené à suspendre, pour une durée que nous espérons définitive, votre réforme du système d’assurance vieillesse, que vous estimiez trop généreux et que vous avez si souvent discrédité depuis trois ans.

Je souhaite faire une remarque sur un sujet qui n’a pas été évoqué, à savoir la suspension d’une nouvelle phase du déploiement de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Nous en parlerons peut-être tout à l’heure à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire.

Vous aviez annoncé, avec une communication importante, un service public des pensions alimentaires. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’une telle appellation était un peu exagérée, dans la mesure où il ne s’agit que d’une intermédiation entre le débiteur et le créancier des pensions alimentaires. Ce n’est pas l’État qui paie les pensions alimentaires !

Cette intermédiation, qui prolongeait la création, en 2017, de l’Aripa, aurait dû se mettre en place au 1er juin. Elle concerne les familles monoparentales, c’est-à-dire celles qui ont été le plus touchées par la crise, leur pauvreté s’accroissant et leurs difficultés de vie augmentant. Pourtant, vous avez décidé de reporter cette mesure ! Comment avez-vous pu accepter une telle décision, extrêmement préjudiciable, vous qui avez la charge de ce dossier ? Comment avez-vous pu dire « oui » à Bercy s’agissant de cette agence ?

Les familles monoparentales souffriront six mois de plus, puisqu’elles ne pourront pas faire appel à l’intermédiation de l’Aripa.

On le sait bien, les effets de la crise sont à venir. Les chiffres du chômage en témoignent : ceux qui paient cash la crise sanitaire, ce sont les intermittents du travail. Pour eux, le chômage sera plus douloureux.

On vous a demandé à plusieurs reprises d’anticiper les effets de la pauvreté. Dans les éléments que vous avez donnés jusqu’à présent, vous ne nous avez pas dit que vous renonciez à la réforme de l’assurance chômage. C’est pourtant ce qu’attendent de nombreuses personnes, en particulier les salariés intermittents, les précaires du monde du travail, qui sont déjà les plus durement frappés par cette réforme.

Enfin, comme les effets sont à venir, il faut aussi penser aux 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché du travail dans des conditions dramatiques, alors même que la situation est déjà compliquée en temps normal pour un certain nombre d’entre eux. Il faut aller vite pour leur garantir un revenu minimum d’existence, un « RSA jeune », quelque chose qui soit plus que la garantie jeunes, mais pas non plus la prime d’activité, qui n’est pas adaptée à des jeunes qui sont intermittents.

Enfin, la crise nous l’a appris, le travail au noir est une réalité en France. Ainsi, on a vu dégringoler tous ceux qui ont des petits boulots payés au noir. Il faudra s’en occuper, madame la secrétaire d’État, après l’état d’urgence et après les mesures provisoires que vous avez prises.

Il y a donc encore beaucoup à faire. J’espère que vous renoncerez à ce qui a été votre dogme au cours des deux dernières années, c’est-à-dire l’idée selon laquelle nous vivrions dans un pays dans lequel les personnes précaires, les personnes âgées et les jeunes sont trop protégés. Il suffirait, pour trouver un travail, de « traverser la rue ».

Or il n’y a pas de rue à traverser, mais des mains à tendre !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, M. Jean-Claude Requier, président du groupe du RDSE, demande que la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte, initialement inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du 28 mai, soit inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 24 juin, en remplacement du débat sur le thème : « La crise du Covid-19 révélatrice d’un besoin renforcé de déconcentration et de décentralisation ».

Acte est donné de cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (projet n° 440, texte de la commission n° 454, rapport n° 453, avis n° 444 et 451).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er quater, à l’examen des amendements n° 102 rectifié et 236 rectifié ter, qui font l’objet d’une discussion commune.

Le livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3312-5 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation au I du présent article, l’employeur d’une entreprise de moins de onze salariés dépourvue de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique peut également mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de sa décision. Il en informe les salariés par tous moyens.

« Le régime d’intéressement mis en place unilatéralement en application du présent II vaut accord d’intéressement au sens du I du présent article et au sens de l’article 81 du code général des impôts. Les dispositions du présent titre s’appliquent à ce régime, à l’exception des articles L. 3312-6 et L. 3314-7. » ;

2° Le titre IV est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Intéressement mis en place unilatéralement

« Art. L. 3347 -1. – Les dispositions du présent titre en tant qu’elles concernent les accords d’intéressement s’appliquent aux régimes d’intéressement mis en place unilatéralement en application du II de l’article L. 3312-5, à l’exception de celles prévues aux sections 1 à 3 du chapitre Ier et aux articles L. 3344-2, L. 3344-3 et L. 3345-4. »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au terme de la période de validité, le régime d’intéressement ne peut être reconduit dans l’entreprise concernée qu’en empruntant l’une des modalités prévues au I. » ;

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

J’associe aux trois prochains amendements que je défendrai les collègues de mon groupe également membres de la commission des affaires sociales.

L’article 1er quater a pour objet de faciliter l’accès des salariés des très petites entreprises aux dispositifs d’épargne salariale, en cohérence avec les réformes précédentes sur la place des salariés dans l’entreprise. Il est ainsi prévu qu’un régime d’intéressement peut être mis en place, dans certains cas, par une décision unilatérale de l’employeur pour une durée comprise entre un an et trois ans.

Toutefois – c’est un point important –, la rédaction initiale prévoyait que, à l’issue de la durée que je viens de mentionner, le régime d’intéressement devait être reconduit selon les modalités prévues par le code du travail.

La commission ayant supprimé cette précision, cet amendement vise à la rétablir, afin que soit borné dans le temps l’effet de la décision unilatérale de l’employeur, dans l’intérêt du dialogue social auquel le mécanisme d’intéressement concourt.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 236 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Requier, Arnell, Artano, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mmes Laborde et Pantel, MM. Roux, Vall et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Kern, Cadic, Capus, Chasseing, Danesi, Moga et Canevet, Mme Gatel, M. Guerriau, Mme Lamure, M. Le Nay, Mme Joissains et MM. Delcros, Longeot, Maurey et Decool, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises de plus de dix salariés et de moins de cinquante salariés, au terme de la période de validité, le régime d’intéressement mis en place par décision unilatérale ne peut être reconduit qu’en empruntant l’une des modalités prévues au I du présent article. » ;

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Il s’agit d’un amendement de conséquence. Je me réfère à notre débat d’avant-hier soir, interrompu par la fin de séance. Il semble que mon collègue Julien Bargeton n’ait pas adapté son amendement à la rédaction adoptée en séance.

Je le rappelle, le dispositif proposé d’intéressement par décision unilatérale a été étendu par le Sénat aux entreprises de dix à cinquante salariés. L’amendement que je vous propose, mes chers collègues, est en cohérence avec ce qui a été adopté avant-hier. Je le précise, les entreprises de moins de onze salariés demeurent dispensées de cette contrainte restrictive. En revanche, elle est rétablie pour les entreprises de dix à cinquante salariés, dans la mesure où le régime dérogatoire pour cette catégorie d’entreprises a vocation à inciter celles-ci à conclure, au terme de trois ans, un contrat d’intéressement dans des conditions classiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Des modifications sont effectivement intervenues dans le dispositif d’intéressement.

L’amendement n° 102 rectifié porte sur l’interdiction de la reconduction tacite d’un dispositif d’intéressement mis en place par voie unilatérale. Comme le Sénat l’avait fait en mars dernier, la commission a souhaité qu’un accord d’intéressement mis en place par voie unilatérale puisse être reconduit tacitement. En effet, la mise en place de dispositifs d’intéressement par voie unilatérale n’est prévue que dans le cas où l’entreprise serait dépourvue de délégués syndicaux à même de négocier un accord. Les choses ont évolué, puisqu’il s’agissait des entreprises de moins de onze salariés.

Si, au terme des trois ans de validité du dispositif, l’employeur ne dispose toujours pas d’interlocuteurs de négociation, il serait dommage d’interdire la reconduction de la mesure.

Cet amendement me semble donc contraire à l’objectif visé, à savoir favoriser le développement des accords et de la discussion. C’est la raison pour laquelle nous avions émis un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 236 rectifié ter de coordination avec l’amendement n° 234 rectifié bis, la commission avait émis un avis défavorable, mais l’amendement n° 234 rectifié bis a été adopté.

Ainsi, dans la mesure où il est important de toujours inciter à la négociation, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 102 rectifié, qui vise à préciser les modalités de reconduction du régime d’intéressement mis en place par décision unilatérale de l’employeur à l’issue de sa période de validité de un, deux ou trois ans.

Après cette première période d’application, les employeurs et les salariés auront pu s’approprier ce dispositif. Il est donc pour nous cohérent que la reconduction s’effectue par voie négociée, par exemple via la ratification d’un accord à la majorité des deux tiers des salariés, qui ne constituera plus, dès lors, une difficulté.

Sur l’amendement n° 236 rectifié ter, après le débat nourri que nous avons mardi soir, je reste cohérent avec la position du Gouvernement et émets donc un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 153 rectifié, présenté par Mmes Morhet-Richaud et Dumas, MM. Vaspart, Karoutchi, Frassa, Vogel, Panunzi et Piednoir, Mme Imbert, MM. Bascher, Daubresse et Mandelli, Mme Noël, MM. Danesi, Lefèvre, Pierre et Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Gremillet, Babary et Brisson, Mme Gruny, MM. B. Fournier, Perrin, Raison et Cuypers, Mmes M. Mercier et Lamure, MM. Regnard et Bonne, Mme Deromedi, MM. Cardoux et Courtial, Mme Raimond-Pavero, M. Chaize, Mme F. Gerbaud, M. Longuet, Mme Micouleau, M. Kennel, Mmes Chain-Larché, Bonfanti-Dossat et Puissat, MM. H. Leroy, Dallier et Calvet, Mme Berthet et M. Sido, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est ainsi modifié :

1° Au A du I, après le mot : « employeurs », sont insérés les mots : « de moins de onze salariés et par les employeurs » ;

2° Au début du 3° du II, sont ajoutés les mots : « Pour les employeurs d’au moins onze salariés, ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jérôme Bascher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cet amendement tend à pérenniser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pour les TPE, avec la suppression de la condition, instaurée sur proposition du Gouvernement, consistant à lier cette prime à l’intéressement, même pour les petites entreprises.

Cette prime est présentée comme un moyen plus souple pour les employeurs d’intéresser leurs salariés aux résultats de l’entreprise.

Il est vrai que le Sénat a déjà eu l’occasion d’adopter un amendement identique, mais la commission des affaires sociales est toujours réticente face à la création de niches sociales et fiscales dont l’impact pour les finances publiques n’a pas été mesuré en amont.

En effet, contrairement à la prime exceptionnelle, les sommes versées au titre de l’intéressement sont, comme tous les revenus, assujetties à la CSG, à la CRDS et à l’impôt sur le revenu. Il me semble qu’un dispositif d’exonération totale ne doit être qu’exceptionnel, sous peine de créer un précédent dangereux, voire de traiter de manière inéquitable les salariés en fonction de la taille de leur entreprise.

J’ajoute que la difficulté, pour les employeurs qui souhaitent proposer des dispositifs d’intéressement, est grandement réduite par la publication d’accords types mis à disposition par l’administration.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à introduire un dispositif pérenne et non pas lié à la période de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Sur le principe, je serais plutôt favorable à ce dispositif ; mais il fait concurrence à la position qui a été prise par la commission des affaires sociales du Sénat de simplifier le régime d’intéressement dont peuvent bénéficier les salariés des entreprises de moins de onze salariés, et de le rendre reconductible sans autre formalité. La disposition adoptée par la commission des affaires sociales enlève un peu de son intérêt à cet amendement.

J’ajoute quand même, à l’intention de M. le ministre et de M. Bargeton, la remarque suivante : je veux bien que l’on reprenne le dialogue social, mais soyez réalistes ! Si vous visitez des entreprises de moins de onze salariés, ce dont je ne doute pas, vous constatez que le dialogue social s’y fait directement entre le chef d’entreprise et ses salariés, tous les matins voire plusieurs fois par jour. C’est pourquoi, très souvent, on n’y trouve pas d’instance représentative du personnel, parce que le dialogue y est permanent. Et lorsqu’on veut formaliser, on crée bien plutôt des blocages. Le dialogue social, dans la vie réelle des entreprises de moins de onze salariés, se fait naturellement ; le dialogue social formalisé n’y aurait pas vraiment de sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Sans y avoir été invité, je vais retirer cet amendement.

Je rappelle simplement que cette idée est née au moment de la crise des « gilets jaunes ». Le Gouvernement avait été bien content, à ce moment-là, de pouvoir compter sur le Parlement pour concevoir cette grande mesure de pouvoir d’achat. L’année d’après, comme d’habitude, il s’est empressé de restreindre le dispositif, dont l’initiateur avait été non pas Serge, chantre de la participation, mais Olivier Dassault, du côté de l’Assemblée nationale.

Une fois de plus, on a coupé les ailes d’une bonne idée en recomplexifiant un système efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 153 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er quater, modifié.

L ’ article 1 er quater est adopté.

I. – L’avant-dernier alinéa de l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

II. – L’avant-dernier alinéa du II de l’article 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

III. – L’avant-dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

IV

– Le présent article entre en vigueur à compter du 23 mars 2020. –

Adopté.

I. – La seconde phrase du II de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complétée par les mots : «, ou auprès de l’un des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ».

II. – La seconde phrase du II de l’article 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complétée par les mots : «, ou auprès de l’un des établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi ».

III

« 3° La valorisation des mises à disposition sans remboursement d’agents publics à des établissements publics de santé effectuées dans le cadre du II de l’article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, du II de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ou du II de l’article 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Est également détaillé le coût de ce dispositif pour les personnes publiques ayant mis ces agents à disposition des établissements publics de santé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 70, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 1, 2 et 4

Compléter ces alinéas par les mots :

, lorsque la mise à disposition est prononcée pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique et en lien avec la gestion de la crise sanitaire

La parole est à Mme Monique Lubin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Cet amendement vise à limiter la mise à disposition à titre gratuit des agents territoriaux ou hospitaliers auprès des établissements de santé, hôpitaux, établissements médico-sociaux, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), etc., à la période de la crise sanitaire.

Pérennisée, cette faculté risque d’être utilisée par l’État comme facteur supplémentaire de désengagement financier dans les hôpitaux et dans les Ehpad. Il s’agit certes d’une mesure de bon sens en période d’épidémie, où l’on peut comprendre le besoin de mobiliser toutes les forces vives ; quant à la pérenniser, certainement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Compléter ces alinéas par les mots :

, lorsque la mise à disposition est prononcée pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique et en lien avec la gestion de la crise sanitaire

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je m’exprime toujours au nom des collègues de mon groupe membres de la commission des affaires sociales.

La dérogation au remboursement des mises à disposition des agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale au bénéfice des établissements de santé et médico-sociaux, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, a tout son sens dans ce projet de loi d’urgence. Elle a, dans un objectif de clarté et d’efficacité, été inscrite dans ce texte.

Toutefois, la commission a étendu cette dérogation au-delà de la durée de l’état d’urgence sanitaire. Une telle modification permanente devrait impliquer un dialogue avec les instances représentatives et les collectivités. D’ailleurs, la réflexion plus générale sur l’organisation hospitalière que cette pérennisation appelle interviendra dans le cadre des concertations du Ségur de la santé.

Cet amendement vise donc à rétablir, sur ce point, l’article dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, limitant le dispositif à la durée de l’état d’urgence et à la gestion de la crise sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

La commission, sur l’initiative de Mme Catherine Di Folco et de M. Loïc Hervé, qui avaient, je le rappelle, beaucoup travaillé sur le statut de la fonction publique, a proposé que cette pratique, ayant eu cours pendant la crise sanitaire et consistant, pour les collectivités territoriales – qu’elles en soient remerciées ! – à mettre à disposition leurs personnels auprès des hôpitaux, soit possible et pérennisée.

Je rappelle tout de même que cela se fait sur la base du volontariat entre les hôpitaux et les collectivités territoriales ; en aucun cas ces dernières ne seront dans l’obligation de mettre leurs personnels à disposition pour pallier une quelconque défaillance de l’État.

Je rappelle aussi que ce dispositif n’est pas neuf : il existe déjà, puisque les agents de l’État peuvent déjà être mis à disposition des hôpitaux, de sorte que l’extension de ce dispositif pérenne ne paraissait pas poser de difficulté.

Avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

L’amendement de M. Mohamed Soilihi, que vous avez présenté, monsieur Bargeton, vise à rétablir l’article qui permet la mise à disposition des agents de la fonction publique en limitant cette possibilité à la période de l’urgence sanitaire.

La dérogation à l’obligation de remboursement en cas de mise à disposition d’agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale est destinée à faciliter le renfort des établissements pendant une situation d’état d’urgence sanitaire ; elle ne peut être considérée comme un moyen permanent de renforcer les effectifs de ces établissements.

Pour cette raison, le Gouvernement est favorable au rétablissement de la version initiale du texte, qui limitait la possibilité de déroger à l’obligation de remboursement aux seules situations d’urgence sanitaire.

Avis favorable, donc, sur l’amendement n° 103 rectifié ; quant à l’amendement n° 70, madame Lubin, je vous demande de bien vouloir le retirer et, à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable – la rédaction que vous proposez est en effet un peu différente : vous appliquez la limitation proposée à un alinéa supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Madame la rapporteure, j’entends votre raisonnement, mais il est malheureusement évident que la pérennisation de cette disposition hors des situations d’état d’urgence sanitaire peut soulever des suspicions légitimes. Il convient de circonscrire cette possibilité à des moments exceptionnels comme celui que nous avons vécu. Nous voterons ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Les maires et les responsables de nos collectivités locales se sont très fortement investis pendant cette période d’urgence sanitaire. Ils ont engagé beaucoup de moyens et vont aussi constater, malheureusement, la perte d’un certain nombre de recettes. Autant, pendant cette période, il paraissait logique que nos collectivités viennent en appui des hôpitaux et des Ehpad – un certain nombre d’entre elles l’ont fait, sans que cela concerne pour autant des milliers et des milliers d’employés –, autant, demain, elles commenceront par regarder l’état de leurs finances.

Le problème est à la fois celui du bornage dans le temps de cette disposition et celui de la gratuité de la mise à disposition. Je n’imagine guère les élus locaux, demain, accepter de mettre à disposition sans demander le remboursement. Si l’État peut se permettre de le faire, dont acte. Mais je ne pense pas que les collectivités puissent le faire. C’est la raison pour laquelle nous voulons borner cette possibilité à la période de l’état d’urgence sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 70 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 103 rectifié.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er sexies est adopté.

I. – Dans la fonction publique, le médecin de prévention peut procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par un arrêté du ministre chargé de la santé.

II. – La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 91, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;

2° Au premier alinéa de l’article 93, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2026 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Dans le cadre de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a été voté et mis en œuvre un dispositif de santé publique de gestion des malades du Covid-19 et de leurs cas contacts autour de « brigades sanitaires ».

Les campagnes de dépistage doivent relever de ce dispositif, y compris lorsqu’il s’agit de contamination en milieu professionnel. Cela a été le cas tout récemment, dans des établissements scolaires par exemple.

Il n’y a donc pas lieu, à nos yeux, d’étendre la faculté de procéder à des tests de dépistage du Covid-19 aux médecins de prévention de la fonction publique, d’autant que l’objet de cet amendement adopté en commission et devenu article 1er septies AA justifiait cette extension par référence à ce qui a été prévu pour les médecins du travail. Or le Gouvernement a finalement annoncé que ces derniers ne pourraient y procéder, puisque les campagnes de dépistage sont interdites en entreprise. Le décret d’application de l’ordonnance n’a donc pas rendu effective cette faculté pourtant ouverte par ordonnance. Le Gouvernement a dû faire machine arrière, du fait du risque de non-respect du secret médical.

Rien ne justifie donc le dépistage du Covid-19 par les médecins de prévention de la fonction publique. Les fonctionnaires doivent relever du droit commun et d’un dépistage par le système de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

C’est précisément à cause de ce type de raisonnement, me semble-t-il, qu’on échoue à lutter contre le coronavirus. Au lieu de mobiliser toutes les forces médicales qui sont à notre disposition pour tester, action qui devrait évidemment faire partie de tout plan de lutte, nous nous contentons de faire appel à un dispositif de santé publique. Nous avons déjà assez pâti de cette logique en mettant un temps infini à avoir recours aux laboratoires départementaux au motif qu’ils étaient des laboratoires d’analyses vétérinaires ; nous recommencerons à en pâtir si nous suivons ce type de raisonnement.

Le texte de la commission est, une fois encore, issu d’un amendement de Mme Catherine Di Folco et de M. Loïc Hervé, qui ont travaillé sur le statut de la fonction publique. Les médecins de prévention sont des médecins indépendants, soumis, comme tous les médecins, au secret médical. Il ne s’agit pas d’obliger les agents de la fonction publique à se faire tester ; il s’agit juste de répondre aux demandes des agents qui pourraient vouloir se faire tester, ce qui paraît tout à fait légitime. On comprendrait mal pourquoi le corps médical dans son entier, quel que soit son statut, ne serait pas mobilisé.

J’émets donc évidemment, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Madame la sénatrice, votre amendement vise à la suppression de la disposition prévoyant la possibilité pour les médecins de prévention de la fonction publique de procéder à des tests de dépistage du Covid-19. Le Gouvernement partage votre souhait de supprimer cette disposition. Dans le secteur privé, une ordonnance du 1er avril 2020 prévoit que le médecin du travail peut procéder à des tests de dépistage du Covid-19 suivant un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail.

Ce dispositif a été adopté afin de régler la participation des médecins du travail au dépistage du Covid-19, dans un contexte qui couvre la fonction publique hospitalière et qui, à ce titre, appelait des aménagements. Un ensemble de mesures a ainsi été élaboré, prévoyant d’encadrer les pratiques de dépistage, qui ne peuvent être mises en œuvre sans un protocole précis.

Il est à noter que les dispositions de cette ordonnance sur la question des dépistages sont temporaires et applicables jusqu’au 31 août 2020 au plus tard.

Cette approche s’explique par la nature même des tests, les tests virologiques constituant des gestes invasifs très techniques et difficilement réalisables dans le cadre de la médecine du travail et les tests sérologiques n’ayant pas été retenus dans la stratégie nationale comme outils de détection privilégiés.

Pour toutes ces raisons, il n’est pas envisagé d’adopter pour la fonction publique une mesure similaire à celle qui a été adoptée en mars pour le secteur privé. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur votre amendement, madame la sénatrice.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er septies AA est adopté.

(Non modifié)

À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2013-1118 du 6 décembre 2013 autorisant l’expérimentation des maisons de naissance, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous allons voter cet article, qui émane d’un amendement du Gouvernement déposé à l’Assemblée nationale. Autant nous avons quelques doutes sur le caractère urgent de certaines mesures contenues dans ce projet de loi, autant, en l’espèce, il s’agit effectivement d’une urgence, qui aurait d’ailleurs pu faire l’objet de davantage d’anticipation.

Cet article porte sur les maisons de naissance, plus précisément sur la prolongation de leur expérimentation, puisque celle-ci arrive à son terme le 23 novembre prochain. Sans mesure législative, les autorisations d’existence de ces structures sanitaires auraient été caduques ; cette incertitude a rendu difficile l’exercice de leurs missions ces derniers mois.

J’avais moi-même attiré sur ce problème l’attention du Gouvernement, en février dernier, par le biais d’une question écrite ; j’avais demandé que ces structures puissent être pérennisées. Tel est également le sens de la proposition de loi de notre collègue Bernard Jomier, qui devait être examinée le 3 juin par la Haute Assemblée.

Comme vous le savez, une maison de naissance est un lieu d’accueil et de suivi de grossesse et d’accouchement géré par des sages-femmes où les femmes enceintes sont reçues dès lors qu’elles ne présentent pas de facteur de complications, ce qui est le cas pour la plupart des accouchements. Huit maisons de naissance existent actuellement sur le territoire, et 649 femmes ont été prises en charge par ces structures en 2018. En 2013, lors de l’adoption de la proposition de loi les créant, notre groupe avait émis quelques doutes, notamment sur leur structure juridique, et insisté sur le fait qu’elles constituaient non pas des alternatives aux maternités, mais des structures complémentaires.

Une première étude menée notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a été rendue publique en décembre 2019 pour évaluer les résultats de ces structures, notamment en termes de qualité, de sécurité et de pertinence des soins. Même si cette étude est relativement restreinte, il est intéressant de noter les chiffres suivants : plus de 90 % des femmes accompagnées en maison de naissance pendant le travail ont accouché par voie basse spontanée ; seules 3 % d’entre elles ont eu une césarienne, 3, 3 % une épisiotomie, et moins de 3 % une rupture artificielle de la poche des eaux ; 62 % d’entre elles ont pu s’hydrater.

On le voit : ces données reflètent un certain confort pour les femmes, ce qui n’est pas à négliger, eu égard notamment à certaines pratiques gynécologiques et obstétricales qui sont aujourd’hui de plus en plus considérées comme des violences, et donc dénoncées comme telles.

C’est pourquoi nous voterons cet article qui prolonge d’un an leur existence, en attendant un texte plus complet pour préciser le rôle de ces maisons de naissance et proposer leur généralisation sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 68, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, MM. Jomier, Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au début de l’article 4 de la même loi n° 2013-1118, les mots : « Un an » sont remplacés par les mots : « Dix-huit mois ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Comme vient de le dire très bien à l’instant notre collègue Laurence Cohen, les maisons de naissance ont un bilan positif pour les mères, pour les pères et aussi, semble-t-il, pour les bébés qui y naissent. L’expérimentation devait prendre fin à la fin de l’année 2020. Mon collègue Bernard Jomier a déposé une proposition de loi dont je devais être rapporteure, qui devait être examinée dans le cadre d’une des niches du mois de juin ; l’amendement du Gouvernement à l’origine de l’article reporte en quelque sorte la discussion de fond sur la période post-expérimentation. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait décidé de prolonger l’expérimentation.

Pour autant, un petit amendement me semble nécessaire. Il était prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation un an avant la fin de l’expérimentation, c’est-à-dire en novembre 2019 ; nous sommes en mai 2020, nous n’avons pas reçu ce rapport. Ce rapport existe, nous le savons, mais il n’est pas communiqué. Il ne faudrait pas que la transmission du rapport soit reportée autant que l’expérimentation…

Mon amendement vise donc à modifier le délai de remise du rapport – il serait fixé à dix-huit mois avant la fin de l’expérimentation –, afin que celui-ci soit enfin transmis aux parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous entendons la logique : il est en effet important que nous puissions enfin disposer du rapport. De novembre 2019, date initiale de remise du rapport, on passe à mai 2021, ce qui nous permettra de prendre des décisions avant novembre 2021, et de gagner une année.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Madame la sénatrice Rossignol, le rapport est prêt ; il m’a été indiqué que le rapport sur la première partie de l’expérimentation serait communiqué avant l’été 2020, quoi qu’il en soit de la prolongation de l’expérimentation. Il me semble donc que votre amendement est satisfait, et j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable. Mais il va être satisfait ! Et je prends l’engagement devant vous que l’évaluation que vous demandez sera communiquée avant l’été.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame Rossignol, l’amendement n° 68 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Oui, je le maintiens, monsieur le président. Le rapport aurait dû être remis en novembre 2019. J’entends l’engagement de M. le ministre, qui me paraît extrêmement sincère, mais la réalisation de ce rapport ne dépend pas totalement de lui, puisque c’est la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et le ministère des solidarités et de la santé qui doivent s’en charger. Je préfère que nous sécurisions votre engagement par le vote d’un amendement.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er septies A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I – L’article 7 de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « Jusqu’à cette même date, » sont supprimés ;

b) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« À compter du 1er mai 2021, un laboratoire de biologie médicale ne peut plus réaliser les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles il n’est pas accrédité sans avoir déposé auprès de l’instance nationale d’accréditation mentionnée au I de l’article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, une demande d’accréditation portant sur ces lignes de portée. Une ligne de portée correspond à un ensemble d’examens de biologie médicale ayant des caractéristiques communes mobilisant une méthodologie commune d’accréditation. Les laboratoires de biologie médicale fournissent à l’instance nationale d’accréditation tous les éléments strictement nécessaires à l’instruction de leur demande d’accréditation. Après la décision de l’instance nationale d’accréditation, les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles le laboratoire de biologie médicale n’est pas accrédité ne peuvent plus être réalisés. » ;

2° À la première phrase du II, les mots : « l’accréditation du laboratoire et au plus tard jusqu’à la date mentionnée au IV » sont remplacés par les mots : « la décision d’accréditation du laboratoire mentionnée au cinquième alinéa du I » ;

3° Au IV, les mots : « sont abrogées au 1er novembre 2020 » sont remplacés par les mots : « demeurent valables jusqu’à la décision d’accréditation du laboratoire mentionnée au cinquième alinéa du même I ».

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 6221-1 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« L’accréditation porte sur la totalité de l’activité de biologie médicale réalisée par le laboratoire, en tenant compte des trois phases de l’examen définies à l’article L. 6211-2, et suivant les modalités prévues par arrêté du ministre chargé de la santé. » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « ou examens » sont supprimés ;

c) Au 2°, les mots : « les examens » sont remplacés par les mots : « l’activité » et après le mot : « pathologiques », sont insérés les mots : «, pour les examens » ;

2° Au II de l’article L. 6221-2, les mots : « aux examens ou » sont remplacés par les mots : « à la totalité des ».

La parole est à M. Julien Bargeton.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je prends une nouvelle fois la parole au nom de mes collègues de la commission des affaires sociales.

Les laboratoires de biologie médicale sont très mobilisés, dans le cadre de la crise sanitaire, pour la réalisation de tests de dépistage. Or une ordonnance du 13 janvier 2010 avait prévu qu’à compter du 1er novembre 2020 les laboratoires de biologie médicale ne pourraient fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur la totalité des examens de biologie médicale.

Du fait de leur activité particulièrement dense dans la lutte contre l’épidémie, il est à craindre que ces laboratoires ne soient pas en capacité de satisfaire à cette obligation dans de tels délais. Il est prévisible qu’ils ne seront pas non plus en mesure de déposer leurs dossiers d’accréditation au 31 octobre 2020, obligation prévue par le projet de loi d’accélération et de simplification de la vie publique, dit ASAP, adopté par notre assemblée.

C’est pourquoi nous proposons d’assouplir le calendrier de l’accréditation, en reportant à 2021 la définition du terme de la période transitoire pour la mise en œuvre de cette obligation, et d’en aménager la procédure. Cette proposition nous paraît cohérente eu égard à l’activité inédite des laboratoires de biologie médicale dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons – j’en profite d’ailleurs pour dire que nous les remercions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cet amendement nous a valu un certain nombre de discussions avec les représentants des biologistes, l’ordre des médecins et celui des pharmaciens, les syndicats, les jeunes biologistes, etc. Ces discussions vont permettre d’avancer et, je l’espère – M. le ministre nous le confirmera –, de mettre tout le monde d’accord.

Cette proposition fait écho à une disposition introduite par le Sénat dans le projet de loi ASAP examiné en mars dernier et toujours en cours de navette. Un amendement voté sur l’initiative du président Milon tendait en effet à assouplir la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale. C’est dans le même esprit que l’amendement n° 229 rectifié a été déposé ; mais celui-ci vise en outre à repousser l’échéance fixée au 1er novembre 2020 à la date du 1er mai 2021.

Les laboratoires de biologie médicale sont en première ligne dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, la stratégie de tests étant montée en puissance avec le déconfinement.

Il est apparu sage à la commission, dans ce contexte de crise sanitaire, de reporter une réforme qui s’avère lourde à mener à son terme. Par cohérence avec la position défendue par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP, la commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Cependant, je dois ajouter que les représentants de la profession de biologiste nous ont récemment fait part de certaines inquiétudes.

Au détour d’un report de calendrier que nous ne pouvons qu’approuver, une modification plus structurelle de la procédure d’accréditation des laboratoires est introduite par les auteurs de cet amendement ; elle aurait mérité, peut-être, un examen plus approfondi que ce que permet l’examen de ce projet de loi d’urgence. De surcroît, certaines modalités de cette procédure essentielle pour la qualité et la rigueur des examens de biologie médicale sont renvoyées à un arrêté – c’est le II de l’amendement.

Il serait utile que le Gouvernement puisse nous confirmer que l’évolution proposée est bien conforme à ses échanges en cours avec les biologistes et aux orientations souhaitées par la profession.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Monsieur le rapporteur pour avis, l’objectif des auteurs de cet amendement est de simplifier l’accréditation des laboratoires de biologie médicale, dans le prolongement de dispositions – vous l’avez fort justement rappelé – votées ici même au Sénat. Cet amendement vise à préciser les modalités de mise en œuvre de l’accréditation définitive des laboratoires de biologie médicale déjà accrédités à au moins 50 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent.

Compte tenu des efforts déjà consentis par les laboratoires en activité pour atteindre le plus haut niveau possible de qualité, il s’agit de simplifier le processus d’accréditation sans pour autant mettre en cause la qualité et la fiabilité des examens de biologie médicale. Il sera demandé aux laboratoires de biologie médicale d’être accrédités non pas sur 100 % des examens qu’ils réalisent, mais sur 100 % de leurs lignes de portée. Avec cette accréditation, le Comité français d’accréditation (Cofrac) reconnaît la compétence des laboratoires à réaliser des examens dont les caractéristiques méthodologiques répondent à la norme internationale d’accréditation en vigueur pour les laboratoires de biologie médicale.

C’est pourquoi, monsieur Bargeton, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement déposé par votre groupe.

Pour répondre à la sollicitation de M. le rapporteur pour avis, il existe un accord unanime des biologistes sur les procédures de simplification. Des échanges qui ont eu lieu hier soir et ce matin l’ont encore confirmé.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er septies A.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 211 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, après les mots : « diagnostic prénatal », sont insérés les mots : « ou d’un praticien ou d’un service de gynécologie-obstétrique ou d’un centre listé à l’article L. 2212-2, lorsque le danger résulte d’une situation de détresse psychosociale ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous proposons, d’une part, d’élargir la liste des structures permettant une prise en charge au titre de la pratique d’une interruption médicale de grossesse (IMG) et, d’autre part, d’ajouter le caractère de détresse psychosociale aux situations autorisant ces IMG.

En effet, la situation sanitaire actuelle, liée à l’épidémie de Covid-19 et au confinement, rend plus difficile – vous le savez – les conditions d’accès aux IVG (interruptions volontaires de grossesse) et aux IMG, comme nous l’avons vu à l’occasion de l’examen d’autres amendements. Dans la rédaction actuelle de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, la validation de la demande des patientes par une équipe comprenant un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, limite l’accès à ce dispositif, car de telles équipes ne sont pas présentes de manière équitable sur l’ensemble du territoire.

Ce qui est vrai en temps normal l’est encore davantage dans la période actuelle. Parmi les femmes concernées, certaines sont mineures ou dans une précarité extrême, ce qui les place dans une situation de détresse psychosociale et retarde d’autant plus leur prise en charge. C’est pourquoi le critère psychosocial doit être pris en compte et ajouté à la définition de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique relatif aux modalités d’autorisation de l’interruption médicale de grossesse. Cet ajout permettrait à ces femmes ou jeunes filles en détresse de ne pas se retrouver bloquées par le délai de quatorze semaines, dans l’impossibilité, faute d’argent ou du fait des restrictions de circulation, d’être prises en charge.

Je rappelle que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique qu’une poursuite de grossesse peut mettre en danger la santé de certaines femmes et retient, en la matière, le critère de la souffrance psychologique et sociale. En adoptant cet amendement, nous ferions évoluer les critères de définition même des IMG ; nous serions ainsi au plus près de la réalité vécue par ces femmes et de leurs besoins. Il est donc important qu’ensemble nous le votions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation, par dérogation à l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme (péril pouvant résulter d’une détresse psychosociale), l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, ou, en cas de détresse psychosociale d’un service de gynécologie-obstétrique ou d’un centre listé à l’article L. 2212-2 du même code, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet amendement est quasiment identique à celui que vient de présenter Mme Cohen. Je voudrais simplement rappeler l’état actuel du droit.

Lorsque le délai légal de l’IVG est dépassé – nous reviendrons à l’occasion de l’amendement suivant sur la question du délai légal –, il est possible de recourir à une interruption dite médicale de grossesse quand la santé de l’enfant à naître ou la santé de la mère sont en danger.

L’interprétation faite par les équipes médicales de cette disposition relative à l’interruption médicale de grossesse a conduit à élargir la question de la santé de la mère à ce qu’on appelle la détresse psychosociale. Pour faire simple, il s’agit de cas de viols, d’incestes, de femmes handicapées mentales, de situations d’extrême précarité ou de désespoir : les cas où l’on sent que la santé psychologique de la mère est mise en danger par des conditions sociales spécifiques ou par des conditions qui relèvent de la manière dont la grossesse s’est engagée.

Le collège de médecins qui prend la décision – ce n’est pas la femme qui la prend – doit comprendre quatre médecins, dont l’un est spécialisé en médecine fœtale et en diagnostic prénatal. Depuis le début du confinement, mes chers collègues, j’imagine que vous avez tous été, comme moi, alertés par les médecins, d’abord, puis par les journalistes : le Collège national des gynécologues et obstétriciens français comme le ministre de la santé ont conseillé aux médecins d’utiliser l’interruption médicale de grossesse pour répondre aux situations liées aux reports d’IVG pendant la crise sanitaire.

Mais l’exigence de présence dans le collège d’un médecin de médecine fœtale, qui n’a pas de raison d’être dans des cas où la question est uniquement celle de la détresse psychosociale de la mère, alourdit considérablement la prise de décision. La collégialité a tout son sens lorsqu’il s’agit d’une interruption réellement médicale de grossesse et lorsqu’il faut, donc, identifier les risques pour le fœtus et pour la mère, ce qui n’est pas le cas dans les situations qu’ici nous avons en vue.

Dans ce genre de situations, les médecins nous demandent de substituer au médecin de médecine fœtale un médecin gynécologue-obstétricien pour former le collège des quatre médecins qui vont prendre la décision. Pendant la période de la crise sanitaire, les services sont désorganisés et ces médecins sont rares ; on entre en outre dans la période estivale, période toujours assez défavorable, de manière générale, à la pratique des interruptions volontaires de grossesse.

L’objet de cet amendement est donc circonscrit à la question du médecin de médecine prénatale et à la durée de la crise sanitaire allongée de trois mois – il faudra le temps, en effet, que les choses se remettent en ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’amendement n° 211 rectifié et l’amendement n° 53 rectifié bis visent à modifier l’équipe pluridisciplinaire pour les IMG pour motifs de détresse psychosociale.

Il convient de rappeler que les gynécologues-obstétriciens exerçant en centre de diagnostic prénatal ont l’habitude de traiter des demandes d’IMG pour détresse psychosociale. Il n’y a donc pas lieu de les exclure de cet examen. D’ailleurs le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a lui-même insisté en octobre 2019 sur la nécessité de prendre en compte l’expertise des centres de diagnostic prénatal sur l’IMG psychosociale, cette expertise ne se limitant pas à la seule médecine fœtale.

Enfin, la modification proposée au travers de l’amendement n° 211 rectifié aurait un caractère non pas temporaire et limité à l’épidémie, mais permanent puisqu’il tend à modifier directement l’article du code de la santé publique régissant les conditions d’examen des demandes d’interruption médicale de grossesse.

Ces deux arguments me conduisent à donner un avis défavorable sur l’amendement n° 211 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié bis, j’émets également un avis défavorable dans la même logique. Il vise à modifier l’équipe pluridisciplinaire pour la période de crise. Il est vrai que la détresse psychosociale a été particulièrement prégnante durant la période active de l’épidémie. Or, et c’est tant mieux, les choses s’arrangent puisque beaucoup de départements sont passés au vert et que les activités ont déjà largement repris.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je suis également défavorable à ces deux amendements.

Mesdames les sénatrices, vous souhaitez simplifier la procédure de recours à l’interruption médicale de grossesse. Je voudrais avant toute chose rappeler, mais vous le savez aussi bien que moi, qu’il convient de bien distinguer l’IVG de l’interruption médicale de grossesse. Or ces deux amendements font d’une certaine façon un lien entre les deux, le second ne pouvant être le prolongement du premier.

Si j’en comprends bien le sens, ces amendements sont en faveur non seulement d’une simplification des procédures d’IMG, mais également d’une extension des conditions pour lesquelles il est possible d’y avoir recours.

Les évolutions proposées soulèvent des questions que vous avez clairement évoquées. Il s’agit de sujets importants, mais qui ne nous paraissent pas avoir leur place dans un texte comme celui-ci, d’autant qu’il existe d’autres véhicules législatifs.

Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol s ’ esclaffent.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Par ailleurs, je souhaite rappeler la différence entre l’IMG et l’IVG. Pour l’IMG, il n’y a pas de délai légal ; cette interruption se pratique s’il y a un risque pour le fœtus ou pour la mère ; la décision est collégiale. Pour l’IVG, il s’agit d’une décision libre, qui relève du choix de la femme.

Pour ces deux motifs, en complément des explications du rapporteur pour avis, j’émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

J’ai bien entendu les arguments qui ont été avancés. J’ai aussi très attentivement écouté les explications de notre rapporteur pour avis, et j’ai eu l’impression, peut-être subjective, qu’il a eu quelques difficultés à contrecarrer nos arguments.

Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que les sénateurs et les sénatrices connaissent bien la différence entre IMG et IVG.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

J’aimerais qu’à l’occasion de ce débat nous puissions réfléchir ensemble au fait que les problèmes psychosociaux, psychologiques et autres des femmes sont aussi des problèmes extrêmement importants à prendre en compte pour la santé physique, mentale, psychique de la mère et du fœtus. Ne balayons pas d’un revers de main ces souffrances, car elles ont un impact bien réel sur la santé des femmes.

Par ailleurs, monsieur le ministre, puisque je vous ai senti attentif, j’aimerais quand même que nous puissions disposer à un moment donné d’un véhicule législatif pour aborder toutes ces questions. Nous sommes quelques-unes et quelques-uns, au Sénat, à avoir tenté de présenter de tels amendements à différentes occasions. Bien souvent, ils sont frappés d’irrecevabilité ou, quand ils arrivent à franchir la barre, ce n’est pas le bon véhicule : il y a un problème !

Je souhaiterais que le Gouvernement soit attentif à cette difficulté et prenne les choses en main, si je puis m’exprimer ainsi, afin que nous puissions légiférer pour allonger les délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

J’ai un peu de mal à comprendre le raisonnement. Depuis le 23 mars, nous sommes dans un état de dérogation permanente. Nous dérogeons à la dérogation, en général. Et là, sur un cas qui est circonscrit, tout du moins pour ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié bis, et alors que les conséquences sociales sont très importantes, vous nous expliquez qu’il n’est en l’espèce spécifiquement pas possible d’entendre ces détresses familiales et d’en tenir compte ! Je ne pense pas que votre argumentation soit recevable au vu des conséquences que cela peut entraîner pour l’ensemble des femmes concernées. Il me semble au contraire urgent de voter ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Il est vrai qu’en ce moment, pour reprendre des mots beaucoup utilisés ces derniers temps, on « prolonge », on « proroge », on « assume », etc.

J’ai justement assumé dans cette période de voter hier le StopCovid, car je me suis dit : à situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel. Aujourd’hui, on m’annonce que les choses ne sont peut-être pas si exceptionnelles. À en croire M. le Premier ministre, qui s’est exprimé tout à l’heure, tout va mieux, c’est le bonheur. S’il nous avait dit ça hier, je n’aurais peut-être pas voté le StopCovid !

Arrêtons les discours et les contre-discours. J’assume, puisque c’est le mot à la mode, mon propos : j’aimerais que vous votiez les uns et les autres le prolongement demandé de trois mois ; ce n’est pas si terrible. Soit on est pour, soit on est contre quand c’est douze semaines. Soit on est pour, soit on est contre quand c’est quatorze semaines en période exceptionnelle !

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Si je puis me permettre, madame Laborde, vous parlez de l’amendement suivant.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Madame Cohen, loin de moi l’idée de vous donner des leçons ou de vous expliquer ce que vous savez déjà, car je n’ignore pas que vous êtes très impliquée et que vous connaissez mieux le sujet que moi. Il me semblait seulement intéressant de rappeler, dans le débat public, la différence entre IMG et IVG.

De plus, monsieur Kerrouche, il n’y a pas de contraintes de délai en ce qui concerne l’IMG. D’ailleurs, ces amendements ne portent pas sur les délais – nous aurons bientôt ce débat –, mais ils visent à changer la nature même des motifs pour lesquels on aurait recours à l’IMG, et ce pas du tout pendant l’état d’urgence puisqu’ils tendent à inscrire la mesure en dur dans le code de la santé publique : eh oui monsieur Kerrouche !

Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est qu’il s’agit d’inscrire une disposition définitive et non pas au titre d’un problème conjoncturel. Par conséquent, on change la nature même de la disposition législative qui permet d’avoir recours à l’IMG.

Pour ne pas laisser Mme Cohen sans réponse, oui le Gouvernement, comme je l’ai souligné, est également attentif à ces questions et il est prêt à ouvrir le débat. Mais c’est un sujet suffisamment puissant, puisqu’il s’agit d’inscrire en dur dans la loi une disposition qui vise à être pérenne, pour qu’on ait un débat propre. Ce n’est pas dans un texte de cette nature que nous pourrons le faire. Voilà pourquoi j’ai émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix l’amendement n° 211 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à Mme Rossignol, pour explication de vote sur l’amendement n° 53 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Il ne s’agit pas de deux amendements identiques, monsieur le ministre. Seul l’amendement de Mme Cohen visait à modifier le code de la santé publique, pas celui que j’ai présenté avec mes collègues du groupe socialiste et républicain. Ce dernier est totalement circonscrit à la période de la crise sanitaire, plus trois mois. Mais comme je ne suis pas certaine que cet argument suffira à changer le vote, je vais être généreuse avec l’organisation du débat et je retire l’amendement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 53 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, M. Filleul, de la Gontrie et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mme Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je remercie M. le ministre, qui a annoncé à ma collègue Laurence Cohen un grand débat sur les conditions d’accès à l’interruption de grossesse, et plus globalement sur les droits sexuels et la santé reproductive. C’est un vaste sujet. Mais ce n’est pas du tout l’objet de l’amendement que je défends à cet instant.

Cet amendement est totalement circonscrit sur la période de la crise sanitaire, plus trois mois. Pourquoi trois mois ? Tout simplement parce que certains sujets sont un peu longs à se remettre en place. C’est le cas des grossesses non désirées.

Nous savons tous à quel point la crise sanitaire a eu un effet délétère sur l’accès à l’IVG et sur l’augmentation des grossesses non désirées, et ce pour des raisons simples. D’abord pour des raisons d’enfermement domestique et familial : il n’est pas si facile que ça de se faire une petite autorisation de sortie et d’expliquer à sa famille, surtout quand on est une jeune femme ou une jeune fille, que l’on s’absente non pas pour aller à la boulangerie, mais pour se rendre dans un centre hospitalier afin de pratiquer une IVG. Certaines femmes ne se sont donc pas déplacées.

D’autres femmes ont eu peur de se rendre à l’hôpital. C’est ce que l’on a constaté pour les cancers, les infarctus, les AVC, les reports de soins. Cela a aussi joué pour l’accès à l’IVG.

Par ailleurs, nous nous sommes tous mobilisés ici, au Sénat, contre les violences intrafamiliales pendant la crise sanitaire. Pardonnez-moi de le dire, mais je suis presque sûre que, quand il y a violence intrafamiliale et violence conjugale contre les femmes, il y a viol également. Ces violences donneront aussi lieu à des grossesses non désirées.

De surcroît, je l’ai évoqué il y a un instant, l’été n’est pas un bon moment pour l’activité de tous ces services d’orthogénie et d’IVG.

Enfin, l’un de nos collègues a évoqué le fait que l’on était en train de sortir de la crise sanitaire. Pour autant, tout le monde n’est pas sorti de la crise puisque l’Île-de-France reste en zone orange. Or c’est la région dans laquelle il y a le plus de tension sur l’accès à l’IVG actuellement.

Ma demande d’allonger de deux semaines les délais d’IVG pendant la période de la crise sanitaire, plus trois mois, est une demande qui émane des médecins. N’obligez pas les médecins à se mettre hors la loi pour répondre à la détresse des femmes ! Il faut entendre ce que nous demandent les médecins. Ce sont eux qui le demandent, ce n’est pas moi, ni les militants ou les associations : ce sont les médecins, qui suivent ces dossiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Pendant encore plusieurs semaines et plusieurs mois – trois minimum au-delà de la crise sanitaire –, il va falloir assumer des IVG avec un peu de dépassement de délai. C’est pourquoi il serait raisonnable pour nous tous voter ce délai de deux semaines supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 210 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 10 juillet 2020, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui nécessite d’ordonner cette mesure, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement est presque identique à celui de ma collègue Laurence Rossignol, si ce n’est que nous n’avons pas été jusqu’à prévoir ce délai de « plus trois mois ».

Les échanges que nous avons pu avoir montrent effectivement qu’un tel délai est nécessaire pour que le système hospitalier et le système de santé puissent se réadapter. Nous sommes alertés, mes chers collègues, par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Les plannings familiaux nous informent qu’ils enregistrent une baisse d’activité parce que les femmes ont peur.

Par ailleurs, en raison de la crise sanitaire que nous avons vécue et que nous continuons quand même de traverser, les hôpitaux qui pratiquent les IVG ont été conduits à demander aux femmes de ne pas s’y présenter. Ils étaient mobilisés contre le Covid-19 et ils ne pouvaient pas faire face. Nous le savons tous, la logique a voulu qu’un certain nombre de soins et d’opérations soient reportés. Or il s’avère que l’IVG fait partie de ces reports. Ceux qui ont continué à les pratiquer ont été complètement débordés.

On ne peut pas aborder, comme nous le faisons dans notre hémicycle, avec sérieux toutes les raisons pour lesquelles nos hôpitaux sont débordés, qu’il s’agisse des opérations, du suivi, des soins, et refuser d’admettre que cet état de fait a aussi eu un impact sur l’interruption volontaire de grossesse. Ces amendements me semblent donc appropriés : il est très important de les voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’amendement n° 58 rectifié bis vise à allonger temporairement jusqu’à trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire le délai légal pour réaliser une IVG, en le portant de la fin de la douzième semaine de grossesse à la fin de la quatorzième semaine.

Le Gouvernement a déjà mis en place un dispositif pour adapter l’accès des femmes à l’IVG pendant l’épidémie en assouplissant le recours à l’IVG médicamenteuse et en rappelant, pour les recours tardifs à l’IVG instrumentale, la possibilité de recourir à l’IMG pour motif de détresse psychosociale de la femme.

Toutefois, la commission a estimé qu’une IMG est une procédure lourde, qui requiert au préalable l’accord de deux médecins, après une concertation pluridisciplinaire. Elle peut prendre du temps, parfois une semaine, voire plus.

L’IMG pour motif de détresse psychosociale ne lui est donc pas toujours apparue pertinente pour des femmes confrontées à des difficultés de prise en charge pendant la crise sanitaire.

L’amendement visant à un allongement du délai strictement temporaire justifié par le caractère exceptionnel de la crise sanitaire que nous traversons, il ne saurait donner lieu à une remise en cause pérenne du délai légal de l’IVG, qui doit, dans l’absolu, à l’issue de la crise, toujours rester limité à douze semaines de grossesse. Moyennant cette condition, la commission a émis un avis favorable.

En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° 210 rectifié.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Permettez-moi une réponse globale sur ces deux amendements, en rendant justice au préalable à M. Kerrouche et à Mme Rossignol : les deux amendements précédents n’étaient effectivement pas identiques.

Mesdames les sénatrices, comme vous l’avez souligné, l’épidémie de Covid-19 a mis en tension notre système de santé. Elle nous a contraints à déprogrammer de nombreuses activités hospitalières et à conseiller de reporter un certain nombre de soins non urgents, le cas échéant.

Dans ce contexte, nous avons craint des difficultés d’accès à l’avortement ; c’est le retour que nous ont fait un certain nombre de professionnels de santé et les associations comme le planning familial. Ici même, sur ces travées, et à l’Assemblée nationale les parlementaires se sont fait le relais de ces craintes et de ces difficultés.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a agi très rapidement et très fortement, de façon dérogatoire, le temps de l’urgence sanitaire. Nous avons permis la réalisation de l’ensemble des consultations obligatoires sous forme de télémédecine, y compris la consultation de prise des pilules contraceptives, ce qui a nécessité de changer le circuit du médicament, désormais accessible en pharmacie.

Pour garantir le secret des avortements pour les jeunes filles mineures, nous avons modifié les attestations de déplacement en période de confinement pour que n’y figure plus l’autorisation parentale. Pour davantage simplifier les démarches, le ministre des solidarités et de la santé a demandé à la Haute Autorité de santé si nous ne pouvions pas allonger la période durant laquelle il était possible de réaliser un avortement médicamenteux hors hôpital. Le 7 avril, il a écrit à la Haute Autorité de santé et trois jours plus tard, le 10 avril, donc dans un délai très bref, nous avions un avis favorable pour permettre l’utilisation de la pilule abortive jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée, contre sept semaines en temps normal. Le 14 avril, soit quatre jours plus tard, nous avons pris un arrêté allongeant le délai de l’avortement médicamenteux réalisable à domicile.

J’entends que certains veulent aller plus loin dans cette période de crise et allonger le délai de l’IVG, mais le Gouvernement n’y est pas favorable. C’est un débat que vous avez déjà mené dans cet hémicycle, mais qui est beaucoup plus global. Il ne nous paraît pas en adéquation avec les mesures que nous avons essayé de prendre et qui ont été prises formellement pour tenter de résoudre la situation d’un certain nombre de femmes pouvant se trouver en difficulté par rapport à l’accès à l’avortement – vous avez parfaitement décrit leur situation.

Je souhaite donner un dernier argument. Depuis le 11 mai, nous sommes en période de déconfinement. Au fond, je ne vois pas, je le dis très sincèrement devant des personnes beaucoup plus expertes que moi, compte tenu du fait que la période de confinement a duré un peu moins de deux mois, à quelle catégorie de femmes pourraient s’appliquer votre amendement, madame Cohen, puisque, contrairement à l’autre, il se limite à la période d’urgence sanitaire et ne vise pas à prolonger la mesure trois mois après le terme de celle-ci.

Néanmoins, dès lors que depuis le 11 mai un certain nombre d’activités hospitalières sont remises en route, je ne vois pas la difficulté. Certes, madame Rossignol, j’entends votre argument et nous allons en débattre de nouveau, mais la durée de trois mois, par nature, ne s’impose pas. Par ailleurs, en ce qui concerne l’état d’urgence sanitaire, les dispositifs que nous avons pu mettre en place visaient à répondre aux difficultés que vous évoquez.

Ce sont des débats qui sont constants et qu’il est bien normal que nous ayons, forts des nombreuses convictions ici comme à l’Assemblée nationale ou à l’extérieur des hémicycles parlementaires. Mais les amendements dans leurs deux versions ne sont pas opérants ou conformes avec les dispositifs existants.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Nous pouvons reconnaître à notre collègue Laurence Rossignol une certaine constance dans ses idées et dans son travail puisqu’un amendement similaire a déjà été déposé il y a un an pour obtenir une extension de ce délai d’IVG de douze à quatorze semaines.

Il est redéposé aujourd’hui à des fins dérogatoires à l’occasion de l’épidémie de Covid-19, mais je ne crois pas qu’en votant cet amendement le délai ainsi accordé sera réellement dérogatoire. Certes, comme M. le ministre l’a fait valoir, la période de confinement a sans doute créé des difficultés, il ne s’agit pas de le nier, mais elle a permis au Gouvernement de prendre des mesures.

Aujourd’hui, nous sommes sortis du confinement. Ce texte, s’il va en commission mixte paritaire, reviendra au Sénat le 10 juin, ce qui signifie qu’il sera applicable plus d’un mois après la sortie du confinement. S’agissant de rendre la mesure applicable jusqu’à trois mois après l’état d’urgence sanitaire, dans l’hypothèse où l’état d’urgence sanitaire se limiterait au 10 juillet, nous sommes en train de parler d’enfants qui ne sont pas encore conçus. Cela signifie que nous visons un public qui n’est pas celui qui a été atteint par le confinement. Nous savons donc pertinemment que si nous mettons un tel délai en place nous ne pourrons jamais revenir en arrière.

Devons-nous prendre une telle décision ce soir, au détour d’un amendement sur un texte portant diverses dispositions ? Il ne s’agit même pas de dire que ce n’est pas le bon véhicule législatif ; il s’agit simplement de rappeler que le débat ne fait pas consensus dans l’hémicycle parce qu’il ne fait pas consensus dans la société !

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Votons-nous cela ce soir, au détour d’un amendement, alors que l’Assemblée nationale – je le rappelle – n’en aura pas débattu et qu’elle prendra connaissance de cette disposition au mieux dans le cadre d’une commission mixte paritaire ? Est-ce cela que nous attendons du débat démocratique ? Je ne le crois pas !

Passer de douze à quatorze semaines de grossesse pour le délai d’IVG n’est pas une décision anodine, elle doit se prendre – si elle se prend – dans le cadre d’un débat démocratique digne de ce nom, pas au détour d’un amendement à l’occasion d’un projet de loi d’urgence visant à prendre des dispositions diverses.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Il est difficile de prendre la parole après Muriel Jourda, car ses arguments m’ébranlent. Il y a un flou par rapport à ce que l’on a appelé le confinement. Je m’apprêtais, comme une grande majorité des membres de mon groupe, à voter en faveur de ces deux amendements. J’ai connu en Essonne durant le confinement des cas épouvantables de jeunes filles qui n’ont pas pu aller avorter. Ce n’est pas de gaîté de cœur que je m’apprêtais à voter ces amendements.

Mais quid de l’état d’urgence et de la fin du confinement ? Oui, l’argument m’a beaucoup touchée : au 10 juillet, la mesure concernerait des enfants qui ne sont pas encore conçus.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

C’est pourquoi je suis davantage favorable à l’amendement de ma collègue Laurence Cohen, qui concerne l’état d’urgence à proprement parler et non les trois mois qui suivent puisque nous sommes sortis du confinement.

Pour autant, n’y a-t-il pas un moyen de trouver une solution ? Vous êtes nombreux à être en province, mais je puis vous assurer que le problème est encore bien réel en Essonne et en Île-de-France. Les médecins et le planning familial nous alertent. Comment trouver un système pour les aider ? Ces enfants à naître, si c’est pour qu’ils soient à l’aide sociale à l’enfance plus tard, cela pose question !

Je n’aurais jamais imaginé parler un jour d’allonger ce délai à quatorze semaines… Nous avons des discussions très riches et passionnées au sein de la délégation aux droits des femmes, et je ne partagerai jamais les positions de certaines d’entre nous. Mais, en l’occurrence, il s’agit de prendre une mesure à titre exceptionnel.

Je ne sais pas ce que l’on peut faire dans les prochaines semaines pour ces jeunes filles qui attendent des enfants non désirés, et cela me perturbe beaucoup. Je ne suis plus très sûre de mon vote…

Nous avons vécu un moment exceptionnel que, j’espère, nous ne connaîtrons jamais plus. Il faut avoir conscience des témoignages de détresse que nous avons pu recevoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Quelles que soient nos convictions et notre approche de la détresse des femmes face à une grossesse non désirée, nous pouvons tout de même nous entendre sur le droit. Je rappelle que c’est précisément cette détresse qui a conduit à l’adoption de la loi Veil. Nous en sommes toutes convaincues : une femme qui ne veut pas mener une grossesse à son terme l’interrompra de toute façon, même si la loi ne lui donne pas la possibilité de le faire. Et c’est parce qu’il fallait mettre fin aux avortements clandestins que la loi Veil a été votée !

Au-delà de nos convictions différentes, madame Jourda, je le répète, nous pouvons tout de même nous entendre sur le droit. Notre amendement vise à prolonger le délai permettant de pratiquer une IVG pendant la durée de l’état d’urgence et jusqu’à trois mois après sa cessation. Cela signifie qu’il n’y aura nul besoin de revenir devant le Parlement pour abroger cette disposition : trois mois après la fin de l’état d’urgence, elle ne sera plus valide ; nous fixons sa date d’extinction dans la loi. N’agitons pas des peurs qui n’ont pas lieu d’être ! L’adoption de cet amendement n’entraînera pas une durabilité des dispositions qu’il contient.

Pour répondre à M. le ministre, qui disait ne pas comprendre le délai prévu, je précise que la fin du confinement n’équivaut pas entièrement à la reprise de la vie normale. La situation dans les services hospitaliers étant toujours aussi tendue, en particulier en Île-de-France, des retards s’accumulent pour l’accueil des femmes.

Chaque année, entre 2 000 et 5 000 femmes se rendent dans des pays qui pratiquent des avortements hors délai, ce que notre pays accepte puisqu’il n’engage pas de poursuite à l’encontre de ces femmes. Je préférerais que la fin du confinement ne signifie pas la réouverture des frontières pour celles qui auront les moyens d’aller à l’étranger pratiquer des IVG que la France n’autoriserait pas dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le sujet de l’IVG, celui du corps des femmes en général, est toujours difficile à aborder dans cet hémicycle, et nous savons que nous pouvons avoir des divergences de fond.

Au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous nous prononçons toujours pour la défense des femmes et « profitons » de différents véhicules législatifs pour présenter nos amendements en ce sens, à l’instar de Laurence Rossignol et de nos collègues du groupe socialiste.

Autant je trouve normal que nous ayons un désaccord, madame Jourda, car c’est le débat démocratique, autant j’ai du mal à admettre le prétexte que vous invoquez. Je ne reviendrai pas sur la démonstration faite par Laurence Rossignol, mais, encore une fois, quelque chose me gêne.

Nous sommes dans une période exceptionnelle durant laquelle nous avons été invités à voter des mesures d’urgence, que vous avez adoptées et auxquelles mon groupe s’est opposé. Pour nous rassurer, vous nous avez dit qu’il fallait surtout ne pas nous inquiéter, car ces dispositions valaient pour la seule durée de la situation d’urgence et que tout était bordé.

Hier, lors du débat sur l’application StopCovid, on nous a dit la même chose : « Tout est bien bordé, il n’y aura pas de remise en cause des libertés ; ne vous inquiétez pas, rien n’est pérenne, cela ne s’appliquera qu’à la situation d’urgence ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Pour s’adapter à ce temps de l’urgence, des mesures exceptionnelles sont donc prises. Or, quand nous parlons de la détresse des femmes et que nous envisageons un dépassement des délais pour l’IVG du fait de la situation sanitaire de notre pays, vous nous rétorquez que nous voulons faire entrer par la fenêtre un allongement des délais dont vous ne voulez pas !

Il faut être logique et ne pas faire deux poids, deux mesures ! Les dispositions que nous défendons, et qui n’ont pas vocation à perdurer, répondent à la situation de femmes en détresse et en danger dont nous refusons qu’elles soient pénalisées, et qui ne pourront pas se faire avorter à l’étranger parce qu’elles n’en ont pas les moyens financiers ou parce que les frontières ne seront pas encore ouvertes.

Le délai que nous proposons vaut pour la période de l’épidémie de Covid. Ne nous dites pas qu’il sera pérenne ! Pourquoi n’avez-vous pas dit la même chose à propos de toutes les mesures d’urgence que vous avez votées avec allégresse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Il faut reconnaître à Muriel Jourda sa rigueur constante. Cela étant dit, il faut faire attention lorsqu’on utilise des arguments d’autorité.

Si l’on considère l’évolution de l’opinion publique de 1975 à nos jours s’agissant de l’IVG, on constate un contraste incroyable.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Actuellement, plus des trois quarts des Français sont favorables à l’IVG, sans restriction. En quarante ans, cette évolution a été phénoménale, et elle concerne aussi bien les hommes que les femmes, la seule variable provenant éventuellement des catholiques pratiquants. Mis à part ce cas particulier, il y a dans la société une large tendance à l’acceptation.

J’en viens aux conséquences. Le fait d’avoir un enfant non désiré peut représenter un poids, une détresse dont il faut tenir compte dans le cadre que nous avons circonscrit. Ne faisons pas comme si cette détresse n’existait pas ! Elle existe, et il faut la regarder en face en prévoyant cette dérogation qui ne doit pas, j’en suis d’accord, perdurer dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je prends la parole avec beaucoup de précautions, car il s’agit là de sujets humains touchant à la détresse et à l’éthique. J’ai été très sensible aux arguments de Muriel Jourda, mais je suis, pour ma part, préoccupée par un problème de fond, de principe.

Je suis profondément favorable à l’IVG, et je crois que nous devons sans cesse rendre hommage au travail et au courage de Simone Veil. Il est hors de question de revenir, à un moment ou un autre, sur ce droit fondamental des femmes. Je suis aussi sensible à la détresse des femmes qui ont été confrontées à une grossesse non voulue durant la période de confinement, et que vous avez eu raison d’évoquer, madame la ministre Rossignol. Mais nous ne sommes pas en train de proroger un dispositif fiscal ou un logiciel de traçage numérique ! Nous parlons d’un être âgé de douze ou quatorze semaines. Or douze semaines, cela représente un tiers de la vie d’un embryon.

Moi qui suis profondément favorable à l’IVG, je vous le dis avec émotion, je me pose cette question : doit-on encore prolonger ce délai ? Je sais que la période est compliquée, et je respecte votre combat, madame Rossignol, mais il s’agit, outre de la détresse des femmes, d’un être de quatorze semaines.

Bien sûr, madame Cohen, nous devrons avoir ce débat. Je le répète avec sincérité, je m’interroge profondément sur cette durée de quatorze semaines, sur la détresse des femmes, mais aussi sur celle de ces enfants en devenir. Je ne voterai donc pas l’amendement n° 58 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

J’interviendrai avec beaucoup de calme, après m’être précédemment emballée au mauvais moment…. Pour autant, je ne change pas un mot de ce que j’ai dit.

Le confinement se termine, et le déconfinement se poursuit. Parallèlement ont lieu des viols, des incestes, un certain nombre d’horreurs, car on ne parle pas seulement de femmes « qui n’ont pas fait attention » ! Il est important de le dire et de le redire, car il y a des non-dits…

Je suis favorable au maintien du délai de quatorze semaines durant quelque temps, notamment pour que les médecins, qui ont beaucoup donné d’eux-mêmes, puissent se reposer. Des services ont fermé, et, pour certains hôpitaux, l’IVG n’est pas prioritaire. C’est normal, on a tellement réanimé…

Il faut entendre toutes les détresses. Il y a des moments où il faut savoir faire de la réanimation et aussi des IVG.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Ce débat touche nos sensibilités individuelles, plus que politiques. Dans cette période exceptionnelle, il était important de soulever cette question : cela peut nous prémunir dans le futur, si une telle situation devait se reproduire.

J’ai entendu les arguments qui tiennent à la situation de fait, cruelle, que nous avons connue : il était très difficile d’obtenir des rendez-vous médicaux, tout le monde était focalisé sur le Covid-19, et des personnes sont décédées. J’ai moi-même perdu un cousin qui ne souffrait pas du coronavirus, mais a été traité comme tel… En tout état de cause, la période était extrêmement compliquée. Des femmes sont ainsi en détresse, car elles ont subi des violences qui les conduisent désormais à envisager l’avortement.

Le fait que cette situation puisse se reproduire justifie la création d’une forme de référentiel pour nous prémunir à l’avenir. Et parce que l’amendement n° 58 rectifié bis prévoit une limitation dans le temps, je le voterai !

Je comprends que l’on puisse s’interroger sur l’allongement du délai de douze à quatorze semaines. Pour autant, nous parlons d’êtres vivants, de femmes qui n’ont pas pu, dans une période donnée, réaliser ce qu’elles souhaitaient intimement faire. Il faut donc accorder ce délai supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 210 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, MM. Labbé et Léonhardt, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Vall.

L’amendement n° 114 est présenté par Mmes Billon, Doineau, C. Fournier et Saint-Pé et MM. Cadic, Canevet, Capo-Canellas, Delcros, Détraigne, D. Dubois, Le Nay, Longeot et Moga.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 200 quindecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 sexdecies ainsi rédigé :

« Art. 200 sexdecies. Ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu égal à la totalité de leur montant les dépenses relatives à l’interruption de grossesse, lorsqu’elle a lieu après la douzième semaine de grossesse et jusqu’à la quatorzième semaine, par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique. »

II. – L’article 200 sexdecies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est abrogé le 30 septembre 2020.

III. – Le I du présent article n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

IV. – La perte de recettes pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Cet amendement aurait été justifié si l’allongement du délai de douze à quatorze semaines dans le cadre de l’état d’urgence avait été adopté, ce qui n’a pas été le cas. Craignant de nous voir opposer l’article 40 de la Constitution, nous avions inventé un système de crédit d’impôt afin que notre proposition ne soit pas retoquée.

Cet amendement n’ayant plus lieu d’être, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 114.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je le retire également, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 114 est retiré.

L’amendement n° 164 rectifié bis, présenté par MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé est ainsi modifiée :

1° L’article 2 est ainsi modifié :

a) Le VII est ainsi modifié :

- aux A et B, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 » ;

- au même B, l’année : « 2022 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;

b) Au VIII, l’année : « 2021-2022 » est remplacée par l’année : « 2022-2023 » ;

c) Au XI, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;

d) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Pour les étudiants accédant à la première année du deuxième cycle des études de médecine à compter de la rentrée universitaire 2020, les dispositions du code de l’éducation en vigueur antérieurement à la présente loi s’appliquent en ce qui concerne l’accès au troisième cycle des études de médecine par les épreuves classantes nationales. Les modalités de validation du deuxième cycle des études de médecine ainsi que le programme des épreuves classantes nationales sont fixés par arrêté des ministres en charge de la santé et de l’enseignement supérieur. » ;

2° Au 1° du II de l’article 5, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° Au II de l’article 13, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « vingt » ;

4° L’article 37 est ainsi modifié :

a) Au premier du A du III, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « vingt » ;

b) Aux V et VI, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

5° Au III et au B du VIII de l’article 70, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 ».

II. – L’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi modifié :

a) Au A, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

b) Le B est ainsi modifié :

- au premier alinéa, la date : « 1er octobre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 » ;

- aux deuxième et dernier alinéas, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

2° Le V est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la date : « 1er octobre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 » ;

b) Au dernier alinéa, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 ».

La parole est à M. Michel Canevet.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a prévu de nombreuses réformes, qui étaient en cours de discussion avec l’ensemble des acteurs : professionnels libéraux, praticiens hospitaliers, praticiens à diplôme hors Union européenne, ARS, etc. La crise du Covid ayant interrompu toutes ces réformes, l’amendement vise à prolonger les délais y afférents.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cet amendement vise à prolonger les délais d’entrée en vigueur de plusieurs chantiers ouverts par loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Le récent bilan de l’application des lois établi par la commission des affaires sociales a fait état d’un faible taux d’application de cette loi, monsieur le ministre : 30 % au 31 mars 2020, soit six mois après sa promulgation, et aucune des onze ordonnances prévues n’a été publiée.

Force est de constater que la crise sanitaire ne constitue pas, depuis le début de l’année, un contexte propice à l’avancée des concertations et des travaux sur de nombreux sujets. C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

J’ai bien noté votre appel, monsieur le rapporteur pour avis, concernant les ordonnances. Nous aurons l’occasion d’en reparler au mois de juin lors du débat sur le bilan de l’application des lois, puisque c’est moi qui serai au banc du Gouvernement.

Le présent amendement vise à reporter l’échéance de plusieurs réformes importantes prévues dans la dernière loi Santé. Au moment où débutent les travaux du Ségur de la santé, ce report paraît en effet pertinent. L’avis est donc favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er septies A.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Dallier.