Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des tarifs pratiqués par les établissements bancaires a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs mois.
Je crois cette préoccupation partagée par toutes les couleurs politiques, et je remercie mes collègues du groupe socialiste d’avoir inscrit cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour qui leur est réservé, aux termes du règlement de notre assemblée.
La question, comme les choses de la vie, a toute sa place dans le débat parlementaire : les associations de consommateurs estiment à près de 6, 5 milliards d’euros les frais payés par les Françaises et les Français aux établissements bancaires. Ce chiffre comporte des disparités au niveau individuel : les clients en difficulté financière persistante se voient prélever près de 300 euros de frais par an, contre huit à neuf fois moins – 34 euros – pour l’ensemble des clients en moyenne.
Même si les chiffres ne sont pas objectivés faute de données fiables, les ordres de grandeur sont représentatifs de la situation des Français.
Cette question a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs années : depuis 2007, les tarifs bancaires liés aux incidents de paiement, c’est-à-dire le rejet par les banques d’un ordre de paiement par chèque, prélèvement ou carte, sont plafonnés, tout comme les commissions d’intervention perçues en raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire, depuis 2014. Voilà deux évolutions importantes, concrétisées sous deux majorités différentes.
En outre, et sous l’influence du droit européen, les établissements bancaires sont tenus, depuis la transposition de la directive du 23 juillet 2014, de proposer une offre spécifique comportant des services de base aux personnes en situation de fragilité financière. En sont bénéficiaires les personnes faisant l’objet d’une procédure de traitement de surendettement, les personnes inscrites au fichier central des chèques en raison d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par la banque et les personnes en situation de fragilité financière selon les banques.
Les mesures d’information ont également été renforcées : délai d’information avant de débiter les commissions d’intervention et présentation d’un document d’information tarifaire accessible en ligne gratuitement et distinct de la brochure tarifaire ; il s’agit de pouvoir comparer les frais bancaires d’un pays à l’autre.
Les évolutions ont aussi été liées à la colère exprimée à l’occasion du mouvement des gilets jaunes en 2018. Le Président de la République s’est largement impliqué lorsqu’il a convoqué les dirigeants des principales banques et obtenu le gel des hausses des frais bancaires en 2019.
D’autres engagements ont été pris, comme cela a déjà été souligné : plafonnement des frais d’incidents bancaires pour les personnes en situation de fragilité financière à 25 euros par mois, réduit à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique ; diffusion accélérée de l’offre spécifique pour la clientèle en situation de fragilité financière. Comme le note le rapporteur, Michel Canevet, dix-huit mois plus tard, force est de constater que ces engagements ont été tenus.
Je ne reviendrai pas sur l’article unique de la proposition de loi, le rapporteur ayant été suffisamment précis quant aux obstacles qui doivent pousser le Sénat à amender ce texte.
Les discussions entre le Gouvernement et les établissements bancaires se montrent fructueuses, sans mépris. Il me semble que les banques assument leur responsabilité dans le climat social de notre pays et répondent aux attentes toujours plus fortes et légitimes de justice.
Nous croyons, en revanche, que des précisions législatives peuvent intervenir. À ce titre, mon groupe proposera deux amendements.
Le premier vise à engager un effort de transparence des établissements bancaires quant aux critères qu’ils utilisent pour qualifier les personnes en situation de fragilité financière, lesquels relèvent à ce stade quasiment de leur libre appréciation.
Le second repose sur le constat que la transparence permise par le document d’information tarifaire, décliné en France par application de la directive du 23 juillet 2014, n’a pas conduit à une meilleure lisibilité pour les Français, tandis que disparaît progressivement l’extrait standard des tarifs.
Nous proposons donc que les banques publient dans un document unique les frais liés à douze services de base, et rien d’autre, en complément du document d’information tarifaire qui, lui, est exhaustif.
Par ailleurs, nous accueillons avec beaucoup d’intérêt les propositions du rapporteur, Michel Canevet. Il les a détaillées, et nous y reviendrons au cours du débat. À ce stade, je peux dire que nous partageons évidemment à la fois le constat du rapporteur et les pistes pour assurer une protection effective et une meilleure transparence. Ces propositions pertinentes doivent vous servir, madame la secrétaire d’État, à nourrir la réflexion sur ce sujet.
Enfin, mes chers collègues, je ne peux que rappeler la complexité de ces problèmes et des transformations qui sont à l’œuvre. La crise sanitaire a accéléré la fin de la monnaie sonnante et trébuchante des ferrailleurs de Max au profit d’un relèvement du paiement sans contact, par carte ou via smartphone. Mais elle a aussi rappelé que nombreux sont nos concitoyens exclus de ces outils. Je pense par exemple aux files d’attente devant les bureaux de poste formées de personnes désirant faire valoir leur droit à bénéficier d’allocations de solidarité. Face à cette étrange affaire, il faut travailler des solutions qui, sans doute, ne relèvent pas de la loi ; je pense notamment au développement d’applications numériques européennes et sûres pour une utilisation sur smartphone.
« La politique est une pratique créatrice », nous dit Cornelius Castoriadis. Alors, madame la secrétaire d’État, créons !