Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi a été déposée le 19 février dernier. Depuis, rappelons-le, la situation a beaucoup évolué au bénéfice des particuliers, notamment pour ceux qui sont les plus touchés par la crise.
En effet, le ministère de l’économie et des finances et la Fédération bancaire française ont signé, il y a deux semaines, un accord destiné à plafonner les frais d’incidents bancaires pour les personnes en difficulté – il prévoit un maximum de 25 euros mensuels dès le premier mois au lieu de trois mois auparavant. D’autres engagements ont été pris par les banques, comme celui de remédier à l’application répétée de frais sur un même prélèvement infructueux. Un texte devrait d’ailleurs être présenté très prochainement.
Bien que pavée de bonnes intentions, cette proposition de loi me semble donc inadaptée. Faire porter le chapeau des difficultés financières de particuliers à des entreprises privées me semble contre-productif. Rappelons-le, puisque nous avons tendance à l’oublier, les banques sont des entreprises et doivent par conséquent réaliser des bénéfices. Elles doivent aussi remplir les obligations de Solvabilité 2 fixées par le législateur.
Imposer à une entreprise une limitation de ses frais me semble inconstitutionnel. Je crois qu’il faut savoir raison garder et détailler un certain nombre de points fondamentaux.
Le secteur bancaire est constitué de deux branches : la banque de dépôt et celle d’investissement. La banque de dépôt est composée d’agences locales. Leur mission est de gérer les dépôts, d’accompagner les ménages et les entreprises dans leurs investissements et d’apporter du service.
Avec la baisse des taux, les bénéfices des banques de dépôt sont beaucoup plus faibles que ceux des banques d’investissement. De plus, les banques françaises subissent des pressions de la part du superviseur européen qui demande toujours plus de rentabilité par rapport aux autres modèles européens ou aux banques par internet – je suis pro-européen, mais j’attends autre chose de l’Europe.
Revenons à notre sujet ! Chaque année, nous constatons, impuissants, des fermetures d’agences locales, des licenciements et des services de plus en plus éloignés, sans personne physique pour nous répondre. Nous pestons de voir un système bancaire qui ne peut et ne veut résoudre les problèmes non courants, comme ouvrir un compte de campagne…
En réduisant les frais bancaires, nous diminuerons les recettes et accélérerons les fermetures des agences locales dans les territoires. Est-ce cela que nous souhaitons ? Je ne le crois pas. Souhaitons-nous augmenter les licenciements et réduire l’économie sur nos territoires ? Je n’en suis pas sûr…
Au contraire, si nous voulons que les banques de proximité continuent d’exister, il faut que le législateur contribue à consolider le modèle économique des banques de dépôt. Celles-ci veulent garder l’universalité et la relation commerciale avec tous les clients et rester des acteurs de la vie locale, quelles que soient les difficultés. Les banques sont également nécessaires pour réguler les défauts de paiement et sécuriser les échanges, en limitant les impayés par des sanctions.
Il est aussi primordial qu’elles restent de proximité pour comprendre les spécificités de chaque territoire, pour connaître leurs clients. Plus cette proximité sera mise à mal, moins les banques s’intéresseront aux dossiers complexes.
Avec une telle proposition de loi, j’ai le sentiment que nous déresponsabilisons une nouvelle fois les Français les plus en difficulté. Je ne suis pas sûr que ce soit générateur de situations pérennes. Demain, pour maintenir les réseaux, allons-nous les subventionner ? Il est temps de penser avant tout à ceux qui se lèvent chaque matin et qui sans cesse perdent du pouvoir d’achat, parce que la TVA, la CSG, l’impôt sur le revenu ou les taxes augmentent. Ces Français n’en peuvent plus de se sacrifier un peu plus. Ils souhaitent qu’on cesse de faire plus de social vers une minorité qui bénéficie déjà, et c’est tant mieux, de mesures très protectrices.
Vous l’aurez compris, je ne soutiendrai pas le texte proposé par le groupe socialiste, mais je m’associerai très volontiers à toutes les initiatives qui seront prises pour protéger les Français titulaires de comptes bancaires, sans mettre à mal le modèle économique des banques de dépôt.