…j’en conviens, et d’un certain goût pour la provocation, force est cependant de constater que, entre les ambitions affichées dans la loi DALO et la réalité de ce que propose aujourd’hui votre projet de loi, la distance est énorme, et que ce ne sont pas les « concertations » que vous avez organisées dans différentes villes de province, dont Strasbourg, qui l’auront comblée.
Certes, votre projet de loi n’est pas à rejeter en bloc. Certaines mesures contenues dans ce texte vont dans le bon sens. Je pense notamment à la création du projet urbain partenarial, à condition toutefois qu’il soit bien encadré. Je souscris aussi, par exemple, à l’idée d’une dérogation spécifique aux règlements d’urbanisme quand il s’agit de rendre un logement accessible aux personnes handicapées : je fais allusion, vous l’aurez compris, aux dispositions contenues dans l’article 13.
À côté de ces mesures plutôt encourageantes, il en est d’autres qui peuvent constituer des pistes intéressantes, mais qui gagneraient cependant à être clarifiées. Pour aller dans ce sens, permettez-moi de revenir sur les dispositions de l’article 9, qui prévoit le renforcement du caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat, les PLH, et de leur compatibilité avec les PLU des communes. Le préfet verra son pouvoir en matière de PLH renforcé dans la mesure où il aura la possibilité de refuser la signature d’une convention de délégation des aides à la pierre si, d’aventure, le PLH ne tenait pas suffisamment compte des recommandations de l’État en matière de programmation de logement social. De la même manière, il pourra dénoncer une convention qui n’aurait pas atteint ses objectifs. Ces dispositions peuvent constituer une avancée, à la condition toutefois qu’il y ait une véritable volonté de l’État, notamment en ce qui concerne l’obligation faite à certaines communes de se mettre en conformité avec les objectifs de la loi SRU.
L’exemple de Clermont-Ferrand – le préfet avait estimé l’année dernière que le PLH prévoyait trop de logements sociaux – montre que ces nouvelles règles peuvent aussi se retourner, d’une certaine manière, contre leur objectif apparent.
Sur un plan plus général, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas la philosophie de base de votre projet de loi.
Je reviens à ce propos sur l’article 17 du texte qui remet en cause l’article 55 de la loi SRU, même si plusieurs orateurs, de droite comme de gauche d’ailleurs, se sont déjà largement exprimés sur ce sujet. Vous nous proposez d’intégrer dans le calcul des 20 % de logements sociaux, fût-ce pour une période provisoire de cinq ans, les dispositifs d’aide à l’accession populaire à la propriété comme le Pass-foncier, le prêt social de location-accession, mais aussi le prêt à taux zéro, l’aide à l’accession octroyée par une collectivité ou encore un contrat de location-accession. Une telle disposition nous paraît tout à fait inacceptable, dans la mesure où elle ne fait que dédouaner certaines communes de leur obligation de construction de logements locatifs sociaux, alors même, comme Mme la ministre l’a rappelé à Strasbourg, que plus de 45 % des communes concernées par la loi SRU ne respectent toujours pas les objectifs qui leur ont été fixés.
Madame la ministre, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les associations de défense des locataires ou, plus généralement, celles qui œuvrent dans le domaine du logement sont, comme vous le savez, vent debout contre une telle disposition. Je tiens à saluer au passage la sagesse de la commission des affaires économiques, à laquelle j’appartiens, d’avoir proposé la suppression de cet article. Celle-ci a rappelé, à juste titre, la stricte vocation de l’article 55 de la loi SRU de développement du parc locatif social, là où l’article 17 de votre projet de loi serait susceptible, si j’en crois le rapport de M. Braye, de « détourner de manière temporaire l’attention des élus locaux de la finalité même de l’article 55 », à savoir disposer d’ici à 2020 d’un minimum de 20 % de logements locatifs sociaux.
J’espère que cette position de la commission, adoptée, je le rappelle, à la quasi-unanimité de ses membres, sera finalement reprise par le Gouvernement pour maintenir dans la loi l’obligation stricte de réaliser 20 % de logements sociaux sur le territoire communal.
Je l’ai dit, madame la ministre, le compte n’y est pas, ni sur le plan du financement, ni sur l’objectif de mixité sociale, ni sur la réglementation permettant par exemple de lutter – le sujet est important – contre l’étalement urbain. En résumé, non seulement votre projet de loi n’apporte pas les bonnes réponses aux difficultés que rencontrent beaucoup de Français pour se loger, mais il est en fait de nature à aggraver la situation du logement et plus particulièrement du logement social dans notre pays.