Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe socialiste et républicain d’avoir inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur notre pacte social et sur les mesures nécessaires pour le renforcer dans la période de sortie de crise sanitaire.
Avant d’envisager les évolutions futures de ce pacte qui nous unit, permettez-moi de revenir sur le rôle essentiel du pacte social français dans les dernières semaines. Je l’ai souvent répété : nous avons eu de la chance de ne pas avoir dû improviser un système de protection sociale dans l’urgence de la crise.
Le filet de protection que nous avons tendu pour protéger les Français des conséquences de l’épidémie a joué pleinement son rôle. Nous avons tout d’abord maintenu les revenus des travailleurs en mettant en place un dispositif d’activité partielle massif qui, au plus fort de la crise, a touché plus de 12 millions de salariés. La protection sociale complémentaire a également été maintenue pour l’ensemble des salariés. Nous avons créé un dispositif d’activité partielle dédié pour les particuliers employeurs, qui a notamment bénéficié aux assistants maternels, dont l’activité était particulièrement affectée. Nous avons versé des indemnités journalières à tous ceux qui devaient cesser leur activité, parce qu’ils présentaient une vulnérabilité particulière à l’égard du Covid-19 ou parce qu’ils devaient garder leurs enfants. Nous avons veillé à éviter toute rupture de droits en rendant automatique le versement des minima sociaux pour tous les bénéficiaires empêchés de faire leur déclaration pendant la période épidémique.
Nous avons travaillé avec les collectivités locales, avec les acteurs du champ social et médico-social, avec l’ensemble des services de l’État pour que, partout sur notre territoire, chacun puisse voir ses besoins essentiels satisfaits. Nous avons en particulier travaillé au maintien de l’aide alimentaire. Nous avons constitué une réserve sociale et une réserve civique pour soutenir les associations en manque de bénévoles. Nous avons demandé aux préfets de coordonner la poursuite des distributions, département par département, pour que les associations soient accompagnées dans la mise en œuvre des gestes barrières, pour que des locaux municipaux adaptés au contexte sanitaire soient mis à disposition, que les bénévoles puissent se déplacer et que les nouveaux dons alimentaires parviennent bien aux associations.
Nous avons mis en place un plan d’urgence d’aide alimentaire à hauteur de 39 millions d’euros, pour soutenir les associations à hauteur de 25 millions d’euros, d’une part, pour apporter une aide d’urgence alimentaire aux territoires en souffrance à hauteur de 14 millions d’euros, d’autre part.
En parallèle, nous nous sommes très fortement mobilisés pour maintenir le service public de l’hébergement. La trêve hivernale a été prolongée jusqu’au 10 juillet prochain. Des centres spécialisés pour sans-abri atteints de formes non graves du Covid-19 ont été ouverts sur l’ensemble de notre territoire et de nombreuses places d’hébergement ont été mobilisées par l’État dans des hôtels, dans des établissements publics, dans des bâtiments vacants. Au total, 178 000 places d’hébergement d’urgence sont ouvertes tous les jours et financées par l’État, contre 157 000 avant le début de la crise sanitaire.
Pour compléter ce dispositif, nous avons décidé de verser une aide exceptionnelle de solidarité aux ménages les plus en difficulté. Cette aide a été versée automatiquement le 15 mai dernier à 4, 1 millions de foyers sans qu’aucune démarche soit nécessaire de la part des bénéficiaires.
Nous avons également souhaité apporter un soutien spécifique aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, dont certains se sont retrouvés dans des situations de grande précarité. Une aide de 200 euros sera versée à 800 000 d’entre eux prochainement.
C’est à mes yeux un enseignement majeur de cette crise : la solidarité nationale, socle de notre pacte social, a joué pleinement son rôle. Toutefois, cette crise a également mis en valeur certaines failles de notre système de protection sociale et nous devons aujourd’hui consacrer tous nos efforts à les combler plutôt que reconstruire ou renforcer notre pacte social national.
Le constat de la pauvreté en France ne date pas de cette crise. Nous l’avons dressé dès notre arrivée au pouvoir et nous avons engagé des chantiers et des moyens inédits pour la faire reculer. Je pense tout d’abord à la stratégie de lutte contre la pauvreté, qui mobilise 8, 5 milliards d’euros pour faire de l’investissement social et donner aux structures qui accompagnent les plus fragiles au quotidien les moyens de les extraire de la pauvreté. Je pense à l’augmentation des prestations et ressources financières de nos concitoyens les plus fragiles, avec la revalorisation de 100 euros par mois de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, et à l’augmentation massive de la prime d’activité qui touche les travailleurs précaires. Je pense à la complémentaire santé solidaire ou au dispositif « 100 % santé » mis en place pour que nos concitoyens les plus modestes n’aient plus à renoncer à se faire soigner.
Ce ne sont que quelques-uns des chantiers que nous avons engagés et que nous devons aujourd’hui poursuivre plus avant. C’est tout l’enjeu du plan de sortie de crise sur lequel travaille actuellement le Gouvernement.
Ces travaux ne sont pas achevés, mais je souhaite aujourd’hui vous faire part des trois axes qui me semblent les plus essentiels pour renforcer notre pacte social.
Le premier axe consiste à garantir à chacun la possibilité de répondre à ses besoins essentiels.
Je pense en particulier à la simplification de l’accès au droit et à la lutte contre le non-recours, ce qui implique notamment de développer davantage l’offre de domiciliation, les démarches d’« aller vers » des organismes de sécurité sociale.
Je pense également au déploiement d’une politique publique de lutte contre la précarité alimentaire de nature à absorber la hausse des besoins engendrés par cette crise. Il s’agit de sécuriser les financements et les approvisionnements des opérateurs, de renforcer le maillage territorial, d’étendre la tarification sociale des cantines et la distribution des petits déjeuners à de nouveaux territoires, d’articuler la politique de lutte contre la précarité alimentaire avec celle de l’insertion par l’activité économique.
Je pense à l’accès aux soins des plus fragiles, que nous devrons renforcer encore en articulant mieux les missions des acteurs sanitaires et sociaux, en augmentant les moyens humains et financiers permettant d’aller vers les publics vulnérables, en renforçant les permanences d’accès aux soins mobiles, les maraudes médicalisées.
Je pense également à l’inclusion bancaire, à l’inclusion numérique ou encore à la lutte contre le décrochage scolaire et à la vigilance toute particulière que nous devons avoir à l’égard des élèves fragilisés par la période de confinement.
Ces chantiers sont nombreux et chacun d’entre eux appelle une ambition sans équivoque. C’est celle qui m’anime depuis de longs mois pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et qui continuera de m’animer dans la conception des mesures de sortie de crise.
Le deuxième axe essentiel est le soutien au pouvoir d’achat des ménages et le maintien ou le retour à l’emploi.
Je l’ai dit, nous avons décidé la semaine dernière de verser des aides financières exceptionnelles pour soutenir les publics les plus vulnérables, dans un contexte particulier. Nous devrons tirer tous les enseignements de cette période afin que nos prestations soient plus réactives et équitables et qu’elles permettent de lutter davantage contre le non-recours aux droits.
Nous devrons aussi nous donner les moyens de faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail en renforçant tout particulièrement l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et en accordant une attention spécifique aux secteurs les plus durement touchés. Nous devrons continuer à lever les freins à l’emploi contre lesquels nous luttons depuis bientôt trois ans, développer l’accès aux modes de garde, accélérer le déploiement des crèches à vocation d’insertion professionnelle.
Pour terminer, le troisième axe doit concerner les jeunes, en particulier dans les territoires les plus fragiles. C’est l’un des principaux constats qui nous a conduits à concevoir la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le taux de chômage des jeunes demeure trop élevé. La France compte 60 000 mineurs qui ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi.
La sortie de crise devra être une période d’accélération des mesures dédiées à ces publics, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous devrons également agir pour la formation des jeunes de moins de 25 ans sortis peu ou pas qualifiés du système éducatif, développer encore l’apprentissage, renforcer le service civique.
Nous devrons nous poser la question de la place des jeunes dans notre système de protection sociale.