Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, crise financière, crise écologique, crise démocratique et aujourd’hui crise sanitaire : nous sommes bien devant une crise durable.
D’un côté, les plus forts d’entre entre nous, une minorité très qualifiée, de mieux en mieux payée ou vivant de la spéculation et non du travail ; de l’autre, les plus faibles qui fournissent, dans le meilleur des cas, des biens et des services locaux ou qui vivent de l’assistance apportée par l’État- providence. Entre les deux, une solidarité qui s’effrite inexorablement.
L’addition est lourde : mécontentement généralisé des citoyens vis-à-vis de la démocratie représentative, accusée d’être impuissante ; sécession sociale et morale des élites ; sécession territoriale des pays ou régions les plus riches.
Mais voilà qu’aujourd’hui tout doit être sacrifié sur l’autel du sacro-saint pragmatisme : il n’est plus nécessaire de parlementer indéfiniment pour savoir si une politique est bonne ou mauvaise, il faut seulement savoir si elle est efficace ou non. Une fois cela posé, il n’y a plus de débat idéologique possible, mais seulement des questions techniques qui ne concernent alors plus les citoyens, mais les experts, ceux qui savent comment fonctionne la machine d’État. Ainsi la démocratie s’achève-t-elle en technocratie. Nous y sommes précisément !
L’heure n’est plus au bricolage et à l’accumulation de dispositifs incompréhensibles. Il est maintenant extrêmement urgent de définir enfin ce que nous considérons comme une priorité à respecter, une ressource à préserver et comme un bien à conserver. Dans ce contexte, réhabiliter la Nation peut paraître contre-intuitif aux bonnes consciences humanistes, progressistes, sociales-démocrates, écologistes, et j’en passe… Il nous faut pourtant non seulement réhabiliter la Nation, mais la réinventer. Nous devons redéfinir le pacte social national afin de le mettre tout entier au service d’une pratique sobre et apaisée de la conversation civique et de la décision publique.
C’est à ce prix que l’on réconciliera l’économie mondialisée avec la promesse démocratique et la sobriété écologique. Partagez-vous cette ambition, madame la secrétaire d’État ?