Je pense que les préfets doivent mettre à profit cette dynamique pour rappeler les obligations des collectivités concernées.
Mes chers collègues, si je n’avais qu’un message à vous faire passer, je vous dirais simplement que la réalisation et la gestion des aires d’accueil aménagées constituent la seule réponse viable aux stationnements illicites.
Avec la loi du 5 juillet 2000, les pouvoirs publics ont recherché une politique permettant une insertion plus aisée des gens du voyage dans la communauté nationale.
Les collectivités locales – les communes, leurs établissements publics, les départements – constituent, à travers les schémas départementaux, les meilleurs acteurs de proximité de cette politique. Leur engagement, leurs choix, leur pragmatisme seront déterminants pour l’avenir.
Souvent dotées des meilleures intentions, mais relativement peu au fait de ces questions, les collectivités locales doivent être aidées dans la mise en place des actions qu’elles initient, notamment en matière de gestion. En effet, une fois l’aire aménagée, la gestion de l’aire d’accueil doit être strictement assurée, comme le démontrent certaines expériences qui sont en grande majorité une réussite. L’aire, une fois construite, requiert en effet une gestion de proximité, dans le respect du règlement intérieur pour tous et par tous, seul gage de réussite et de pérennité. J’insiste sur ce point.
En effet, il ne s’agit pas d’un équipement public lambda et, au-delà de la nécessaire implication des élus, il convient de former les personnels en contact avec les gens du voyage.
Pour les modes de gestion en régie, les modalités de droit commun de recrutement de la fonction publique territoriale ne conviennent pas à l’exercice d’un métier dont il faut reconnaître qu’il demande un profil particulier.
Quant au règlement intérieur, il doit garantir que l’aire d’accueil remplit sa vocation de satisfaction du besoin de stationnement des gens du voyage véritablement itinérants.
À défaut de rotation, l’aire devient un espace « réservé » à une certaine catégorie de gens du voyage qui se sédentarisent. Dès lors, elle n’est plus en mesure d’assurer sa mission d’accueil des itinérants.
Dans cette hypothèse, l’aire aménagée risque d’être disqualifiée comme aire d’accueil et considérée comme terrain familial, ce qui peut contraindre la collectivité concernée à aménager une nouvelle aire d’accueil, entraînant de nouvelles dépenses souvent contestées.
L’impossibilité d’accéder à des aires aménagées conduit inévitablement les gens du voyage à pratiquer des stationnements illicites, d’autant plus incompréhensibles que la collectivité a investi pour répondre à ses obligations légales.
Pourtant, je le répète, si les communes ont satisfait à leurs obligations, elles peuvent bénéficier pleinement des dispositions relatives aux stationnements illicites.
J’en ai terminé avec ce qui relève de la loi de 2000 concernant l’itinérance des gens du voyage. L’équation est simple, madame la ministre : du courage politique et du bon sens !
Un autre phénomène de plus en plus marqué, que je n’ai pu développer dans mon rapport, est l’ancrage territorial – semi-sédentarisation ou sédentarisation – d’une partie de la population des gens du voyage.
Ce constat nécessite de développer des solutions alternatives aux aires d’accueil. En effet, il ne servirait à rien de financer des aires aménagées destinées à recevoir des itinérants si elles ont pour seul objet de satisfaire les besoins d’une population sédentaire.
L’équilibre du système invite à développer des politiques d’habitat social adaptées. Cette réponse sociale s’impose d’autant plus qu’elle apparaît comme la condition essentielle de viabilité des aires aménagées.
Il convient donc d’encourager une forme d’habitat adapté aux gens du voyage qui ne voyagent plus, ou qui réduisent leurs déplacements.
Cet habitat prend des formes diversifiées : d’une part, les terrains familiaux locatifs, sans habitat en dur, qui permettent de fixer sur un territoire un groupe familial sans faire renoncer ce dernier, le cas échéant, à quelques mois de voyage ; d’autre part, l’habitat mixte, qui permet une construction en dur destinée à l’habitation tout en maintenant la présence de caravanes et les Maisons ultra-sociales, dites MUS, qui bénéficient des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, et ouvrent droit à l’aide personnalisée au logement, l’APL.
Enfin, le logement social en immeuble collectif peut répondre à la demande de familles sédentarisées depuis un certain temps, avec une mixité sociale délicate.
Ceux dont l’ancrage territorial est le plus fort ne posent, en général, pas de difficulté aux collectivités locales qui les prennent en charge scolairement et socialement, par le biais des assistants sociaux et des centres communaux d’action sociale.
Des actions doivent être envisagées dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées et des programmes locaux de l’habitat. Elles ont de surcroît le mérite de mobiliser la solidarité et la complémentarité départementale en impliquant des communes non soumises à l’obligation de création d’aires d’accueil, et peuvent s’inscrire dans le cadre d’un plan local d’urbanisme.
Ces actions doivent être plus activement soutenues qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Dès que la problématique du stationnement présentera une acuité moins forte, d’autres difficultés ressenties par les gens du voyage pourront être prises en charge avec plus d’efficacité.
En effet, à l’instar de la population sédentaire, des conditions défaillantes de logement désorganisent l’ensemble de la vie. Au contraire, la stigmatisation dont sont encore l’objet les gens du voyage donne une acuité particulière à des handicaps sociaux, même s’il appartient avant tout aux gens du voyage d’offrir une image plus positive du groupe social qu’ils représentent.
La loi du 5 juillet 2000 a eu pour seule ambition d’organiser le droit des gens du voyage de circuler librement et de stationner dans des conditions conciliant l’ordre public, au sens le plus étendu, et les attentes légitimes d’une population de disposer d’infrastructures publiques répondant à ses besoins. Je vous proposerai donc de la compléter par voie d’amendements.
Pour conclure, j’insisterai sur le contexte favorable de début de mandat, ainsi que sur l’ouverture de la période de révision des schémas départementaux 2008-2009, qui nous offrent la possibilité d’établir un diagnostic avisé et adapté.
Ne laissons pas la situation s’envenimer une nouvelle fois : ce serait, madame la ministre, une fois de trop !