Celui-ci tend à rétablir l’extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales, que votre commission des lois a supprimée.
La loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 a prévu qu’une expérimentation serait possible dans dix départements. Nous souhaitons désormais la rendre possible dans trente départements, soit moins d’un tiers des départements français.
Je sais, madame la rapporteure, que le débat sur l’extension, en commission, a été nourri. Je souhaite apporter quelques éléments supplémentaires pour répondre aux remarques qui ont conduit à sa suppression.
Premièrement, le dispositif reste expérimental. Un bilan sera évidemment établi au bout de trois ans, ainsi que cela a été prévu. Ce bilan nous permettra à la fois de mesurer l’activité et d’évaluer l’effectivité et la qualité des décisions de justice qui auront été rendues. C’est sur cette base que le Parlement pourra, ensuite, voter ou non la généralisation du dispositif. Le Gouvernement ne pourra et ne voudra rien acter sans le Parlement.
Deuxièmement, nous souhaitons conforter un dispositif dont le premier bilan, bien qu’incomplet – la mesure a à peine un an –, est prometteur.
Ce dispositif fonctionne actuellement. Il a concerné un peu plus de quarante affaires. Les premiers retours sont très encourageants. Je note d’ailleurs que, alors que leur représentation nationale est plutôt critique sur la création des cours criminelles départementales, les avocats qui travaillent concrètement dans ces juridictions considèrent qu’elles fonctionnent bien.
L’audiencement devant la cour criminelle garantit un temps d’audience suffisant pour examiner les affaires comme elles le méritent, les accusés déjà renvoyés devant les cours d’assises ne peuvent être jugés par une cour criminelle qu’avec leur accord et le taux d’appel des arrêts rendus par les cours criminelles départementales est moins élevé que celui des cours d’assises. Les cours criminelles sont donc une réponse complémentaire aux cours d’assises. Je vous rappelle qu’elles interviennent uniquement en première instance et pour juger des crimes passibles de moins de vingt ans de réclusion. Au-delà de cette durée et en appel, ce sont les cours d’assises qui sont compétentes.
Les cours criminelles départementales permettent aux justiciables, victimes comme accusés, d’obtenir des réponses plus rapides et tout aussi pertinentes dans l’affaire dans laquelle ils sont parties prenantes.
Troisièmement, je ne cache pas du tout que nous avons besoin de ce dispositif pour faire face aux difficultés que vont rencontrer les cours d’assises dans certains départements dans le contexte de reprise d’activité lié au Covid-19. Vous le savez, il est difficile aujourd’hui de trouver des jurés, raison qui a justifié l’adoption des amendements précédents. Il va falloir trouver un certain nombre de solutions complémentaires.
En outre, dans certains départements, les assises sont engorgées. C’est une autre raison de notre volonté d’étendre l’expérimentation. J’y insiste, nous avons besoin de trouver une palette de réponses pour que les situations puissent être jugées. D’ailleurs, au moment où je vous parle, nous avons reçu de nombreuses demandes d’expérimentation des cours criminelles de la part de chefs de cour pour faire face à la situation, inédite, dans laquelle nous nous trouvons.
Je pense que le Parlement aurait une responsabilité particulière si nous ne mettions pas en œuvre toutes les solutions permettant d’éviter un enlisement des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires qui pourrait en résulter, au détriment des victimes.
Comme l’avait justement souligné le rapporteur François-Noël Buffet lors de l’examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, « l’allongement préoccupant des délais de jugement aux assises nécessite de rechercher des solutions innovantes » et « l’encombrement des assises conduit à la correctionnalisation massive de certains crimes, en matière de viol par exemple, ce qui ne permet pas de sanctionner ces crimes au niveau qui convient ». Sur cette base, votre collègue nous avait apporté son appui.
Les cours criminelles constituent donc une réponse solide, bien que toujours expérimentale à ce stade. Je vous propose que cette solution innovante puisse être mise à profit dans le contexte actuel, ce qui permettra de démontrer de façon plus approfondie leur efficacité et leur intérêt. Au terme de l’expérimentation, en 2022, nous pourrons dresser un bilan. Le Parlement sera alors amené à se prononcer à nouveau sur ce sujet.