Permettez-moi de reprendre la parole, car les sujets de ce qu’est notre institution judiciaire, de la manière dont elle fonctionne et de la justice qui est rendue au nom du peuple français sont à la fois extrêmement sensibles et tout à fait essentiels.
Il se trouve que j’ai déjà souhaité, dans le cadre d’autres instances, que la justice puisse être rendue au nom du peuple français. Sur ce point important, les choses n’ont pas évolué comme je l’aurais voulu.
Madame la rapporteure, vous avez raison : que la justice puisse être rendue au nom du peuple français est plus que symbolique, c’est tout à fait essentiel. Loin de moi l’idée de vouloir mettre fin aux cours d’assises. Cela n’est pas pensable. Cela n’est pas possible. Cela n’est pas souhaitable. Cela n’est pas envisageable. Je le dis très clairement ici.
Nous restons bien, à ce stade, dans l’idée d’une expérimentation – rien ne préjuge du bilan qui en sera fait en 2022. Nous ne voulons pas aller vers un « remplacement », pour reprendre le mot que vous avez utilisé.
En passant de dix à trente, le nombre de départements concerné reste inférieur au tiers. C’est toujours, de mon point de vue, une expérimentation.
Au demeurant, la mise en place expérimentale des cours criminelles départementales répond aux demandes extrêmement fortes des chefs de cour, dans toute la France. Ces derniers se font les porte-voix de la communauté judiciaire, à Reims, Rennes, Rouen, Toulouse, Cayenne, Fort-de-France, Grenoble, Angers, Versailles ou encore Paris.
Pour terminer, il ne s’agit pas seulement, madame la rapporteure, de gérer des stocks. Ce serait absurde.
Je n’ai pas caché que nous nous trouvions dans une situation singulière, monsieur Sueur. Il s’agit d’apporter aux victimes ou aux accusés une réponse différente, complémentaire, plus adaptée, notamment dans le temps, pour éviter que les crimes soient correctionnalisés. Nous avons eu l’occasion d’exprimer, au cours de l’examen du projet de loi de réforme pour la justice, ce souci de limiter les correctionnalisations.
Ce n’est donc pas une question de défiance ou de confiance, monsieur le président de la commission. C’est une question de vérité judiciaire : nous voulons, par ces dispositifs multiples, servir la vérité judiciaire dans toute son ampleur, sans que soit porté atteinte à la cour d’assises. Il est important qu’un crime puisse être jugé en tant que tel, que ce soit par une cour criminelle ou par une cour d’assises.
Monsieur Sueur, ce n’est pas un dispositif nouveau, puisqu’il résulte de la loi de 2019. Vous l’avez d’ailleurs dit dans la seconde partie de votre propos.
Vous affirmez que l’urgence ne justifie pas cette extension. Pourtant, Mme la directrice des affaires criminelles et des grâces m’indique que 167 sessions de cours d’assises, d’une durée moyenne de quinze jours, ont été renvoyées pour cause de Covid-19. Il va bien falloir traiter les affaires ! À cet égard, la cour criminelle départementale peut, dans certains cas, constituer une réponse adaptée et de qualité.
Pour terminer, monsieur le président de la commission, et pour rester dans un débat très respectueux des positions de chacun, non, nous n’avions pas d’intention cachée depuis le début : le nombre de cours criminelles départementales serait resté à dix si la crise du Covid-19 ne nous avait pas obligés à trouver des solutions.
Les premiers bilans ont montré que le fonctionnement de ces cours criminelles pouvait présenter des atouts. Utilisons cette possibilité pour résoudre les difficultés que nous rencontrons. Nous n’avons pas du tout l’intention d’abandonner la justice des cours d’assises, fort au contraire. C’est une justice essentielle. C’est la justice du peuple français.