Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Je ne vais pas reprendre les arguments très bien développés par M. le rapporteur pour avis, je veux simplement revenir de façon un peu plus globale sur le fond du sujet.
Nous avons tous le même objectif : préserver et sauver l’emploi, le plus possible, à un moment où notre pays connaît, à la suite de la crise sanitaire, une crise économique et sociale qui ne fait que commencer et qui va être profonde, dure. Nous en avons eu aujourd’hui les premiers effets avec l’augmentation forte du flux des demandeurs d’emploi, non pas parce qu’il y a de nouvelles inscriptions, mais parce que ceux qui sont à Pôle emploi n’arrivent plus à retrouver un poste, compte tenu de la baisse très forte des recrutements.
Grâce au bouclier social que constitue le chômage partiel depuis deux mois et demi, on ne constate pas du tout de vagues de licenciements en France aujourd’hui. Le problème n’est pas le licenciement ; le problème est que tous ceux qui avaient des contrats précaires – CDD ou intérim – ne se sont pas vu proposer de renouvellement. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit précédemment, ce sont essentiellement des salariés travaillant dans le secteur de la culture ou de l’hôtellerie-restauration qui viennent grossir les rangs de Pôle emploi. Aussi, le défi est non pas pour aujourd’hui, mais pour demain.
L’histoire a prouvé que l’interdiction des licenciements, qui peut paraître satisfaisante, rassurante au moment où l’on en prend la décision, devient vite une arme à double tranchant, pouvant se retourner contre les salariés, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, une telle interdiction incite les employeurs à ne pas recruter et à généraliser l’intérim. Les salariés se trouvent dès lors précarisés, puisque les entreprises n’embauchent plus en CDI, mais n’ont plus recours qu’à des contrats précaires, au terme desquels elles peuvent se séparer des salariés sans devoir les licencier.
En second lieu, si une entreprise connaît de lourdes difficultés et n’est plus en mesure de payer les salaires, l’interdiction des licenciements la conduit à une situation de défaillance.
Dès lors, pour atteindre notre but commun, à savoir préserver l’emploi le plus possible, il nous faut trouver des instruments qui soient à la fois plus efficaces économiquement et tout aussi justes socialement qu’une interdiction qui n’aurait ni utilité ni portée réelle. Vous aurez l’occasion, tout à l’heure, d’y contribuer, en adoptant l’amendement n° 278 du Gouvernement, par lequel nous vous proposerons un mécanisme révisé et plus précis d’activité partielle de longue durée. Ce dispositif permettra aux entreprises qui connaissent des difficultés, mais peuvent raisonnablement émerger de cette période de crise, de bénéficier d’un accompagnement de longue durée par le biais de l’activité partielle, la contrepartie étant évidemment le maintien dans l’emploi. Il me semble qu’il convient d’aller dans cette voie.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 209 rectifié bis et 71 rectifié.
Concernant la concomitance éventuelle entre versement de dividendes aux actionnaires et licenciements, monsieur Gay, notre conviction est que, de toute façon, le modèle d’entreprise qui s’avérera le plus robuste et le plus durable, c’est celui où il y a un juste partage de la valeur entre les parties prenantes. L’actionnaire a besoin de recevoir un retour sur son investissement ; sinon, demain, il n’y aura plus d’actionnaires, et donc plus d’investissement dans les entreprises. Les clients et les fournisseurs ou sous-traitants doivent également être traités justement : il est important de le rappeler, car les petites entreprises sous-traitantes ne le sont pas toujours dans les relations contractuelles. Enfin, les salariés, dont le travail contribue fortement à la création de valeur, ne doivent évidemment pas être oubliés.
Pour aborder ce sujet, il faut prendre en compte la diversité de la situation des entreprises. La gouvernance doit jouer son rôle, mais il faut privilégier une approche au cas par cas, plutôt que d’édicter des principes généraux : c’est ainsi que nous protégerons l’emploi et que nous le ferons progresser sans mettre à mal l’avenir des entreprises. Pour avoir de l’emploi demain, il faut des entreprises saines, capables de prendre des marchés et de réussir.