Je reviens ici sur un sujet particulièrement important.
Nous avions présenté, mardi dernier, un amendement qui visait à permettre la mise en œuvre d’un dispositif alternatif à l’activité partielle de manière à accompagner les entreprises durablement affectées par la situation sanitaire et économique. Le Sénat a jugé que l’objet de cet amendement, dont le dispositif prenait la forme d’une habilitation à légiférer par ordonnance, manquait de précision.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés, nous vous avons entendus. Je vous présente donc ce soir un amendement afin de préciser clairement « en dur » le dispositif que nous envisageons de mettre en œuvre.
Nous avons su transformer l’activité partielle rapidement et efficacement, pour en faire le dispositif le plus protecteur d’Europe : il a permis de protéger 12 millions de salariés et 1 million d’entreprises.
Toutefois, l’État ne saurait payer durablement les salaires de millions d’employés du secteur privé. Il ne vous aura pas échappé que nous entrons à présent dans une autre phase de la crise. Dans cette nouvelle phase, les contraintes économiques pesant sur les entreprises pourront conduire à des arbitrages affectant l’emploi. Nous avons tous conscience que le retour à la pleine activité sera plus ou moins rapide selon les secteurs ; dans bien des cas, il ne pourra être immédiat, ni même rapide. Selon la durée des cycles de production, il pourra prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. On a parlé de l’industrie automobile ; on pourrait tenir les mêmes propos au sujet du secteur aéronautique, du tourisme, de la culture ou du sport, secteurs dont l’activité est largement saisonnière. Il est clair que ces secteurs seront très affectés, non seulement en 2020, mais encore en 2021.
Alors, que faire pour protéger l’emploi, pour permettre aux entreprises de préserver leurs compétences et aux salariés de garder leur emploi ?
Il nous paraît nécessaire de mettre très rapidement en place de nouveaux dispositifs de préservation de l’emploi et des compétences. Ces dispositifs permettront aux entreprises d’ajuster à la baisse leur capacité de production, en fonction de la demande, et de limiter les coûts économiques et sociaux, tout en préservant l’emploi et les compétences pendant cette période.
Très concrètement, ces entreprises pourront, par accord avec les organisations syndicales, diminuer le temps de travail et pratiquer la modération salariale, à condition de maintenir intégralement l’emploi. Une aide de l’État viendra compenser en partie la perte de pouvoir d’achat des salariés, sur une durée assez longue.
Cela représente un effort pour les salariés, pour les entreprises et pour l’État, mais tout le monde y gagne aussi. En effet, quelle serait l’alternative pour ces entreprises qui vont connaître six, douze ou dix-huit mois difficiles, sinon le licenciement d’une partie de leur personnel ?
Une réduction du temps de travail, compensée en partie par un système d’activité partielle financé par l’État, vaut mieux que des licenciements. À la fin, il y aura moins de chômeurs et nos entreprises garderont leurs compétences : l’argent public aura été bien investi.
Cette mesure présente un certain caractère d’urgence. En effet, on constate, dès aujourd’hui, que des entreprises, des secteurs entiers, commencent à éprouver de lourdes difficultés en dépit des prêts garantis par l’État, du recours massif au chômage partiel et des reports de charges sociales. Il y a des limites à l’exercice : à un moment donné, il faut un marché et des clients pour pouvoir préserver l’activité économique et l’emploi.
Dès lors, pour prévenir le risque d’une multiplication des PSE, nous vous proposons de mettre en place un dispositif d’activité partielle de longue durée, reposant sur un effort partagé entre les entreprises, les salariés et l’État. Il est très important de pouvoir disposer de ce dispositif pour répondre de manière pragmatique aux demandes de secteurs et d’entreprises qui, dans quelques semaines, risquent de se trouver en difficulté. Ainsi, des négociations pourront s’ouvrir dès maintenant au sein des entreprises concernées.
Le décret d’application précisera que, dans les entreprises où un accord majoritaire pourra être trouvé, le taux de prise en charge par l’État sera plus important. Nous voulons encourager un dialogue social renforcé.
Notre boussole, c’est la préservation de l’emploi. Nous voulons permettre à ces entreprises et à ces salariés de continuer de croire en l’avenir. Nous sommes dans une situation de crise et d’urgence, ce qui requiert agilité et réaction. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés ; j’espère que vous nous soutiendrez dans cette approche, car il y a beaucoup d’emplois à la clé !