Madame la secrétaire d’État, nous avons entendu vos arguments lors de la discussion générale, mais nous persistons à souhaiter la suppression de cet article. Nous estimons que ces demandes d’habilitation sont prématurées, principalement pour des raisons de méthode.
Tout d’abord, la situation d’urgence sanitaire ne peut être invoquée pour justifier que le Parlement n’aurait pas le temps d’examiner d’ici à décembre les dispositions législatives nécessaires en cas de conclusion ou pas d’un accord avec le Royaume-Uni. Le Parlement, et notamment le Sénat, a démontré, depuis le début de l’état d’urgence, sa capacité à légiférer dans des délais très brefs. Nous pensons que la négociation d’un accord international de partenariat est très éloignée du champ des dispositions à prendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Ensuite, la décision quant à la durée effective de la période de transition sera prise le 1er juillet prochain. C’est à cette date que l’on pourra évaluer s’il est nécessaire ou pas de légiférer rapidement, comme nous l’avons fait l’an dernier en élaborant la loi de janvier 2019 sur le Brexit, qui vous a permis de prendre toutes les dispositions nécessaires. D’ailleurs, une partie des mesures adoptées à l’époque et des ordonnances qui ont suivi pourraient, si nécessaire, être rapidement réactualisées à l’automne.
Enfin, ces habilitations priveraient le Parlement de tout droit de regard sur les dispositions qui seront négociées en vue d’un accord de partenariat avec le Royaume-Uni ou en l’absence d’accord. Comment voulez-vous légiférer sans connaître les mesures équivalentes qui seront prises par le Royaume-Uni ni le dispositif effectivement retenu au niveau européen ? Pourquoi donner une habilitation avant de connaître l’issue des négociations sur, par exemple, l’autorité de sécurité du tunnel sous la Manche ?
En l’état actuel des négociations, rien n’est arrêté pour ce qui concerne les règles de concurrence équitable. L’Union européenne vient seulement de recevoir, le 9 mai dernier, les 400 pages de propositions britanniques. Selon nous, madame la secrétaire d’État, il est urgent d’attendre.
Dans la perspective d’un accord qui aurait des conséquences systémiques, nous estimons au contraire que le Gouvernement serait bien inspiré d’associer le Parlement, qui a, depuis quatre ans, exercé un contrôle permanent et vigilant sur le processus du Brexit et joué un rôle de pédagogie et de relais auprès de nos concitoyens, en particulier ceux concernés par les conséquences du futur accord.
En conclusion, si nous avons déposé cet amendement de suppression, ce n’est pas pour empêcher le Gouvernement d’agir rapidement ; c’est parce que nous considérons que l’établissement de nouvelles relations avec le Royaume-Uni devra faire l’objet d’un projet de loi, qui permettra au Parlement de débattre et d’arrêter les dispositions nécessaires.