Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 14 octobre 2008 à 21h45
Logement et lutte contre l'exclusion — Exception d'irrecevabilité

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « longtemps attendu par les associations, rendu nécessaire par la grave crise du logement que nous traversons depuis quinze ans, […] le droit au logement opposable est en passe de devenir une réalité pour notre pays.

« En effet, tandis que la loi Quilliot (1982) fait du droit à l’habitation un droit fondamental et que la loi Besson (1990) consacre le droit au logement, il ne manquait plus à notre corpus législatif français qu’un texte instituant le droit au logement opposable.

« Avec le texte fondateur soumis aujourd’hui au Parlement, il s’agit désormais de protéger le droit au logement par une obligation de résultats et non plus seulement de moyens. »

C’est ainsi, madame la ministre, que commençait le rapport que vous aviez signé, pour le compte de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, lors de la discussion de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Même si, à l’époque, vous insistiez sur le problème posé par les moyens devant être mobilisés pour répondre aux exigences nouvelles posées par l’opposabilité, force est de constater qu’un an et demi a suffi pour que les discours d’un hiver préélectoral s’oublient dans les frimas d’un automne de crise financière et de régulation budgétaire !

Oui, madame la ministre, vous aviez raison de rappeler alors, à plus d’un titre, que le droit au logement était consacré dans la loi française et que ce droit ne souffrait d’aucune sorte de contestation.

La priorité, en matière de logement, ce sont les êtres humains, les demandeurs de logement, notamment, mais aussi les locataires, les habitants de notre pays, dont les parcours résidentiels, selon l’expression employée, doivent être libres, répondant à leurs aspirations profondes.

L’article 1er de la loi Besson de 6 juillet 1989 dispose : « Le droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.

« L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »

Le même article de la même loi, élément du droit positif, précise : « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives. »

Pour sa part, la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, précise, en son article 1er : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation.

« Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques. »

C’est, de fait, au travers de ces différents rappels de la législation existante que se définissent les premiers griefs que l’on peut faire au texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Tout se passe, madame la ministre, comme si, en lieu et place du droit au logement, le texte que vous nous proposez met en place un droit du logement plus restrictif, excluant de l’accès au logement social des couches de plus en plus larges de la population, les livrant pieds et poings liés aux aléas d’un marché immobilier en pleine déconfiture.

Les traces de ce droit du logement sont présentes dans de multiples dispositions de ce texte.

Depuis les conventions d’utilité sociale, fondées sur les plans stratégiques des bailleurs de logements sociaux, ignorant évidemment les intérêts des locataires et ne se préoccupant que des procédures de libération accélérée des logements ou de leur mise en vente, en passant par la profonde mise en cause du droit au maintien dans les lieux et du droit de suite contenue dans l’article 20, jusqu’à la confusion savamment entretenue entre hébergement et logement, rien dans ce texte ne correspond au cadre législatif qu’année après année nous avons pu constituer.

Aucun grief d’ordre constitutionnel n’avait, je le rappelle, été opposé au contenu des textes que je viens de rappeler. Bien au contraire, selon tous les spécialistes du droit, c’est le droit au logement qui gagnait, au fur et à mesure de l’adoption des textes, valeur constitutionnelle !

En effet, sur le fond, ces lois répondaient à quelques principes constitutionnels fondamentaux ; je pense notamment au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »

De quel développement de l’individu et de la famille s’agit-il quand on instaure une précarité renforcée des conditions de logement, que l’on remet en cause la qualité des contrats passés entre bailleurs et locataires, que l’on introduit un déséquilibre manifeste entre les droits des premiers et les devoirs des seconds ?

Reprenons, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des questions résolues par la loi Besson.

Le second alinéa de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, texte essentiel que je cite de nouveau tant il recèle de sens prévoyait : « L’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. »

Cela signifie, dans cet esprit, que la construction de logements sociaux ne peut souffrir la moindre restriction. Dès lors, l’article 17 du présent projet de loi n’a pas de raison d’être.

Cela signifie également que la question de l’accès au marché locatif ne se pose pas uniquement du point de vue de la législation relative au logement HLM.

Nous ne pouvons accepter, madame la ministre, que votre texte organise de fait une ségrégation active en matière de logement. Cette ségrégation fait du logement soumis à la législation HLM le réceptacle de toutes les misères de la société française, tandis que les ménages salariés disposant de ressources prétendument trop élevées n’auraient plus qu’à se plier à la loi d’un marché locatif privé où, année après année, les loyers consomment une part toujours plus élevée de leurs moyens financiers.

Nous refusons cette société où devient plus importante la question de l’occupation des logements selon l’origine sociale et les moyens financiers que celle de la mise en œuvre effective du droit au logement.

Le droit au logement n’a pas vocation à se diviser.

Je prendrai un exemple très simple, madame la ministre. Fraîchement élue dans cette assemblée, j’ai l’honneur d’y représenter le département des Bouches-du-Rhône et d’y porter les aspirations de sa population.

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