Mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier pour cette invitation. C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je viens devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour évoquer ce sujet qui me tient particulièrement à coeur.
Durant la crise sanitaire que nous avons vécue, l'accès au numérique est apparu comme un élément essentiel au regard notamment de la continuité de l'activité économique. Certains mots trop peu prononcés jusqu'alors, tel que celui de télétravail, sont devenus monnaie courante. Le numérique constitue aussi un facteur majeur de lien social et est parfois un vecteur de sécurité. Bref, cette crise sanitaire a montré une fois encore à quel point les réseaux de communication jouaient un rôle essentiel dans notre pays.
Comme vous l'avez souligné, les réseaux ont tenu le choc et il faut saluer le travail réalisé par les collectivités territoriales mais aussi par les opérateurs. Nous pouvons être fiers de la grande équipe du numérique et de la téléphonie mobile, qui a montré sa détermination et sa disponibilité, lesquelles ont permis aux réseaux de tenir le choc. L'État a également réalisé un travail d'ampleur, piloté notamment par Cédric O, secrétaire d'État au numérique. Celui-ci s'est assuré au quotidien de la pertinence d'un certain nombre de choix stratégiques. Un certain nombre d'applications extrêmement attendues, notamment pour le divertissement des jeunes ou moins jeunes, ont été décalées dans le temps afin de s'assurer que les bandes passantes étaient suffisantes pour l'ensemble des usages essentiels, tel que le télétravail.
Cette crise, si elle a mis en exergue l'impérieuse nécessité des réseaux numériques et de téléphonie mobile, a également mis en évidence l'obligation de réduire la fracture numérique, que la crise a révélée plus encore qu'auparavant. L'action que nous avons conduite dès 2017, au sein du gouvernement, contre les zones blanches et pour la couverture du territoire, s'est trouvée confortée dans sa pertinence. Cela nous oblige aussi à veiller à ce que toutes les actions lancées soient suivies d'effets et à accélérer un certain nombre d'initiatives.
Les données du déploiement des réseaux en 2019, présentées avant le début de la crise sanitaire, sont incroyablement positives : en 2019, 4,8 millions de lignes FTTH ont été rendues raccordables. Ce nombre représente une augmentation de 50 % par rapport à 2018 et un doublement par rapport à 2017. Autrement dit, en deux ans, nous avons multiplié par deux le rythme de déploiement du numérique dans notre pays. Nous sommes ainsi en train de bâtir une architecture du numérique qui n'a pas d'équivalent en Europe, dans des pays de taille comparable. Ce réseau numérique de très haut débit est bien meilleur que ceux existant en Allemagne et au Royaume-Uni. Il crée un avantage compétitif très important au bénéfice de l'ensemble des activités françaises, ce qui a été permis par l'ensemble des acteurs du numérique, collectivités locales, opérateurs et État.
Je crois pouvoir dire que le choix que nous avons fait dès 2017, consistant à ne pas remettre en cause et même à renforcer les réseaux d'initiative publique dans les zones les moins denses, a démontré sa pertinence. Je m'en félicite car de nombreux débats avaient eu lieu à ce propos.
L'engagement de la filière a été très fort durant la crise du Covid-19 en dépit de contraintes majeures. Certes, il n'a pas été possible de déployer les réseaux au rythme très soutenu dont nous avions pris l'habitude en 2019. Un certain nombre de dispositions ont néanmoins été prises pour maintenir leur déploiement. Je pense en particulier à l'ordonnance du 25 mars 2020, qui a permis, pour la seule période d'urgence sanitaire, d'alléger les obligations pesant sur les opérateurs afin de permettre la réalisation des opérations de maintenance et ainsi assurer la continuité de fonctionnement des réseaux.
Des dispositions opérationnelles ont également permis de soutenir l'activité là où elle était nécessaire et de rebondir plus rapidement au moment de la reprise. Je pense au guide des bonnes pratiques sanitaires établi avec les fédérations pour l'ensemble des travaux publics et à la plateforme de signalement mise à la disposition des opérateurs rencontrant des difficultés de déploiement liées à des contraintes administratives. Je pense aussi à des signalements effectués auprès d'Enedis. Il est indispensable de s'assurer que le raccordement électrique du pylône puisse avoir lieu, pour qu'il puisse fonctionner.
Si, durant la crise sanitaire, les réseaux ont tenu et si les déploiements se sont poursuivis, l'activité n'a aucunement été la même qu'auparavant. C'est la raison pour laquelle notre rôle consiste aujourd'hui à permettre d'aller encore plus vite dans le déploiement. C'est la raison pour laquelle je suis résolu à maintenir une très forte pression dans le tube, c'est-à-dire à ne pas balayer d'un revers de main les calendriers contraignants qui avaient été définis mais au contraire à considérer que, par défaut, ils doivent prévaloir. Si retard il y a, ce retard doit être justifié et nécessaire, pour reprendre les termes que vous avez employés. De nombreux engagements ont été pris par les opérateurs vis-à-vis du gouvernement, tant en matière de fixe que de mobile, que ce soit sur le fondement de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques ou dans le cadre des contrats de réseaux d'initiative publique (RIP) qui ont été passés.
Des aménagements ont été apportés puisque les ordonnances prises pendant la crise ont permis de décaler les pénalités de retard de la durée de la période de crise sanitaire, accrue d'un mois. Cela vaut donc pour les engagements pris dans le cadre des RIP. J'ai réuni hier avec Jacqueline Gourault et Agnès Pannier-Runacher le comité de pilotage, au sein duquel sont représentés l'ensemble des associations d'élus, les opérateurs de téléphonie et les opérateurs de RIP, autour d'un message clair : pour la fibre comme pour le mobile, les engagements pris sur le fondement de l'article L. 33-13 doivent en principe être maintenus et tout décalage doit être justifié.
J'ai demandé à l'ensemble des opérateurs de nous transmettre des informations sur l'avancée du New Deal, et notamment de son dispositif de couverture ciblée, dont les 485 premiers pylônes devaient être déployés avant la fin juin. Les opérateurs devront nous indiquer, dans un délai de quinze jours, l'état d'avancement de ces déploiements, les retards constatés et plus spécifiquement les retards dont les raisons n'incombent pas aux opérateurs. Ces situations peuvent se produire. Nous en avons tous des exemples en tête. Nous pourrons ainsi définir un échéancier très précis avec l'Arcep. Si l'échéance du 30 juin devra sans doute être décalée dans certains cas, les décalages devront être dûment justifiés.
S'agissant du déploiement des réseaux fixes et des engagements en zone AMII au titre de l'année 2020, les deux principaux opérateurs concernés - Orange et SFR - doivent effectuer le même travail d'ici la mi-juin. Notre main ne tremblera pas. Je suis reconnaissant envers les opérateurs pour le travail effectué, y compris durant la période d'urgence sanitaire. Ceci ne peut toutefois conduire à utiliser le Covid-19 comme prétexte pour justifier d'éventuels décalages. Si décalage il y a - ce qui peut être compréhensible -, il doit être justifié et ses raisons devront être exposées.
Concernant la fibre, il est très difficile de disposer de données précises quant au rythme de déploiement actuel. Il s'agit de données empiriques. Selon les données présentées hier en comité de pilotage, tous les opérateurs souhaitent reprendre les déploiements au rythme exceptionnel qui prévalait en 2019. L'année 2020 sera naturellement marquée par un impact majeur et les déploiements seront sensiblement inférieurs à ce qui était escompté. Je crois que chacun le comprend. Nous souhaitons renouer le plus vite possible et en tout état de cause avant la fin de l'année retrouver le rythme de déploiement soutenu qui était constaté avant la survenue de la crise.
À titre de comparaison, dans le BTP, 80 % de l'activité était suspendue durant la première période de la crise sanitaire, c'est-à-dire pendant la période de confinement. Il y a trois semaines ou un mois, 30 % des chantiers avaient repris. Il y a quinze jours, 50 % des chantiers avaient repris. Il y a une semaine, ce taux était de 72 %. De nombreux chantiers n'ont pas repris à 100 % de leur activité mais la reprise existe et l'envie est présente. La situation est comparable concernant le déploiement de la fibre.
Nous devons continuer de soutenir cette reprise. Nous avons soumis deux propositions aux opérateurs. Il s'agit d'abord de la possibilité de recourir au Fonds de solidarité numérique (FSN) en disposant d'avances à ce titre. Il s'agit souvent d'un élément très important, pour les sous-traitants des opérateurs. N'oublions pas ce tissu de PME et ETI qui participent elles aussi à l'activité et qui sont fortement impactées. Il s'agit par ailleurs d'élargir l'accès au guichet de cohésion numérique, permettant de donner un soutien de 150 euros aux Français non-couverts par les réseaux filaires, pour leur permettre de s'équiper en « bon » haut débit via des technologies sans fil. Nous avons créé il y a environ un an ou un an et demi ce guichet, qui n'est pas utilisé autant qu'il pourrait l'être. Aussi proposons-nous d'élargir son utilisation, selon des critères à définir, afin d'aller plus loin et ainsi tenir l'engagement souhaité par le Président de la République, celui du « bon » débit pour tous en 2020, par le filaire ou par les technologies hertziennes. Nous réaffirmons cet objectif.
S'agissant du mobile, le New Deal avance et je ne voudrais pas que les difficultés liées au déploiement des pylônes du dispositif de couverture ciblée constituent le seul critère d'appréciation de ce vaste plan, qui contient nombre d'autres mesures. Il prévoit aussi le passage des anciennes technologies (2G et 3G) aux nouvelles technologies (4G). L'engagement des opérateurs prévoit de faire passer, d'ici fin 2020, 99 % de leurs pylônes à la 4G. Ce taux est à ce jour de 86 %, ce qui veut dire que de nombreux pylônes sont passés à la 4G. Ce changement fut massif, perceptible et s'est avéré très précieux durant la période de confinement.
Nous avons d'ores et déjà notifié 1 361 sites à couvrir au titre de la couverture ciblée. Sous le précédent quinquennat, le plan mobile ne contenait ni de volet relatif à la généralisation de la 4G sur les sites existants, ni de volet relatif à la couverture des axes routiers, également prévue par le New Deal. Il ne prévoyait qu'une couverture ciblée du territoire, avec en tout et pour tout un objectif de déploiement de 600 pylônes, dont un faible nombre a été effectivement réalisé puisqu'un certain nombre d'entre eux ont finalement été inclus dans le dispositif New Deal que nous avons proposé. Aujourd'hui, 1 361 sites sont déjà en cours de traitement. J'ai signé, juste après le début de la période de confinement, l'arrêté pour 2020, qui ajoutera 480 sites aux 1 361 sites, soit environ 1 800 sites en cours de couverture en trois ans. Nous allons poursuivre l'effort à raison de 600 à 800 nouveaux sites pour lesquels les travaux de couverture débuteront chaque année. Je n'ai pas encore publié cet arrêté puisque cette publication ferait courir l'obligation, pour les opérateurs, de couvrir le site en deux ans, ou en un an si la collectivité locale met le terrain à la disposition de l'opérateur. Cet arrêté paraîtra dans les prochains jours. Nous aurons alors 1 800 sites en cours de traitement.
En ce qui concerne la planification pluriannuelle, que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, rappelons que la nouvelle Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), entrée en fonction le 1er janvier, a été construite notamment autour de la mission France Mobile, qui repose sur une logique de projet, au service des collectivités territoriales. L'ANCT a vocation à accompagner les collectivités afin de leur apporter l'ingénierie dont elles ont parfois besoin. L'enjeu réside parfois dans la disponibilité des financements. Il nous faut en tout cas prendre ce sujet à bras-le-corps.
Sur les 1 361 pylônes que j'évoquais, 485 doivent entrer en fonctionnement avant la fin du mois de juin. Du fait de la période de confinement, ce nombre ne pourra être atteint. Comme je l'indiquais, tout décalage devra être justifié et nécessaire. 120 pylônes ont déjà été activés, dont 52 durant la période de confinement. Ce nombre peut paraître assez éloigné de l'objectif de 485 pylônes. Il faut cependant rappeler que, dans ces projets, c'est généralement à la fin de la période que le pylône est monté et livré. De nombreux projets étaient en phase finale. Il restait à effectuer la livraison et le montage final, ce qui était prévu au cours des deux premiers trimestres de l'année 2020.
Le numérique doit naturellement constituer un élément majeur de la reprise. Personne ne comprendrait que sa massification et ses usages ne soient pas au centre des dispositions que nous prenons pour favoriser la reprise et la relance de l'activité économique de notre pays.