Intervention de Julien Denormandie

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 26 mai 2020 à 17h00
Répercussions de la crise du covid-19 sur l'aménagement numérique du territoire — Audition de M. Julien deNormandie ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales chargé de la ville et du logement

Julien Denormandie, ministre :

Je reviendrai d'abord sur les moyens du FSN. 280 millions d'euros peuvent déjà être engagés pour le déploiement de la fibre dans les réseaux d'initiative publique. Le cahier des charges a été publié le 20 février et les réponses doivent être reçues avant le 15 septembre.

Les objectifs - un « bon » haut débit pour tous en 2020 et le très haut débit pour tous en 2022 - sont effectivement maintenus. En 2020, le mix technologique fait notamment une place aux technologies hertziennes.

Je vous remercie, M. Dantec, pour votre question qui me donne l'occasion de mettre en exergue une politique publique qui me tient beaucoup à coeur, que nous avons lancée fin 2019 avec Jacqueline Gourault, à l'issue d'un long travail conjoint. Elle vise à diffuser très largement et à démultiplier les tiers lieux, c'est-à-dire les espaces de coworking. Nous avons lancé la création de 300 tiers lieux supplémentaires, dont 150 dans les quartiers prioritaires de la ville. Un appel à manifestations d'intérêt est en cours afin de permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de bénéficier de financements ad hoc. Nous avons créé une sorte de fédération des tiers lieux. Ces dispositifs étaient peu mis en avant antérieurement à la crise du Covid-19 alors qu'il existe de très nombreux lieux de cette nature dans notre pays. Peut-être leur besoin ne se faisait-il pas ressentir avec la même acuité qu'aujourd'hui. Patrick Lévy-Waitz, qui a notamment présidé la fondation Travailler Autrement, avait notamment été mandaté par mes soins, il y a deux ans, pour travailler sur ces questions.

M. Gontard, je voudrais d'abord vous faire part de ma satisfaction au vu des chiffres publiés ce matin quant aux constructions de logements pour la période allant de mars 2019 à février 2020 : les autorisations de construction augmentent de 10 % et les mises en chantier de locaux non résidentiels de 8 %. Ces chiffres étaient déjà positifs en fin d'année 2019. Je me bats depuis de nombreux mois pour que la confiance revienne dans le domaine du logement et que la construction reparte. Cette tendance s'est affirmée durant plusieurs mois, avant que la crise du Covid-19 ne survienne. Celui-ci aura à l'évidence des conséquences très significatives sur les chiffres de construction. La politique de logement que nous avons engagée, dans une optique de court et de moyen terme, commençait néanmoins à porter ses fruits, comme en témoignent ces chiffres.

Nous avons effectivement dû décaler de quelques mois la RE2020, non par manque d'ambition : la crise renforce encore, si besoin en était, la pertinence de cette réglementation. Les consultations que nous avions lancées juste avant la période de confinement n'ont pu être poursuivies durant celle-ci. Il s'agit de consultations assez complexes qui requièrent la tenue d'un certain nombre de réunions. La RE2020 demeure à mes yeux un objectif politique majeur. Nous la mènerons à terme avec toute l'ambition requise. Il m'importe particulièrement de faire en sorte que nous prenions l'ensemble du cycle de vie des matériaux pour favoriser par exemple la construction en bois, la construction biosourcée ou l'innovation, à travers des matériaux proposés par les acteurs du BTP.

Nous n'avons pas d'estimations chiffrées en matière d'impayés de loyers. Nous n'avons que des données empiriques que nous nous efforçons de consolider. L'Agence nationale information logement (ANIL), qui réalise un travail formidable, reçoit deux à trois fois plus d'appels en avril 2020, par rapport au mois de janvier, étant entendu que la plateforme que nous avons créée avec l'ANIL n'existait pas en tant que telle. Je ne suis donc pas en mesure de vous indiquer la part des appels résultant de notre communication sur la mise en place de cette plateforme et manie ces chiffres avec beaucoup de précautions. La crise a, à l'évidence, un impact sur la capacité de nombreux ménages à payer leurs factures. J'y inclus les factures du logement parmi de nombreuses autres factures car, pour de nombreuses familles, il s'agit d'une des factures que l'on paie coûte que coûte, quitte à faire des sacrifices par ailleurs, en se résolvant parfois à faire la queue pour obtenir une aide alimentaire, alors qu'on n'aurait jamais imaginé le faire, dans le souci de préserver son logement. Une aide exceptionnelle a été versée le vendredi 15 mai à plus de quatre millions de familles. Il faut également rappeler la création de cette plateforme dédiée aux impayés de loyer et la mise en place de structures avec les bailleurs sociaux. Nous avons mis en place des lignes de financement à leur intention, afin qu'ils puissent procéder à des étalements, dans une politique d'accompagnement individualisé, au cas par cas.

Monsieur le président Maurey, je n'ai aucunement voulu minimiser l'importance de la couverture ciblée. Je me suis battu dès le premier jour pour que l'État fasse évoluer le paradigme même des enchères, tant j'étais animé par la conviction de cette inégalité dans le déploiement au détriment des territoires les moins denses et les plus ruraux. La façon dont le système fonctionnait suscitait des plaintes ; nous étions nous-mêmes à l'origine de ces dysfonctionnements car les enchères n'intégraient pas suffisamment les enjeux d'aménagement du territoire. J'ai simplement indiqué que la couverture ciblée n'était qu'un volet du New Deal qui ne devait pas occulter d'autres volets très importants, comme la généralisation de la 4G sur les sites existants. Je vous confirme que la couverture des territoires les plus ruraux constitue la priorité des priorités.

Mme Filleul, il existe deux règles en matière de délais forfaitaires. La règle contractuelle fixe à trois mois et demi le délai maximum permis dans les contrats au titre des pénalités de retard. Les engagements pris devant l'Arcep doivent-ils tenir compte de ce délai ou devons-nous être encore plus vigilants ? Si, au titre des contrats, les ordonnances permettent un décalage maximum de trois mois et demi, je crois qu'il n'est pas justifié de décaler de trois mois et demi tous les projets conduits au titre des engagements pris devant l'Arcep sur le fondement de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux opérateurs des retours étayés, d'ici mi-juin, tant pour le New Deal que pour le déploiement de la fibre. Nous pourrons ainsi livrer ces éléments à la connaissance de l'Arcep et décider des délais supplémentaires qui seront octroyés aux opérateurs dès lors que ces délais sont justifiés et nécessaires.

La proposition de fonds de filière, portée notamment par Étienne Dugas, que je salue, a trait aux enjeux de souveraineté puisqu'elle renvoie à des prises de participation dans le capital de certains acteurs. L'une des questions posées vise à déterminer si nous devons, dans le cadre des stratégies de filière, créer des fonds d'investissement qui pourraient notamment être portés par Bpifrance. Etienne Dugas a fait cette proposition lors d'une réunion à laquelle participait Patrick Chaize, il y a une dizaine de jours, en présence de Cédric O. Celui-ci s'est engagé vis-à-vis d'Etienne Dugas à examiner cette proposition avec Bpifrance.

Vous prêchez un convaincu au sujet de l'exclusion numérique. L'illectronisme touche près de 13 millions de nos concitoyens. Des initiatives ont été prises, à l'image du Pass numérique ou des maisons France Services, structures que nous encourageons fortement avec Jacqueline Gourault, et qui permettent d'accéder à des formations. Souvent, à travers la politique de tiers lieux que j'évoquais, nous essayons de créer des infrastructures d'accueil, qui comprennent un espace de coworking et un espace de formation. Cédric O y consacre beaucoup d'énergie, comme l'avait fait Mounir Mahjoubi lorsqu'il était chargé de ces dossiers. Ce sujet des usages revient de plus en plus fréquemment, ce qui n'était pas du tout le cas lorsque j'ai pris mes fonctions il y a trois ans. Les questions qui m'étaient posées, en audition, ne portaient alors que sur les réseaux. Cette évolution montre aussi que nous avons considérablement avancé sur les réseaux. Il est évident que si le TGV passe au bout de votre jardin mais que vous ne pouvez monter dedans, cela n'a pas beaucoup d'intérêt. 13 millions de nos concitoyens sont dans ce cas. Nos politiques publiques doivent prendre d'autant plus d'ampleur, face à cet enjeu d'inclusion numérique, que le numérique a démontré toute son utilité au cours de la période que nous vivons.

M. Bérit-Débat, j'ai apporté une réponse à la question du retard. Il n'est pas question qu'il y ait des retards de douze mois. Contractuellement les retards sont limités à trois mois et demi. Dans les faits, nous sommes en train d'établir des dispositions avec l'Arcep. Tous les retards éventuels devront être étayés et justifiés.

Je n'ai pas de réponse à propos de la transposition du code européen. Cette question n'est pas suivie par mon ministère. Je vous apporterai cette réponse.

Le vandalisme prenant pour cible les pylônes devient en effet un sujet récurrent. L'opérateur TDF nous indiquait hier en comité de pilotage qu'il avait subi davantage d'actes de vandalisme, au cours des derniers mois, que durant toute l'année précédente. Ce constat met en évidence un besoin d'explication et de pédagogie. Il ne peut que conforter la nécessité de la consultation que j'évoquais tout à l'heure. Nous devons aussi déployer des efforts de préservation et de sécurisation de ces sites. Il ne s'agit évidemment pas de placer des forces de l'ordre à proximité de chaque pylône. Des dispositions peuvent néanmoins être envisagées avec les collectivités locales afin d'empêcher ces actes de vandalisme, que je condamne fermement. J'ai la même préoccupation que vous sur ce sujet.

- Présidence de M. Patrick Chaize, vice-président - 

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