… comme si les dispositifs existants ou les nouveaux dispositifs que vous nous proposez ne pouvaient s’appliquer sans que soit rédigé un nouveau texte de loi !
Je note d’ailleurs, madame la ministre, que la commission des affaires économiques a entrepris de réécrire presque totalement votre texte, en adoptant pas moins de 120 amendements. J’ai bien entendu tout à l’heure M. Braye souligner très sévèrement les lacunes de ce projet de loi. M. Dallier et Mme Bout ne se sont guère montrés plus tendres.
Je voudrais d’abord, si vous le permettez, madame la ministre, revenir sur quelques-unes des occasions que vous avez manquées si vous vouliez vraiment faire de ce projet de loi le signe d’une véritable mobilisation pour le logement.
Vous disposiez, madame, d’une base solide ; les rapports remis au Premier ministre par le député des Yvelines, Etienne Pinte, membre de votre majorité, auraient pu avantageusement inspirer vos travaux. Il n’en a rien été, or ce travail relevait d’une véritable ambition.
J’ai évoqué tout à l’heure la proposition consistant à fixer, pour les nouvelles constructions, l’objectif de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, à 30 % de logements sociaux, dont un tiers de logements très sociaux en prêt locatif aidé d’intégration ou PLAI. Je rappelle que M. Pinte n’est pas député du parti communiste, du parti socialiste ou des Verts mais qu’il fait partie de l’UMP.
Votre gouvernement n’a eu de cesse, ces derniers jours, d’en appeler à l’union nationale. Si vous aviez repris à votre compte les ambitions de M. Pinte, nous aurions pu, sur ce sujet tout particulièrement, l’envisager.
Hélas, vous n’en avez rien fait, comme vous n’avez rien fait pour vous appuyer sur le travail des associations, dont je veux ici – cela n’a pas été fait suffisamment ce soir - saluer l’engagement et la connaissance précise des enjeux.
Vous avez choisi de ne pas les écouter et de naviguer seule. Cela donne des résultats étonnants comme cette énième tentative de revenir, une fois encore, sur l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Loin de satisfaire à quelque ambition que ce soit de « grande mobilisation pour le logement », l’article 17 de votre projet de loi rouvre, encore une fois, cette grande bataille idéologique à laquelle vous tenez tant. Mais ce qui est assez étonnant, c’est l’argumentation utilisée pour ce faire.
Vous nous proposez d’intégrer à l’objectif de 20 % les logements en accession à la propriété. Mais que nous dit le rapport de la commission des affaires économiques sur ce point ?
« Selon les données communiquées par le ministère du logement, 2 197 agréments PSLA auraient été délivrés en 2007 ». La commission, dans ce même rapport, précise que « 995 agréments avaient, pour leur part, été accordés en 2005 et 1 476 en 2006 […] S’agissant des Pass-Foncier - poursuit la commission – […] ce type de logements ne concernait que 3 000 opérations en 2008-2009. » Donc, en tout et pour tout, un grand maximum de 4 500 logements par an seraient concernés par les dispositions de l’article 17 de votre projet de loi.
Je ferai mienne la conclusion du rapporteur, qui se demande « s’il est bien opportun de relancer un débat de fond sur l’article 55 pour des ordres de grandeur aussi modestes ».
Est-ce là, madame la ministre, le pragmatisme dont vous vous réclamiez tout à l’heure ?
Le pragmatisme, ce serait évidemment de ne pas revenir sur les objectifs de la loi SRU, sinon pour aller plus loin.
Le pragmatisme, ce serait de ne pas détricoter tous les deux ans les dispositifs existants.
Le pragmatisme, ce serait non pas d’empiler les lois les unes sur les autres, mais de faire preuve, enfin, de constance et de cohérence dans la mobilisation et l’engagement de l’État, et de garantir aux acteurs de terrain le minimum de stabilité réglementaire sans lequel il est tout bonnement impossible de travailler correctement.
Et, s’il fallait vraiment une loi, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure, le pragmatisme aurait consisté à consacrer la place des collectivités locales comme acteurs majeurs de la mobilisation pour le logement. Or celles-ci sont étrangement absentes de ce projet de loi.
Le pragmatisme, enfin, ce serait de voir, et de reconnaître, que la crise qui affecte l’économie mondiale a rendu obsolète votre projet de loi.
Nous vivons aujourd’hui une crise financière dramatique dont les effets sur l’économie française commencent à peine à se faire sentir, une crise dont nous pressentons qu’elle aura des conséquences importantes sur nos concitoyens, sur leur emploi, sur leurs conditions de vie, sur leur pouvoir d’achat. C’est un devoir que de les protéger au maximum des effets de cette crise.
La politique du logement peut et doit y contribuer, garante du droit vital d’un accès au logement pour tous, logement qui représente au minimum un quart du budget de nos concitoyens.
Même si, à l’évidence, la crise du logement est bien antérieure à la crise financière, ce contexte de récession ne peut que l’aggraver. Je pense évidemment à l’assèchement des liquidités des banques et aux restrictions des prêts à l’accession. Tout cela ne risque pas d’encourager l’investissement des ménages dans des logements qui coûtent déjà 140 % plus cher qu’il y a seulement cinq ans !
Comme vous le reconnaissez vous-même, les banquiers ne prêtent plus aux ménages désireux d’accéder à la propriété. Alors, au vu d’un horizon qui s’annonce plus difficile encore, pourquoi persister à vouloir faire adopter un texte qui a été préparé en dehors de toute considération pour ces facteurs économiques récents ?
La crise que nous connaissons aujourd’hui est en outre bien plus profonde qu’un simple krach financier. Elle appelle des réponses de long terme autrement plus fortes qu’un simple rafistolage du système actuel. Ces réponses de long terme doivent commencer aujourd’hui, dans la capacité des gouvernements à engager des réorientations budgétaires réelles, pariant enfin sur le long terme, centrées sur la satisfaction prioritaire des besoins sociaux élémentaires.
J’ai évoqué tout à l’heure la politique des transports ; la politique du logement doit, elle aussi, bénéficier de moyens budgétaires exceptionnels quand notre pays sait mobiliser, en quarante-huit heures, 40 milliards d’euros pour recapitaliser le secteur bancaire.
Chaque fois que vous avez annoncé une nouvelle mesure censée participer à la lutte contre la crise du logement, ou contre les effets de la crise financière, ce n’était que pour ponctionner soit nos partenaires sociaux - les contributeurs du 1 % -, soit l’épargne populaire et solidaire - le livret A, dont la vocation est le financement du logement social -, soit les organismes d’HLM, dont une partie significative sera concernée par un prélèvement total de 50 millions à l00 millions d’euros. Ce ne sont pas, comme l’a exprimé l’Union sociale pour l’habitat, forcément des sommes « dormantes ».
Une seule remarque suffit pour évaluer ce projet de loi de « mobilisation pour le logement » : l’État est totalement absent de la mise en œuvre du texte ! Pas un seul euro ne sera mis sur la table.
Vous ne cessez de déclarer, comme vous l’avez fait très récemment lors des rencontres nationales de l’ANAH, que le budget de la mission « Ville et Logement » pour 2009 n’est pas en diminution : c’est faux ! La vérité est que l’État va se désengager des missions qui lui incombent en ponctionnant largement nos partenaires. Les 800 millions d’euros du 1 % que vous vous apprêtez à affecter autoritairement à l’ANAH et à l’ANRU représentent 250 millions d’euros de plus que ce que l’État entend investir en 2009 dans les aides à la pierre.
À qui espérez-vous faire croire que ce tour de passe-passe suffira ? Réduire, d’un côté, l’investissement de l’État et le « compenser », d’un autre côté, par un hold-up organisé des partenaires de cette politique prioritaire, c’est bien tenté.
Mais expliquez-nous alors comment les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et les offices d’HLM pourront continuer d’assurer leurs missions ? Ils vont subir de plein fouet vos restrictions budgétaires tout en se voyant chargés de nouvelles missions, sans que vous ayez, à aucun moment, pensé à leur rembourser votre dette ?