Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 mai 2020 à 17h05
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères : point de situation internationale en téléconférence

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Oui, la situation nous préoccupe, et la ministre des outre-mer a évoqué la question ce matin même en Conseil des ministres. Avec Mayotte, c'est la plus grande difficulté que nous ayons outre-mer.

Au Venezuela, la crise pandémique s'ajoute à la crise politique et migratoire. Nous avons tenu hier une conférence de financement pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens, organisée par l'Espagne, avec la contribution de la France, qui a mis en valeur la mobilisation autour de ces réfugiés, notamment dans les pays voisins, avec un appui du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations. La situation politique ne change pas, et nous avons eu un épisode un peu compliqué avec l'opération dite « Gédéon », qui a consisté en une tentative de coup d'État pour renverser le président Maduro, apparemment organisée par un ancien marine américain. Nous sommes décidés à poursuivre nos actions pour permettre une sortie politique de cette crise. Sous la responsabilité de son Haut Représentant, l'Europe organise un groupe de contact avec plusieurs pays d'Amérique du Sud pour essayer d'aboutir à une solution politique et à des élections libres. Pour l'heure, les solutions de compromis ne sont pas très avancées.

En ce qui concerne notre ambassadeur à Caracas, j'ai été amené à plusieurs reprises à convoquer l'ambassadeur du Venezuela à Paris pour lui faire part de mes observations. Je n'en dirai pas plus.

Je ne suis pas d'accord avec vous, madame Perol-Dumont, sur le scénario que vous évoquez autour des services secrets et de l'agenda que vous mentionnez. Je m'en tiens aux faits qui sont portées à ma connaissance, et non pas aux supputations qui sont portées à la connaissance d'autres. Or les faits qui sont portées à ma connaissance, c'est que le 31 décembre il y a eu une première référence à l'hypothèse d'un cas de cette maladie à Wuhan, et qu'un article a été publié dans la presse taïwanaise le 2 janvier sur un autre cas. À l'époque, personne n'imaginait que ces deux cas étaient le début d'une pandémie. Puis les autorités chinoises ont fait une déclaration publique mi-janvier pour souligner la gravité de la situation, ce qui a abouti à ce que nous évacuions nos ressortissants de Wuhan, où le confinement a été décrété le 23 janvier. Nous avons organisé des retours de ressortissants par deux vols, ce dont j'assume totalement la responsabilité. Nous avons confiné les personnes rapatriées dans le sud de la France pendant quinze jours, avant qu'ils ne retournent à leur domicile. Il n'y a rien d'autre à dire à ce jour.

Nous sommes préoccupés par l'adoption prochaine par l'Assemblée nationale populaire chinoise d'une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, d'autant que cette loi s'appliquerait sans l'accord du Parlement de Hong Kong. Nous avons protesté par une déclaration commune des 27 États membres de l'Union européenne, parce que nous craignons que ces mesures ne soient des remises en cause de l'état de droit et des libertés fondamentales garanties par la loi fondamentale de Hong Kong qui date de 1997. Nous avons rappelé notre attachement au principe « un pays, deux systèmes ». Nous craignons qu'à Hong Kong les manifestations ne reprennent.

Nous nous en tenons à la politique d'une seule Chine, et n'avons donc pas de relations diplomatiques avec Taïwan. Nous sommes favorables au dialogue et à la coopération entre les deux rives du détroit de Taïwan. Nous avons bien noté les positions qui ont été prises par Mme Tsai, renouvelée à la présidence de Taïwan. Quant à l'accord sur les frégates, nous sommes fidèles à l'échange de lettres que nous avons eu avec les autorités chinoises en 1994, qui précise les conditions dans lesquelles nous avons clos toute une série de relations militaires avec Taïwan. Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas en rupture avec cet échange de lettres.

S'agissant de la Cisjordanie, nous sommes très clairs sur le fond : nous souhaitons que les autorités israéliennes ne mettent pas en oeuvre cette initiative, nous agissons pour que ce ne soit pas le cas, nous souhaitons que tous les acteurs qui peuvent les dissuader d'agir ainsi le fassent, mais si d'aventure c'était le cas, nous avons dit publiquement que ça ne pourrait pas rester sans réponse.

Un certain nombre de nos compatriotes prennent leurs vacances en camping-car tous les ans au Maroc ; ils ont leurs habitudes et c'est très bien ainsi. Il se trouve que le 13 mars dernier, les autorités marocaines ont fermé leurs frontières, interdit les vols, fermé l'espace aérien et même fermé des aéroports en nous prévenant certes, mais la veille pour le lendemain, parce qu'il y avait urgence. Nos compatriotes se sont donc trouvés coincés et nous avons dû organiser un pont aérien avec 200 vols rien que pour le Maroc entre le 13 mars et la fin mars, chaque vol étant soumis à une autorisation des autorités marocaines. Nous avons pu ramener 30 000 de nos compatriotes à ce moment-là dans une France confinée.

Quand on est à Agadir, dans un camping-car, on peut attendre un peu, d'autant plus que l'Espagne avait fermé ses frontières. Mais maintenant, nos compatriotes nous disent qu'ils veulent rentrer, et je les comprends. Nous avons donc affrété trois liaisons maritimes de Tanger Med à Sète au cours des derniers jours, plus une hier et une aujourd'hui, et il va y avoir une rotation très importante la semaine prochaine vers Sète, Marseille et Malaga. Les campings-caristes qui arriveront à Malaga auront le droit de traverser l'Espagne après un accord que j'ai obtenu avec les autorités espagnoles, à condition de ne pas quitter l'autoroute, y compris la nuit. En tout, il y aura eu huit traversées qui permettront, je pense, de régler le problème des camping-caristes. Les déplacements sont encore totalement interdits au Maroc, comme ici pendant le confinement et pour se déplacer, il faut une autorisation du consulat de France ; même chose quand on prend l'avion. Il faut le comprendre lorsqu'on proteste contre les agents du ministère.

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