Nous sommes très heureux de nous retrouver dans notre salle de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour vous accueillir, monsieur le ministre, car nous avons l'impression que la vie reprend ! Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion par téléconférence.
Avant la crise du Covid, la situation du monde était alarmante : recul du multilatéralisme, jeu exacerbé des puissances, avec une tentation croissante du recours à la force et au fait accompli, remise en cause du modèle des démocraties libérales, émergence d'une menace climatique globale.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la très grave crise que nous traversons a fait empirer les choses sur à peu près tous les plans. Certaines lignes de force s'accentuent, d'autres apparaissent presque soudainement : ce sont ces bouleversements que nous voulons analyser avec vous aujourd'hui.
L'aggravation des crises, c'est d'abord la situation au Sahel. Le choc épidémique que nous redoutions pour l'Afrique ne s'est, pour le moment, pas produit. Mais sur les plans sécuritaire et économique, le continent n'est pas épargné : partout le terrorisme se durcit. La dynamique du sommet de Pau, qui avait apporté un espoir, va-t-elle résister à la crise du Covid ?
On pense aussi au Levant et au Moyen-Orient, entre une menace terroriste qui se reconstitue, la poursuite par le régime de Damas et ses soutiens du travail de reconquête de l'ensemble du territoire, et de très graves inquiétudes sur le conflit israélo-palestinien, que nous avions évoqué ensemble le 3 mars dernier, avec une perspective d'annexion de la Cisjordanie dont vous avez déclaré qu'elle ne pourrait nous laisser sans réaction : quelle sera donc la réponse de la France ?
L'aviation russe intervient en Libye : va-t-on de plus en plus vers un scénario « à la syrienne » dans ce pays ?
Face à cette montée continue des périls, et au choc de la crise, l'Europe a fait la démonstration de son impuissance et de ses divisions, au moins dans les premiers temps. La France oeuvre à structurer désormais une réponse plus forte et mieux coordonnée de l'Union : où en sommes-nous, quels sont les points de blocage et comment les surmonter ? Quand et comment les frontières vont-elles rouvrir ? Nous sommes pessimistes quant aux chances de succès des négociations entre Michel Barnier, que nous recevrons prochainement, et le Royaume-Uni ; l'affaire de la quarantaine est désolante. Quel est votre pronostic pour le prochain « round » de négociations ?
Enfin, on constate que la confrontation entre les États-Unis et la Chine continue de prendre de l'ampleur. Certains évoquent maintenant une nouvelle guerre froide : est-ce exagéré ? Jusqu'où peut aller cette tension ? Et surtout, quel rôle pour la France et l'Europe dans un monde qui pourrait redevenir bipolaire ?
Je suis ravi de vous retrouver pour notre deuxième rencontre en cette période de crise sanitaire.
Vous avez évoqué l'aggravation des crises, monsieur le président. Pour résumer la situation, on peut dire que, pendant la pandémie les crises, continuent, voire s'aggravent. Les rivalités et les stratégies de puissance se maintiennent et continuent même par d'autres moyens. J'avais eu l'occasion de dire qu'il faudrait éviter que le monde d'après soit le monde d'avant en pire, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas... Pour échapper à ce scénario, en particulier dans le contexte de confrontation majeure qui a opposé au cours des dernières semaines les États-Unis et la Chine, il faudrait que l'Union européenne ne soit pas prise en otage entre ces deux grandes puissances, et qu'elle affirme sa capacité d'initiative et sa souveraineté.
Je voudrais commencer par quelques observations sur l'Union européenne. Je ne partage pas totalement - une fois n'est pas coutume, monsieur le président ! - votre pessimisme sur la manière dont l'Union européenne a géré la crise.
On a certes pu constater un retard à l'allumage dû à trois paramètres.
Le premier, c'est que les questions sanitaires et les enjeux de santé n'ont jamais été au coeur des compétences de l'Union européenne.
Le deuxième, c'est que personne ne pouvait anticiper l'ampleur de la pandémie.
Le troisième, c'est que la pandémie s'est développée en Europe de manière progressive, touchant certains pays plus que d'autres et épargnant des États.
Néanmoins, j'estime que, depuis la fin du mois de mars, l'Union européenne a été au rendez-vous.
D'abord, elle a géré la crise, avec une aide budgétaire d'urgence de 3 milliards d'euros, avec la mobilisation immédiate des fonds structurels redirigés vers des dépenses d'urgence, avec des achats groupés de matériel de protection, avec 1 milliard d'euros d'investissement dans la recherche, avec les 750 milliards d'euros de rachats de dette par la Banque centrale européenne (BCE). On a aussi pu assister à l'assouplissement des règles relatives aux aides d'État et aux règles relatives au pacte de stabilité et de croissance - les sacro-saints 3 %.
Ensuite, des mesures ont été prises pour gérer les conséquences de la crise, en mobilisant 540 milliards d'euros sous forme de prêts, à la fois, pour les entreprises, avec le fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement de 100 milliards d'euros, pour les États, avec des lignes de crédits ouvertes sans conditionnalité dans le cadre du mécanisme européen de stabilité, et pour les salariés européens, avec le dispositif SURE, lequel permet de mobiliser 100 milliards d'euros pour aider à la mise en oeuvre du chômage partiel.
Nous en sommes maintenant à la troisième étape : préparer l'avenir et relancer l'économie. C'est dans ce cadre que le Président de la République et la chancelière allemande ont présenté le 18 mai dernier une initiative franco-allemande pour une réponse européenne, qui repose sur quatre piliers.
Le premier pilier est l'affirmation de la souveraineté européenne sur le terrain de la santé, avec notamment une volonté d'avoir des stocks stratégiques communs et des capacités d'achat et de production communes, d'assurer une coordination pour la recherche de traitements et vaccins, de mener des plans de prévention des épidémies.... Je le constate, on a peu parlé de ce premier objectif.
Le deuxième pilier, qui, lui, a été largement évoqué, repose sur la création d'un fonds de relance pour mettre en oeuvre une solidarité européenne face à la crise : 500 milliards d'euros seront financés par de la dette levée sur les marchés financiers par la Commission européenne. Cette somme devrait permettre de financer, via le budget européen, des dépenses budgétaires. La proposition franco-allemande se concentre sur les premières années du futur cadre financier pluriannuel 2021-2027. Mme Von der Leyen présente en ce moment même les nouvelles orientations proposées par la Commission.
Le troisième pilier porte sur l'accélération de la transition écologique et de la transition numérique, afin que l'Europe puisse, dans les années à venir, se différencier d'autres espaces économiques.
Le quatrième pilier, enfin, concerne le renforcement de la souveraineté économique et industrielle de l'Europe : il faut déterminer les biens qui ont pour nous une importance stratégique, identifier nos vulnérabilités, définir les secteurs où il faut affirmer notre propre souveraineté - je pense en particulier aux domaines sanitaire, alimentaire, mais aussi numérique.
La crise peut être un accélérateur de refondation pour l'Europe ; certaines « briques » qui se mettent en place pourront, je l'espère, permettre cette nouvelle donne.
J'évoquerai maintenant la question des frontières. Jusqu'à nouvel ordre, les frontières extérieures de l'espace européen sont fermées au reste du monde jusqu'au 15 juin prochain. L'espace européen comprend l'espace Schengen, les pays de l'Union qui n'en font pas partie et le Royaume-Uni. Comme la France est actuellement en période de déconfinement, nous demandons à nos ressortissants qui reviennent dans notre pays de s'imposer une quatorzaine, afin d'assurer la protection de leurs proches. Cette quatorzaine n'était pas imposée pendant le confinement parce que ceux qui rentraient devaient se confiner. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas, et c'est la raison pour laquelle cette mesure a été prise.
La fermeture des frontières ira vraisemblablement au-delà du 15 juin, et le dispositif de quatorzaine se poursuivra, peut-être de façon plus rigoureuse si d'aventure, d'ici à cette date, l'Union européenne identifie des pays à l'égard desquels il faut porter une vigilance particulière.
À l'intérieur des frontières de l'Union européenne, des États ont mené des politiques différentes en fonction de l'évolution de la pandémie. Certains pays ont subi la crise sanitaire plus tôt - je pense à l'Italie -, et ont donc connu un déconfinement plus précoce. D'autres ont été très peu touchés par la pandémie. On ne pouvait donc imaginer des règles générales : la coordination ne signifie pas l'uniformité. J'espère que nous pourrons aboutir à des assouplissements progressifs, en fonction des constats sanitaires. À partir du 15 juin, nous pourrons juger des effets de la nouvelle phase de déconfinement qui s'ouvrira le 2 juin.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur le président, nous appliquerons le principe de réciprocité à l'égard du Royaume-Uni, qui a décidé de changer de posture. C'était aussi le cas pour l'Espagne.
Le Président de la République a lancé, le 24 avril dernier, l'initiative mondiale ACT-A sur les diagnostics, les traitements et les vaccins, avec le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de nombreux partenaires, afin d'accélérer le développement de diagnostics, de traitements et d'un vaccin contre le Covid-19. Cette initiative majeure rassemble tous ceux qui peuvent contribuer à cette triple tâche essentielle : l'OMS, mais aussi les organisations financières internationales, les acteurs privés et les fonds multilatéraux, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), des fondations, l'industrie pharmaceutique. Cette initiative a été dotée de 7,3 milliards d'euros lors de la conférence des bailleurs du 4 mai dernier. La France y contribuera à hauteur de 510 millions d'euros.
Ces diagnostics, ces traitements, ce vaccin, nous ne nous battons pas seulement pour qu'ils voient le jour, mais aussi pour qu'ils deviennent des biens publics mondiaux, c'est-à-dire des biens accessibles à tous sans exception et que personne ne puisse prétendre s'arroger. Nous avons besoin d'un autre modèle économique et juridique que celui de la compétition. Il nous faut un modèle de collaboration précis, avec des règles du jeu que chacun devra respecter, y compris les acteurs privés.
C'est précisément le sens d'ACT-A et de ses quatre priorités : l'accès universel à un prix raisonnable du vaccin, des traitements et des diagnostics ; la production en quantité suffisante pour ne laisser personne de côté, et l'allocation des stocks en fonction des besoins prioritaires, et non du jeu des marchés ; l'utilisation optimale des ressources privées et publiques dans une logique de transparence ; le partage des savoirs et des savoir-faire.
L'OMS a tenu son assemblée plénière mondiale la semaine dernière. Nous devons faire bloc autour de cette institution, car elle est aujourd'hui la seule organisation de santé publique universelle dont nous disposons pour faire face à la pandémie. C'est l'outil à partir duquel nous devons travailler pour assurer une action mondiale dans le domaine de la santé, en particulier contre les pandémies et singulièrement contre le Covid-19.
Nous avons fait des propositions de réforme de l'OMS. Celle-ci doit affirmer son rôle normatif, avec des mécanismes de vérification pour garantir l'application réelle sur le terrain par les États du règlement sanitaire international. Elle doit aussi renforcer son rôle d'alerte, ce qui suppose de lui donner les moyens de vérifier de façon indépendante les informations sanitaires transmises par les États. Nous avons proposé de créer un haut conseil mondial sur la santé humaine et animale, qui serait chargé d'alerter les gouvernements et d'informer les sociétés, comme le fait le GIEC s'agissant du climat.
Il faut consolider les ressources financières de l'OMS afin qu'elle puisse être indépendante en termes de moyens de fonctionnement. À cet effet, la France versera une contribution supplémentaire d'au moins 50 millions d'euros, ce qui est important à un moment où les États-Unis ont décidé de renoncer à leur contribution volontaire.
Enfin, il faut accroître le rôle de l'OMS en matière de formation, notamment avec la création à Lyon d'une Académie de la santé.
L'assemblée générale a demandé la mise en oeuvre d'une évaluation indépendante, globale et impartiale de la pandémie - la délégation chinoise a donné son accord et les États-Unis ne s'y sont pas opposés.
Je dirai quelques mots de la situation de l'Afrique face à la pandémie. Le continent semble aujourd'hui davantage épargné que les autres, pour des raisons difficiles à identifier. Certes, on peut imaginer que la détection de la maladie est moins importante qu'ailleurs, mais cela n'explique pas le faible taux de pénétration, même si malheureusement la situation est inquiétante dans certains pays, comme le Cameroun, l'Égypte et l'Afrique du Sud.
La difficulté pour l'Afrique, c'est d'anticiper les risques et les conséquences humanitaires de la crise pandémique, liées à l'arrêt des lignes aériennes, au blocage des moyens de transports et à la fermeture des frontières.
Nous avons pris l'initiative, avec 18 dirigeants européens et africains, d'une mobilisation mondiale pour aider l'Afrique à affronter la crise dans toutes ses dimensions. Les enjeux sont les suivants : le soutien aux systèmes de santé nationaux, au travers de la mobilisation de l'aide bilatérale, à hauteur de 1,2 milliard d'euros pour la France ; l'appui à l'activité économique par des initiatives ambitieuses, comme le moratoire de 20 milliards d'euros sur la dette - nous espérons aller au-delà, avec des annulations de dettes et la mobilisation de droits de tirage spéciaux - ; la réponse humanitaire.
Sur ce dernier point, nous avons mis en place un pont humanitaire aérien européen pour acheminer des fournitures, des matériels et du personnel dans les pays les plus en difficulté. Un premier vol a eu lieu le 8 mai au départ de Lyon, avec notre soutien, à destination de la République centrafricaine. Une trentaine d'autres vols devraient suivre avec l'aide d'autres pays européens. Je me rendrai moi-même en République démocratique du Congo, les 8 et 9 juin, avec mon homologue belge.
Enfin, dernier enjeu, nous apportons un soutien à l'expertise scientifique africaine, notamment grâce à la mobilisation de nos agences de recherche et du réseau de nos dix Instituts Pasteur en Afrique.
Cet engagement aux côtés de l'Afrique est un devoir de solidarité, mais c'est aussi notre intérêt sanitaire commun, pour éviter une résurgence de l'épidémie.
J'évoquerai maintenant les crises qui sont au coeur de l'actualité. S'agissant du Sahel, je suis moins pessimiste que vous, monsieur le président, et que je ne l'ai moi-même été dans le passé.
Nous avons pu tenir en visioconférence une réunion avec les ministres de la défense et les ministres des affaires étrangères des cinq pays du Sahel il y a quelques jours. J'ai constaté la reprise des comités de suivi de l'accord de paix au Mali après cinq mois de suspension, ainsi que le redéploiement progressif des forces armées maliennes dans les régions du Nord, y compris à Kidal. Les élections législatives se sont tenues au Mali sans trop de contestation, malgré un contexte sécuritaire et sanitaire difficile.
La coordination entre Barkhane, la force conjointe du G5 et les armées nationales a été efficace dans le cadre de deux opérations qui ont été menées dans la zone des trois frontières. Dans cette zone, le rapport de forces a changé, ce qui est signe d'une victoire des forces du G5 sur les groupes terroristes. La Coalition pour le Sahel, dont le principe avait été décidé à Pau au mois de janvier dernier, se met en place.
On constate maintenant des rivalités entre les groupes terroristes - l'un étant lié à Al-Qaïda, l'autre à l'État islamique - à proximité de la zone des trois frontières. Mais, je le redis, le rapport de force est en train de changer, et la situation s'améliore.
Je n'oublie pas Soumaïla Cissé, le leader de l'opposition au Mali, enlevé depuis maintenant plus de deux mois alors qu'il était en campagne dans sa circonscription, et dont nous souhaitons la libération.
Quelques mots sur la Libye, sur laquelle je reste très pessimiste. Les combats se poursuivent. Un accord avait été conclu à Berlin, en présence de Mike Pompeo, du président Sissi, du président Erdogan, de la chancelière, du président Macron, du président algérien... La feuille de route supposait une trêve, un cessez-le-feu, un processus de dialogue inter-libyen et un dispositif économique permettant d'éviter que le pétrole soit bloqué et que les richesses de la Libye ne profitent à tel ou tel groupe. L'Union européenne devait également mettre en oeuvre un embargo sur les armes. Cet ensemble de mesures n'a pas été mis en place. Nous sommes face- je n'ai pas peur du mot - à une « syrianisation » de la Libye.
Le gouvernement d'union nationale est appuyé par la Turquie, qui « importe » sur le territoire libyen plusieurs milliers de combattants syriens ; l'autre côté, celui du maréchal Haftar, est soutenu, dans une moindre mesure parce que les forces sont moins nombreuses, par la Russie, qui « importe » elle aussi des combattants syriens, mais pas les mêmes. Ghassam Salamé, qui était le mandataire du secrétaire général des Nations unies, a dû arrêter ses fonctions pour des raisons personnelles et n'a toujours pas été remplacé.
Le Président de la République et moi-même parlons à toutes les parties pour essayer d'en revenir aux fondamentaux de Berlin, c'est-à-dire à l'accord de cessez-le-feu. Le comité militaire « 5 + 5 », qui regroupe 5 militaires représentant le maréchal Haftar et 5 militaires représentant le gouvernement, s'est mis d'accord sur les conditions d'un cessez-le-feu le 23 février dernier, mais celui-ci n'a pas été mis en oeuvre. Il faut aussi obtenir le déblocage des terminaux pétroliers et relancer le dialogue inter-libyen. Je m'entretiendrai la semaine prochaine avec les Italiens de l'évolution de la situation, car on ne peut pas imaginer une zone de conflictualité de ce type à 200 kilomètres des côtes européennes ! La situation est aujourd'hui très préoccupante.
J'en viens au Proche-Orient. Après une longue phase d'incertitude et trois élections législatives en un an en Israël, un accord politique a été trouvé entre les différentes forces. Le Premier ministre M. Netanyahu laissera sa place à M. Gantz dans 18 mois. Il existe une menace d'annexion partielle de la Cisjordanie, évoquée par M. Netanyahu il y a une dizaine de jours. Avec une grande partie de nos partenaires européens, nous avons indiqué que la mise en oeuvre d'une telle mesure ne pourrait rester sans conséquence sur les relations de l'Union européenne avec Israël. Selon nous, une annexion constituerait une violation de l'un des principes fondamentaux du droit international et remettrait en cause de manière irréversible la solution des deux États.
Je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, si d'aventure une initiative de ce type était prise, elle ne pourrait rester sans réponse - je n'en dis pas plus.
Je m'en tiens aux fondamentaux. Pour la France, il doit y avoir un cadre, le droit international. Notre pays ne reconnaîtra aucune modification des lignes de 1967, sauf celles agréées entre les parties par la négociation. Il doit y avoir une méthode, la négociation entre les deux parties au conflit : il importe donc de rouvrir les négociations avec les autorités palestiniennes. L'objectif, ce sont deux États viables vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontières sûres et reconnues et ayant chacun Jérusalem pour capitale.
Concrètement, nos efforts se déploient dans trois directions : des relations positives avec les Israéliens et les Palestiniens ; un travail avec nos principaux partenaires européens sur des messages dissuasifs coordonnés ; et un contact étroit avec les États arabes modérés, en particulier l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, qui a été à l'origine de l'Initiative de paix arabe en 2002.
Je terminerai en disant un mot de l'Irak, qui doit faire face à de nombreux défis : une crise sanitaire, dont l'ampleur semble heureusement contenue pour l'instant ; une crise économique, avec l'effondrement des prix du pétrole dont le pays est très dépendant ; les tensions entre les États-Unis et l'Iran, dont le pays est prisonnier ; une crise interne, après des mois de manifestations ; la poursuite de la lutte contre Daech, qui n'est pas terminée, comme le montrent les attaques des derniers jours. Daech a lancé des attaques dans les provinces de Salaheddine et Diyala, proches de sites pétroliers, faisant des morts parmi la Mobilisation Populaire et parmi les rangs des forces de sécurité irakiennes. Un nouveau gouvernement, celui de Mustafa Kadhimi, a enfin été formé, ce qui représente une opportunité pour l'Irak. Le Président de la République s'est entretenu avec M. Kadhimi, et lui a fait part de notre détermination à travailler avec lui pour contribuer à la sécurité et la stabilité de l'Irak, dans le plein respect de sa souveraineté.
Merci, monsieur le ministre, de ce tour d'horizon. Je donne la parole aux orateurs des groupes politiques.
Je voudrais revenir sur une nouvelle dénonciation d'un nouvel accord international faite par le président américain.
M. Trump nous a habitués à ses annonces, sur l'OMS, l'Iran... Mais je suis préoccupé par sa dénonciation du traité Open Skies, ou traité dit « ciel ouvert ». Cet accord a été difficile à mettre en place. Maintenant, il va falloir que les Russes suivent : vont-ils respecter leurs obligations ? Si ce n'est pas le cas, quid d'Open Skies ?
On connaît la position de la France, qui est celle des Européens. Le secrétaire général de l'OTAN a lui aussi lancé un appel. Que veut le président Trump ?
En Amérique du Sud, le Covid-19 se développe, en particulier au Brésil. La situation est grave et délicate. Un pays connaît en plus des problèmes politiques et de violence : le Venezuela. Que pouvons-nous faire ?
Monsieur le ministre, vous avez dressé un tableau extrêmement complet de la situation. Je voudrais obtenir des précisions sur quelques points.
Vous avez dit que personne ne pouvait anticiper la crise sanitaire dans son ampleur. Pour autant, si le Covid-19 a pris une grande partie de l'humanité par surprise, les services de renseignement mondiaux avait alerté sur cette épidémie. Ils ont cependant été largement peu écoutés, à telle enseigne que d'anciens hauts responsables de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) soulignent qu'il n'y a pas eu de défaillance de la part des services extérieurs français, mais bien plutôt un problème de définition et de prévoyance des politiques. Ne pensez-vous pas que, comme les attentats du 11 septembre avaient profondément modifié notre appréhension du risque terroriste, cette pandémie doit modifier notre appréhension du risque sanitaire ? On ne peut pas occulter le risque que les deux soient liés. Comment envisagez-vous d'intégrer cette préoccupation à l'avenir ?
Ma deuxième question porte sur les tensions entre Paris et Pékin autour de Taïwan, mais aussi avec Hong Kong. Alors qu'elle tente plus que jamais d'étendre son empire sur Taïwan et Hong Kong, la Chine a récemment demandé à la France d'annuler un contrat d'armement avec le gouvernement indépendant de Taipei. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile en termes stratégiques de soutenir a minima tant Hong Kong que Taïwan quand on voit les ambitions hégémoniques des Chinois en mer de Chine ?
Vous avez évoqué le processus d'annexion éventuelle de la Cisjordanie et annoncé une riposte éventuelle. Quelle forme pourrait prendre cette riposte ? Quel est le véritable poids des Européens dans ce conflit ?
En Russie, la situation sanitaire et économique est dramatique et, selon certains observateurs, la situation sociale est préoccupante. Cette dégradation sur le plan intérieur peut-elle avoir un impact sur la stratégie russe à l'échelle internationale, notamment sur les théâtres d'opérations syrien et libyen ? La Russie va-t-elle renforcer son influence et sa présence en Méditerranée orientale ? Avec quels risques pour les équilibres régionaux ?
Enfin, je terminerai par un point qui n'a pas trait à la géopolitique : c'est la situation des camping-caristes français qui sont bloqués au Maroc. Ce sont en général des retraités qui n'ont pas nécessairement un gros pouvoir d'achat ; ils se demandent comment revenir. Je sais que certains n'ont pas été raisonnables au début de la pandémie, mais que comptez-vous faire pour eux ?
Pendant que le monde compte les morts du coronavirus, les crises s'aggravent partout. En Libye, alors que la conférence internationale de Berlin prévoyait un embargo sur les armes, ces dernières affluent de toutes parts. Selon un récent rapport de l'ONU, des avions de chasse russes apportent un soutien au général Haftar dans l'est de la Libye, et des sociétés de sécurité émiraties tentent d'empêcher les navires turcs d'acheminer des armes pour le gouvernement d'union nationale. Une résolution du conflit libyen est-elle encore envisageable ? La concertation avec les autres pays membres de l'Union européenne est-elle toujours possible pour essayer d'améliorer la situation ?
Les autorités chinoises continuent à jouer un double jeu et à adopter des postures ambiguës. En Birmanie, Pékin entretient des relations à la fois avec le gouvernement birman et avec les groupes rebelles. La Chine joue un double jeu en Corée du Nord et, sur le front de la pandémie, Pékin envoie des tonnes de matériel humanitaire dans le monde entier tout en formulant de vives critiques contre certaines démocraties occidentales. Cette stratégie ambiguë n'est-elle pas destinée à conquérir de nouveaux pays amis et à les rendre dépendants d'aides chinoises ? À la veille d'une nouvelle guerre froide avec les États-Unis, quelle stratégie l'Europe doit-elle développer ? Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s'inquiète lui-même de l'assurance que prend la Chine et de sa montée en puissance.
Cette audition est l'occasion de poursuivre notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement, à laquelle le président du Sénat tient particulièrement, tout comme notre groupe. Ces trois derniers mois, l'activité diplomatique a été consacrée à la lutte contre le Covid-19 et ses conséquences économiques. Les problématiques relatives au terrorisme, à la prolifération des armes, aux drogues et au trafic d'êtres humains n'ont pas disparu, pourtant. Le double défi auquel fait face l'Union européenne - résister sur le plan sanitaire tout en relançant son économie et en remettant ses finances en ordre - ne doit pas faire oublier la réalité des déséquilibres mondiaux.
Comment se positionne l'Union européenne sur la scène diplomatique à l'heure de la lutte pour le leadership mondial et dans la sempiternelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui fait fi de tout ce qui incarne le multilatéralisme ? Peser dans le concert des nations, est-ce encore une ambition européenne, ou bien la réalité des difficultés structurelles de l'Union a-t-elle eu raison de cette volonté ?
Depuis bientôt quatre ans, l'Union européenne doit négocier un Brexit qui n'en finit plus, et dont la complexité est telle que nous nous focalisons principalement sur ses modalités commerciales. Outre le volet économique négocié par Bruxelles, grâce au travail remarquable de Michel Barnier, et le cadre de défense instaurée par les accords de Lancaster House, quel est le cadre de nos futures relations avec le Royaume-Uni ? La France ne perd-elle pas un allié dans sa vision de défense et de sécurité en Europe ? Certains pays demandent que l'Union européenne ait un siège au Conseil de sécurité de l'ONU...
Où en sommes-nous sur le volet migratoire, notamment dans les négociations avec la Turquie, alors que l'accord est arrivé à son terme ? Depuis la crise du Covid-19, s'y ajoute un volet sanitaire.
Nous n'avons pas parlé du Brésil, et du dilettantisme dont fait preuve M. Bolsonaro, qui a pour résultat une flambée épidémique touchant particulièrement les populations défavorisées. En Guyane, on observe une reprise épidémique très importante, notamment dans la partie limitrophe du Brésil, où affluent des réfugiés fuyant le Nordeste. La France peut-elle intervenir sur cette porosité de la frontière ?
Je m'intéresse particulièrement à l'Irak. Après cinq mois de crise politique, ce pays s'est doté d'un nouveau premier ministre, M. Kadhimi, qui semble entretenir de bonnes relations avec les deux faiseurs de roi que sont les États-Unis et l'Iran. Mais les finances du pays sont exsangues, comme vous l'avez dit. Le pays est pratiquement en faillite, les fonctionnaires ne sont plus, ou pratiquement pas, payés, et l'administration fonctionne au ralenti. Le prix du pétrole est passé sous les vingt dollars, alors que plus de 90 % des finances irakiennes viennent de son exploitation. Les relations avec les Kurdes redeviennent conflictuelles, notamment autour du partage des revenus pétroliers. Les manifestations sont encore très actives sur la place Tahrir à Bagdad. Enfin, ce pays est confronté, comme nous, quoique dans une moindre mesure, au Covid-19, et à Daech. Vous dites affirmer la souveraineté de l'Irak. Certes, mais comment voyez-vous l'avenir de ce pays à court et moyen termes ? La France ne pourrait-elle pas, vu la recrudescence de Daech, intervenir plus efficacement ?
La crise sanitaire a paradoxalement rapproché Paris et Berlin. La Commission a engagé un arbitrage sur la proposition de relance présentée par le Président de la République et Mme Angela Merkel, qui a provoqué l'opposition de quatre pays, que l'on appelle frugaux : l'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède. N'allons-nous pas assister à un approfondissement de la fracture nord-sud dans la zone euro ? La volonté annoncée de relocaliser certaines productions n'avantagera-t-elle pas certains pays ?
Pouvez-vous nous donner des informations sur la situation de M. Romain Nadal, notre ambassadeur de France au Venezuela ? Quelles démarches ont été engagées pour mettre fin au confinement, inacceptable, du représentant de la République dans ce pays plongé dans une crise profonde ?
Depuis bientôt un an, la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah est emprisonnée en Iran. Le 16 mai dernier, elle a été condamnée à cinq ans de prison pour collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale, et à un an pour propagande contre le système politique de la République islamiste. Quels sont les blocages qui entravent sa libération, au-delà de la décision de justice ? Où en sont les relations de la France avec l'Iran, dans un contexte de tensions très fortes entre Téhéran et Washington ?
Nous entendrons M. Romain Nadal, notre ambassadeur de France au Venezuela, le 10 juin.
Lors d'une audition, en avril, d'un directeur de recherche sur le Moyen-Orient à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem), j'ai posé une question sur les conditions sanitaires en Palestine. Le directeur m'a indiqué qu'il n'avait pas de chiffres à donner, sans préciser si cela n'entrait pas dans ses compétences ou si c'était par discrétion. Pouvez-vous nous donner des informations précises ? Nous avons des chiffres quand on parle d'Israël. Ceux de la Cisjordanie y sont-ils inclus ? La France prend-elle part non pas à des ponts aériens - je sais que c'est impossible -, mais à des couloirs sanitaires ? La moindre des choses serait que les Gazaouis ou les Cisjordaniens puissent aller se faire soigner dans certains hôpitaux en Israël, puisqu'ils n'ont pas toutes les structures nécessaires sur place, et alors qu'ils ne disposent pas toujours du droit de circulation. Avons-nous au moins une influence sur le plan médical ?
J'espère que nous aurons aussi l'occasion de débattre un jour du plan Trump, dit de paix, qui devrait être mis en oeuvre le 1er juillet. Vous ne parlez plus d'indignation, monsieur le ministre, et j'en suis fort aise ; vous nous parlez de riposte, mais nous ne savons pas que faire. Nous demandons au moins la fin du blocus : c'est ce qu'il y aurait de plus facile à faire. Je ne vois pas pourquoi on n'aborderait pas ce thème tout de suite, avant même de parler de riposte.
Il y a quelques semaines, comme beaucoup de nos compatriotes, j'ai été quelque peu perturbé en entendant les propos tenus par l'un des dirigeants d'un laboratoire pharmaceutique français concernant la primeur qui serait réservée aux États-Unis en cas de découverte d'un vaccin contre le coronavirus. Je peux comprendre qu'il faut des financements pour accélérer la recherche et qu'à ce titre, les États-Unis ont certainement apporté une contribution non négligeable. Toutefois, face à cette crise sanitaire sans précédent qui, à ce jour, a touché près de six millions de personnes et fait plus de 300 000 morts, je reste persuadé que c'est notre esprit de solidarité internationale qui doit l'emporter sur les intérêts mercantiles. Quel est votre point de vue sur ce sujet ? Plus globalement, quelle est la stratégie de la France en matière de collaboration avec tous les autres pays du monde pour éradiquer ce virus ? Quid, également, de la position de nos voisins, dans le cadre de la coopération européenne annoncée par le Président de la République ? Sommes-nous réellement dans une logique de partage des savoir-faire et des compétences au profit du plus grand nombre, ou plutôt dans une démarche de chacun pour soi ?
Notre collègue Robert Laufoaulu, sénateur des Îles Wallis et Futuna, est bloqué en quarantaine obligatoire à bord d'un navire au large de Wallis. Il me demande de vous alerter sur deux points. D'une part, voilà plus de deux mois que quelques personnes originaires de Wallis et Futuna sont bloquées à Fidji et demandent le rapatriement. Pourquoi sont-elles toujours bloquées ? Que font vos services pour faire avancer les choses ? D'autre part, M. Laufoaulu s'inquiète de la situation au Vanuatu à la suite du cyclone Harold qui a ravagé cet archipel. L'île de Santo, la plus francophone du Vanuatu, a été très lourdement touchée, et le maire de la capitale de cette île a demandé l'aide de l'ambassade de France, qui ne peut répondre faute de moyens. M. Laufoaulu souhaiterait donc que notre pays fasse un geste pour la réparation de la mairie, qui a été construite par la France avant l'indépendance, et dont la Chine voudrait financer la réhabilitation, ce qui symboliquement serait regrettable.
Vaste éventail de questions ! Sur la lutte contre le coronavirus et la recherche d'un vaccin, ou d'un traitement, je crois avoir tout dit. Notre stratégie est à la fois française et européenne. Elle est mobilisatrice en termes de financement, et se déroule au sein de l'OMS. Dans ce cadre, les déclarations d'un responsable de Sanofi ont été démenties, et ce fut l'occasion de souligner la nécessité de considérer que les vaccins et les traitements doivent être considérés comme biens communs de l'humanité, et pris en compte ainsi par l'ensemble des pays. C'est le sens de la résolution prise à l'OMS au début de ce mois. Pour la mettre en oeuvre, il faudra des engagements précis des acteurs.
Je suis au courant de la situation de blocage de quelques-uns de nos compatriotes aux îles Fidji. Nous la suivons de près, et j'espère que nous trouverons une solution, même si ce n'est pas simple. Déjà, nous avons permis le retour de 186 000 de nos ressortissants. Il y a encore quelques cas isolés. Lorsqu'il s'agit de pays très lointains, que ces pays ont fermé leurs frontières, que les pays voisins ont aussi fermé leurs frontières et qu'il n'y a plus d'espace aérien ouvert, ce n'est pas simple ! Sur ce cas précis, nous n'avons pas encore la solution, mais je suis convaincu que nous pourrons la trouver, en relation avec des pays voisins. Au Vanuatu, je suis bien au courant de la situation et des prétentions chinoises. Nous veillerons à ce que les moyens nécessaires soient disponibles.
Le fait que les États-Unis aient renoncé au traité « ciel ouvert » est à la fois désolant et désarmant. Il s'agit du troisième accord de non-prolifération et de désarmement dont l'administration américaine annonce vouloir se retirer. Signé en 1992 à Helsinki, ce traité était entré en vigueur beaucoup plus tard, en 2002. Le prétexte de cette décision est que la Russie aurait eu une gestion un peu particulière de ses clauses, notamment au-dessus de l'enclave de Kaliningrad. Il ne me semble pas très solide, même s'il faut être vigilant sur l'application du traité, dont 35 États sont signataires. Nous analyserons avec nos partenaires européens l'impact du retrait des États-Unis. Pour l'instant, la Russie déclare ne pas vouloir se retirer. Les outils du multilatéralisme, et singulièrement ceux liés aux accords signés à la fin du siècle dernier sur le désarmement, sont en train de se défaire progressivement, avec le retrait d'un des partenaires, ce qui nous renvoie à notre propre responsabilité sur la sécurité européenne. La France, en tous cas, n'a pas l'intention de dénoncer cet accord. Le retrait américain est passé relativement inaperçu, alors qu'il est très regrettable, s'agissant de mesures de confiance mutuelle sur la sécurité du ciel.
Sur le Brésil, nous sommes préoccupés, parce que la gestion de la pandémie y est particulière. Je n'ai certes pas à prendre position sur la manière dont M. Bolsonaro estime devoir gérer cette crise, mais nous nous inquiétons de la hausse du nombre de victimes et de la rapidité de progression du virus. Il fut un temps où l'on comparait les gestions dites « démocratiques » de la crise et sa gestion dite « populiste ». J'observe que le président Trump vient de fermer ses frontières aux ressortissants brésiliens. Je soumets cette constatation à notre réflexion intellectuelle commune sur le meilleur moyen de mobiliser des mesures pour lutter contre la pandémie.
Rappelez-vous qu'en janvier, on disait que jamais les Français ne seraient capables de confiner plusieurs millions de personnes comme les Chinois le faisaient à Wuhan. Eh bien si ! Par la mobilisation commune, la transparence et le respect du droit : l'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas cessé de travailler, et la presse était libre. Bref, c'est à la fin de la crise qu'il faudra faire les comparaisons sur le système politique le plus efficace dans la lutte contre cette pandémie. En ce qui concerne le Brésil, nous avons une collaboration avec certains États fédérés pour les aider dans la lutte contre la pandémie, et nous apportons aussi notre soutien aux autorités sanitaires du pays. Nous sommes très vigilants, également, à l'égard de la Guyane.
Ma question était surtout centrée sur ce point. La porosité de la frontière fait qu'il y a une recrudescence très importante du virus en Guyane.
Oui, la situation nous préoccupe, et la ministre des outre-mer a évoqué la question ce matin même en Conseil des ministres. Avec Mayotte, c'est la plus grande difficulté que nous ayons outre-mer.
Au Venezuela, la crise pandémique s'ajoute à la crise politique et migratoire. Nous avons tenu hier une conférence de financement pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens, organisée par l'Espagne, avec la contribution de la France, qui a mis en valeur la mobilisation autour de ces réfugiés, notamment dans les pays voisins, avec un appui du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations. La situation politique ne change pas, et nous avons eu un épisode un peu compliqué avec l'opération dite « Gédéon », qui a consisté en une tentative de coup d'État pour renverser le président Maduro, apparemment organisée par un ancien marine américain. Nous sommes décidés à poursuivre nos actions pour permettre une sortie politique de cette crise. Sous la responsabilité de son Haut Représentant, l'Europe organise un groupe de contact avec plusieurs pays d'Amérique du Sud pour essayer d'aboutir à une solution politique et à des élections libres. Pour l'heure, les solutions de compromis ne sont pas très avancées.
En ce qui concerne notre ambassadeur à Caracas, j'ai été amené à plusieurs reprises à convoquer l'ambassadeur du Venezuela à Paris pour lui faire part de mes observations. Je n'en dirai pas plus.
Je ne suis pas d'accord avec vous, madame Perol-Dumont, sur le scénario que vous évoquez autour des services secrets et de l'agenda que vous mentionnez. Je m'en tiens aux faits qui sont portées à ma connaissance, et non pas aux supputations qui sont portées à la connaissance d'autres. Or les faits qui sont portées à ma connaissance, c'est que le 31 décembre il y a eu une première référence à l'hypothèse d'un cas de cette maladie à Wuhan, et qu'un article a été publié dans la presse taïwanaise le 2 janvier sur un autre cas. À l'époque, personne n'imaginait que ces deux cas étaient le début d'une pandémie. Puis les autorités chinoises ont fait une déclaration publique mi-janvier pour souligner la gravité de la situation, ce qui a abouti à ce que nous évacuions nos ressortissants de Wuhan, où le confinement a été décrété le 23 janvier. Nous avons organisé des retours de ressortissants par deux vols, ce dont j'assume totalement la responsabilité. Nous avons confiné les personnes rapatriées dans le sud de la France pendant quinze jours, avant qu'ils ne retournent à leur domicile. Il n'y a rien d'autre à dire à ce jour.
Nous sommes préoccupés par l'adoption prochaine par l'Assemblée nationale populaire chinoise d'une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, d'autant que cette loi s'appliquerait sans l'accord du Parlement de Hong Kong. Nous avons protesté par une déclaration commune des 27 États membres de l'Union européenne, parce que nous craignons que ces mesures ne soient des remises en cause de l'état de droit et des libertés fondamentales garanties par la loi fondamentale de Hong Kong qui date de 1997. Nous avons rappelé notre attachement au principe « un pays, deux systèmes ». Nous craignons qu'à Hong Kong les manifestations ne reprennent.
Nous nous en tenons à la politique d'une seule Chine, et n'avons donc pas de relations diplomatiques avec Taïwan. Nous sommes favorables au dialogue et à la coopération entre les deux rives du détroit de Taïwan. Nous avons bien noté les positions qui ont été prises par Mme Tsai, renouvelée à la présidence de Taïwan. Quant à l'accord sur les frégates, nous sommes fidèles à l'échange de lettres que nous avons eu avec les autorités chinoises en 1994, qui précise les conditions dans lesquelles nous avons clos toute une série de relations militaires avec Taïwan. Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas en rupture avec cet échange de lettres.
S'agissant de la Cisjordanie, nous sommes très clairs sur le fond : nous souhaitons que les autorités israéliennes ne mettent pas en oeuvre cette initiative, nous agissons pour que ce ne soit pas le cas, nous souhaitons que tous les acteurs qui peuvent les dissuader d'agir ainsi le fassent, mais si d'aventure c'était le cas, nous avons dit publiquement que ça ne pourrait pas rester sans réponse.
Un certain nombre de nos compatriotes prennent leurs vacances en camping-car tous les ans au Maroc ; ils ont leurs habitudes et c'est très bien ainsi. Il se trouve que le 13 mars dernier, les autorités marocaines ont fermé leurs frontières, interdit les vols, fermé l'espace aérien et même fermé des aéroports en nous prévenant certes, mais la veille pour le lendemain, parce qu'il y avait urgence. Nos compatriotes se sont donc trouvés coincés et nous avons dû organiser un pont aérien avec 200 vols rien que pour le Maroc entre le 13 mars et la fin mars, chaque vol étant soumis à une autorisation des autorités marocaines. Nous avons pu ramener 30 000 de nos compatriotes à ce moment-là dans une France confinée.
Quand on est à Agadir, dans un camping-car, on peut attendre un peu, d'autant plus que l'Espagne avait fermé ses frontières. Mais maintenant, nos compatriotes nous disent qu'ils veulent rentrer, et je les comprends. Nous avons donc affrété trois liaisons maritimes de Tanger Med à Sète au cours des derniers jours, plus une hier et une aujourd'hui, et il va y avoir une rotation très importante la semaine prochaine vers Sète, Marseille et Malaga. Les campings-caristes qui arriveront à Malaga auront le droit de traverser l'Espagne après un accord que j'ai obtenu avec les autorités espagnoles, à condition de ne pas quitter l'autoroute, y compris la nuit. En tout, il y aura eu huit traversées qui permettront, je pense, de régler le problème des camping-caristes. Les déplacements sont encore totalement interdits au Maroc, comme ici pendant le confinement et pour se déplacer, il faut une autorisation du consulat de France ; même chose quand on prend l'avion. Il faut le comprendre lorsqu'on proteste contre les agents du ministère.
Permettez-moi de vous interrompre pour remercier tous vos collaborateurs et, au-delà, les équipes de nos postes diplomatiques qui, dans tous les pays, ont fait vraiment des efforts extraordinaires pour rapatrier nos concitoyens.
Sur la Libye, je crois avoir dit l'essentiel dans mon propos liminaire : il n'y a pas d'autre solution que de remettre le processus diplomatique en marche autour des conclusions de l'accord de Berlin ; sinon nous aurons aux portes de l'Europe une situation conflictuelle qui peut dégénérer et éventuellement une nouvelle possibilité d'instrumentalisation des migrations. L'ensemble des acteurs doivent donc faire pression sur les deux acteurs majeurs libyens pour qu'ils reviennent à la discussion, à commencer par le cessez-le-feu. Il y a des textes ; que tout le monde fasse en sorte qu'ils soient appliqués. Il n'y aura pas de solution militaire en Libye : tout ce que cela peut apporter, c'est une aggravation de la conflictualité menaçant notre propre sécurité et celle des voisins comme la Tunisie et l'Algérie. Il faut que la pression soit forte ; espérons que la sortie de la pandémie nous permettra de bien nous mobiliser sur ce sujet. Maintenant il faut mettre en oeuvre l'accord de Berlin, respecter l'embargo et que les forces étrangères se retirent.
Concernant la Chine, je ne crois pas qu'il faille se laisser enfermer dans une logique d'affrontement bipolaire mondial. Nous n'avons certes pas les mêmes relations avec les uns qu'avec les autres : nous avons une histoire longue avec les États-Unis, qui sont nos alliés, mais nous avons des réserves sur un certain nombre de leurs actions ; la Chine est notre partenaire, nous avons de nombreux accords avec elle, le Président de la République s'y est rendu à plusieurs reprises. Le meilleur moyen de ne pas se laisser entraîner dans cet affrontement, de ne pas recommencer une deuxième guerre froide, c'est de faire en sorte que l'Europe s'affirme autonome, et que, pour cela, elle dise non à une radicalisation des positionnements, fasse valoir ses propres intérêts, ne se laisse pas diviser par les autorités chinoises et refuse de se faire instrumentaliser.
Des rendez-vous majeurs se profilent : une rencontre entre l'Union européenne et la Chine qui se tiendra en visioconférence à la fin du mois de juin, et la rencontre à Leipzig des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne avec le président Xi, prévue le 14 septembre mais légèrement reportée. Nous devrons mettre sur la table un certain nombre de principes. Nous avons des points d'accord - notre travail en commun pour le multilatéralisme, contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité - et des désaccords, comme la réciprocité dans les échanges commerciaux. Nous devrons faire preuve d'une grande fermeté sur nos intérêts stratégiques européens et sortir un peu de de la naïveté. Il faut dire très clairement aux autorités chinoises : nous sommes dans une logique de partenariat ; dans le partenariat, on se respecte mutuellement et quand il y a une rupture du respect mutuel, on le fait savoir - ce que j'ai fait d'ailleurs récemment avec l'ambassadeur de Chine. Cela ne m'empêche pas d'avoir des relations régulières depuis le début de la pandémie avec mon homologue chinois, y compris sur des collaborations pratiques.
Monsieur Sido, nous avons toujours dit, et nous le redisons, que nous voulons garder avec le Royaume-Uni une relation de sécurité forte. Nous aurions dû cette année célébrer le dixième anniversaire des accords de Lancaster House ; je ne sais pas si nous pourrons le faire d'une manière ou d'une autre, mais je pense que ça serait symboliquement fort. Les négociations sur le futur partenariat ont formellement débuté le 2 mars, elles ont été interrompues en raison du Covid-19 ; elles ont repris, mais force est de constater que la reprise se fait mal : il y a des divergences profondes qui demeurent. Les Britanniques veulent avancer sur les sujets qui les intéressent, comme l'énergie, le commerce, les transports, en écartant les discussions sur d'autres sujets clés comme la pêche, alors que nous avons toujours promu une négociation globale, qui évite une négociation finale très accélérée et malsaine.
La position britannique, c'est de conclure avant le 31 décembre prochain. Nous sommes bientôt au mois de juin, et nous n'avons pas avancé. S'il y a un blocage britannique sur la durée de la négociation, on peut craindre un no deal ; le Gouvernement a donc demandé une habilitation dans le cadre du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale et actuellement examiné par le Sénat pour prendre le cas échéant les mesures nécessaires. L'accord de retrait fonctionne, mais il faut simplement que nous puissions aboutir avant la fin de l'année, même si nous ne sommes pas opposés à une prolongation.
Les échanges se poursuivent en ce moment avec la Turquie sur le paquet migratoire et sur le financement par l'Union européenne des actions pour les réfugiés menées par la Turquie. Nous estimons qu'il faut y inclure l'ensemble des sujets. Je l'ai dit publiquement et je le répète ici : nous avons besoin d'une explication franche avec la Turquie sur les questions de l'immigration, de la Méditerranée orientale, de la Libye et de la Syrie. Il faut une nouvelle donne dans la relation avec la Turquie, et nous n'y sommes pas. Cela n'empêche pas de parler : j'ai eu une réunion en visioconférence avec mon homologue turc, il y a peu, mais les points de désaccord sont réels.
En ce qui concerne l'Irak, la principale interrogation que nous pouvons avoir est liée à la délibération du Parlement irakien du 5 janvier demandant le retrait des forces américaines. En filigrane, apparaît la volonté de faire reconnaître la souveraineté du pays, même si son territoire abrite des forces étrangères dont il a demandé l'intervention : c'est le cas des forces françaises, britanniques ou américaines qui assurent la formation de l'armée locale. Il faut donc faire en sorte que les Irakiens se sentent « chez eux » et établir une relation fluide avec les autorités du pays pour déterminer la manière dont la coalition contre Daech se reconstituera une fois la pandémie passée. Nos éléments de formation retourneront sur place dès que la situation sanitaire le permettra. Je crois que l'état d'esprit du président Salih, comme du Premier ministre, M. Kadhimi, est positif à cet égard. La résolution du 5 janvier était intervenue dans un contexte particulier, juste après l'assassinat du général Soleimani.
Pour affirmer sa souveraineté, l'Irak doit aussi éviter, à la fois, d'être assujettie à la tutelle de l'Iran et de dépendre d'une sorte de volonté américaine de s'imposer aux autorités locales. La France, dans ce contexte, a un rôle particulier à jouer, parce que nous sommes membres de la coalition contre Daech et que nous voulons continuer à agir avec le soutien des forces irakiennes, dans lesquelles j'intègre évidemment les forces kurdes irakiennes. Il faut trouver la bonne organisation. La réunion de la coalition aura lieu le 4 juin en visioconférence. Un de mes premiers déplacements, lorsque je pourrai le faire, sera d'aller en Irak rencontrer le président Salih et M. Al-Kadhimi. Ils comptent beaucoup sur la France et sur les Nations unies, et ce n'est pas pour des questions d'argent car l'Irak a des ressources : une réunion de pays donateurs l'an dernier, sur l'initiative du Koweït, avait permis de débloquer une enveloppe de 5 milliards de dollars pour la reconstruction du pays.
Comme je l'ai déjà dit publiquement, nous regrettons vivement la condamnation de Mme Fariba Adelkhah. Aucun élément sérieux n'a pu être établi contre elle. Cette condamnation revêt un caractère politique, et nous tenons à le dire avec force. Le Président de la République l'a ainsi fait savoir à son homologue iranien. Nous sommes mobilisés pour obtenir des autorités iraniennes un accès consulaire à Mme Adelkhah. Nous devons maintenir une pression constante pour obtenir sa libération, comme nous l'avons fait pour obtenir la libération de Roland Marchal, le 20 mars dernier ; mais celui-ci était de nationalité française, tandis que Mme Fariba Adelkhah a la double nationalité franco-iranienne.
Vous m'avez aussi interrogé sur le plan de relance européen et les divergences entre les pays « frugaux » - certains disent « radins », mais ce n'est pas mon cas - et les pays du Sud. J'ai la conviction que nous parviendrons à un accord. Tout simplement parce que c'est dans l'intérêt de tous. Les pays frugaux ont intérêt à avoir une bonne relation avec les pays avec lesquels ils ont des relations commerciales dans le cadre du marché intérieur. L'initiative franco-allemande et celle de la Commission permettront d'aider les pays le plus en difficulté. Les soutenir serait aussi une manière pour les pays frugaux d'entretenir une relation positive avec leurs voisins. Je reste confiant et remarque le saut qualitatif par rapport à la crise de 2008. On a grandement avancé et l'Union européenne s'est renforcée.
Nous souhaitons que l'Iran respecte les termes de l'accord de Vienne. Je regrette qu'elle s'en retire progressivement, par des actes successifs qui risquent d'aboutir à un détricotage de l'accord. En tout cas, notre détermination à le préserver est intacte. Le programme nucléaire iranien se poursuit et le délai de break out, c'est-à-dire le temps nécessaire pour accumuler suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer la première bombe nucléaire, se réduit. L'Iran doit respecter les accords signés. Cette position est aussi partagée par l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais aussi par la Chine et la Russie, avec qui nous travaillons pour défendre l'accord de Vienne. Ce dernier est essentiel pour notre sécurité et celle de la région.
Un mot, enfin, sur la coopération sanitaire dans les territoires palestiniens. Nous avons apporté une aide en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Je sais aussi qu'il y a eu une collaboration entre Israël et l'Autorité palestinienne pour lutter contre le coronavirus, mais je n'ai pas plus d'informations à ce sujet. Je vous ai répondu sur le plan de paix et le projet d'annexion au 1er juillet. Il faut tout faire pour l'éviter.
La Chine vient d'accorder une nouvelle aide militaire aux pays africains membres du G5 Sahel. Elle distribue par ailleurs des centaines de millions de dollars à l'Afrique, fournit du matériel sanitaire et vante son action « sans conditions » sur le terrain. La Chine, la Russie et la Turquie sont de plus en plus présentes sur le continent africain. Devons-nous considérer, dans ces conditions, que nous sommes partenaires ou rivaux de ces pays sur le plan militaire et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
La société espagnole SCYTL, qui a réalisé le système de vote électronique pour les Français de l'étranger, vient d'être placée en liquidation judiciaire. La Poste suisse a récupéré la propriété intellectuelle du code source de la plateforme afin de développer son propre système, mais le ministère des affaires étrangères n'a pas envisagé cette possibilité. Un fonds américain s'est porté acquéreur des actifs de la société. Quelles garanties pouvez-vous nous donner que le vote électronique sera possible pour les prochaines élections consulaires ?
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, beaucoup d'écoles nous écrivent pour demander des remises en fonction des niveaux de classe, comme cela s'est fait dans plusieurs écoles du réseau et chez leurs concurrents étrangers. Vous avez indiqué que l'avance remboursable de 100 millions d'euros de France Trésor à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) serait transformée en subvention, mais, hier, lors de son conseil d'administration, aucune précision n'a été donnée sur les conditions qui permettraient d'en bénéficier. Pourriez-vous nous indiquer quelles conditions permettront aux écoles du réseau de bénéficier de ces dotations ?
Nous venons, au cours de cette audition, de faire un tour du monde qui nous donne une image plutôt inquiétante, voire alarmante, de la situation sécuritaire, et pas simplement de la sécurité sanitaire : vous avez parlé du terrorisme, de la montée en puissance des tensions entre les grandes puissances, mais vous n'avez pas parlé du risque de famines et de la sous-alimentation dans le monde. Je sais toutefois que votre ministère est très engagé dans l'aide publique au développement. Aussi ma question est-elle simple : vous êtes sur tous les fronts, mais quel est votre dossier prioritaire ?
Enfin, je voudrais une précision quant à la quarantaine pour nos compatriotes qui rentrent sur le sol français. Ce sujet relève plutôt des ministères de la santé et de l'intérieur. Votre ministère informe les Français de l'étranger venant dans notre pays qu'ils sont soumis à une obligation de quatorzaine et nous relayons vos informations auprès d'eux, mais, à leur arrivée, ils ne sont pas contrôlés et vont où ils veulent. Il conviendrait d'alerter les ministères concernés.
J'entends souvent dire que les Chinois, les Turcs ou les Russes sont de plus en plus présents en Afrique. Pour la première fois, la Chine a participé au moratoire de la dette des pays africains. J'espère qu'elle prendra sa part dans les annulations de dettes auxquelles nous allons essayer d'aboutir.
Pour le reste, je m'interroge sur notre capacité à mettre en valeur notre action. Si l'on comparait les financements des pays que vous avez cités avec la totalité des financements européens pour tel ou tel pays africain, on s'apercevrait assez rapidement qu'il n'y a pas de commune mesure et que, sur le plan qualitatif, l'aide européenne est aussi nettement supérieure à l'aide chinoise ou turque. Nous devons donc élaborer une présentation, un schéma narratif positif de ce que l'on fait dans les pays africains. C'est dans de ce sens que j'ai proposé un « pont aérien humanitaire ». C'est un symbole, mais les symboles comptent ! Quand l'avion d'Air Europa, avec le commissaire européen à son bord, s'est posé à l'aéroport de Bangui, cela a montré que l'Europe déployait des moyens sanitaires pour aider la population africaine. Il est donc important d'apprendre à mettre en valeur notre action, sans hésiter, si besoin, à faire des comparaisons pour montrer qui réalise des investissements de qualité, qui paie, avec quelles contreparties, etc. À partir de là, la donne changera. On entre dans une véritable bataille de l'information.
Monsieur Cadic, rien n'est encore décidé en ce qui concerne le vote par internet. Le recours exclusif au scrutin électronique peut présenter, en effet, un risque juridique, notamment à l'égard de la Constitution. En tout cas, nous sommes vigilants et sommes bien informés de la situation de l'entreprise espagnole SCYTL.
Nous avons mobilisé 240 millions pour les Français de l'étranger - chacun peut apprécier l'effort ! -, dont 100 millions d'avances remboursables en faveur des établissements scolaires. Les 522 établissements scolaires disposent de plusieurs manières d'agir : étalement des frais d'écolage, exonération de telle ou telle participation trimestrielle, etc. Il n'appartient pas à l'AEFE, mais au Parlement et au Gouvernement, de décider si ces crédits doivent être inscrits, et comment, dans une loi de finances ! L'enveloppe de 100 millions d'euros vise à permettre l'organisation de la rentrée ; nous aviserons ensuite si une partie de l'enveloppe doit être transformée en dotation budgétaire. Les petits établissements ou les établissements isolés, comme ceux du Liban par exemple, seront sans doute ceux qui auront le plus besoin de cette aide ; nous devons les soutenir, car ils contribuent à notre influence.
Madame Conway-Mouret, parmi mes sujets de préoccupation majeurs cette semaine figure d'abord la mise en oeuvre d'une stratégie sanitaire internationale, autour de l'application du concept de biens communs aux vaccins et aux traitements. Ensuite, parmi tous les sujets que l'on a évoqués, le dossier le plus urgent me semble être celui de la Libye.
Je vous remercie.
La réunion est close à 19 h 10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.