L'intitulé du projet de loi montre à quel point ce texte est foisonnant. Le Sénat a délégué au fond l'examen de l'article 3 à la commission des finances et à son rapporteur général du budget, M. Albéric de Montgolfier. Les mesures sociales ont été examinées par la commission des affaires sociales, dont le rapporteur était M. René-Paul Savary.
Les dispositions du texte présentaient comme points communs d'avoir un lien - plus ou moins fort - avec la crise sanitaire et de prévoir des habilitations à légiférer par ordonnances sur l'intégralité des sujets.
Nous avons examiné ce texte avec bienveillance et rigueur. La bienveillance s'est manifestée dans notre acceptation de dispositions dont le lien avec la crise sanitaire était parfois ténu. Pour la rigueur, nous avons veillé au respect de deux exigences : d'une part, que l'article 38 de la Constitution soit appliqué de façon stricte - les habilitations devant être suffisamment circonscrites dans le temps et dans leur objet - ; d'autre part, que les dispositions qui pouvaient l'être soient inscrites « en clair » dans la loi.
Avec M. Guillaume Kasbarian, rapporteur pour l'Assemblée nationale, nous avons trouvé un accord sur toutes les dispositions restant en discussion.
Par l'article 3, le Gouvernement demandait à être habilité par ordonnances pour obliger différents organismes - organismes de droit public soumis à la comptabilité publique, mais également organismes de droit public et privé chargés d'une mission de service public - à déposer leur trésorerie sur le compte du Trésor public. Cette habilitation devait être donnée pour une durée de douze mois, que nous vous proposons d'abaisser à six mois. Le domaine concerné était assez large, ce qui a ému certains organismes - associations, établissements médico-sociaux, ordre des avocats, etc. -, qui craignaient d'être soumis à cette obligation, laquelle aurait pu les placer dans une situation difficile. La discussion, engagée avec Bercy, a été fructueuse. Nous avons circonscrit le domaine concerné, ce qui permettra de rassurer les acteurs concernés et de mieux délimiter le champ d'intervention du Gouvernement.
S'agissant du Brexit, nous étions passés d'une durée de 30 mois demandée initialement par le Gouvernement à quinze mois à l'Assemblée nationale, puis à sept mois au Sénat. Le Gouvernement estimait ne pas disposer d'assez de temps : nous vous proposons de relever cette durée à douze mois, ce qui me semble constituer un bon compromis.
Les principes n'allant pas sans les exceptions, nous sommes revenus en arrière sur une inscription « en clair » d'une habilitation, qui a trait à l'application de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim), pour ce qui concerne le seuil de revente à perte. Le Sénat l'avait inscrit dans le texte ; le Gouvernement a souhaité légiférer par ordonnances pour continuer l'expérimentation et mieux définir l'encadrement des promotions. Nous nous sommes mis d'accord sur le délai de quatorze mois pour le rallongement de l'expérimentation, qui correspond à la durée des contrats agricoles. Le Gouvernement devra se pencher plus particulièrement sur le problème des produits saisonniers.
La justice a été profondément atteinte par la crise sanitaire. Le plan de continuité d'activité (PCA) des juridictions n'a permis que de faire face aux urgences. La crédibilité de la justice passe par son efficacité, notamment par la célérité avec laquelle elle traite les dossiers. Pour autant, il n'est pas possible de déroger à certains principes.
Nous avons trouvé un accord sur la réorientation des affaires pénales par les procureurs de la République : des dossiers peuvent être décalés pour en audiencer d'autres, lorsqu'ils présentent un caractère d'urgence. Nous avons accepté le classement sans suite, auquel certains procureurs ont recouru pendant la crise sanitaire, s'il n'y a pas de victime. L'Assemblée nationale a estimé que la faculté accordée était trop large : nous l'avons limitée aux dossiers contraventionnels.
Les cours criminelles ont animé nos discussions. Créées à titre expérimental par la loi du 23 mars 2019, elles doivent juger des crimes qui encourent de quinze à vingt ans de réclusion criminelle. Elles n'ont pas de jury populaire, et sont formées de cinq magistrats. Sur les dix cours prévues, neuf d'entre elles ont été mises en place. Leur fonctionnement devait être évalué au bout de trois ans. Le jury populaire existe dans notre pays depuis la Révolution, car la justice est rendue au nom du peuple français. On nous proposait de passer de dix à trente cours criminelles : nous sortions de l'expérimentation pour entrer dans une véritable politique de gestion de dossiers et de remplacement des cours d'assises. Cela nous a paru excessif : un compromis a été trouvé avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur le nombre de dix-huit cours criminelles, pour rester dans le domaine de l'expérimentation.
Je veux, à mon tour, me féliciter du travail effectué avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Guillaume Kasbarian, avec qui nous avons passé ces derniers jours ensemble, au téléphone.