Nous ne sommes pas en Guyane les meilleurs spécialistes de la question des réseaux internationaux de trafic de drogue. Un très bon observatoire se trouve par exemple aux Antilles, à Fort-de-France. Nous sommes par contre des praticiens, car l'aéroport Felix Eboué est en première ligne sur le phénomène des mules. Je peux donc vous livrer quelques observations. Les mules, bien que parfois surinamaises, sont principalement guyanaises. Quant à leur profil, l'adversaire s'adapte : au début, c'était principalement des jeunes en provenance de l'Ouest guyanais, mais lorsque les forces de l'ordre se sont mises à cibler des jeunes hommes venant de Saint-Laurent-du-Maroni, les trafiquants ont commencé à faire appel à de jeunes mamans avec des enfants, puis à des personnes plus âgées. Juste avant le début du confinement, nous observions une nouvelle tendance : les trafiquants recrutaient plutôt des jeunes issus de quartiers sensibles de l'Hexagone qui venaient en Guyane et transportaient de la drogue lors de leur trajet de retour.
C'est donc un phénomène mouvant, même si l'on en revient toujours à un invariant : le phénomène des mules est celui des jeunes en difficulté, qui sont très nombreux en Guyane. Dans certaines communes du Maroni, jusque 80 % des 18-29 ans ne sont ni en emploi ni en formation.