Mission d'information Trafic de stupéfiants en provenance de Guyane

Réunion du 25 mai 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • aéroport
  • guyane
  • mule
  • oeuvre
  • passeurs
  • prévention
  • scanner
  • suriname
  • trafic

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Mes chers collègues, je rappelle que le Sénat a constitué une mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane à l'initiative du groupe La République En Marche. Notre collègue Antoine Karam en est le rapporteur. Nous débutons donc nos auditions aujourd'hui par M. Marc Del Grande, préfet de Guyane. Monsieur le Préfet, vous connaissez bien ce département, puisque non seulement vous y êtes depuis juillet 2019 le représentant de l'État, mais aussi parce qu'auparavant, vous avez, en tant qu'officier de gendarmerie, commandé la compagnie de Saint-Laurent du Maroni entre 1999 et 2001. Vous êtes donc très au fait des problématiques de ce territoire, y compris en matière de trafic de stupéfiants et il est intéressant pour nous de vous entendre aujourd'hui afin que vous puissiez nous dresser un état des lieux. Je cède tout de suite la parole à Antoine Karam, après quoi je propose que M. Del Grande nous fasse un exposé liminaire d'une douzaine de minutes, puis nous poursuivrons avec des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Je vous remercie, Monsieur le Préfet, d'avoir accepté cette audition. Tous les collègues de cette mission sont très mobilisés et espèrent faire avancer ce sujet sensible sur lequel j'ai un certain nombre de questions à vous poser.

Tout d'abord, pouvez-vous nous dressez un panorama général du trafic de stupéfiants en provenance de Guyane vers l'Hexagone ?

Pouvez-vous également nous faire un bilan de la mise en oeuvre du « Plan mules » et, plus précisément, de ses déclinaisons sur le territoire guyanais ?

Pouvez-vous nous faire un point sur les contrôles effectués (évolution du nombre, saisines, effet dissuasif) sur le Maroni, à la frontière du Suriname et à l'aéroport de Cayenne ?

Pourquoi le scanner à ondes millimétriques, qui a tant fait parler de lui, n'est-il pas encore en place ? Est-ce du fait d'un manque de personnel ? Comment y remédier ?

La campagne de prévention contre les risques sanitaires liés aux stupéfiants lancée par le gouvernement est-elle efficace en Guyane et contre les trafics ? Existe-t-il une stratégie de lutte prenant en compte l'ensemble des déterminants sociologiques (financier, ethnique, géographique...) de l'adhésion des « mules » à leur réseau de trafic de stupéfiants ? Comment, concrètement, ont lieu les campagnes de prévention sur le terrain, et quel est leur nombre annuel ? Quelles perspectives d'amélioration vous semblent les plus souhaitables en matière de prévention ?

La Préfecture met en oeuvre depuis février 2019 un dispositif consistant à notifier des interdictions de vol à l'encontre de certains passagers par voie d'arrêté préfectoral. Ce dernier est-il efficace et fonctionnel sur le plan juridique ?

Enfin, pouvez-vous nous faire un point sur la coopération internationale pour lutter contre ce trafic avec les pays de la région, notamment le Suriname ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

Le phénomène dit des « mules » est ancien dans la grande région caribéenne et sud-américaine. Il constitue un des modes d'exportation de la cocaïne colombienne vers l'Europe et touche a1ternativement différents pays en fonction de l'adaptation des réseaux de trafiquants aux politiques répressives. Ainsi, la Guyane est plus particulièrement impactée par ce phénomène depuis le renforcement, il y a deux ou trois ans, des contrôles opérés au départ du Surinam vers les Pays-Bas, contraignant les réseaux surinamais à se tourner vers une population précaire et disponible, de l'ouest guyanais notamment. Car si le phénomène des mules est un problème de criminalité internationale, il est aussi un problème social. Dans l'ouest guyanais, le chômage touche une grande partie de la population, plus de 50% des 18-25 ans. Dans ce contexte, il est tentant pour eux de profiter de la possibilité de gagner entre 3500 et 4000 euros par passage. Un certain nombre d'acteurs reprochent à l'Etat de ne pas parvenir à les en empêcher.

Le phénomène explose sur la période récente, 1 071 kg de cocaïne ont été saisis par la douane en 2019 sur 337 passeurs (auxquels il faut ajouter les saisies réalisées par les autres forces engagées, police aux frontières et gendarmerie). Déjà, sur les quatre premiers mois de l'année 2020, ce sont 236 kg et 71 passeurs qui ont été appréhendés par la douane, malgré la crise sanitaire en cours et la réduction importante des liaisons aériennes transatlantiques (2 vols par semaine contre 13 auparavant). Le phénomène des mules renvoie aux voyageurs transportant des stupéfiants de façon ingérée ou insérée, à corps (sous leurs vêtements, dans leur chevelure, etc.) et dans leurs valises. Le trafic de cocaïne « in corpore » ne représentant que 5 % puisque les voyageurs peuvent en ingérer de quelques centaines de grammes à 1 kg en moyenne. Les trafiquants préférèrent désormais augmenter la quantité transportée pour tenir compte des pertes potentielles liées aux saisies.

Il convient d'ajouter à ces saisies, dans des proportions légèrement supérieures, les mules guyanaises appréhendées à Orly ou sur le territoire national.

Il est actuellement estimé par les différents services (douanes/PAF/OFAST) qu'entre 20 et 30 passeurs prennent quotidiennement - en temps normal - un vol au départ de Cayenne pour la métropole, ce qui représente une hypothèse basse annuelle d'environ 7 000 passeurs de cocaïne. La partie contrôle/interpellation, localement ou en métropole, traite d'environ 10 à 15 % de ce chiffre total. On considère qu'environ 55 % du phénomène est traité dont 10 % à 15 % sous la forme de saisies de cocaïne et d'interpellations et 45 % sous l'angle dissuasion, donc sans saisies. L'Observatoire français des drogues et toxicomanies estime quant à lui que 20 % de la cocaïne consommée en France chaque année a transité par la Guyane, qui est désormais le deuxième « point d'importation » en France après les aéroports parisiens. Une fois parvenue en Europe, le kg de drogue - plusieurs fois « coupée » - achetée 5 000 € au Surinam est revendue 65 € le gramme aux consommateurs.

Dans ce contexte, quelle réponse des services et quel dispositif de répression peut-on mettre en place compte tenu des exigences procédurales ?

La difficulté ne réside pas dans la détection de ces personnes, les techniques de profilage permettant un repérage très fin. La contrainte est davantage liée aux moyens actuels des services qui ne permettent pas de traiter tous les cas suspects. Les services en charge de lutter contre les infractions à la législation sur les stupéfiants sont en effet confrontés à la lourdeur de la chaîne de traitement administratif et judiciaire. Chaque mis en cause mobilise en effet :

- au moins trois douaniers à temps plein durant 4 heures de procédure, en moyenne, auxquels il faut ajouter deux autres douaniers pour une durée de 12 heures dans les cas d'ingéré-inséré (garde de nuit de la mule à l'hôpital);

- deux fonctionnaires de police à temps plein pendant une durée de 96 heures, et les détourne de leurs missions premières.

Le tribunal judiciaire de Cayenne est aussi limité dans ses capacités de traitement. La chaîne pénale d'urgence (services du traitement en temps réel du parquet) qui traite environ 300 à 400 mesures privatives de liberté par mois (gardes à vue et retenues) pour 100 à 150 déferrements ne peut, sans que cela n'ait des incidences sur le traitement de la délinquance de droit commun, absorber une augmentation substantielle du nombre d'interpellations de passeurs.

Enfin, la politique répressive en la matière a des incidences directes sur le taux d'occupation du centre pénitentiaire de la Guyane situé à Cayenne.

Quels sont les différents leviers mobilisés pour répondre à ce phénomène ?

Il y a d'abord une réponse nationale.

Le 27 mars 2019, un protocole de mise en oeuvre du plan d'action interministériel de lutte contre le phénomène des « mules » en provenance de Guyane a été signé par les ministres de la Justice, des outre-mer, la secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, ainsi que le directeur général des douanes et droits indirects. Ce protocole a pour but de renforcer et mieux coordonner les efforts, et prévoit notamment des contrôles renforcés dès la frontière avec le Suriname, une augmentation des effectifs de la brigade de recherche de Saint Laurent du Maroni, des contrôles intensifiés aux aéroports par le biais du ciblage et d'un meilleur échange de renseignements, l'ouverture de nouvelles chambres carcérales à l'hôpital de Cayenne, la multiplication d'opérations de dissuasion renforcée aux abords de l'aéroport, la création une antenne de l'OFAST à l'aéroport d'Orly.

Des actions de prévention sont également mises en oeuvre.

La gendarmerie délivre une information « mules » à toutes les classes d'âge se présentant aux Journées Défense et Citoyenneté (JDC). Quelques associations organisent des actions de prévention sur financement MILDECA, mais le tissu associatif motivé pour des actions d'envergure dans ce domaine reste insuffisant. Divers projets ont été portés par les services de l'État : diffusion de films de prévention dans les établissements scolaires ; témoignage d'une « mule repentie », conférences au sein du tribunal. En janvier 2020, un nouveau film de prévention a été réalisé pour une large diffusion sur les réseaux sociaux, dans les cinémas et dans les établissements scolaires.

Enfin, le bureau de Prévention-Partenariats du Service Territorial de Sécurité Publique de la Direction territoriale de la Police nationale (DTPN) mène des actions de sensibilisations auprès des collégiens et des lycéens de la ville et diffuse des messages de prévention auprès d'associations nationales.

À partir de février 2019, une procédure administrative particulière fondée sur le pouvoir de police générale du préfet a également été expérimentée, en complément des mesures déjà mises en oeuvre par l'autorité judiciaire (jugement prononçant l'interdiction d'aéroport; exigence d'un parent à l'enregistrement de passagers mineurs). L'idée est d'apporter une réponse « de masse » qui limite le temps consacré aux procédures. Ainsi, sur la base d'une audition diligentée par la PAF et faisant ressortir des indices concordants (finalité du trajet et destination finale inconnus ; réponses évasives sur l'objet du voyage et les points de chute locaux, modalités d'achat du billet...), le passager suspecté fait l'objet d'une interdiction de vol par arrêté préfectoral (814 au total en 2019 -138 depuis le début de 2020). Cette solution a permis d'écarter 4 000 mules (mules écartées par arrêté et mules découragées) depuis sa mise en oeuvre, sur une estimation de 7 000 par an. Pour l'instant, cette procédure tient juridiquement, même si cela reste un combat juridique. Nous avons eu jusqu'à présent trois recours, dont un en juillet 2019 que nous avons perdu - ce qui nous a amenés à améliorer l'arrêté - et un que nous avons gagné. Nous faisons valoir le trouble à l'ordre public et le danger qu'il y aurait à dérouter un avion pour des raisons sanitaires -puisque parfois les boulettes de cocaïne ingérées explosent - sur un vol comme celui entre Paris et Cayenne où il se trouve à un moment donné à 3500 kilomètres de l'aéroport le plus proche.

Par ailleurs, le transport de cocaïne par voie aérienne est pris en compte depuis mars 2019 dans le cadre d'une instance ad hoc, dédiée au pilotage stratégique de la réponse de l'Etat, le groupe local de traitement de la délinquance, coprésidée par le préfet et le procureur. Je veux souligner que la coopération avec le parquet est excellente, tout comme l'est la synergie entre les services de la gendarmerie, de la police, des douanes et de l'OFAST.

Le GLTD travaille actuellement à la mise en oeuvre d'une procédure simplifiée pour certaines catégories de passeurs qui aura pour objectif d'alléger les contraintes procédurales pesant sur l'ensemble des services de la chaine pénale et de prendre en compte une possible augmentation de la détection des passeurs dans le cadre de la mise en oeuvre du scanner à ondes millimétriques, à compter du 16 juin prochain.

Dans ce cadre, un nouveau contrat opérationnel devra être établi avec les services de police et de gendarmerie, visant à augmenter le niveau des saisies, d'une part, et à orienter l'action des services spécialisés, tels que l'OFAST non pas sur le traitement des passeurs, mais sur celui des commanditaires. Une réunion du GLTD est programmée à la mi-juin afin de finaliser ces évolutions.

Revendication de longue date de certains « collectifs » de lutte contre l'insécurité en Guyane, la mise en place d'un appareil type « scanner corporel » à l'aéroport pour contrôler de façon systématique tous les passagers et détecter ainsi toutes les mules est vue comme une solution apte à tarir le flot. Prévue par les accords de Guyane du printemps 2017, cette solution a d'abord vu le jour sous la forme d'un échographe gynécologique acquis en août 2017 par le ministère des outre-mers au profit de la Guyane. Cet appareil s'est révélé inadapté, car il supposait la présence d'un radiologue, ressource rare, peu disponible et très coûteuse localement, ainsi que des locaux adaptés et une procédure longue. Les collectifs ont donc réorienté leur demande vers un scanner à ondes millimétriques, en usage dans certains aéroports américains, au Surinam, ainsi qu'en France, à Orly et à Lyon.

Les travaux visant au déploiement de cet équipement ont débuté à l'automne dernier, en partenariat avec la CCI de Guyane, qui est titulaire de la délégation de service public de l'aéroport Félix Eboué, ainsi qu'avec la Direction générale de l'Aviation civile. Deux exemplaires ont été commandés pour un coût de 400 000 euros, financé à parité par la collectivité territoriale de Guyane et par l'Etat, avec une participation de la MILDECA. Ce scanner, dont l'ANSES a reconnu l'innocuité sous réserve du respect de certaines conditions d'usage, sera installé au poste inspection filtrage de l'aéroport et armé par des agents de sûreté. Des équipements vidéos visant à faciliter le travail de l'OFAST sont par ailleurs en cours de déploiement. Ils visent à assurer la couverture complète de la zone protégée de l'aéroport, y compris le parking. On réfléchit également à la mise en oeuvre d'un équipement de type sur la route nationale qui conduit à l'aéroport afin d'enregistrer les plaques des véhicules.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Merci Monsieur le préfet de cet état des lieux très clair et de ces chiffres très précis. Merci également d'avoir abordé tant le volet prévention que le volet répressif, cela nous sera très utile dans la suite de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Pourriez-vous nous donner davantage de précisions quant aux populations concernées ? Les personnes transportant de la drogue en provenance de Guyane sont-elles issues des populations locales ou viennent-elles des pays du voisinage ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

Nous ne sommes pas en Guyane les meilleurs spécialistes de la question des réseaux internationaux de trafic de drogue. Un très bon observatoire se trouve par exemple aux Antilles, à Fort-de-France. Nous sommes par contre des praticiens, car l'aéroport Felix Eboué est en première ligne sur le phénomène des mules. Je peux donc vous livrer quelques observations. Les mules, bien que parfois surinamaises, sont principalement guyanaises. Quant à leur profil, l'adversaire s'adapte : au début, c'était principalement des jeunes en provenance de l'Ouest guyanais, mais lorsque les forces de l'ordre se sont mises à cibler des jeunes hommes venant de Saint-Laurent-du-Maroni, les trafiquants ont commencé à faire appel à de jeunes mamans avec des enfants, puis à des personnes plus âgées. Juste avant le début du confinement, nous observions une nouvelle tendance : les trafiquants recrutaient plutôt des jeunes issus de quartiers sensibles de l'Hexagone qui venaient en Guyane et transportaient de la drogue lors de leur trajet de retour.

C'est donc un phénomène mouvant, même si l'on en revient toujours à un invariant : le phénomène des mules est celui des jeunes en difficulté, qui sont très nombreux en Guyane. Dans certaines communes du Maroni, jusque 80 % des 18-29 ans ne sont ni en emploi ni en formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Vous avez très bien exposé les actions réalisées en matière de prévention. Ne pourrait-on pas aller plus loin et impliquer davantage les jeunes mais également leurs parents ? Le trafic de drogue est parfois un trafic organisé au sein d'une même famille. N'y a-t-il pas un travail sur la parentalité à réaliser ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

Vous avez raison, nous pouvons aussi envisager la prévention sous l'angle de la parentalité. Cependant, en Guyane, où 40 000 personnes vivent dans des squats, la parentalité est aussi en fragilité.

De manière générale, la problématique de la prévention est plutôt celle du faible nombre d'acteurs en faculté de délivrer les bons messages. Nous sommes prêts à financer un certain nombre d'actions, mais nous manquons d'acteurs crédibles avec qui nous associer. D'autant plus que le phénomène des mules en Guyane est un phénomène de masse.

Nous sommes actuellement en train de bâtir, en collaboration avec la collectivité territoriale de Guyane, un plan de lutte contre l'illettrisme. Je crois beaucoup à cet axe, qui permet de prendre le problème à la racine. L'illettrisme en Guyane est extrêmement élevé, autour de 30 %. C'est le double des Antilles, où le taux se situe autour de 17 %, et dix fois plus que dans l'Hexagone ! C'est en améliorant l'insertion professionnelle, en mobilisant le service militaire adapté, en luttant contre l'illettrisme, en travaillant, comme vous le souligniez madame la sénatrice, sur la parentalité, que nous parviendrons à décourager le trafic, mais aussi et surtout à montrer à la jeunesse guyanaise qu'elle n'est pas abandonnée. C'est un impératif : nous devons être capables de former ces jeunes et d'engager une dynamique d'insertion. Dans le cas contraire, transporter de la drogue restera une grande tentation. L'arrêt du flux de mules à l'aéroport ne signifiera pas la fin de la lutte contre le phénomène des mules. La problématique est plus globale et doit être appréhendée dans son ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Que représente, en volume financier, cette économie souterraine ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

C'est une question difficile, à laquelle je ne peux pas vous répondre précisément. Il est possible d'extrapoler à partir des chiffres que nous connaissons : 7 000 passeurs, 5 000 euros le kilo au Suriname, 65 euros le gramme dans l'Hexagone, cela nous donne un ordre de grandeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Les forces armées, qui apportent leur aide dans la lutte contre l'orpaillage illégal, sont-elles également impliquées dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

Non, elles ne sont pas impliquées. La lutte contre le trafic de stupéfiants a certes un volet administratif et de coordination des services, mais la majeure partie de l'action opérationnelle dépend du procureur de la République. Impliquer des forces armées sur le territoire national dans des missions de police judiciaire enverrait un mauvais signal. Ni le commandement supérieur des forces armées de Guyane ni l'état-major des armées ne sont favorables à une évolution allant dans ce sens. Sur l'orpaillage illégal par exemple, l'implication des forces armées n'est possible que parce qu'elles sont accompagnés de gendarmes lors de leurs patrouilles. C'est nécessaire au respect de l'état de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

J'ai été assez impressionné par les chiffres que vous nous avez communiqués, qu'il s'agisse du nombre de personnes incarcérées ou du nombre de passeurs. Les actions menées sont nombreuses, mais les chiffres restent importants. Quels impacts peuvent avoir les nouveaux dispositifs sur le nombre de mules dans un avion ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

Nous ne faisons rien sans une forme d'espérance. Nous espérons que le scanner à ondes millimétriques améliorera la situation. Il est certain que ce nouvel équipement permettra d'améliorer le dispositif de manière opérationnelle : le scanner viendra en complément du poste d'opération filtrage. Tous les passagers n'ont pas vocation à passer sous ce portail : seuls ceux qui sonnent et ceux qui ont été ciblés passeront.

Il y a également un aspect symbolique dans cette mesure : c'est par l'installation d'un scanner du même type que le Suriname a vu son trafic baisser très sensiblement. Nous souhaitons que la Guyane ne soit plus vue comme une plateforme de transit et que les trafiquants s'organisent autrement. Pour ce faire, nous devons réussir à ne pas être submergés par la massification du trafic. Les trafiquants poursuivent une stratégie de saturation des forces de l'ordre : ils sacrifient certaines mules qui se font prendre, et, pendant que celles-ci occupent les forces de l'ordre, toutes les autres mules parviennent à passer. Le procureur réfléchit actuellement à un allègement procédural, qui permettrait le traitement de masse de ces délits. C'est une vision pragmatique : le phénomène des mules a des impacts en matière sociale, politique, mais également sur la considération de l'État par la population. Il nous faut y répondre. Les mules sont d'abord les agents économiques d'un réseau, des victimes. Cela plaiderait pour une dissociation procédurale entre l'auteur du délit et les substances saisies. Nous devons trouver une procédure qui nous permettre de faire face efficacement au flux, c'est la priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Pourriez-vous faire un point sur la coopération internationale avec le Suriname ?

Debut de section - Permalien
Marc Del Grande, préfet de Guyane

La situation est complexe au Suriname : son président, Desi Bouterse, est sous mandat d'arrêt international et ne peut quitter son pays. Dès ma prise de fonctions, j'ai souhaité me rendre à Paramaribo pour tenter de relancer la coopération internationale avec le Suriname. Nous avons depuis avancé, et la coopération devait aboutir à la signature, prévue à Paris le 23 mars dernier, de l'accord de coopération judiciaire conclu en 2015 et d'un accord sur la frontière. La crise sanitaire est toutefois arrivée à ce moment-là et la signature a été reportée.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

C'est aujourd'hui un jour d'élections au Suriname. Attendons leur résultat et la désignation du nouveau président du Suriname, et nous pourrons aller plus avant sur ces sujets de coopération internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dagbert

J'avais une question sur la sociologie des mules, qui a reçu une réponse. Je souhaitais donc remercier Monsieur le préfet pour son audition très riche.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Avec l'explosion des contaminations liées à la Covid-19 à laquelle nous assistons actuellement en Guyane, Monsieur le préfet est très sollicité. Je le remercie donc vivement du temps qu'il nous a consacré.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Il était important que notre mission commence ses auditions par celle du préfet de Guyane. Elle nous a permis d'avoir un panorama très complet de la situation et des chiffres qui nous éclairent sur la situation. Monsieur le préfet, nous vous souhaitons tout le courage nécessaire face à la situation de la Covid-19 en Guyane. Merci beaucoup pour votre disponibilité.

La téléconférence est close à 19 h 10.