Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2, 8 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2008, pour la mission « Agriculture ».
La moitié de ces montants sont inscrits au titre 6, ce qui démontre à quel point le ministère de l'agriculture est avant tout un ministère d'intervention.
Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vos priorités budgétaires pour 2008 concernaient la gestion des aléas, en particulier par le développement de l'assurance récolte, l'encouragement de l'agriculture durable via, notamment, la prime herbagère agro-environnementale et le maintien de la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ainsi que la politique de soutien à la pêche.
Je note également qu'un effort particulier est accompli en termes de maîtrise des effectifs du ministère, avec un objectif de deux départs en retraite sur trois non remplacés parmi les personnels administratifs, et que de notables chantiers de modernisation administrative ont été conduits, à l'instar du regroupement des offices agricoles.
Monsieur le ministre, la commission des finances souscrit à ces orientations tout en s'interrogeant sur la portée réelle de l'autorisation parlementaire que nous nous apprêtons à vous donner.
Quel sens y a-t-il à ouvrir 3 milliards d'euros de crédits pour 2008, alors que les reports de charges de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » passeront, entre 2006 et 2007, de 678 millions à 1, 17 milliard d'euros ?
Certes, votre gestion n'est pas en cause, mais cela impose des mesures correctrices.
Quel sens y a-t-il, pour le Parlement, à ouvrir des enveloppes limitatives de crédits quand la Cour des comptes relève, dans un récent référé, que le ministère de l'agriculture engage régulièrement des dépenses sans crédits ou en dépassement de crédits, et que certains de ses opérateurs sont contraints de recourir à l'emprunt pour compléter les dotations budgétaires votées en loi de finances ?
Monsieur le ministre, la « soutenabilité » budgétaire de la politique agricole impose de ne plus différer la réforme de certains dispositifs d'intervention coûteux et d'éliminer certaines pratiques budgétairement peu orthodoxes ou entraînant au niveau communautaire de lourdes sanctions pécuniaires, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.
J'en viens à quelques considérations déclinées par programme.
Le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture de la pêche et développement rural » met notamment en oeuvre des actions correspondant au second pilier de la politique agricole commune, la PAC, dans le domaine du développement rural. Il comprend en particulier les mesures agro-environnementales, de nombreuses aides à l'installation, à la modernisation des exploitations ou à la cessation d'activité, et les dispositifs sur lesquels s'appuie notre politique de la pêche.
À propos de pêche, je souhaite que le Gouvernement éclaire le Sénat, au cours de ce débat, sur les modalités de financement des mesures récemment annoncées par le chef de l'État en faveur de la filière et sur leur compatibilité avec le droit communautaire.
Dans un contexte similaire, les avances remboursables consenties au fonds de prévention des aléas de la pêche, qualifiées de « subventions déguisées » par la Cour des comptes, constituent un précédent fâcheux, qui ne semble d'ailleurs toujours pas soldé. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails sur cette question.
J'observe ensuite que certains dispositifs du programme 154 fonctionnent selon une logique de « guichet » ou sont susceptibles de voir leur coût augmenter fortement en fonction de facteurs conjoncturels.
Le Gouvernement vient, par exemple, de solliciter de nos collègues députés une augmentation de 5 millions d'euros des crédits dévolus au financement des bonifications des prêts d'installation des jeunes agriculteurs, en raison de la hausse des taux de crédit bancaire et du maintien à un niveau élevé du nombre d'installations.
Je crois indispensable d'assortir le recours à de tels dispositifs de conditions d'octroi plus rigoureuses et de dotations budgétaires mieux calibrées.
Je conclurai sur le programme 154 en évoquant la situation des Haras nationaux, qui, vous le savez, font l'objet de l'attention constante et bienveillante de la commission des finances.
Les Haras nationaux voient leur subvention pour charges de service public baisser de 2, 5 millions d'euros à périmètre constant, ce qui semble les inciter à dynamiser leur politique de cessions immobilières.
Cette orientation est conforme aux préconisations que j'avais formulées dans mon rapport d'information de novembre 2006, et j'indique au Sénat que la commission s'assurera de leur mise en oeuvre au cours d'une audition de suivi programmée pour le premier semestre de 2008.
J'en viens au programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », qui constitue le pendant national des aides communautaires du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides de marché.
Les crédits finançant les dépenses d'intervention des offices agricoles accusent une baisse de 67 millions d'euros par rapport à 2007, baisse compensée en cours d'année par le produit, estimé à 50 millions d'euros, de la vente du siège de l'ancien Office national interprofessionnel des céréales, l'ONIC, avenue Bosquet.
Nous avons déjà eu un débat à ce sujet au moment du vote de l'article d'équilibre. C'est pourquoi je ne m'y appesantirai pas. Je considère cependant que cette opération, qui consiste à financer des dépenses récurrentes par des recettes ponctuelles, doit demeurer exceptionnelle. Je me félicite d'ailleurs que les observations de la commission aient été entendues quant au portage de l'opération, qui pourrait être assumé par la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, plutôt que par un acteur privé.
Permettez-moi, par ailleurs, de revenir sur ce qui me semble constituer deux sous-budgétisations au sein du programme 227.
La première, classique, concerne l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles, alors que cette dotation, en moyenne de 80 millions d'euros par an, est obligatoire aux termes du code rural.
J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la présentation de l'amendement de la commission sur les crédits de la mission.
La seconde sous-budgétisation résulte de l'absence de crédits pour faire face aux refus d'apurement communautaires, qui seront vraisemblablement compris entre 50 millions et 200 millions d'euros en 2008.
Au risque de paraître technique, mes chers collègues, je vous rappelle que le refus d'apurement consiste, pour la Commission européenne, à ne pas payer la contrepartie communautaire des aides préfinancées par les États membres lorsqu'ils les ont versées en infraction avec la réglementation communautaire. Cette contrepartie est, dès lors, supportée par le budget de l'État.
Monsieur le ministre, vos services expliquent cette absence de budgétisation par la forte incertitude qui pèse sur les montants que l'État aura à acquitter au titre du refus d'apurement et par le « signal négatif » que l'inscription de tels crédits constituerait pour la Commission européenne, dans la mesure où ils vaudraient, en quelque sorte, « reconnaissance préalable de culpabilité ». J'avoue être assez peu convaincu par cette argumentation et j'indique d'ailleurs à nos collègues que la commission des finances a confié à la Cour des comptes, pour 2008, sur ce sujet une enquête, qui permettra sans doute d'analyser ces points en détail.
Je passerai très rapidement sur le programme 149 « Forêt », dont les crédits servent majoritairement à subventionner des opérateurs, et notamment à payer le « versement compensateur » à l'Office national des forêts. Il en résulte une gestion contrainte et l'absence de marges de manoeuvre substantielles pour le responsable de programme.
Pour autant, je crois que notre politique forestière est à la croisée des chemins. Nous devons passer d'une approche de la forêt comme patrimoine à une approche de la forêt comme ressource exploitable, et les enjeux liés au développement des énergies renouvelables et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre militent pour une mobilisation accrue de la ressource de bois.