Séance en hémicycle du 4 décembre 2007 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • forêt
  • pêche

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41, 41 bis et 41 ter) et au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2, 8 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2008, pour la mission « Agriculture ».

La moitié de ces montants sont inscrits au titre 6, ce qui démontre à quel point le ministère de l'agriculture est avant tout un ministère d'intervention.

Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vos priorités budgétaires pour 2008 concernaient la gestion des aléas, en particulier par le développement de l'assurance récolte, l'encouragement de l'agriculture durable via, notamment, la prime herbagère agro-environnementale et le maintien de la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ainsi que la politique de soutien à la pêche.

Je note également qu'un effort particulier est accompli en termes de maîtrise des effectifs du ministère, avec un objectif de deux départs en retraite sur trois non remplacés parmi les personnels administratifs, et que de notables chantiers de modernisation administrative ont été conduits, à l'instar du regroupement des offices agricoles.

Monsieur le ministre, la commission des finances souscrit à ces orientations tout en s'interrogeant sur la portée réelle de l'autorisation parlementaire que nous nous apprêtons à vous donner.

Quel sens y a-t-il à ouvrir 3 milliards d'euros de crédits pour 2008, alors que les reports de charges de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » passeront, entre 2006 et 2007, de 678 millions à 1, 17 milliard d'euros ?

Certes, votre gestion n'est pas en cause, mais cela impose des mesures correctrices.

Quel sens y a-t-il, pour le Parlement, à ouvrir des enveloppes limitatives de crédits quand la Cour des comptes relève, dans un récent référé, que le ministère de l'agriculture engage régulièrement des dépenses sans crédits ou en dépassement de crédits, et que certains de ses opérateurs sont contraints de recourir à l'emprunt pour compléter les dotations budgétaires votées en loi de finances ?

Monsieur le ministre, la « soutenabilité » budgétaire de la politique agricole impose de ne plus différer la réforme de certains dispositifs d'intervention coûteux et d'éliminer certaines pratiques budgétairement peu orthodoxes ou entraînant au niveau communautaire de lourdes sanctions pécuniaires, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.

J'en viens à quelques considérations déclinées par programme.

Le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture de la pêche et développement rural » met notamment en oeuvre des actions correspondant au second pilier de la politique agricole commune, la PAC, dans le domaine du développement rural. Il comprend en particulier les mesures agro-environnementales, de nombreuses aides à l'installation, à la modernisation des exploitations ou à la cessation d'activité, et les dispositifs sur lesquels s'appuie notre politique de la pêche.

À propos de pêche, je souhaite que le Gouvernement éclaire le Sénat, au cours de ce débat, sur les modalités de financement des mesures récemment annoncées par le chef de l'État en faveur de la filière et sur leur compatibilité avec le droit communautaire.

Dans un contexte similaire, les avances remboursables consenties au fonds de prévention des aléas de la pêche, qualifiées de « subventions déguisées » par la Cour des comptes, constituent un précédent fâcheux, qui ne semble d'ailleurs toujours pas soldé. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails sur cette question.

J'observe ensuite que certains dispositifs du programme 154 fonctionnent selon une logique de « guichet » ou sont susceptibles de voir leur coût augmenter fortement en fonction de facteurs conjoncturels.

Le Gouvernement vient, par exemple, de solliciter de nos collègues députés une augmentation de 5 millions d'euros des crédits dévolus au financement des bonifications des prêts d'installation des jeunes agriculteurs, en raison de la hausse des taux de crédit bancaire et du maintien à un niveau élevé du nombre d'installations.

Je crois indispensable d'assortir le recours à de tels dispositifs de conditions d'octroi plus rigoureuses et de dotations budgétaires mieux calibrées.

Je conclurai sur le programme 154 en évoquant la situation des Haras nationaux, qui, vous le savez, font l'objet de l'attention constante et bienveillante de la commission des finances.

Les Haras nationaux voient leur subvention pour charges de service public baisser de 2, 5 millions d'euros à périmètre constant, ce qui semble les inciter à dynamiser leur politique de cessions immobilières.

Cette orientation est conforme aux préconisations que j'avais formulées dans mon rapport d'information de novembre 2006, et j'indique au Sénat que la commission s'assurera de leur mise en oeuvre au cours d'une audition de suivi programmée pour le premier semestre de 2008.

J'en viens au programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », qui constitue le pendant national des aides communautaires du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides de marché.

Les crédits finançant les dépenses d'intervention des offices agricoles accusent une baisse de 67 millions d'euros par rapport à 2007, baisse compensée en cours d'année par le produit, estimé à 50 millions d'euros, de la vente du siège de l'ancien Office national interprofessionnel des céréales, l'ONIC, avenue Bosquet.

Nous avons déjà eu un débat à ce sujet au moment du vote de l'article d'équilibre. C'est pourquoi je ne m'y appesantirai pas. Je considère cependant que cette opération, qui consiste à financer des dépenses récurrentes par des recettes ponctuelles, doit demeurer exceptionnelle. Je me félicite d'ailleurs que les observations de la commission aient été entendues quant au portage de l'opération, qui pourrait être assumé par la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, plutôt que par un acteur privé.

Permettez-moi, par ailleurs, de revenir sur ce qui me semble constituer deux sous-budgétisations au sein du programme 227.

La première, classique, concerne l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles, alors que cette dotation, en moyenne de 80 millions d'euros par an, est obligatoire aux termes du code rural.

J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la présentation de l'amendement de la commission sur les crédits de la mission.

La seconde sous-budgétisation résulte de l'absence de crédits pour faire face aux refus d'apurement communautaires, qui seront vraisemblablement compris entre 50 millions et 200 millions d'euros en 2008.

Au risque de paraître technique, mes chers collègues, je vous rappelle que le refus d'apurement consiste, pour la Commission européenne, à ne pas payer la contrepartie communautaire des aides préfinancées par les États membres lorsqu'ils les ont versées en infraction avec la réglementation communautaire. Cette contrepartie est, dès lors, supportée par le budget de l'État.

Monsieur le ministre, vos services expliquent cette absence de budgétisation par la forte incertitude qui pèse sur les montants que l'État aura à acquitter au titre du refus d'apurement et par le « signal négatif » que l'inscription de tels crédits constituerait pour la Commission européenne, dans la mesure où ils vaudraient, en quelque sorte, « reconnaissance préalable de culpabilité ». J'avoue être assez peu convaincu par cette argumentation et j'indique d'ailleurs à nos collègues que la commission des finances a confié à la Cour des comptes, pour 2008, sur ce sujet une enquête, qui permettra sans doute d'analyser ces points en détail.

Je passerai très rapidement sur le programme 149 « Forêt », dont les crédits servent majoritairement à subventionner des opérateurs, et notamment à payer le « versement compensateur » à l'Office national des forêts. Il en résulte une gestion contrainte et l'absence de marges de manoeuvre substantielles pour le responsable de programme.

Pour autant, je crois que notre politique forestière est à la croisée des chemins. Nous devons passer d'une approche de la forêt comme patrimoine à une approche de la forêt comme ressource exploitable, et les enjeux liés au développement des énergies renouvelables et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre militent pour une mobilisation accrue de la ressource de bois.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes particulièrement sensibilisé à cette question, et vous pourrez compter sur le soutien de la commission pour agir dans cette direction.

Le programme 215 constitue enfin le « programme soutien » de la mission. Comme je l'indiquais en préambule de mon intervention, ce programme traduit un effort réel de maîtrise des dépenses de personnel.

J'observe toutefois qu'il achève de concentrer les dépenses de personnel en se voyant rattacher, en 2008, les moyens des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, auparavant inscrites au programme 154. Si ce regroupement est de nature à faciliter la gestion des budgets opérationnels de programme, il est une entrave à l'exercice, au sein de chaque programme de politique publique, de la fongibilité asymétrique.

Enfin, quant au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CAS-DAR, je relève que ses prévisions de recettes ne prennent pas en compte les effets du déplafonnement, au 1er janvier 2008, de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite « taxe ADAR », qui l'alimente.

Monsieur le ministre, faut-il y voir l'indice qu'une énième reconduction du plafonnement de la taxe ADAR est en préparation ? Je ne crois pas me tromper en affirmant qu'un nouvel opus de ce « feuilleton fiscal », auquel je viens de consacrer un rapport d'information, serait assez mal perçu par la commission des finances du Sénat.

En ce qui concerne les dépenses du compte, je crois enfin qu'une justification au premier euro plus circonstanciée permettrait de s'assurer que les crédits vont aux actions de développement agricole plutôt qu'aux structures, comme les instituts techniques ou les chambres d'agriculture.

Sous réserve de ces remarques et de l'amendement que je vous présenterai lors de la discussion de l'état B, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ainsi que les articles 41, 41 bis et 41 ter rattachés à la mission.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2008 pourrait être qualifié de budget de « transition », comme celui de l'année 2007. Je souhaiterais dire quelques mots du contexte général, avant de donner une analyse rapide des crédits et d'évoquer la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole, qui fait l'objet d'un développement thématique dans notre rapport pour avis.

En ce qui concerne, tout d'abord, le contexte général de ce budget, je dirai que nous sommes à la croisée des chemins, en termes tant économiques qu'institutionnels.

Les fondamentaux du marché agricole mondial sont en passe d'être bouleversés, et d'une façon qui pourrait être durable. Le recul de l'offre de produits agricoles bruts destinés à l'alimentation, du fait de conditions météorologiques défavorables et de la concurrence des productions non alimentaires, allié à une forte croissance de la demande mondiale sous la poussée des pays émergents, a provoqué une véritable flambée des cours de nombreux produits, qui pourrait se poursuivre à l'avenir.

Sur un plan plus institutionnel, la transition est celle de la politique agricole commune, dont le bilan de santé sera réalisé dans le courant de l'année prochaine. La Commission en a déjà esquissé les pistes il y a peu de temps. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quelle façon vous les appréhendez et comment vous concevez dans ce cadre la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008 ?

Enfin, la transition concerne notre vision globale de l'agriculture, de ses objectifs et de ses méthodes. Le « Grenelle de l'environnement » a été l'occasion de faire ressortir les attentes de nos concitoyens vis-à-vis du monde agricole, mais aussi les engagements que les agriculteurs étaient prêts à prendre. Des propositions, ambitieuses pour certaines, ont finalement été actées. Quel en sera, monsieur le ministre, le calendrier d'adoption et comment se fera la coordination avec les assises de l'agriculture, que vous avez opportunément lancées à l'automne ?

Dans ce contexte global de transition, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche se présente, c'est indéniable, comme fortement contraint, faisant les frais de la discipline budgétaire demandée aux ministères par le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne.

Cette rigueur contraint inévitablement le ministère à choisir des priorités, et donc à moins soutenir certaines actions.

C'est le cas des actions relatives à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés, dont les crédits sont en recul de près de 10 %. Ces baisses touchent surtout, il est vrai, les offices agricoles, dont les moyens sont censés avoir diminué du fait de leur regroupement en trois pôles, conformément à la dernière loi d'orientation.

Plutôt que de rigueur, c'est d'incertitude qu'il faut parler en ce qui concerne les dispositifs de gestion des crises. Mais notre président de commission, M. Jean-Paul Emorine, grand expert de ces questions, vous en dira sûrement plus.

Au-delà de la seule assurance récolte, qui pourra obtenir un financement européen dans les prochaines années, on remarquera par ailleurs que les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels que le dispositif « Agriculteurs en difficultés et le fonds d'allègement des charges, sont en recul inquiétant.

Toutefois, cette rigueur générale qui affecte le budget ministériel doit être très largement nuancée, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, le budget du ministère ne représente qu'une partie minoritaire - moins d'un tiers - de « l'effort public » en faveur de l'agriculture, qui s'élève tout de même à plus de 16 milliards d'euros.

Deuxièmement, cette rigueur est l'occasion pour le ministère dans un contexte de réforme de l'État de procéder à des ajustements structurels nécessaires, tels que la suppression de plusieurs centaines d'emplois, lui permettant d'économiser quelque 17 millions d'euros cette année.

Troisièmement, enfin, ces contraintes budgétaires n'empêchent pas le ministère de concentrer ses efforts sur certains axes majeurs du développement agricole et rural.

Les mesures agroenvironnementales, dont on a vu l'importance dans le contexte actuel, sont reconduites en crédits de paiement et presque doublées en autorisations d'engagement. Cela permet de bénéficier de très importantes sommes au titre du cofinancement communautaire, et d'oeuvrer très concrètement en faveur d'une agriculture durable.

Le secteur de la pêche, comme le développera sans doute notre collègue Alain Gérard, fait aussi l'objet d'une attention budgétaire toute particulière du ministère, afin de l'aider à traverser la crise.

Par ailleurs, monsieur le ministre, comment satisfaire les justes revendications des anciens agriculteurs à propos des retraites agricoles dont le montant est très insuffisant ? Cette question revient tous les ans, et il est aujourd'hui temps d'en discuter.

J'évoquerai également l'économie forestière et reprendrai un thème qui a déjà été examiné l'année dernière et qui me tient particulièrement à coeur : la mise en place du plan épargne forêt.

Il n'existe en France aucune procédure de financement adapté aux contraintes de la sylviculture, en ce qui concerne notamment la durée, le taux et la garantie. La défiscalisation des travaux agricoles va dans le bon sens, mais ne suffit pas.

Afin d'encourager une politique de mobilisation des bois pour répondre aux besoins des industries, la propriété forestière doit être assimilée et traitée comme une véritable entreprise sylvicole. Elle devrait disposer d'un système de financement organisé autour de plusieurs produits financiers adaptés à la sylviculture. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet.

En ce qui concerne l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, elle a été créée par la loi relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui a prévu le financement de ses actions. Elle a mené des opérations visant à améliorer la connaissance du monde agricole et rural, à promouvoir l'image de l'agriculture après des consommateurs et à valoriser les métiers et les produits issus des territoires ruraux

Les opérations grand public, comme l'exposition itinérante « Train de la terre », qui a reçu 500 000 visiteurs, les actions en direction des jeunes et des scolaires prévues pour l'an prochain, la présence de l?agence pour la première fois au salon de l'agriculture imposent de reconduire la subvention pour 2008.

Pour finir, je dirai quelques mots de la réforme de l'OCM vitivinicole, à propos de laquelle nous avons adopté une résolution ici même à l'unanimité, voilà quelques jours. Monsieur le ministre, vous étiez présent, et vous avez pris un engagement concernant notre proposition.

Le Conseil agriculture des 26 et 27 novembre, où a longuement été débattu le sujet, a fait apparaître plus particulièrement deux points de friction : la libéralisation des droits à plantation après la politique d'arrachage - c'est totalement incohérent - et le régime d'enrichissement, problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Pouvez-vous nous dire quelle stratégie de négociation vous souhaitez adopter lors du prochain conseil agriculture le 17 décembre prochain ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais vous soumettre en complément de l'excellent rapport de Joël Bourdin.

Je terminerai en appelant naturellement à voter les crédits de cette mission, que nous avons adoptés au sein de la commission des affaires économiques et qui représentent, au vu des contraintes actuelles un budget cohérent au service du monde agricole et rural.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention aura pour objet la partie « Affaires rurales » de la mission.

Évoquer ce sujet, c'est à la fois faire le point sur les politiques engendrées et apprécier les masses financières projetées.

Le développement rural, c'est un cadre de vie, une économie dynamique et des besoins en services. C'est le problème de la ruralité qui est ainsi posé.

L'équilibre financier de bon nombre de ces services, publics ou privés, en danger depuis toujours, ne pourra continuer à exister qu'avec une véritable péréquation, une vraie solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Il y a donc deux conditions pour que vive la ruralité.

La première est une péréquation de solidarité nationale. La seconde est une méthodologie, une gouvernance appropriée au monde rural.

Au titre de la péréquation nationale, les autorisations d'engagement, d'un montant de 70 millions d'euros, sont en baisse de 16 %, et les crédits de paiement de 8 %. Cette tendance est très inquiétante, monsieur le ministre.

À cela s'ajoute le changement de périmètre dans la présentation des crédits, qui rend leur lecture totalement opaque.

Quant à la méthodologie et à la gouvernance rurale, on distingue deux niveaux : chaque projet peut faire l'objet soit d'une approche verticale, soit d'une approche horizontale, plus globale et liée au cadre de vie.

À ce sujet, les pôles d'excellence rurale, créés par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, ont été une heureuse initiative, monsieur le ministre. Sur les 700 dossiers qui ont été déposés autour de l'économie, de l'emploi ou de l'innovation notamment, 379 ont été arrêtés. La dotation varie entre 300 000 euros et 1 million d'euros par projet, avec un taux de financement public de 33 %.

Après un an et demi de vie, ces pôles suscitent plusieurs remarques.

Première remarque : il s'agit d'un dispositif beaucoup trop complexe. On peut aussi déplorer la concurrence entre les divers projets de développement à l'échelle locale. Alors que les pôles ont été créés à l'origine pour être portés par différents acteurs de terrain, comme les membres des groupements d'action locale, 80 % de ces projets sont maintenant mis en oeuvre par les collectivités locales.

Deuxième remarque : la durée de l'accompagnement est de trois ans. Or, le développement rural ne s'arrête pas à trois ans. Qui prendra le relais si ce ne sont les collectivités territoriales ? La ruralité s'appuie sur une animation permanente des projets. Mais les pôles d'excellence rurale ne financent ni l'animation, ni la recherche, ni l'innovation ; c'est une erreur.

Troisième remarque : le redéploiement de 235 millions d'euros sur 379 pôles s'apparente à du saupoudrage.

Quatrième remarque : il est très difficile, monsieur le ministre, de saisir pour ces projets les mécanismes de suivi et d'évaluation qu'il convient de mettre en oeuvre.

J'en viens maintenant à la méthodologie et à la gouvernance du monde rural.

En 2006, M. Dominique Bussereau m'avait invité, avec un certain nombre de vos collaborateurs ici présents, monsieur le ministre, à participer à une mission sur la ruralité. Il s'agissait d'apprécier les différences d'approche des politiques de développement et d'utilisation des fonds européens de certains Etats membres de l'Union.

La copie a été rendue, des pistes proposées, la plupart d'entre elles étant d'ailleurs peu, voire pas coûteuses. Où en est-on, monsieur le ministre ?

Le constat fait apparaître que la France est parmi les plus mauvais utilisateurs des fonds européens. L'Espagne et l'Autriche ont mis en place des mécanismes de management rural portés par des systèmes associatifs, coopératifs, regroupant tous les partenaires acteurs en les responsabilisant. Cela devient une force et les coopératives rurales telles que nous avons pu les observer, regroupant des collectivités territoriales, des socioprofessionnels, diverses personnalités, représentent une vraie locomotive pour la démocratie participative.

À l'époque, cette démarche avait reçu l'adhésion de tous les participants. Comment a-t-elle évolué, monsieur le ministre ?

Cette réflexion intègre d'autres pistes. Ainsi en est-il de l'élevage ovin en montagne, qui fait l'objet d'une mission d'information confiée à MM. Gérard Bailly et François Fortassin. Je pourrais également citer le pastoralisme.

Monsieur le ministre, après le Grenelle de l'environnement, que deviendront ces pistes agroenvironnementales et les ouvertures qui ont été faites ?

Cette intervention ne me permet d'aborder qu'une faible partie des problèmes de la ruralité. Je n'ai pas le temps d'évoquer les services privés ou publics, qui suscitent une véritable interrogation.

La baisse des crédits, le défaut d'engagement politique fort, l'absence de réponse sur les attendus de la mission de 2006, tout cela n'appelle pas un grand enthousiasme de ma part. Je regrette, à titre personnel, le manque d'ambition de la politique du Gouvernement en matière de développement rural. Néanmoins, selon une tradition bien établie au Sénat, je m'en rapporte à la sagesse de la commission qui propose bien sûr de voter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au même titre que les rapporteurs pour avis, je scinderai mon intervention en deux parties : une analyse de l'évolution des crédits consacrés à la forêt dans le projet de budget, puis un éclairage plus développé sur un thème d'actualité, la valorisation de la ressource forestière.

Dans le présent projet de budget pour 2008, les crédits consacrés à la forêt semblent a priori épargnés par les restrictions budgétaires puisqu'ils affichent une hausse de 3, 8 % en crédits de paiement, le programme « Forêt » étant doté cette année de 322 millions d'euros.

Une fois déduite la dotation de l'État à l'Office national des forêts, qui, bien que nécessaire pour compenser l'augmentation des taux de cotisation des pensions civiles, ne correspond à aucune action nouvelle, ce projet de budget marque, hélas ! une baisse de 4, 8 %.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de financer les mesures nécessaires à l'amplification de la politique de la forêt, notamment en matière de source d'énergie, que de tous côtés on réclame ?

Si le développement économique de la filière et la mise en oeuvre du régime forestier, objets des actions 1 et 2, sont en hausse formelle, les crédits destinés à l'amélioration de la gestion de la forêt et ceux qui sont affectés à la prévention des risques, d'incendie notamment, sont en recul respectivement de 7, 7 % et de 4, 3 %. Mon inquiétude, vous me l'accorderez, est légitime.

Certes, cette baisse est à nuancer dans la mesure où elle intègre la diminution des besoins de financement du plan chablis, engagé à la suite des tempêtes de 1999, qui arrivera à son terme en 2009. Cependant, elle conduit à s'interroger dans la mesure où la mobilisation de la ressource bois est proclamée par le ministère, et au-delà par le Gouvernement, comme une priorité dans un contexte de prise en considération accrue des contraintes environnementales.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la réalisation du plan chablis et quelles sont les perspectives pour 2008 ?

C'est justement la mobilisation de la ressource forestière que je souhaite à présent évoquer.

Comme je le soulignais à l'instant, ce sujet est parfaitement en phase avec les préoccupations environnementales actuelles. Nous savons que la forêt, en séquestrant d'importantes quantités de C0², participe fortement à la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, cette ressource est aujourd'hui sous-utilisée. Bien que, couvrant près de 28 % de notre territoire, notre forêt connaît un prélèvement de bois qui n'excède pas 60 % de sa production biologique.

Cette thématique a été abordée largement lors du récent « Grenelle de l'environnement », qui a notamment abouti à des préconisations visant à valoriser le bois comme source d'énergie et matériau de construction.

Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, semblez avoir bien pris conscience du formidable gisement d'activité et d'emplois que recèle l'exploitation durable de cette ressource. Ainsi, les trois premiers axes du programme forestier national pour la période 2006-2015 sont entièrement orientés vers ces préoccupations.

Par ailleurs, les assises de la forêt, que vous avez ouvertes voilà deux semaines, devraient traiter abondamment de la mobilisation de la ressource forestière, avec l'objectif ultime de « produire plus en préservant mieux ».

À cette occasion, vous avez retenu l'objectif d'extraire de nos forêts 21 millions de mètres cubes supplémentaires à moyen terme. Cet objectif, vous l'avez indiqué, appelle « tous les acteurs [...] à un vrai changement d'échelle dans leurs réflexions, leurs actions et leurs investissements » et rend nécessaire une révision des outils d'intervention. Monsieur le ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous exposer les principales mesures que vous envisagez de prendre afin d'accompagner ce mouvement, nous préciser quand et comment vous comptez parvenir à cet objectif ambitieux de 21 millions de mètres cubes supplémentaires ?

Par ailleurs, vous projetez de faire figurer plusieurs éléments de ce dispositif dans des projets de loi qui feront suite au « Grenelle de l'environnement ». Pouvez-vous, là encore, nous en dire un peu plus sur le calendrier prévisionnel et le contenu de ce dispositif ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous livrer au regard des orientations du projet de budget agricole pour 2008, sur le programme « forêt », et de l'actualité qui s'y rapporte.

Comme je m'y suis engagé devant la commission des affaires économiques lors de l'examen du rapport pour avis, je transmets fidèlement l'avis favorable de la commission à l'adoption des crédits de la mission, bien que, vous le comprendrez, je sois à titre personnel plus circonspect.

En conclusion, monsieur le ministre, je ne peux que vous encourager à poursuivre de façon volontariste une politique en faveur de la valorisation de la ressource forestière. Les échéances à venir - les assises de la forêt notamment - en seront une excellente occasion.

L'ensemble de la filière, et d'une manière générale nombre d'élus locaux et de nos concitoyens, nourrissent à cet égard de fortes attentes. J'espère très sincèrement, monsieur le ministre, que vous serez en mesure d'y répondre, et nous suivrons avec intérêt le déroulement de cette démarche que nous appuyons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gérard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concerne spécifiquement les crédits de la pêche au sein du projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2008.

Je souhaite tout d'abord vous livrer mon analyse de ces crédits, avant d'évoquer la crise que connaissent actuellement les pêcheurs, et les mesures auxquelles elle a donné lieu.

Avec 60, 5 millions d'euros mobilisés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une progression de près d'un million d'euros, les crédits consacrés au secteur de la pêche pour 2008 sont confirmés. Cela nous paraît très satisfaisant sachant, d'une part, que ces crédits avaient été doublés l'année dernière et, d'autre part, que les contraintes s'exerçant sur le budget du ministère sont particulièrement fortes cette année, comme l'a rappelé M. Gérard César.

Les deux tiers de ces crédits - soit 39 millions d'euros - sont affectés au développement durable de la filière halieutique et aquacole, ce qui apparaît effectivement comme une priorité quand on sait que l'âge moyen de nos bateaux de pêche est de vingt-quatre ans.

Un quart de l'ensemble des crédits de la pêche, soit 15 millions d'euros, sert à promouvoir une gestion responsable de la ressource, la France s'étant engagée à atteindre, d'ici à 2015, le rendement maximum durable de ressources halieutiques.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours, alors que la Commission européenne présentait son plan de quotas pour 2008, vous avez annoncé la présentation, dans les deux mois, d'un plan de pêche durable. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur ce plan, nous indiquer notamment comment la France, qui conteste les avis scientifiques sur l'état des ressources et la volonté de la Commission de réduire les prises, va se positionner sur ce point ?

Enfin, cinq millions d'euros seront mobilisés au service du contrôle des pêches. Ces moyens, qui s'ajouteront à ceux qui sont dégagés par d'autres administrations centrales, devraient nous permettre de mieux respecter la législation communautaire sur les pêches, pour laquelle nous avons déjà été condamnés à de lourdes sanctions.

Après avoir rappelé l'essentiel de ce bon projet de budget pour la pêche, je m'attarderai sur la crise du monde de la pêche, très médiatisée ces derniers temps.

Cette crise a été provoquée en grande partie par l'augmentation du coût du carburant. Depuis le début de l'année, le litre de gazole est passé de 30 à 50 centimes d'euros. La dépense en carburant est passée de 15, 7 % du chiffre d'affaires en 2003 à 27 % aujourd'hui. Ainsi, un navire de pêche hauturière partant en mer pendant quinze jours et embarquant 20 tonnes de gazole a déjà coûté à son propriétaire 10 000 euros en carburant, ce malgré l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers dont bénéficient les marins pêcheurs.

Les conséquences sur les comptes d'exploitation sont brutales : la part du chiffre d'affaires dévolue au revenu d'un armateur de chalutier est passée de 17 % voilà dix ans à 7 % aujourd'hui. La moitié des navires de pêche français serait de ce fait dans une situation très délicate, leurs exploitants ne parvenant plus à payer leur équipage, ou alors à des salaires non attractifs.

Face à cette crise d'une ampleur sans précédent pour le monde de la pêche, le Gouvernement, et vous-même, monsieur le ministre, avez fait preuve de réactivité.

Ainsi, à la fin du mois d'octobre, vous annonciez un plan de soutien au secteur de plus de 25 millions d'euros, dont l'essentiel était destiné à financer des plans de sortie de flotte pour les navires qui ne sont plus compétitifs.

Se rendant au Guilvinec le 6 novembre, le Président de la République vous demandait de mettre en place des mesures d'urgence en faveur des marins pêcheurs. Dès le lendemain, monsieur le ministre, vous annonciez, outre la mise en place de deux groupes de travail consacrés respectivement à la modernisation de la flottille et à la garantie d'une rémunération mensuelle minimale, l'exonération provisoire des charges patronales et salariales et, surtout, la prise en charge du surcoût du gazole supporté par les entreprises au-delà de 30 centimes d'euros par litre.

Cette dernière mesure, a-t-on appris, devrait prendre la forme d'une taxe à la consommation, appelée « écocontribution », dont le produit serait affecté aux pêcheurs en proportion de leur consommation de gazole. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que cette piste est toujours privilégiée, nous en livrer les modalités plus précises, et nous dire si vous pensez que cette mesure sera considérée comme « eurocompatible » ?

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments et questionnements dont je tenais à vous faire part s'agissant des crédits consacrés à la pêche dans le projet de loi de finances pour 2008.

Vu à la fois l'orientation favorable de ces crédits et la bonne prise en compte par le Gouvernement de la crise des pêcheurs, je vous proposerai, mes chers collègues, conformément à l'avis très favorable qu'a émis la commission des affaires économiques, d'adopter ce projet de budget.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai tout d'abord les orateurs qui viennent de s'exprimer, M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et les rapporteurs pour avis Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard.

Je souhaite, dans ce débat interactif entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, saisir ce premier moment pour vous exposer dans quel esprit j'ai l'honneur, depuis quelque six mois, d'animer ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche et d'agir au service du monde rural, de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire de notre pays.

Je veux à mon tour rappeler que le projet de budget pour 2008 s'inscrit dans un contexte de changement, dans un environnement en mutation qui place chaque jour davantage l'agriculture au coeur des défis de la société. Il m'est déjà arrivé, devant un congrès de représentants professionnels, de souligner que la question agricole ne se réduisait pas à la seule question des agriculteurs : c'est une question de société. Voilà quelques semaines à peine, je lisais dans un grand journal du soir, vous l'avez sans doute lu comme moi, un article bien placé intitulé « Le grand retour de l'agriculture ».

Tous ceux qui s'intéressent au sujet - vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi les agriculteurs, les producteurs, les pêcheurs - se trouvent donc de nouveau au coeur des nouveaux défis de la société, et c'est heureux.

C'est d'abord le défi alimentaire qui se pose à l'Europe et au monde. L'Institut national de la recherche agronomique rappelait il y a quelques semaines que, pour nourrir 9 milliards d'habitants sur notre planète en 2050, il va falloir doubler la production agricole : produire plus, donc, mais aussi produire mieux, pour tenir compte du fait que les ressources naturelles, les espaces naturels, ne sont ni gratuits ni inépuisables. C'est notamment la leçon du Grenelle de l'environnement.

N'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, et portez ce message autour de vous : parce qu'ils sont les seuls dans notre société dont le travail soit quotidiennement lié à l'eau, à l'air, au sol, les agriculteurs sont les premiers concernés par le dérèglement climatique, qui va s'accentuer.

Le contexte agricole connaît, lui aussi, de forts changements, avec des marchés très volatils, des risques de délocalisation des productions, de la valeur ajoutée agricole, des emplois dans une économie agricole plus ouverte et bien évidemment tournée vers les marchés mondiaux.

Cette transition, ces changements, cette période de « croisée des chemins », pour reprendre l'expression de Gérard César, nous les abordons avec ambition et confiance, dans un contexte budgétaire difficile, en effet.

J'ai une ambition, un projet : construire une grande politique de l'alimentation, de la ruralité, de l'agriculture et de la pêche. Diverses occasions s'offrent à nous d'y travailler dès maintenant dans ce nouveau contexte, dont je veux rappeler quelques éléments.

D'abord, 2009 sera une année en partie neutralisée du fait des élections européennes et du renouvellement de la Commission. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité engager dès 2008 le grand débat sur la future politique agricole et saisir toutes les occasions offertes par le bilan de santé de la PAC.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Nous n'attendrons pas, car, l'expérience que j'ai acquise comme commissaire européen - j'étais alors chargé d'une autre grande politique qui vous intéresse, la politique régionale et des fonds de cohésion - me permet de l'affirmer, il ne faut pas, ni en Europe ni non plus, si possible, en France, que le débat budgétaire précède le débat politique.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

C'est le contraire qui est normal : il faut d'abord un débat d'idées, il faut d'abord un débat politique.

C'est ce débat que, sans attendre, nous voulons conduire avec nos partenaires européens. Pour cette raison, il sera ouvert au début de la présidence française, dès le 1er juillet 2008.

Ensuite, puisque je viens de les évoquer, les propositions formulées par la Commission dans le bilan de santé nous fournissent une deuxième occasion, plus proche encore dans le temps puisque le rapport de la Commission a été publié tout récemment. Nous n'aborderons pas ce bilan de santé de manière défensive, en nous cramponnant à la politique existante, qui a certes de très bons atouts, mais qui mérite d'être adaptée. Notez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs - et, là aussi, je m'appuie sur mon expérience de la Commission et du débat européen -, nous allons sortir d'une logique de guichet pour aller vers une logique de projet.

Tel est donc l'état d'esprit dans lequel nous aborderons ce rendez-vous du bilan de santé, mais aussi le suivant, qui portera sur la politique agricole elle-même pour l'après-2013.

Pour la même raison, nous changerons d'attitude avec nos partenaires. J'ai souvent répété - je l'avais dit, notamment, lorsque j'étais ministre des affaires étrangères - que « la France n'est pas grande quand elle est arrogante, qu'elle n'est pas forte si elle est solitaire ». Nous ne serons pas arrogants, et nous ne serons pas solitaires.

J'ai donc intensifié, de manière besogneuse, nos relations avec nos partenaires. J'étais en Pologne la semaine dernière, je serai cette semaine en Bulgarie et en Roumanie pour créer ce tissu, cette solidarité ; non pas pour défendre le passé, mais pour bâtir ce projet que j'évoquais tout à l'heure. Ainsi, j'aurai rencontré avant le début de la présidence française, chez eux, tous nos partenaires et tous mes collègues ministres de l'agriculture et de la pêche.

En outre, la forte augmentation des prix des matières premières remet l'économie au coeur de la production agricole et, je me permets de le souligner, provoque de vrais problèmes pour certaines filières, durement touchées par l'augmentation des coûts de production : la filière avicole, les veaux de boucherie, le porc. Néanmoins, dans ce contexte d'évolution des marchés qui voit les prix atteindre durablement un niveau élevé, plus élevé en tout cas que jamais dans le passé - je pense en particulier aux grandes cultures, au bois, au lait -, nous avons la possibilité d'ouvrir le débat de manière plus constructive et plus sereine.

Enfin, le quatrième élément de ce contexte, élément qu'il ne faut pas oublier, ce sont les négociations à l'OMC. Même si leur conclusion semble s'éloigner, nous resterons, comme l'a indiqué le Président de la République, très fermes et très vigilants : nous ne pourrons évidemment pas accepter que l'agriculture devienne je ne sais quelle variable d'ajustement d'un accord à tout prix qui se ferait au seul bénéfice des pays émergents et au détriment des intérêts agricoles européens et, du même coup, des pays les plus pauvres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour préparer ces rendez-vous, pour préparer ce projet agricole, alimentaire et territorial, j'ai proposé une méthode, dans un esprit de dialogue et de transparence, à travers les assises de l'agriculture. Parlement de l'agriculture, en quelque sorte, elles rassemblent déjà des responsables agricoles, auxquels nous avons associé d'autres acteurs, en particulier les ONG qui interviennent en matière d'environnement ou les consommateurs, que j'ai déjà rencontrés.

Nous prendrons en compte les conclusions du Grenelle de l'environnement et nous nous appuierons sur le socle des propositions qu'il a formulées afin de bâtir ce projet agricole, alimentaire et territorial. Nous prendrons également en compte le débat qui s'est ouvert sur le bilan de santé de la PAC. Ainsi, ces assises nous permettront de préparer le futur grand rendez-vous pour la PAC de l'après 2013.

Plusieurs orateurs m'ont interrogé, justement, sur le calendrier de ce bilan de santé. Notre objectif est de conclure en décembre prochain le débat qu'il a suscité et dans la foulée, parce que les choses sont liées, d'ouvrir sans attendre, sous la présidence française, le grand débat sur la future politique agricole commune, comme je l'ai déjà indiqué ; le Conseil informel des ministres de l'agriculture et de la pêche qui se tiendra à Annecy les 21, 22 et 23 septembre prochains en sera l'occasion.

C'est dans le même état d'esprit que j'aborde une autre négociation qui, monsieur César, a fait ici même, il y a quelques nuits, l'objet d'un long et intéressant débat : la négociation sur l'OCM vitivinicole. Elle se présente difficilement, et j'espère que nous aboutirons ; mais je n'en suis pas sûr. Nous n'accepterons pas n'importe quel accord, car nous voulons préserver le modèle agricole européen en général et, à l'intérieur de ce modèle, la production de vins en provenance de vignobles qui sont ancrés dans des territoires attachés à leur identité et à leur authenticité.

Si vous me le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'attarderai encore un instant sur l'ensemble de ces sujets pour les inscrire clairement dans la problématique générale qui est depuis assez longtemps celle du débat européen et qui, actuellement, s'accentue.

Depuis cinquante ans, la construction européenne voit se confronter deux idées de l'Europe. L'une, que nous n'approuvons pas, mais qui n'en est pas moins vigoureuse, est celle d'une Europe « grande zone de libre-échange », avec quelques règles, des fonds de soutien ou de solidarité - les Anglais les nomment charity funds -, une grande compétition fiscale et sociale à l'intérieur, et toutes les portes et les fenêtres ouvertes sur l'extérieur : c'est la vision anglo-saxonne. Je ne dis pas cela pour être désagréable, mais parce que cette vision existe et qu'elle est très forte, à Bruxelles comme ailleurs.

La seconde vision est celle que nous défendons depuis le début avec les cinq autres pays fondateurs - notamment avec nos partenaires allemands -, aujourd'hui rejoints par d'autres pays situés plus à l'est, en Europe centrale, orientale et baltique. Dans notre perspective, l'Union européenne doit être, bien sûr, un grand marché, mais soumis à des règles ; elle doit être aussi une communauté solidaire menant des politiques intégrées.

Nous avons pour l'heure deux grandes politiques intégrées : la politique régionale, que j'ai gérée pendant cinq ans, et la politique agricole, qui fait aujourd'hui l'objet de notre débat, démontrent que l'Union européenne ne se résume pas à un supermarché, qu'elle est aussi une communauté solidaire. J'espère que d'autres politiques intégrées suivront et que l'Union sera capable d'avoir une voix politique grâce à une politique étrangère et une politique de défense.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le secteur agricole et, en son sein, le secteur du vin se trouvent clairement au point de confrontation de ces deux idées. Vous connaissez mes convictions politiques, celles que je sers au côté du Président de la République et du Premier ministre.

Je pense que, dans le monde globalisé où nous vivons, l'idée d'une libéralisation généralisée n'est pas forcément une idée juste.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Je ne me suis pas battu pour la cause européenne pour autoriser, en tout cas pour accepter aujourd'hui que toutes les portes et les fenêtres soient ouvertes, pour remettre en cause ce que nous avons mis cinquante ans à construire.

Disant cela, je ne me cantonne pas dans je ne sais quel débat franco-français, comme s'il s'agissait simplement de défendre le modèle français ou l'exception française. Un journal britannique soulignait hier que cette question était également au coeur de la campagne présidentielle aux États-Unis, où l'on s'interroge de la même façon sur la justesse d'une libéralisation généralisée.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Les raisons sont d'ordre écologique, social, sanitaire ; entre aussi en ligne de compte ce modèle agricole que nous évoquions et qui est ancré dans les territoires.

Tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, exige des outils de régulation, des outils de stabilisation. Cela exige des règles, des solidarités, des protections - et non du protectionnisme ! -, bref : cela exige une nouvelle préférence européenne.

Je tenais à préciser tous ces points parce qu'ils sont le fond de ma conviction, celle que je défends aujourd'hui à la tête de ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche, celle que je défendais déjà dans les autres fonctions que j'ai pu exercer.

J'évoquerai maintenant la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits de paiement sont en légère baisse et les autorisations d'engagement en hausse de 5, 3 %, en raison notamment du renouvellement massif des contrats de la prime herbagère agro-environnementale qui interviendra en 2008.

Ces dotations budgétaires doivent être mises en discussion en les reliant aux crédits communautaires. En effet, quand on parle de l'intervention économique agricole, il s'agit de près de 9 milliards d'euros dans le premier pilier de la PAC, auxquels s'ajoute 1 milliard d'euros dans le deuxième pilier.

Ces 10 milliards d'euros par an attribués à notre pays au niveau européen sont à rapporter au budget de 1 milliard d'euros, dont nous présentons la plus grande partie aujourd'hui au Sénat, si l'on enlève les crédits qui relèvent du fonctionnement et d'un autre poste dont nous avons discuté à propos de l'enseignement agricole.

La proportion est donc de dix à un s'agissant de l'action économique agricole. C'est dire que cette politique est principalement européenne et que la plupart des solutions sont à chercher avec nos partenaires européens.

Malgré les difficultés que M. le rapporteur spécial a décrites et qui sont héritées de pratiques passées - je ne les justifie pas, mais je dois les assumer - ce budget repose sur plusieurs priorités que j'ai voulu préserver.

Les deux premières sont les outils de gestion des aléas et le soutien au renouvellement des générations dans une agriculture durable ; je veux en effet être le ministre d'une agriculture durable. Une agriculture durable, ce n'est pas seulement une agriculture qui est davantage respectueuse de l'environnement, c'est une agriculture qui dure au travers du renouvellement des générations.

La troisième priorité concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Enfin, la quatrième priorité a trait à la modernisation de l'outil que constitue ce ministère.

J'assume depuis près de six mois la fonction de ministre de l'agriculture et de la pêche et je suis, comme vous, confronté chaque semaine à des crises liées à la volatilité croissante des prix, à des crises sanitaires de plus en plus fréquentes : l'influenza aviaire, les dioxines, la sharka ou la chrysomèle du maïs, et surtout, dans soixante-sept départements aujourd'hui, la fièvre catarrhale ovine, que les éleveurs, les services de l'État, les vétérinaires libéraux et les laboratoires affrontent avec beaucoup de responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas aujourd'hui dans notre pays les outils nécessaires pour affronter la multiplication de ces crises économiques, sanitaires et climatiques, quand elles ne se conjuguent pas au même moment !

Comme me l'a demandé le Président de la République, je travaille avec Christine Lagarde à une généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte.

Monsieur César, je vous confirme que l'objectif de stabilisation des marchés sera ma priorité dans le bilan de santé de la PAC. Je l'ai déjà dit lors du Conseil des ministres qui s'est tenu la semaine dernière à Bruxelles.

Les propositions de la Commission, avec un renforcement du second pilier pour financer des dispositifs assurantiels, ne me satisfont pas. C'est à l'intérieur du premier pilier que ceux-ci doivent être mis en place. La PAC doit rester, au travers de ce premier pilier consolidé, même s'il faut le redéployer en son sein, une politique économique. C'est même la première des politiques économiques européennes et, pour l'instant, probablement la seule véritable politique économique européenne.

En attendant, nous utiliserons au mieux les deux outils dont nous disposons.

Il s'agit d'abord de la prise en charge, depuis 2005, de 35 % des primes d'assurance récolte, 40 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des grandes cultures, plus de 25 % des surfaces sont couvertes aujourd'hui par des contrats d'assurance ; 32 millions d'euros, soit 5 millions d'euros de plus que ce qui devrait être dépensé en 2007, sont inscrits en 2008 et devraient permettre une augmentation des taux de prise en charge de ces contrats dans le secteur de l'arboriculture et du maraîchage. Ces augmentations s'inscrivent dans la lignée des propositions du rapport de Dominique Mortemousque.

Il s?agit ensuite du Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial. La dépense de l'État, abondée en cours d'année, s'établit sur la durée à parité avec la participation des professionnels, à environ 80 millions d'euros par an. Il est vrai que ce fonds de garantie n'est habituellement pas doté en loi de finances initiale. Cet outil continue néanmoins d'assurer de manière forfaitaire les indemnisations des aléas climatiques, et il sera doté en tant que de besoin au cours de l'année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut pour ce secteur comme pour les autres un véritable outil de gestion des risques et des crises au niveau communautaire. Ce sera l'une des priorités de la présidence française.

Malgré ce constat, nous conservons quelques outils d'intervention : le Fonds d'allègement des charges, doté de 5 millions d'euros pour 2008 ; les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, dont la plus grande part n'apparaît plus dans le budget du ministère, puisque ces allégements de charges sont inscrits directement dans le budget de la mutualité sociale agricole

Enfin, dans le domaine des risques économiques, lors du dernier Conseil des ministres, nous avons obtenu, pour aider le secteur du porc qui connaît une crise très grave, la mise en place de restitutions - ce n'était pas acquis ! - grâce à une bonne concertation avec nos partenaires ; je pense notamment à l'appui de l'Allemagne. C'est une bonne nouvelle pour cette filière qui est très affectée par des niveaux de cours très bas et une augmentation du prix des aliments.

La deuxième priorité concerne le renouvellement des générations et le maintien des activités dans les territoires fragiles et sur les espaces littoraux

Avec 1, 6 million d'emplois répartis sur l'ensemble du territoire, l'agriculture et l'agroalimentaire sont l'une des clés du dynamisme économique dans toutes nos régions ; Jean-Marc Pastor l'a rappelé tout à l'heure.

Il faut conforter ce dynamisme économique en veillant à préserver son ancrage dans les territoires. Vous le savez bien, seules certaines initiatives se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cela passe d'abord par le renouvellement des générations. Voilà pourquoi nous continuerons de soutenir les jeunes qui veulent s'installer : près de 16 000 installations chaque année, dont 10 000 ont moins de quarante ans.

La hausse des taux d'intérêt a eu pour effet de renchérir le coût pour l'État de la bonification des prêts. J'ai effectué de nombreux redéploiements- autant que je le pouvais - en 2007 : 18 millions d'euros sur les crédits nationaux ; 11 millions d'euros sur les crédits européens en faveur du financement de ces prêts ; la ventilation de la dernière enveloppe de 20 millions d'euros a été transmise pour chacune de vos régions en fin d'année budgétaire.

En 2008, le budget sera de 60 millions d'euros pour la dotation aux jeunes agriculteurs et de 68, 4 millions d'euros pour les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, cette dernière dotation ayant été augmentée de 5 millions d'euros après le vote d'un amendement à l'Assemblée nationale. N'oublions pas que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle proche du double de ces sommes.

Je vous remercie de ne pas oublier que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle assez proche du double de ces sommes. Malgré cet effort, nous allons travailler en 2008 à une adaptation du mécanisme d'attribution des prêts bonifiés pour éviter les files d'attente.

Ce travail a été engagé avec le président des Jeunes Agriculteurs. Nous oeuvrons parallèlement, toujours avec les dirigeants agricoles, à une amélioration du parcours d'installation, qui doit être personnalisé, et à un plafonnement du montant maximum de la bonification.

L'ancrage agricole dans les territoires passe aussi par le maintien d'une activité dans les zones fragiles. Voilà pourquoi nous continuerons à soutenir les élevages dans nos territoires au travers de quatre outils.

Le premier outil est le renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale. Je vous propose de renouveler ce soutien qui représente 457 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les cinq prochaines années.

Le deuxième outil concerne l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, qui est maintenue à 232 millions d'euros. Compte tenu de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cela devrait conduire à l'augmentation de l'indemnité moyenne, qui a doublé en dix ans, passant de 2 650 euros à 5 370 euros. Voilà des chiffres qui sont la preuve de ce soutien pour les zones les plus fragiles, notamment avec l'ICHN.

Le troisième outil a trait à la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, qui s'établit à 165 millions d'euros ; elle est indispensable au maintien de troupeaux à taille humaine, en particulier dans les zones défavorisées et en montagne.

Enfin, le quatrième outil est relatif au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, évoqué par Jean-Marc Pastor, dont l'enveloppe a été augmentée de plus 23 millions d'euros à la fin de l'été et pour lequel j'ai entrepris une régulation après avoir satisfait les demandes en attente.

Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, s'est inquiété de la décroissance des crédits en 2008, qui s'établissent à 50 millions d'euros. Cette enveloppe correspond aux besoins identifiés en 2008, dans le cadre de nouvelles règles négociées avec les éleveurs, qui conduiront à une meilleure sélection des projets, en conservant une majoration pour les projets liés au pastoralisme, en zone de montagne.

Plus globalement, je réfléchis, dans le cadre de l'évolution de la PAC, à une réelle politique de soutien aux productions valorisant l'herbe et permettant de maintenir une activité agricole de production dans nos territoires. Je souhaite engager ces évolutions dès le bilan de santé de la PAC. En utilisant l'article 69 du règlement agricole, nous procéderons sans doute, à l'intérieur du premier pilier, à certaines redistributions...

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

...en écrêtant les subventions les plus élevées, dont le montant actuel ne se justifie plus puisqu'elles profitent à de grandes cultures dont les prix ont beaucoup augmenté. Il est juste que ces agriculteurs soient davantage rémunérés aujourd'hui par les prix de leurs produits que par des subventions. Par conséquent, la diminution de ces subventions se justifie ; je ne dis pas que celles-ci doivent être supprimées. Nous allons affecter cette redistribution - si la Commission nous y autorise - à des filières qui le méritent et qui ont besoin d'être davantage soutenues.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Je viens de parler du lait, de l'élevage en zone difficile et fragile ; j'évoquerai également l'élevage ovin, qui n'a pas été traité équitablement par la PAC actuelle, et l'agriculture biologique.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Telles sont les orientations auxquelles je travaillerai dès que nous connaîtrons le bilan de santé de la PAC, avec les outils que la Commission nous permettra d'utiliser.

Au-delà de ces mesures sectorielles, je veux rappeler l'importance des pôles d'excellence rurale, qui ont permis de soutenir plus de 375 projets de développement situés, pour l'essentiel, en zone de revitalisation rurale.

L'État a financé cette expérimentation pour plus de 235 millions d'euros, dont 34 millions se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cette politique récente, avant d'être reconduite, devra être évaluée de manière contradictoire avec les observations de votre Haute Assemblée. C'est aussi l'objet du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, à la suite de la mission « ruralité » que vous avez évoquée monsieur Pastor, et qui a été engagé en 2006. Ce PDRH a d'ailleurs été le premier plan approuvé au niveau européen par la Commission dès le mois de juillet dernier.

Enfin, ce soutien passe par l'équilibre de notre littoral en métropole et outre-mer. C'est pourquoi l'une des priorités de ce budget concerne la pêche et l'aquaculture. Je crois en l'avenir de ces deux secteurs, je l'ai encore rappelé dans des circonstances tragiques dimanche, à Étaples, où j'ai rencontré les six marins pêcheurs rescapés du chalutier Mon bijou, qui a coulé en provoquant la mort d'un marin.

Ces secteurs sont au coeur du défi alimentaire. Je crois en leurs capacités de création de richesses et je pense qu'ils ont droit au respect et à la solidarité nationale, même si cela coûte un certain prix.

Nous parlons là du secteur de notre économie le plus dangereux de France : un mort pour 1 000 marins et 10 % d'accidents du travail chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est deux fois plus que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Nous avons donc des raisons de faire appel à la solidarité nationale et européenne.

Cette conviction est aussi celle du Président de la République, exprimée avec force au Guilvinec, et c'est également celle du Premier ministre. Nous devons aider les pêcheurs à relever trois défis : le défi de l'environnement et de la ressource, qui doit être gérée avec précaution ; le défi de l'économie, avec la question de la viabilité des navires en raison du prix du gazole ; le défi de la politique commune de la pêche, qui est un cadre exigeant et européen.

Pour m'aider à relever ces défis, j'ai lancé deux missions : l'une sur la réforme de la pêche, conduite par Paul Roncière, ancien secrétaire général de la mer, et l'autre sur le développement de l'aquaculture, conduite par Mme Hélène Tanguy.

En ce qui concerne le budget, je vous propose aujourd'hui de consolider les moyens consacrés à la pêche à hauteur de 60 millions d'euros. Nous poursuivons ainsi l'effort entrepris en 2007, année qui avait vu le budget de la pêche augmenter de 50 %. À ce montant s'ajoutent plus de 30 millions d'euros annuels provenant du Fonds européen pour la pêche.

Par ailleurs, en concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo, dont dépend l'administration des affaires maritimes, nous allons renforcer les moyens de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, en nous attachant surtout à assurer les conditions nécessaires pour garantir, sur chaque bateau, la sécurité individuelle des marins pêcheurs. À cet égard, je tiens à saluer les efforts entrepris au niveau européen pour mieux coordonner les actions de secours lorsqu'un drame tel que celui que nous avons vécu encore la semaine dernière se produit.

Au-delà de ce qu'ont alors fait les sauveteurs français - ces hommes admirables qui, dans le cadre de la société nationale de sauvetage en mer, travaillent sur des canots -, je me félicite de la bonne coopération entre les autorités françaises, belges et britanniques.

Pour répondre à Alain Gérard, nous préparons un « plan pour une pêche durable », un plan global qui ne se résume pas à la seule question du gazole, mais qui apporte une réponse à la situation économique, ainsi que l'a demandé le Président de la République.

Ainsi, pour faire remonter la ligne d'horizon, nous essaierons de donner une perspective aux pêcheurs qui n'en ont plus, et qui, souvent, désespèrent, en stabilisant la situation économique des entreprises de pêche, en améliorant les conditions de travail et de sécurité des marins pêcheurs, ainsi que leur situation sociale, car, eux aussi, ont droit à un salaire minimum, tout en respectant, de manière transparente et rigoureuse, les conditions fixées, dans le cadre européen, pour une meilleure gestion de la ressource.

La réalisation de ces objectifs s'appuiera sur le budget que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les crédits du Fonds européen pour la pêche, ainsi que sur la création d'une « contribution pour le renouveau de la pêche française », une écocontribution. Cette mesure, qui sera bientôt soumise au Parlement, se situe dans le prolongement des déclarations du Président de la République au Guilvinec et des décisions qui ont été prises dans mon bureau avec les professionnels de la pêche le 7 novembre dernier.

La troisième grande priorité de ce budget, qui est préservé en dépit du plan de maîtrise des dépenses publiques, concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez observé - et ce n'est pas un hasard -, le Grenelle de l'environnement, qui était un premier grand rendez-vous démocratique, ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs, alors que le risque était présent.

Nous devons en effet ce résultat à l'intelligence des dirigeants agricoles, quelle que soit leur sensibilité, au travail des fonctionnaires de l'État et aux parlementaires qui ont été associés à ces travaux. Plusieurs d'entre vous ont participé aux différents groupes de travail, certains en assurant même la présidence, et je les en remercie. Même si c'était improbable, notamment pour ce qui concerne la forêt, des rencontres ont eu lieu, avec une écoute, un respect mutuel.

Lorsque le Président de la République a conclu, à l'Élysée, cette première grande phase du débat, nous avons pu constater que l'agriculture et l'agroalimentaire étaient bien là et que les conclusions globales pouvaient constituer le socle dont j'ai parlé tout à l'heure et sur lequel nous allons bâtir la nouvelle politique territoriale alimentaire et rurale pour notre pays.

Nous allons relever le défi du Grenelle de l'environnement en améliorant encore, au-delà des efforts importants qui ont déjà été consentis par la plupart des agriculteurs, les pratiques durables et respectueuses de l'environnement.

Les outils pour y parvenir sont consolidés dans ce budget, avec notamment la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, la prime herbagère agro-environnementale et l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.

J'illustrerai de manière complémentaire cet engagement en faveur du développement durable de nos territoires en évoquant deux mesures.

Le premier outil pour le développement durable concerne les mesures agro-environnementales territorialisées, en faveur desquelles je vous propose le doublement des crédits à hauteur de 54 millions d'euros. Ces mesures sont simplifiées, conformément au plan de développement rural hexagonal, qui connaîtra sa première année de pleine application en 2008. Elles seront ciblées pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.

Le second outil est relatif au plan nitrates sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec celles et ceux d'entre vous qui représentent la Bretagne. Dès mon arrivée au gouvernement, je me suis attaché à recréer les conditions susceptibles de restaurer la confiance qui avait disparu entre le Gouvernement français et Bruxelles et entre les acteurs locaux et le Gouvernement français.

En accord avec Jean-Louis Borloo, son cabinet et le mien ont travaillé en bonne coopération pour parvenir à un plan, qui a finalement été approuvé par la Commission européenne. Celle-ci a renoncé, au dernier moment, au recours qu'elle avait déposé devant la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu duquel nous devions verser directement et immédiatement une pénalité de 28 millions d'euros et payer une astreinte de 117 000 euros par jour. La Commission européenne nous fait donc confiance.

Certes, ce plan est difficile, mais il est nécessaire. Nous y consacrerons, sur cinq ans, 86 millions d'euros, dont 68 millions d'euros exclusivement en faveur de l'agriculture, dans le cadre du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE. L'objectif est de ramener les eaux des neuf bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.

Enfin, le développement durable, c'est aussi une meilleure valorisation de nos ressources naturelles.

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour satisfaire une demande du chef de l'État que j'approuve, je me suis personnellement engagé à faire réduire de moitié, si possible d'ici à dix ans, la quantité des produits phytosanitaires utilisés par l'agriculture française, en métropole et outre-mer. À cet effet, j'ai mis moi-même en place un groupe de pilotage réunissant tous les acteurs concernés, afin d'aboutir, avant l'été prochain, à la présentation d'un plan que j'ai nommé « Éco-phyto 2018 ».

Pour répondre à l'intervention de Gérard Delfau, j'aborderai maintenant la forêt, le bois et la biomasse.

Notre massif forestier est le troisième d'Europe, et la forêt gagne tous les dix ans la superficie d'un département français. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de CO2 identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. Pour autant, la filière bois est caractérisée par une balance commerciale déficitaire de près de 5 milliards d'euros ; elle occupe le troisième rang après le pétrole et l'informatique.

Le 21 novembre dernier, j'ai ouvert les Assises de la forêt. Elles nous permettront de rénover notre politique forestière et de la filière bois avec un double objectif : mieux mobiliser la ressource et mieux valoriser cette matière première.

Nous pouvons envisager, sur dix ans, un doublement de la récolte commercialisée, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais exige une gestion soutenue. Pour ce faire, nous prendrons les mesures permettant d'obtenir une augmentation rapide de la récolte.

Les crédits consacrés à la forêt, qui enregistrent une hausse de plus de 3, 5 %, s'établissent à 311 millions d'euros en autorisations d'engagement et 321 millions d'euros en crédits de paiement.

Le programme « Forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectif, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et d'une très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts.

L'ONF, dont vous avez salué le travail, constitue un levier puissant pour développer l'exemple concret d'une politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater, sur le terrain, en forêt, le travail réalisé par les agents de cet office. Cet été, je me suis rendu dans le Midi, et j'ai pu mesurer leur capacité d'expertise pour aider à la reconstruction de sites dévastés par des incendies. Nous avons sollicité leurs compétences non seulement pour aider la Martinique et la Guadeloupe à reconstruire après le passage du cyclone Dean, mais aussi au-delà de notre pays pour aider la Grèce, dont près de 200 000 hectares, sur quatre parties de son territoire, ont été dévastés l'été dernier par des incendies tragiques.

Le plan Chablis sera lui aussi conduit à son terme, et nous y consacrerons 23 millions d'euros en 2008, cofinancés à hauteur de 28 millions d'euros par le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural. Nos aides à la restructuration de la filière et de modernisation des scieries seront amplifiées et seront dotées de 9, 4 millions d'euros en 2008, auxquels s'ajouteront les contreparties communautaires.

Outre le budget, la mise en oeuvre de cette politique ambitieuse pour l'alimentation, les territoires, l'agriculture et la pêche requiert une modernisation du ministère de l'agriculture et de la pêche, que j'ai l'honneur d'animer.

À cet égard, je tiens à rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires, des agents régionaux, départementaux ou territoriaux, en métropole et outre-mer, qui réalisent un travail souvent difficile pour faire face à toutes les crises que j'ai évoquées tout à l'heure.

Ce ministère est un grand ministère, qui s'inscrit dans une longue tradition, avec une vraie culture et une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite qu'il vive avec son temps, tout en gardant son âme. Il est le partenaire de plus de 1, 6 million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole ou agroalimentaire. La moitié des agents sont rattachés à un enseignement agricole de qualité. Le nombre des missions de ce ministère augmente continuellement pour répondre aux enjeux posés par la sécurité sanitaire, l'alimentation, l'environnement ou le développement rural.

Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, et ainsi que l'a souligné l'audit commandé par Mme Christine Lagarde au moment où elle fut, durant quelques semaines, à sa tête, le ministère de l'agriculture et de la pêche connaît une situation financière difficile, résultat de plusieurs années de gestion.

Sur ce point, je tiens à préciser que je ne partage pas l'ensemble des conclusions de cet audit, mais j'ai déjà obtenu des avancées. Le décret d'avance de 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros de crédits de paiement qui vous a été soumis en octobre dernier a permis de résorber, monsieur le rapporteur spécial, quelques-uns des reports de charges. Le projet de loi de finances rectificative devrait également le permettre, notamment pour ce qui concerne le refus d'apurement.

Nous prenons notre part à l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique, en diminuant de 198 emplois le nombre de fonctionnaires de la mission. Mais cela s'accompagne d'une évolution des politiques mises en oeuvre. Le ministère est en mouvement, dans le cadre du grand chantier de la révision générale des politiques publiques, et doit devenir - je veux qu'il le devienne ! - le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche. Cette réorganisation passe par le regroupement des établissements publics.

À cet égard, permettez-moi, monsieur le président, de répondre à MM. Bourdin et César, qui ont souligné la baisse des moyens...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents le Gouvernement dispose au total de soixante minutes. Or vous avez déjà parlé quarante minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Juste précision, monsieur le président ! M. le ministre aura du mal à répondre ensuite à tous les intervenants.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

Je serai bref dans ma réponse aux orateurs. Néanmoins, je ne pense pas que mes propos sur les sujets évoqués soient inutiles.

Debut de section - Permalien
Michel Barnier, ministre

S'agissant des offices agricoles, leur capacité d'intervention sera maintenue en 2008. Certes, j'ai dû accepter la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales. Mais je veux assurer à la Haute Assemblée que cette opération s'accompagnera de toutes les garanties nécessaires pour permettre le déroulement normal des interventions des offices. De ce point de vue, j'ai obtenu des assurances du ministre du budget et des comptes publics, Éric Woerth, à savoir que la dotation de base des offices soit réévaluée au minimum à hauteur de 50 millions d'euros. Après cette opération exceptionnelle, le budget pour 2009 retrouvera son montant initial.

Par ailleurs, nous devrons constituer un niveau régional fort. Je veux déconcentrer un certain nombre de missions et de compétences vers l'échelon régional.

Au niveau départemental, nous allons regrouper un certain nombre de compétences autour des directions départementales des services vétérinaires et nous poursuivrons le rapprochement des DDAF, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, et des DDE, les directions départementales de l'équipement, sans préjudice de la future organisation de l'administration territoriale de l'État.

Je proposerai également un certain nombre de modifications et de restructurations au niveau central de l'administration.

Au début de mon propos, faisant écho au titre d'un article d'un grand journal, j'ai dit que l'agriculture était de retour. Les agriculteurs, eux, ont pu sourire de cette formule, car ils ne sont jamais partis. Tel est en tout cas le sentiment général qui s'exprime. La production agricole, l'acte de produire pour nourrir, pour entretenir des territoires, retrouve son actualité et toute sa force au niveau mondial. Ainsi, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dans un rapport, la Banque mondiale insiste sur le fait que l'investissement dans l'agriculture est celui qui contribue le plus à la lutte contre la pauvreté.

Certes, notre cadre de travail se situe maintenant au niveau européen, car notre politique agricole est quasiment entièrement européenne. Mais, dans un contexte national, grâce à de meilleurs prix - même s'ils posent des problèmes - ou à d'autres activités telles que la production d'énergie ou la biomasse à usage industriel, l'ensemble des agriculteurs peuvent nourrir des espérances nouvelles.

Enfin, toujours à propos de l'Europe, certains évoquent le fameux agenda de Lisbonne comme si celui-ci ne concernait que l'industrie ou le secteur des nouvelles communications. Mais la biodiversité, les nouvelles énergies et donc l'agriculture sont également importantes pour la modernité et la compétitivité de l'Europe.

C'est le message que j'ai fait passer à mes partenaires : pour mettre en oeuvre avec succès la stratégie de Lisbonne, nous avons besoin d'une économie agricole européenne et nationale très forte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : la pêche et la forêt. Mon collègue Gérard Le Cam traitera, lui, de l'agriculture.

En ce qui concerne la situation de la pêche, l'an dernier à la même époque, nous attirions l'attention du Gouvernement sur la crise profonde que traverse ce secteur depuis maintenant de nombreuses années. La pêche a d'ailleurs longtemps été l'enfant pauvre du budget agricole. Le Gouvernement a semblé prendre conscience de l'importance du soutien qui doit être apporté à cette filière.

Cette année, l'effort en direction de la pêche est maintenu à crédits constants. Pourtant, comme en témoignent les événements récents, un certain nombre de problèmes persistent.

L'un d'eux - et non des moindres ! - concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites aux niveaux européen et international. L'existence même de certains secteurs est d'ailleurs remise en cause.

Il est prévu, dans la loi de finances pour 2008, une forte augmentation des crédits consacrés à la gestion de la ressource et au contrôle des pêches. Nous aimerions avoir quelques précisions sur les priorités de l'action pour 2008 du Conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes, qui doit être créé et réfléchir aux enjeux de gestion, de revalorisation des produits et de réduction de la facture énergétique.

Les crédits alloués aux contrôles des pêches maritimes passent de 2, 7 millions à 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008. Le Gouvernement souhaite ainsi répondre aux nouvelles exigences de Bruxelles. Bien sûr, tous les professionnels reconnaissent l'utilité des contrôles ; il s'agit pour eux de préserver leur outil de travail.

Toutefois, d'une part, on comprend mal l'utilité d'une telle augmentation. Selon nous, c'était loin d'être la priorité au regard des moyens dont dispose déjà la France au travers d'un certain nombre d'administrations : affaires maritimes, douanes, gendarmerie, etc. D'autre part, la politique dictée par l'Union européenne, au service de laquelle seront mis ces moyens, manque de transparence, d'équité et de concertation.

Les exemples de réductions de quotas ou d'interdictions de pêche pure et simple se sont multipliés ces derniers mois. Or, nous le savons, une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port, tout en ayant des effets pervers compte tenu des reports sur d'autres espèces.

De plus, les techniques modernes de pêche permettent de repérer et de capturer toutes sortes d'espèces avec une plus grande efficacité que par le passé. Or de grandes entreprises ont investi dans ce métier et envoient sur zone leurs navires-usines qui pêchent, trient, nettoient, conditionnent et congèlent le poisson. Cette pêche industrielle, qui travaille beaucoup pour les chaînes de la grande distribution, ne ressent pas les contraintes de la même façon que la pêche artisanale.

En France et en Europe, les bateaux de pêche artisanale subissent la concurrence des navires-usines de manière aggravée. Pour eux les difficultés sont accrues. En effet, d'un côté, compte tenu du coût de la modernisation de leurs bateaux et de l'augmentation du prix du gazole, ils doivent pêcher de plus et plus loin pour tenter de rentrer dans leurs frais et payer les équipages à la part. De l'autre, la diminution de la ressource et la limitation du nombre de jours passés en mer se traduisent, d'année en année, par une diminution des prises, ce qui a des conséquences économiques et sociales douloureuses pour les ports de pêche français.

C'est pourquoi il est essentiel que l'État fasse porter son effort sur la restructuration et la modernisation de la flottille. Au contraire, nous constatons que, sur cette action, les crédits connaissent une baisse de 28, 5 %. Cela est d'autant plus regrettable qu'il est question de la sécurité de nos marins. Comme le rappelait M. le ministre à l'instant, le nombre d'accidents et le lourd tribut que paient chaque année nos marins auraient nécessité, au contraire, une augmentation.

De plus, eu égard à la crise structurelle et persistante que connaît la profession, nous déplorons la diminution des sommes allouées aux caisses de garantie chômage contre les intempéries et avaries.

Enfin, s'agissant du prix du gazole, il occupe sans aucun doute une part importante des charges, parfois jusqu'à 30 % ou 40 % du budget. Au retour de la pêche, l'équipage déduit d'abord les frais, puis se divise les revenus. Si le budget consacré au gazole flambe, les parts se réduisent. Aujourd'hui, elles peuvent varier de 300 euros à 500 euros pour une campagne de quinze jours, soit de 600 euros à 1 000 euros mensuels. Autant dire que l'on est proche du seuil de pauvreté...

Toutefois, le prix de la facture énergétique n'est qu'un révélateur d'une situation sociale précaire.

Le président de la République a annoncé plusieurs mesures censées répondre aux difficultés graves que connaissent les pêcheurs.

Nous aimerions avoir des précisions sur le financement et le calendrier des mesures annoncées au début du mois de novembre 2007. Comment va être financé le plan de modernisation des moteurs de bateaux ? Quid de la répercussion du prix du gazole dans le prix du poisson à l'étal, alors que le Gouvernement communique sur la défense du pouvoir d'achat ?

Permettez-nous de dire que nous restons très sceptiques face à ces annonces, notamment sur l'efficacité de l'exonération des cotisations sociales. Le secteur va très mal, et depuis trop longtemps, pour que des demi-mesures suffisent. Il a besoin de réformes d'ampleur pour remettre au centre des débats la sécurité des marins, les effectifs à bord et le prix du poisson au départ du navire jusqu'à l'étal.

J'en viens au programme 149 intitulé « Forêt ».

Après la tenue du Grenelle de l'environnement, tous les ministères ont intégré dans leurs actions la nécessité de conduire des politiques respectueuses du développement durable. Ainsi, monsieur le ministre - et nous nous en réjouissons -, vous avez ouvert les Assises de la forêt, qui ont pour objectif ambitieux de renforcer la production forestière en l'inscrivant dans une gestion durable prenant en compte la biodiversité forestière et la gestion des risques.

Or, si un budget ne fait pas une politique, vous conviendrez qu'une politique sans budget est largement dépourvue d'efficacité. Hélas, c'est un peu l'impression que l'on garde à la lecture des documents budgétaires après les ambitions affichées lors du Grenelle !

S'agissant plus particulièrement de la forêt, il est précisé dans le document budgétaire : « La politique forestière du ministère de l'agriculture et de la pêche, MAP, [...] repose sur l'équilibre entre trois grandes fonctions - écologique, sociale et économique - assurées par les forêts, dans une perspective de développement durable. »

Selon nous, le budget consacré à la forêt reste en deçà de la promotion de ces trois fonctions.

Comme le note le rapporteur, 71 % des crédits du programme couvrent des dépenses de fonctionnement. Cette proportion résulte, pour une large part, du versement compensateur à l'Office national des forêts, subvention pour charges de service public inscrite à l'action n° 2.

Le montant de ce versement compensateur n'est pas laissé à la discrétion du Gouvernement. En vertu des textes, l'État doit verser à l'ONF une somme égale au coût du régime forestier dans le cas où les frais de garderie ne couvriraient pas les dépenses de l'Office. Mais cette somme devrait être réévaluée de 70 millions d'euros pour rester au niveau de celle qui était versée au début des années 1980 ! De plus, si l'on déduit cette somme, on s'aperçoit que les crédits du programme « Forêt » sont en diminution. Cela nous conduit à dire que les investissements de l'État restent trop timides, notamment pour la forêt privée.

La sous-exploitation chronique de nos forêts reste encore un problème. Il est pourtant essentiel d'encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. À ce titre, il serait utile d'avoir une véritable évaluation de la ressource forestière. Cette question a déjà été soulevée à l'Assemblée nationale ; je crois qu'elle est d'importance.

La sous-exploitation des forêts et leur mauvais entretien sont encore plus préoccupants au regard de l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue à la fois économique et environnemental.

En ce qui concerne les personnels, vous serez sans doute d'accord avec nous pour reconnaître qu'une gestion forestière durable ne sera valablement menée que si les moyens en personnel sont en adéquation avec le volume et le niveau des missions.

La loi de finances pour 2008 prévoit une diminution des effectifs de l'ONF. Si l'on tient compte, comme cela est précisé dans le « bleu » budgétaire, de la diminution tendancielle des effectifs prévue par le contrat entre l'État et l'ONF, d'une part, le non-remplacement des départs à la retraite s'appliquerait à l'établissement et, d'autre part, le directeur général de l'ONF l'a confirmé, l'établissement continuerait à supprimer des postes courant 2008, alors que la création de valeur ajoutée se poursuit sans faiblir. Cette diminution des personnels s'inscrit dans un contexte où les produits issus du domaine - vente de bois, location de chasse en forêt domaniale - atteindront en 2007 leur niveau le plus élevé depuis 1999 !

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Mais la reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable et qui connaît un faible niveau d'intégration.

Monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre Gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble.

En conclusion, monsieur le ministre, que ce soit dans le secteur de la pêche ou de la forêt, ces activités ont un rôle d'aménagement du territoire, économique et social essentiel. Les questions environnementales ne peuvent pas être exclues de l'approche des politiques menées dans ces secteurs. Toutefois, les crédits qui leur sont alloués dans la loi de finances pour 2008, mal répartis, trop timides, sont insuffisants pour répondre honnêtement aux objectifs affichés. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps dont je dispose, je m'en tiendrai à l'essentiel, avec quelques scrupules toutefois face aux interventions substantielles et argumentées de nos différents rapporteurs.

Monsieur le ministre, votre intervention, si dense, est une belle illustration des efforts accomplis en faveur du développement de l'agriculture, pour la pêche, la forêt et la ruralité, efforts que, globalement, je salue.

Je me bornerai donc à la présentation de quelques problèmes de terrain rapportés par des responsables du secteur agricole d'un département à forte dominante rurale et partiellement zone de montagne, et à des questions ponctuelles.

Je commencerai par évoquer deux aides agricoles, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN. Je vous ai bien entendu sur ces deux sujets, monsieur le ministre, et je veux croire que le financement de ces aides ne posera pas de problème en 2008.

S'agissant de la PHAE, le montant de l'enveloppe attribuée en 2007 permettra-t-il de servir les hectares primables ? C'est bien la question qui se pose. Les contraintes administratives qui pèsent sur les éleveurs ayant des parcelles engagées en PHAE ne pourraient-elles être allégées dès lors que les taux de chargement et de spécialisation qui fondent le soutien financier sont respectés ?

Dans ma région, pour honorer les nouvelles demandes, il serait nécessaire, en l'état actuel des choses, de ramener le plafonnement de 100 hectares à 80 hectares. Est-ce rêver que d'émettre un tel souhait ?

S'agissant de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, qui est un outil indispensable à la pérennité de l'agriculture de moyenne montagne, les engagements pris précédemment, en 2003 si je ne m'abuse, pourront-ils être tenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Là encore, je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Mais permettez-moi de vous poser une question précise : le conjoint ne pourrait-il être reconnu pour l'octroi d'une ICHN ?

J'en viens à la production ovine, dont la situation de crise est bien connue ; vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Je note qu'il en est tenu compte puisqu'un plan de soutien prévoit, entre autres, une aide complémentaire pour les éleveurs dont le taux de spécialisation atteint 50 % et dont le troupeau compte au moins 150 brebis allaitantes, ce qui est, semble-t-il, un minimum.

Dans mon département, la Corrèze, les éleveurs ovins sont rarement spécialisés à plus de 50 %. Je veux cependant partager le sentiment des responsables de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, qui voient dans ces mesures le début d'« une réelle prise en compte de la crise ovine ».

Comment ne pas aborder le problème de la fièvre catarrhale ? Dans une démarche conjointe menée avec mon collègue Bernard Murat, nous avons évoqué la possibilité de réaliser des tests à partir de mélanges sanguins sur des lots de cinq animaux ou plus, ce qui permettrait d'accélérer les démarches et d'en diminuer le coût. Nous avons également proposé que les éleveurs puissent réaliser eux-mêmes les vaccins, comme cela semble être le cas dans d'autres pays.

Les crédits de modernisation sont réduits, ai-je pu lire, à la portion congrue. En réalité, des choix devaient être faits, j'en conviens, parmi les nombreux axes d'intervention possibles et je comprends qu'aient été retenus ceux qui peuvent bénéficier d'un effet de levier, grâce au financement communautaire, notamment la modernisation des exploitations et la politique d'installation.

À la fin du mois d'août 2007, quelque 160 dossiers « bâtiments d'élevage » se trouvaient en attente de financement dans mon département. J'ai noté, comme chacun a pu le faire, une augmentation des crédits de paiement pour résorber précisément ces files d'attente. J'espère que cette mesure permettra de résoudre le problème.

Les subventions dorénavant allouées obéissent-elles aux mêmes critères que précédemment ? Dans le cas contraire, les agriculteurs qui ont bâti leur plan de financement sur les bases connues seraient en difficulté. Plus globalement, le handicap des départements qui n'ont que peu bénéficié, du fait de la petite taille de leurs exploitations, des financements du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, n'en serait que plus accentué.

À propos de l'installation, je lis sous la plume des jeunes agriculteurs de mon département : « Une victoire pour les prêts bonifiés. » Annoncés tout au long de l'année lors des différents rendez-vous avec la profession agricole, ils sont enfin assumés par vous-même, monsieur le ministre. Il s'agit donc d'un sujet de satisfaction dont je me fais l'écho avec plaisir.

Les crédits du dispositif « agriculteurs en difficulté », ou crédits AGRIDIFF, sont en diminution. Mais je ne puis imaginer, monsieur le ministre, que vous laissiez un jour, vous-même ou vos services, au bord de la route les agriculteurs en difficulté. J'ai bien compris la position de la MSA, la Mutualité sociale agricole, en la matière.

J'évoquerai maintenant une question d'importance, plus généralement ressentie dans les départements à forte proportion de personnes âgées, à savoir les retraites. Il convient de rappeler que, depuis 2003, des avancées sensibles ont été réalisées. J'aurais aimé les évoquer, mais je n'en ai malheureusement pas le temps. La référence aux 75 % du SMIC doit cependant être constamment rappelée.

Que penser d'une demande de suppression pure et simple des minorations sur les revalorisations des petites retraites ? De ce point de vue, il existe des situations très difficiles. En la matière, dans la perspective de la mise en oeuvre des engagements du Président de la République, je veux vous exprimer ma confiance, monsieur le ministre, en attendant les rendez-vous sur les retraites de 2008.

Je souhaite également vous manifester mon espoir et ma confiance pour ce qui concerne la situation quelque peu catastrophique, il faut bien le reconnaître, du FFIPSA, le Président de la République ayant pris l'engagement d'un financement pérenne.

Telle est la série de questions et de réflexions que je souhaitais formuler.

Par ailleurs, je tiens à vous faire part de ma satisfaction concernant la place tenue dans mon département par les pôles d'excellence rurale.

À l'heure de la mondialisation, de l'accroissement de la demande alimentaire mondiale, des questions environnementales, mes questions ponctuelles trouvent difficilement leur place. Vous avez abordé ces sujets, monsieur le ministre, et vous trouverez, lors de votre prochaine venue dans mon département, des interlocuteurs qui sauront aborder les problèmes à ce niveau-là.

Le Livre blanc a été présenté voilà peu de temps dans mon département. À cet égard, « les syndicalistes du Massif central se positionnent fortement dans le débat européen. Ils ont dressé sur ce document un projet refondateur pour une PAC plus lisible, plus efficace et plus équitable ». Belle ambition !

Ma volonté et ma confiance vous accompagnent, monsieur le ministre, vous qui êtes à la tête d'un grand ministère.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que je parle au nom de mon collègue Jean Boyer. Ne l'oubliez pas, car vous pourriez être surpris de m'entendre tenir certains propos.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Je voudrais d'abord saluer votre présence, monsieur le ministre, à la tête de cet important ministère de l'agriculture et de la pêche, qui concerne l'ensemble de notre territoire, qu'il s'agisse du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes aura à coeur de comprendre et de défendre, j'en suis convaincu, les intérêts qui concernent les zones de montagne.

Dans le Cantal, proche de la Haute-Loire, vous avez même parlé d'un « ministre des agricultures ». C'est au nom de l'une de ces agricultures, qui ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité, que je veux m'exprimer ce matin.

Chaque année, l'étude du budget de l'agriculture mobilise notre attention, car nous savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la place que celle-ci a tenue hier, qu'elle tient aujourd'hui et qu'elle devra tenir demain dans notre pays, avec des vocations nouvelles et complémentaires dans des mutations successives indispensables et nécessaires.

Dans cette perspective, nos agriculteurs doivent être prêts à faire face, en sachant s'adapter et réagir en permanence. La réflexion lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement montre combien l'agriculture, en France et dans le monde, occupe une place majeure, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, notamment par rapport au défi alimentaire mondial qui est le sien. Nourrir sept milliards d'habitants aujourd'hui, et neuf milliards en 2050, quel défi ! Comment l'aborder ?

Nous le savons tous, le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre aujourd'hui demande de définir des priorités. Malgré cela, vous avez su faire entendre la voix de l'agriculture de notre pays, monsieur le ministre, et votre forte implication est constructive, car elle est reconnue au niveau européen. Elle en est un signe essentiel pour l'avenir.

J'en veux pour preuve votre mobilisation permanente et votre volonté de nous informer régulièrement, en vous servant des technologies de l'information et de la communication, par le biais de courriels que nous recevons dans nos permanences. Je vous remercie beaucoup de cette attention.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite avant tout attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps et qui mérite une attention, un soutien et un accompagnement permanents.

La montagne souffre et, avec elle, tous nos territoires ruraux, soucieux de leur aménagement et de leur développement. Nos éleveurs ont bien des difficultés. Concernant l'avenir, se font jour des problèmes de trésorerie, mais aussi de lisibilité en matière de production, que ce soit pour les bovins - lait et viande - ou pour la filière ovine, sans oublier la filière porcine, qui traverse à l'heure actuelle une très grave crise.

L'agriculture de montagne ne demande rien d'autre, je le disais au début de mon intervention, qu'une parité, une équité et une certaine égalité dans l'appréhension de ses difficultés. Elle souhaite que lui soient reconnus également les nombreux handicaps qui la caractérisent. Je pense, entre autres, à la collecte du lait, qui doit être assurée tous les jours, quel que soit le temps, même pendant les hivers les plus rigoureux. Je n'oublie pas non plus les normes spécifiques des bâtiments d'élevage dans les zones de montagne, les mesures agro-environnementales particulières, la multiplication des contrôles, appliqués parfois avec un manque de réalisme et de bon sens.

Autre sujet d'inquiétude, monsieur le ministre, un impondérable vient aggraver la situation déjà fragile de nos exploitations : le prix du baril de pétrole. La situation devient préoccupante, car elle hypothèque tous les jours un peu plus le revenu de nos agriculteurs. Avons-nous véritablement la volonté de mettre en place une filière de biocarburants ? Je le sais, cela ne fera pas de miracles, mais encourageons les expériences, afin de pouvoir juger et fixer durablement les perspectives possibles pour l'avenir.

L'un des blocages actuels ne serait-il pas la filière fiscale qui, elle, ne demande pas trop de technicité, mais engendre, malheureusement, une trop grande production normative et administrative ? Ne peut-on pas faire fi quelques instants de ces obstacles et encourager, comme il se doit, une technologie nouvelle, une évolution naturelle, une innovation essentielle pour l'avenir de la France ? Sommes-nous prêts à répondre rapidement et de la meilleure manière qui soit à ce projet non seulement déterminant pour l'indépendance énergétique de notre pays, mais aussi de nature à renforcer le pouvoir d'achat, sujet dont on parle tant et qui inquiète tous nos concitoyens ?

Régulièrement, je profite de ma présence à la tribune du Sénat pour rappeler combien il est important de favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs, mais également de permettre à tous ceux qui ont oeuvré, avec beaucoup de courage et de détermination, une longue partie de leur vie, de pouvoir bénéficier, comme il se doit, d'une retraite bien méritée.

Chaque année, la question des préretraites dans l'agriculture pose problème, car les dotations sont trop faibles. Pour les retraites, reconnaissons-le, des avancées ont été obtenues, avec la retraite complémentaire obligatoire. Au moment même où l'on souhaite favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, permettons à ceux qui le désirent, mais aussi à ceux qui en ont le plus besoin, de pouvoir partir à l'âge qui leur convient, compte tenu de leur état de santé ou de leurs difficultés économiques.

Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité, dont les enjeux, pour l'agriculture de demain, sont énormes. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus. En effet, la revalorisation de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et limitée, aujourd'hui, à 35 %, constitue un véritable sujet de préoccupation. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette disposition devrait permettre de pérenniser et de clarifier la politique de soutien à l'agriculture de montagne, à laquelle vous êtes attaché.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, je mesure combien les efforts successifs de nos gouvernements en la matière ont permis des avancées depuis 2004. L'enveloppe budgétaire a en effet été portée de 23 millions à 120 millions d'euros, dont 42 %, soit précisément 42 millions d'euros, sont consacrés aux zones de montagne. De 19 000 euros en zone de plaine à 32 000 euros en zone de montagne, cette aide moyenne offre aux exploitants une véritable bouffée d'oxygène. Cependant, dans le même temps, le nombre de bâtiments à financer a été multiplié par trois.

Vous le savez, le succès rencontré par ce plan est incontestable, mais il trouve aujourd'hui ses limites, puisque le nombre de dossiers en attente - près de 10 000, soit trois années de retard - est impressionnant. Même s'il vous a été permis de débloquer une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros, portant ainsi la participation française à 75 millions d'euros, il est plus que nécessaire - je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre -, pour ne pas créer de précédents, d'inégalités, de fossés, de solder l'ensemble des dossiers en attente.

Il est également impératif de mettre en oeuvre cette mesure dans des conditions identiques à celles qui étaient en vigueur lors du dépôt des dossiers.

Cette mesure d'équité est d'autant plus vraie que nos agriculteurs en zone de montagne connaissent des coûts de construction plus importants eu égard au climat, à la topographie, à l'isolement - capacité plus importante -, sans oublier la disparition des prêts spéciaux de modernisation.

L'économie agricole, en montagne donc en zone rurale, ne peut être laissée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments en est l'un des moyens, principalement chez nous, en zone de montagne.

En terminant mon propos, je veux très simplement, avec la détermination de Jean Boyer, aborder une fois de plus la question de la nécessaire simplification administrative. Nous en sommes tous d'accord et nous l'appelons tous de nos voeux, mais elle ne vient pas !

Elle devrait faciliter, autant que faire se peut, toutes les aides à l'agriculture, notamment celles qui concernent les contrats agro-environnementaux. Qui de nous n'a pas rencontré un agriculteur se plaignant du nombre de dossiers qu'il avait eu à remplir pour obtenir, au bout du compte, une petite aide.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Il ne suffit pas de mobiliser nos énergies sur des lancements de plan de relance des différentes filières si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les réglementations viennent contraindre un peu plus chaque jour notre agriculture, de montagne ou d'ailleurs.

Permettez-moi de vous dire, à l'instar du philosophe Maurice Blondel : « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».

Vous en êtes le parfait exemple, monsieur le ministre. Vous l'avez confirmé ce matin, vous êtes prêt à anticiper l'avenir de notre agriculture, sa modernisation, et à relever le challenge de son évolution. C'est un ancien agriculteur, devenu sénateur, qui vous l'affirme. Ces propos sont signés de Jean Boyer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré, en 2008, à l'agriculture, la pêche, la forêt et les affaires rurales symbolise clairement la politique conduite par le gouvernement actuel, fondée sur l'effet d'annonces, l'incohérence, voire la contradiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Ce secteur d'activité, pourtant censé, selon les dires du Président de la République, devenir prioritaire en raison de son intérêt stratégique pour nos échanges commerciaux, accuse une baisse, en 2008, de 2, 37 % en euros constants, soit 4% en euros courants.

L'agriculture paie peut-être, et même sans doute, les cadeaux fiscaux de cet été !

Exclamations au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Je n'ose imaginer la réaction de la droite sénatoriale si un gouvernement de gauche avait osé présenter un tel budget !

Oh la la ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Depuis que je suis sénateur, je n'ai jamais vu un budget autant dénoncé par les organisations représentatives agricoles. Elles ont unanimement fait part de leur mécontentement, même celles qui sont peu enclines habituellement à critiquer la majorité actuelle.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'un bon budget est forcément un budget en augmentation. Cependant, en l'occurrence, au travers des arbitrages réalisés, les résultats prévisibles vont à l'encontre des objectifs à atteindre pour assurer la pérennité de notre agriculture. Il en est ainsi de l'effort nécessaire pour orienter l'agriculture vers un meilleur respect de l'environnement, effort qui se révèle inexistant.

La baisse de 7, 65 % du soutien aux territoires et aux acteurs ruraux, conjuguée avec celle qui affecte les mesures agro-environnementales et les territoires, souligne l'abandon des territoires ruraux, attitude confirmée d'ailleurs par les décisions prises dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne la réforme de la carte judiciaire. Les territoires ruraux sont à l'abandon !

Que penser, alors, de la diminution des crédits consacrés au renouvellement des exploitations, accentuée par l'enveloppe insignifiante accordée aux prêts bonifiés, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure ? Mal préparer l'avenir est une faute politique tant pour le secteur agricole que, plus largement, pour l'ensemble de la ruralité, qui en est fortement dépendante.

En ce qui concerne la valorisation des produits, l'orientation et la régulation des marchés, les crédits consacrés au développement des produits « bio » sont insignifiants au regard des enjeux économiques, d'aménagement du territoire et environnementaux. Les organisations agricoles dénoncent, par ailleurs, le peu d'efforts financiers de solidarité déployés par l'État à l'occasion de la mise en place de l'assurance récolte, chère à notre ami Gérard César.

De même, il est clair que la promotion à l'international des produits et du modèle agroalimentaire français n'est plus une priorité. Je m'arrêterai là, mais je pourrais multiplier les exemples démontrant l'incohérence et la nocivité des arbitrages réalisés à l'occasion de la préparation du budget qui nous est soumis.

Je souhaite évoquer rapidement deux sujets ne relevant pas directement de cette mission, mais qui ont une influence majeure sur la bonne santé du monde rural présent et à venir.

En premier lieu, il s'agit de l'enseignement agricole. Je ne m'attarderai pas sur la qualité de cet enseignement, consacrée notamment par l'exceptionnel taux d'insertion professionnelle qu'il assure, soit 85 % en moyenne.

La baisse, cette année encore, du nombre de postes - 45 équivalents temps plein dans le secteur public et 29 équivalents temps plein dans le secteur privé -, la différence de traitement entre le privé et le public, aux dépens de ce dernier, puisque la baisse est de 3 % pour l'un et de 1, 3 % pour l'autre, la suppression de 100 heures d'enseignement par an et par classe, le projet de suppression du stage de préinstallation de six mois, sont autant de signaux négatifs envoyés aux enseignants et aux élèves, ainsi qu'au monde rural en général, tant ces établissements sont étroitement liés au tissu local.

À titre d'exemple, pour la Région Rhône-Alpes - que vous connaissez bien, monsieur le ministre - neuf classes et quatorze postes d'enseignants seront supprimés à la rentrée de 2008.

Ne pas reconnaître la réussite de cet enseignement, ne pas la pérenniser, ignorer les besoins futurs d'adaptation de notre agriculture, sont des fautes qui vous incombent, monsieur le ministre.

En second lieu, je veux aborder brièvement la question des retraites agricoles. Il est fort regrettable que, lors de la dernière législature, les gouvernements successifs n'aient pas poursuivi l'amélioration sans précédent apportée, entre 1997 et 2002, par le plan quinquennal du gouvernement Jospin.

Alors que nous avons alerté le Gouvernement, dès 2004 et lors de chaque budget, sur l'insuffisance du financement consacré au FFIPSA, compte tenu de l'instabilité des recettes fiscales lui étant affectées, la situation est désormais catastrophique et le déficit abyssal.

Sur la pérennisation du financement du FFIPSA et la revalorisation des retraites agricoles, des engagements ont été pris par le Président de la République. Malheureusement, aucune mesure permettant de les honorer ne ressort du budget qui nous est présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, le budget pour 2008 inspire le pessimisme. Il ne prépare pas notre agriculture aux différents défis qu'elle sera amenée à relever dans les années et décennies futures, qu'ils soient alimentaire, environnemental, d'aménagement du territoire ou scientifique.

L'agriculture est au coeur de tous ces enjeux, parfois contradictoires. Un équilibre doit être trouvé, certes difficile, mais incontournable, si l'on veut garantir l'approvisionnement d'une population mondiale croissante à un prix raisonnable, sans remettre en cause ni l'avenir de la planète ni la cohérence de nos territoires.

Le budget qui nous est soumis ignore cet équilibre vital ; aucune ligne directrice ne s'en dégage, d'ailleurs.

Par ailleurs, l'agriculture n'est pas une simple question hexagonale : elle joue un rôle majeur dans les échanges internationaux. À ce titre, j'insiste, monsieur le ministre, pour que, lors des prochains débats qui auront lieu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, vous défendiez nos agriculteurs en demandant à nos partenaires de se fixer des exigences et un calendrier afin que nos producteurs ne se voient pas opposer des mesures de protection dont ils ne bénéficieraient pas eux-mêmes.

De même, - vous l'avez dit, mais il n'est pas inutile de le rappeler - la révision à mi-parcours de la politique agricole commune doit être l'occasion non seulement de dresser un bilan de santé, mais également de mener une réflexion préalable à la réforme de 2013.

Si elle a pu contribuer à une forte augmentation de la production agricole française, la PAC a aussi produit des effets pervers par la disparition de dizaines de milliers d'exploitation, avec l'application du plan Mansholt, la dégradation de l'environnement et la qualité sanitaire des aliments produits. Ces questions doivent être intégrées au débat.

En France, le bilan à mi-parcours est mauvais. Les droits à paiement unique, que nous avions critiqués dès l'origine, se sont révélés source de profondes injustices à la fois entre les agriculteurs, entre les productions et entre les régions.

Il est essentiel que la France prenne des initiatives dès maintenant, sous peine de la voir réduite à ne formuler que des contre-propositions dans quelques mois.

Dès lors, trop de déceptions et trop d'incertitudes planent sur ce budget pour que nous lui accordions notre assentiment. Nous voterons donc contre.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Girod

Monsieur le ministre, contrairement à l'orateur précédent, et compte tenu de votre foi dans le grand retour de l'agriculture, je voterai votre budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Girod

Je souhaite néanmoins formuler quelques réflexions.

Vous avez besoin, nous avez-vous dit avec enthousiasme, d'un grand ministère pour relancer l'agriculture française. Mais, pour ce faire, il faut aussi de grands agriculteurs, et des agriculteurs confiants. Or un certain désarroi se manifeste aujourd'hui au sein du monde agricole, et le Grenelle de l'environnement n'apporte pas d'apaisement.

Outre les annonces plus ou moins fracassantes et limitatives sur la PAC - vous avez d'ailleurs, en présence de vos collègues italien et hongrois, appelé au calme et rappelé la nécessité de se fixer des objectifs avant d'annoncer des mesures -, plusieurs points « turlupinent », si je peux me permettre l'expression, nos agriculteurs.

Ils ont l'impression d'être piégés - le mot n'est pas trop fort - par un certain nombre de paradoxes. Les pouvoirs publics n'en sont probablement pas les géniteurs, mais ils n'apportent pas de clarification.

Premier paradoxe : produire plus et mieux.

À l'évidence, produire plus suppose d'abord rendre disponible le maximum de surface foncière. L'Union européenne l'a compris, puisqu'elle a supprimé les jachères. Vous avez tenu à garder 3 % de surface pour la couverture écologique.

Monsieur le ministre, je rejoins les propos tenus tout à l'heure par notre collègue Philippe Nogrix sur les contrôles. À partir du moment où l'on réduit la surface mise en jachère, les erreurs en pourcentages se produisent plus facilement. Dès lors, on comprend l'inquiétude des agriculteurs à la suite de l'annonce récente du renforcement des contrôles et de la fin de la tolérance. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, les rassurer !

Je soutiendrai d'ailleurs l'amendement présenté par notre collègue Claude Biwer, car je suis favorable à un véritable changement d'atmosphère et de méthode en matière de contrôles dans le secteur agricole, lesquels contribuent au mal-être des agriculteurs.

La France possède la plus grande superficie cultivable par tête d'habitant en Europe, ce qui signifie qu'elle doit assumer une responsabilité un peu comparable à celle qu'elle exerce en matière de défense. En effet, tout comme elle est l'un des seuls pays à maintenir l'effort de défense militaire, elle est l'un des seuls à être pourvus de ressources suffisantes en termes de surface pour permettre l'indépendance alimentaire de l'Europe. Il faut faire très attention à ne pas gâcher cette chance-là.

S'agissant de la méthode pour produire, force est de constater que la recherche s'essouffle quelque peu en ce qui concerne les voies traditionnelles et que, pour l'instant, celles qui s'ouvrent s'orientent vers la maîtrise des ennemis de l'agriculture, autrement dit les pesticides et les organismes génétiquement modifiés, les OGM.

En France, nous sommes les victimes, si j'ose dire, d'une véritable terreur des OGM, alimentée par des personnes totalement irresponsables, auxquelles on prête probablement une oreille trop attentive.

Le résultat est double : tout d'abord, nous ne sommes pas en état, actuellement, d'expérimenter la production de variétés qui sont pourtant autorisées à l'échelon mondial, et notamment européen ; ensuite, ce qui est pire, nos chercheurs s'expatrient en Inde et aux États-Unis, et la recherche française en la matière est quasiment en voie de disparition.

Est-ce vraiment la meilleure manière de préparer l'avenir et de s'adapter au monde moderne, où nous aurons probablement à nourrir neuf milliards d'habitants ? Je n'en suis pas certain, d'autant que, dans le même temps, alors que les OGM constituent l'une des rares pistes susceptibles de diminuer très fortement l'intervention des pesticides, nous nous orientons vers une diminution du nombre des molécules et un renforcement des octrois par l'Union européenne des autorisations de mises sur le marché, au risque de nous trouver bientôt dans des impasses technologiques sans solutions, donc dévastatrices pour la production.

Les agriculteurs le savent et ils vous le disent en cet instant par ma voix, monsieur le ministre.

À présent, posons la question : produire quoi ?

Les ressources sur lesquelles se fonde la production dans notre civilisation se composent de deux éléments : l'un minéral, qui ouvre toutes sortes de possibilités, notamment dans le domaine mécanique, l'autre organique, qui concerne l'alimentation et les matériaux composites.

Dans l'état actuel des choses, il n'existe que deux ressources organiques : la ressource agricole, qui capte l'énergie solaire et recycle le carbone de l'atmosphère, et la ressource minière, d'origine géologique. Or, nous le savons tous, cette ressource organique souterraine est limitée dans le temps. Il faudra donc bien, à un moment quelconque, recourir à de la matière organique d'une autre provenance pour l'intégrer dans les matériaux composites. Or il n'y a pas trente-six sources possibles : cette matière organique, c'est évidemment l'agriculture qui la fournira.

Évidemment, cela amènera une certaine concurrence, pour l'utilisation des surfaces agricoles, entre la production d'aliments - c'est une raison supplémentaire de ne pas freiner le progrès technologique dans ce domaine - et celle de matières premières. Sur ce second plan, il ne s'agira pas seulement de biocarburants ; cela ira beaucoup plus loin. À cet égard, nous avons entendu hier un exposé fort intéressant sur les matériaux composites du futur, dans lesquels la part végétale est loin d'être négligeable. Encore faudra-t-il tirer la matière organique de quelque part : sans doute de cultures nouvelles, mais il faut s'y préparer.

Or, monsieur le ministre, je suis obligé de constater que, s'agissant d'un volet particulier de cette future agro-industrie, celui des biocarburants, nous sommes en pleine incohérence.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les agriculteurs reçoivent des signaux contradictoires. Voilà deux ans, on a poussé les producteurs de betteraves à racheter des quotas sucriers, avant de leur expliquer cette année qu'il faut les abandonner ! Cette politique du stop and go, comme disent les Anglais, les a quelque peu désarçonnés.

Aujourd'hui, on observe le même problème pour les biocarburants. Voilà environ un an ou un an et demi, il n'était question que d'eux, puis subitement on a vu se développer toute une campagne visant à expliquer que la production de biocarburants consommerait plus d'énergie qu'elle n'en fournit, en oubliant d'ailleurs complètement que les biocarburants sont constitués de carbone puisé dans l'atmosphère, contrairement aux sources d'énergie fossiles.

Quoi qu'il en soit, l'Association de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et l'Institut français du pétrole ont déjà fait justice de ces affirmations en 2002 et se préparent à publier une actualisation de leurs chiffres qui va exactement dans le même sens.

De ce côté, on peut au moins dire que le procès d'intention est nul, mais, en ce qui concerne la gestion de la filière, le signal négatif qui vient d'être donné, ici même, par l'annonce d'une diminution des détaxations accordées est tout de même assez paradoxal.

En effet, nous savons bien, monsieur le ministre, que, pour des opérations de ce genre, les investissements sont très lourds. Il faut donc que les perspectives soient sûres. Si, l'année qui suit le lancement d'une grande politique de promotion des biocarburants, on prend une mesure fiscale qui va à l'encontre des promesses données, alors même que le cours de l'éthanol n'a pas été influencé par celui du pétrole, puisqu'il est fixé à partir de références établies au Brésil, pays autosuffisant en matière de carburants et dont la gestion de la production d'éthanol est assurée par un seul organisme d'État, lequel établit les prix selon des critères plus politiques qu'autre chose, on peut s'interroger sur la solidité des engagements pris.

Quand on sait en plus que le bioéthanol actuel ne représente que la première étape d'une évolution qui nécessitera dix ans d'expérience fondée sur une industrie performante du bioéthanol de première génération, on peut se demander quelle est exactement la piste définitive que veut suivre notre pays en la matière. C'est là encore une source d'interrogations pour les agriculteurs, monsieur le ministre. Je me sens aujourd'hui le devoir de les exprimer à cette tribune : sans liberté de critiquer, il n'est pas d'éloge flatteur.

Vous savez que j'ai beaucoup d'amitié pour votre personne, monsieur le ministre, et de respect pour votre action. Je mets en vous de grands espoirs pour notre agriculture, encore fallait-il que vous entendiez l'expression du véritable malaise qui existe, pour l'heure, dans le monde agricole.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le ministre, le projet de budget de l'agriculture pour 2008 n'est pas très enthousiasmant si l'on s'en tient aux crédits, qualifiés par vous-même, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, de « contraints [...] dans un contexte budgétaire délicat » et en « très légère baisse »...

À l'instar de mon ami Bernard Piras, je n'ose imaginer ce que l'on aurait pu entendre à propos d'un tel projet de budget, ici au Sénat et dans nos départements, s'il avait été présenté par un gouvernement de gauche.

Certes, il est aisé d'invoquer la dominante communautaire des crédits, en provenance de l'Union européenne à concurrence de 9 milliards d'euros, contre 5 milliards d'euros pour la France, ou de s'appuyer sur les diverses contributions des collectivités territoriales qui viennent pallier l'insuffisance, voire l'absence, de crédits dans des secteurs vitaux de l'agriculture, de la pêche et de la forêt.

Toutefois, le poids de la dette, qui sert de prétexte pour justifier tous les « serrages de ceinture » visant les plus modestes de nos concitoyens et les classes moyennes, peut être relativisé quand on sait que la moitié de la dette, soit 450 milliards d'euros, correspond exactement au montant des cadeaux faits au grand patronat depuis vingt ans, et ce sans efficacité réelle si l'on en croit la Cour des comptes.

Ce projet de budget prend en compte, pour clarifier les perspectives d'avenir, trois rendez-vous majeurs, à savoir le Grenelle de l'environnement, le bilan de santé de la PAC et les renégociations au sein de l'OMC.

S'agissant tout d'abord du Grenelle de l'environnement, l'agriculture, qui est pourtant un acteur environnemental essentiel, est restée au « milieu du gué », pour ne pas dire « en rade », quant aux décisions et plans d'action arrêtés à cette occasion.

Prenons l'annonce tonitruante de la réduction de 50 % de l'emploi des pesticides en dix ans : elle a été aussitôt atténuée par la nécessité de trouver des solutions de rechange. Va-t-on réduire le volume des pesticides de moitié ? Va-t-on atténuer leur toxicité pour l'environnement ? Va-t-on modifier les techniques culturales ? Quels moyens de recherche seront alloués à l'INRA et aux laboratoires ?

Par ailleurs, les surfaces consacrées à l'agriculture biologique devraient passer de 2 % à 6 % de la surface agricole totale et la filière biologique devrait fournir la restauration collective à hauteur de 20 %. Or, aujourd'hui, un repas « bio » servi au restaurant scolaire de ma commune coûte 15 % de plus en fournitures qu'un repas conventionnel. Je crains que les collectivités locales, que nous représentons, ne soient une fois de plus les « vaches à lait » de cette réforme. Quant aux crédits nécessaires au passage de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique, je crains fort que le doublement du crédit d'impôt prévu en 2008 ne soit que très peu incitatif.

À propos des OGM, c'est la grande hypocrisie : après l'obtention d'un « gel » de l'utilisation du maïs transgénique MON 810, qui est le seul à être cultivé en France à des fins commerciales, les Français risquent fort de se réveiller un peu tard, par exemple après les municipales, au mois d'avril, en constatant que des semis de plein champ auront été effectués, sous la seule réserve du respect de distances minimales entre les cultures conventionnelles et celles d'OGM. Le récent exemple d'un champ d'OGM non autorisé en Ille-et-Vilaine illustre les débordements auxquels nous pourrons assister demain. Nous savons tous que les semences transgéniques sont prêtes et que Monsanto n'attend plus que le « feu vert » du Gouvernement français.

Ni obscurantistes ni apprentis sorciers, les communistes condamnent cette démarche inutile et dangereuse qui aura, à coup sûr, pour effet d'asseoir le monopole des grands semenciers sur l'agriculture française, dans un pays qui considère que produire soi-même sa semence de ferme est un délit. Où allons-nous, monsieur le ministre ?

À propos des agro-carburants, qui, il y a peu, semblaient être la panacée pour les agriculteurs en matière de revenu et de diversification, c'est le grand « flop » et le renvoi à la deuxième génération, voire à la troisième. Le calcul du bilan énergétique réel de ces productions, une fiscalité peu incitative et le déficit mondial en céréales et en lait sont passés par là... Ce vaste débat autour des agro-carburants aura au moins eu le mérite de recadrer les objectifs de l'agriculture et de mettre au premier rang d'entre eux celui de nourrir la planète.

Pour autant, nous pensons qu'il est urgent de mieux valoriser la biomasse et d'accroître les crédits de recherche pour développer l'utilisation des carburants de l'avenir, en particulier l'hydrogène. À cet égard, l'objectif gouvernemental de produire 21 millions de mètres cubes supplémentaires de bois par an n'est pas assorti d'une contrainte de temps suffisamment définie, le seul moyen d'accélérer cette production étant d'une part de donner davantage de moyens à l'ONF, d'autre part d'adresser un signal significatif aux trois millions de propriétaires de la forêt privée pour que ceux-ci puissent s'engager dans une démarche positive et constructive.

Ces quelques points relatifs au Grenelle de l'environnement et à l'agriculture montrent, monsieur le ministre, combien une bonne idée peut rester lettre morte si l'on ne crée pas les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre, si l'on ne prévoit pas les moyens financiers de son développement. C'est souvent le principal reproche fait à la démarche du Grenelle de l'environnement : le manque de moyens. Je forme donc le voeu que ce Grenelle sans le sou ne soit pas dissous, dans quelques mois, dans quelques belles promesses !

Venons-en maintenant au bilan de santé de la PAC.

Je vous sais gré, monsieur le ministre, de nous avoir adressé les principaux éléments des discussions qui se sont tenues au sein du Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche de l'Union européenne.

Je vous remercie, au nom des producteurs de porcs bretons, du déblocage des restitutions, qui va dans le sens de la question écrite que je vous ai adressée le 5 novembre dernier.

Nous ne pouvons que partager votre souci d'évoluer vers une PAC « moins libérale », « plus équitable, plus durable et réactive face aux crises et aux aléas du marché ». Vous éprouvez « la nécessité de développer des outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles » et de porter attention « à l'équilibre des productions et des territoires ».

Nous sommes d'accord. En effet, la PAC actuelle et ses résultats sont aux antipodes de nos souhaits, monsieur le ministre. Tout cela appelle un vaste débat pour définir les futurs contours de ce que pourrait être une PAC durable, solidaire et équilibrée.

Nous sommes disponibles, monsieur le ministre, pour vous aider à combattre le découplage des aides, qui est une aberration économique, à mieux répartir les aides en fonction des besoins, des productions, des territoires, à réguler les importations abusives qui déséquilibrent les cours, à lutter contre la réduction des droits de douane, dont l'effet est de favoriser lesdites importations abusives - ainsi, l'exemple récent de la baisse des droits de douane sur les céréales inquiète particulièrement un certain nombre d'agriculteurs -, à appliquer un mécanisme de bonus et de malus à la grande distribution selon sa capacité à favoriser une préférence communautaire, des prix décents aux producteurs et aux consommateurs.

S'agissant enfin des négociations au sein de l'OMC, elles semblent repoussées jusqu'après les prochaines élections américaines, puisque le Congrès, à majorité démocrate, a refusé le 30 juin dernier de proroger l'application de la loi dite Trade promotion authority, qui autorise en temps normal le président des États-Unis à renégocier des accords commerciaux internationaux.

Les communistes ont toujours plaidé pour que l'agriculture sorte du champ des négociations de l'OMC et ne serve pas de monnaie d'échange au regard des produits industriels et des services. Sur ce plan, il y a lieu d'être inquiet et vigilant si l'on s'en tient aux déclarations de M. Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, remontant à la mi-juin 2007 : « Trois éléments sont essentiels pour la réalisation de l'accord intérimaire : le montant des réductions de subventions agricoles, qui favorisent les échanges, le montant des droits de douane agricoles et celui des droits de douane industriels. [...] Concernant l'ouverture des marchés agricoles, les Européens et les Japonais devront améliorer leur offre. »

L'OMC s'inscrit donc toujours bien dans sa démarche fondamentale d'anéantissement des protections douanières pour livrer le marché mondial au libéralisme le plus sauvage et le plus débridé.

À cet égard, des propositions ont été formulées en vue d'instituer une nouvelle organisation mondiale de l'agriculture, le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture, le MOMA, qui, bien que libérale - il ne faut pas exagérer ! -, vise à imposer des règles à l'ultralibéralisme qui préside aux destinées des échanges mondiaux.

Je citerai quelques extraits de déclarations faites à Washington à l'occasion de la présentation du MOMA : « L'agriculture est trop stratégique pour être un préalable aux négociations de l'OMC, car seulement 10 % de la production agricole mondiale fait l'objet d'échanges internationaux. [...] Comme nous le soulignons dans notre modèle, nous sommes tous en faveur du commerce, mais la question est de savoir comment organiser ces échanges pour qu'ils puissent profiter au plus grand nombre, sans laisser de côté les plus pauvres. »

En cette même circonstance, Pierre Pagesse, président du MOMA, a affirmé que « l'inadaptation de l'OMC à traiter efficacement les questions agricoles tient au fait qu'elle n'intervient que sur l'aspect commercial et considère sans distinction tous les secteurs d'activité. C'est ignorer une donnée fondamentale : l'agriculture est spécifique. [...] La combinaison de ces facteurs entraîne une très forte volatilité des prix des marchés agricoles pour de faibles écarts entre l'offre et la demande : 1 % à 2 % de variation de production peut conduire à des amplitudes de prix de 1 à 3 voire de 1 à 5. »

Ces citations ont au moins le mérite de mettre en évidence tous les problèmes engendrés par la conception même du fonctionnement et des objectifs de l'OMC, qui mériteraient d'être revus de fond en comble.

En conclusion, je souhaiterais en revenir, monsieur le ministre, à un sujet plus local, à savoir celui des nitrates dans les bassins versants bretons, et particulièrement costarmoricains : où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Un bilan a-t-il été ou va-t-il être établi sur l'ensemble des mesures acceptées par les producteurs et leur incidence possible sur la production, l'environnement et l'emploi ?

Au sujet du phosphore, problème qui semble prendre l'importance de celui des nitrates, de nombreux agriculteurs s'inquiètent des mesures à venir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu'il en est exactement ?

Par ailleurs, hier matin, j'ai rencontré un groupe de retraités de l'agriculture qui m'ont fait part de leurs doléances, fort justifiées, au regard, d'une part, du niveau des retraites agricoles, et, d'autre part, des promesses sur ce point du candidat Sarkozy, qui tardent à se concrétiser.

Ils demandent le relèvement du niveau minimal de la retraite agricole à 75 % du SMIC net immédiatement, puis à 85 % de celui-ci, comme pour les salariés, la suppression des minorations sur les revalorisations des petites retraites, le droit de réversion pour les points gratuits, la suppression de « l'effet date 1997 », qui provoque des inégalités, la publication par décret de la revalorisation du point RCO, la prise en compte des carrières « tous régimes confondus », une attribution plus équitable de la bonification pour enfants.

Je vous fais grâce de la lecture des promesses du Président de la République, qui s'est empressé de servir d'abord les plus riches, en leur accordant près de 14 milliards d'euros pris dans la poche des plus modestes de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, bien que d'un naturel optimiste, je suis contraint de constater que l'agriculture est en train d'échapper aux agriculteurs à force de crises, de courses à l'agrandissement, de politiques de bas prix, d'importations abusives, de coups portés par l'OMC, par la PAC, mais aussi par la dernière loi d'orientation agricole.

Cette situation fragilise l'agriculture française, menace sa souveraineté et la rend vulnérable aux délocalisations, aux choix financiers des grands groupes bancaires et des fonds de pension. J'avais imaginé mieux pour une profession que j'aime, et dont je suis issu. Il n'est cependant jamais trop tard pour bien faire !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un département où l'agriculture occupe une place économique importante, je suis naturellement sensible au contenu de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Cependant, au-delà des intérêts locaux qui peuvent animer chacun et chacune d'entre nous, je crois que l'agriculture n'est pas seulement une préoccupation sectorielle. Avec 800 000 actifs exploitants ou salariés, notre pays conserve une forte tradition rurale. Grande nation agricole, la France est le second exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Avec plus de 40 milliards d'euros d'exportations, le secteur contribue ainsi à soutenir notre balance commerciale, qui en a d'ailleurs bien besoin.

Ce résultat témoigne de la vitalité des filières agricoles et de la capacité des exploitants à s'adapter aux grandes mutations. Face aux nouveaux défis qui s'annoncent demain, en particulier le défi alimentaire mondial dû aux pressions démographiques, il est important que l'agriculture française conserve les moyens de défendre ses positions et de réaliser ses ambitions.

Le projet de loi de finances pour 2008 sera-t-il en mesure de répondre aux attentes de la profession ? Cette année encore, je crains que les crédits ne soient pas à la hauteur des objectifs de la mission.

Tout d'abord, comme le faisait remarquer très justement notre collègue rapporteur spécial, la politique agricole est fondée sur un budget fortement perturbé par des reports de charge d'une année sur l'autre, obligeant à procéder à des dégels ou à des redéploiements internes de crédits.

Il en résulte un manque de visibilité à moyen terme, et je dirais même un manque de sincérité à court terme, car nous devons aujourd'hui nous prononcer sur un budget dont nous savons qu'il ne sera pas exécuté demain d'une façon conforme à la loi de finances initiale.

Il est vrai que certains dispositifs sont victimes de leur succès et que leur montée en puissance exige sans cesse des besoins nouveaux. En témoignent les files d'attente observées dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, le PMBE, des contrats d'agriculture durable et des contrats territoriaux d'exploitation. Les enveloppes sont manifestement insuffisantes.

La diminution, en euros constants, de 2 % des crédits pour 2008 ne va pas arranger cette situation budgétaire particulièrement dégradée.

Un certain nombre de programmes sont fortement contraints. Dans le cadre du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », je pense notamment aux offices agricoles, dont les moyens sont continuellement sacrifiés.

Par ailleurs, alors que le monde agricole est fortement impliqué dans le Grenelle de l'environnement, est-il bien raisonnable de ne pas donner plus de marge de manoeuvre aux actions concourant à moderniser les exploitations dans une perspective écologique ?

Résorber les files d'attente du PMBE doit être une priorité. Le manque de soutien au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et la timidité des crédits pour les retenues collinaires risquent de contrarier fortement les efforts de modernisation engagés par les exploitants.

En ce concerne les dispositifs touchant à la gestion des crises, les agriculteurs pourraient rester sur leur faim, si je puis dire. Les crédits AGRIDIFF et le Fonds d'allégement des charges des agriculteurs connaissent une forte diminution, alors que l'agriculture, soumise à de nombreux aléas, nécessite de réelles réserves pour la gestion des risques.

J'ajouterai d'ailleurs sur ce point que l'assurance récolte, telle qu'elle est dimensionnée actuellement, n'est pas suffisamment incitative. Vous le savez, monsieur le ministre, le caractère facultatif de la couverture laisse un grand nombre d'exploitants démunis face aux risques climatiques. Les arboriculteurs et les viticulteurs, par la nature de leur production et la taille de leurs exploitations, ont besoin d'un filet de sécurité important, qu'ils ne trouvent pas actuellement, même si, j'en conviens, le régime des calamités agricoles apporte des solutions relativement immédiates au moment de crises aiguës.

Enfin, je terminerai sur un autre aspect de la solidarité qui concerne les agriculteurs en tant qu'individus ; je veux parler des retraites agricoles, même si celles-ci ne relèvent pas directement de la mission dont nous débattons aujourd'hui. Ce sujet touche toutefois beaucoup d'élus de terrain, qui, comme moi, rencontrent des agriculteurs trop souvent en situation de précarité, alors qu'ils ont donné toute leur vie à l'agriculture.

Les retraités d'aujourd'hui, ce sont les actifs d'hier qui ont contribué à l'amélioration considérable de la productivité agricole, ainsi qu'à l'enrichissement commercial de notre pays. C'est pourquoi je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne fasse pas un geste plus significatif en faveur des retraités agricoles pour porter les pensions à au moins à 75 % du SMIC ; c'est une demande récurrente depuis de nombreuses années. Au moment où le pouvoir d'achat des Français fait débat, n'oublions pas celles et ceux qui subissent aussi de plein fouet l'augmentation du coût de la vie.

Mes chers collègues, si l'agriculture française se porte bien sur un plan purement macro-économique, nous connaissons néanmoins dans le détail les difficultés qui fragilisent un grand nombre d'exploitations. Par ses manquements, je crains que ce projet de budget pour 2008 ne remplisse pas ses missions en termes de solidarité et de préparation à l'avenir. C'est pourquoi, à ce stade de la discussion, je n'approuve pas le budget du Gouvernement.

Cependant, il est vrai aussi que les crédits nationaux ne reflètent pas la totalité de la politique agricole, qui se décide, en majeure partie, à l'échelon européen. À cet égard, les agriculteurs seront très vigilants quant aux orientations qui découleront du « bilan de santé » de la PAC prévu en 2008. La France aura la chance d'assurer à ce moment-là la présidence tournante de l'Union européenne.

J'espère, monsieur le ministre, que vous serez un porte-parole déterminé et volontaire pour défendre les intérêts de l'agriculture française. Les récents propos de Mariann Fischer Boel, trop axés sur le développement rural et sans réelle prise en compte du problème de la volatilité des marchés, ont inquiété à juste titre les syndicats agricoles. L'objectif de la PAC doit être clair. L'agriculture, ce sont des hommes et des femmes qui ne demandent qu'à vivre de leur travail, tout simplement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si le nombre d'agriculteurs n'a cessé de baisser en France au cours des dernières décennies, ils sont encore plus de 800 000 à travailler la terre et autant à être employés dans le secteur plus important de l'agroalimentaire.

Je mesure combien la discussion de ce projet de budget revêt une importance certaine pour un département rural tel que celui que j'ai l'honneur de représenter. Au moment où nous accélérons nos actions en faveur des biocarburants, sur lesquels je n'insisterai pas, je constate que ce projet de budget, doté de 5, 19 milliards d'euros, s'inscrit dans un contexte très particulier.

Tout d'abord, lors du Grenelle de l'environnement a été souligné le rôle majeur de l'agriculture tenue de relever le défi alimentaire mondial.

Ensuite, l'année 2008, au cours de laquelle la France exercera la présidence de l'Union européenne, verra se réaliser la révision à mi-parcours, ou le « bilan de santé » de la PAC. Nous verrons peut-être cette PAC évoluer dans des conditions nouvelles.

Par ailleurs, les Assises de l'agriculture réuniront les principaux acteurs de ce secteur.

Enfin, la nouvelle flambée des prix du pétrole pèse sur les coûts des productions agricoles.

Ce contexte très particulier est également dû à la flambée mondiale des prix de certaines productions, notamment des grandes cultures et, dans une moindre mesure, du lait, dont peuvent pâtir certaines autres productions comme l'élevage.

Hélas, cette nouvelle donne ne change pas grand-chose pour nos agriculteurs, qui ne peuvent toujours pas vivre uniquement du fruit de leur travail. Ils sont encore et toujours dans l'obligation de remplir une foule de formulaires et de subir des contrôles toujours aussi tatillons, afin de pouvoir obtenir les aides financières européennes.

J'avais déjà eu l'occasion, par le passé, de solliciter à cette tribune un allègement de ces contrôles. Je souhaiterais sur ce point pouvoir, enfin, être entendu. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

En ce qui concerne les prix agricoles, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous mettiez fin à la confusion savamment entretenue sur ce sujet dans la tête des consommateurs : ce sont non pas les augmentations des prix des céréales ou du lait qui expliquent la flambée des prix de détail, mais l'augmentation des marges, peut-être des transformateurs, mais en tout cas très certainement de la grande distribution.

À titre d'exemple, le blé, qui n'entre à ma connaissance que pour 7 % dans la composition du pain, ne peut être tenu pour responsable de l'augmentation du prix de ce dernier. J'avais aussi, sur ce thème, déposé une proposition de loi, malheureusement restée sans suite jusque-là.

Je souhaiterais à présent attirer votre attention sur un certain nombre de sujets qui intéressent plus spécifiquement le département de la Meuse, qui est à la fois un département d'élevage et de forêt.

Je sais que le développement économique de la filière bois constitue une priorité pour le Gouvernement. Vous avez ouvert très récemment les Assises de la forêt et, à cette occasion, vous avez affirmé, à juste titre, qu'il convenait de mieux mobiliser la ressource et de mieux valoriser cette matière première. Pourriez-vous faire le point sur l'état actuel du plan de reconstitution de la forêt et nous indiquer si l'ensemble des dossiers pourront être pris en compte ?

La fièvre catarrhale ovine, sur laquelle j'ai eu l'occasion de m'exprimer lors du débat que nous avons eu samedi dernier sur les crédits de la sécurité sanitaire, touche désormais soixante-cinq départements français et de nombreux pays européens proches de nous. Cette crise particulièrement grave concerne aussi bien les élevages bovins qu'ovins.

Je sais que vous n'êtes pas resté inactif : pour mon seul département, près de 200 000 euros ont été dégagés par l'État, ce qui est significatif.

Par ailleurs, vous envisagez de lancer une campagne de vaccination. Permettez-moi néanmoins de vous reposer une question demeurée sans réponse à l'Assemblée nationale : ne conviendrait-il pas de modifier le système d'indemnisation afin de tenir compte de la valeur de l'animal dans la mesure où, à l'heure actuelle, celle-ci est identique qu'il s'agisse d'un veau de huit jours ou d'un gros bovin ?

Quant à la production de lait, l'augmentation de son prix a redonné un peu d'espoir aux producteurs. Ironie du sort, après avoir lutté pendant des décennies, non sans d'ailleurs un certain succès, mais avec quels dégâts pour les éleveurs, contre la surproduction de produits laitiers, voici que nous serions entrés dans un cycle de pénurie ! Il a été beaucoup question de relever les quotas de production ; pourriez-vous nous apporter quelques précisions, monsieur le ministre ?

Je voudrais dire un mot concernant l'enseignement technique agricole, qui est présent dans mon département. Ses responsables sont préoccupés des évolutions budgétaires qui pourraient mettre en cause certaines filières professionnelles agricoles. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ?

Les maisons familiales rurales se sont récemment inquiétées du devenir du régime d'exonération partielle de charges patronales dont bénéficient les organismes à but non lucratif installés dans les zones de revitalisation rurale. Pourriez-vous là aussi nous confirmer les propos rassurants qui ont été tenus ?

L'installation des jeunes agriculteurs constitue une priorité. Or de trop nombreux candidats éligibles au prêt à l'installation ne peuvent l'obtenir du fait de l'insuffisance des crédits qui y sont consacrés. Vous aviez inscrit 63, 4 millions d'euros à cet effet dans votre projet de budget, mais ceux-ci auraient sans doute été insuffisants pour résorber les files d'attente. Je suis heureux qu'au cours des débats à l'Assemblée nationale vous ayez rajouté 5 millions d'euros, qui seront vraiment les bienvenus.

Les retraites agricoles continuent aussi à poser problème. Vous savez que les anciens exploitants agricoles aspirent à une amélioration de leur niveau de vie. Je vous ai récemment interrogé sur ce sujet, monsieur le ministre, notamment sur le niveau de la retraite complémentaire obligatoire pour 2007, la réversion à 54 % du montant des points gratuits, la suppression des minorations appliquées aux revalorisations des petites retraites agricoles, le nombre trop élevé d'exclus du régime de la retraite complémentaire obligatoire.

J'ai l'espoir qu'un jour, conformément à la loi Fillon, tous les retraités agricoles puissent bénéficier d'une retraite au moins égale à 85 % du SMIC, selon le chiffre qui était avancé à une certaine époque. Les retraités agricoles comptent sur vous, monsieur le ministre, pour que leurs préoccupations soient entendues.

Telles sont les observations et questions dont je souhaitais vous faire part, en espérant que les réponses que vous allez m'apporter - je n'en doute pas - me conforteront dans mon souhait de voter votre budget.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lejeune

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sait, les agriculteurs sont indispensables à la vie et à l'équilibre économique de nos territoires.

Aujourd'hui, ils sont confrontés à de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques. En outre, ils doivent faire face à des charges en constante augmentation.

Ces difficultés, le Président de la République en faisait le constat dans le discours qu'il a prononcé à Rennes. Il affirmait alors vouloir « porter une nouvelle ambition pour l'agriculture », suscitant ainsi de grands espoirs dans la profession. Hélas, force est de constater qu'il ne s'agissait là que de belles paroles, qui ne se traduisent pas dans le budget que vous nous proposez.

Ce budget connaît en effet une diminution encore plus importante que les années précédentes : plus de 4 % en euros constants. Ce n'est pas un signe encourageant donné à la profession, même si ce budget ne représente qu'un tiers environ de l'ensemble des crédits publics affectés au monde agricole et rural.

Alors que l'actualité montre que la gestion des crises devrait être sérieusement prise en compte, les financements prévus prouvent que tel n'est pas le cas.

Même s'ils sont revalorisés de 2 millions d'euros cette année, les crédits consacrés au développement de l'assurance récolte sont trop faibles pour être efficaces. D'un montant de 32 millions d'euros, ils sont loin des 260 millions d'euros mobilisés par l'État espagnol en 2007. Il aurait pourtant été souhaitable d'augmenter la prise en charge partielle par l'État des primes ou des cotisations des contrats assurantiels protégeant les récoltes contre différents risques climatiques.

Les dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficulté et à la gestion des crises imprévisibles, le Fonds d'allègement des charges des agriculteurs, sont sous-dotés, le premier diminuant de 50 %, le second de 15 %. Ils sont très insuffisants au regard des besoins.

La dotation pour les prêts bonifiés pour aléas chute de 75 %. Une paille ! On peut donc légitimement s'interroger sur la volonté du Gouvernement de soutenir les agriculteurs en cas de crise.

Les agriculteurs vivent dans un monde de plus en plus concurrentiel, où ils doivent être de plus en plus compétitifs tout en veillant à préserver l'environnement. Pour ce faire, il leur est nécessaire de moderniser leurs exploitations. Or dans ce domaine non plus, les financements ne sont pas à la hauteur.

Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage a rencontré un vif succès, mais il convient de résorber rapidement les files d'attente.

Il est regrettable que les taux de subvention et les montants pouvant être subventionnés aient été réduits, malgré des promesses régulièrement réitérées.

Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, en diminution de 3 millions d'euros, ne permettra pas de satisfaire toutes les actions volontaires des dizaines de milliers d'éleveurs. Leurs efforts risquent d'être anéantis.

Pour ce qui est de l'installation des jeunes agriculteurs, qui est en augmentation, on constate que les mesures d'accompagnement ne répondent pas à cette volonté, pourtant si nécessaire à l'occupation de l'espace et du monde rural. En effet, l'enveloppe pour les prêts bonifiés est, selon le terme même de la FNSEA, « insignifiante ». Par ailleurs, la dotation aux jeunes agriculteurs voit ses crédits fortement diminuer. C'est vraiment incompréhensible ! Cela ne traduit pas une grande confiance en l'avenir.

Il a fallu une très forte pression de la profession pour que vous déposiez un amendement à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, tendant à redéployer 5 millions d'euros sur les prêts bonifiés. Toutefois, cette mesure n'est pas suffisante. Elle ne satisfait pas les jeunes agriculteurs, qui se battent pour obtenir plus de financement pour l'installation et pas uniquement pour les prêts bonifiés.

Finalement, 2 millions d'euros risquent de manquer sur des programmes qui sont déjà sous-dotés : le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, les aides à la transmission, les stages à l'installation, etc. Pouvez-vous au moins remédier à ce problème et doter la ligne « renouvellement des générations » de 5 millions d'euros supplémentaires ?

Les moyens destinés à conforter la compétitivité de l'agriculture enregistrent eux aussi une baisse importante.

Les crédits des offices agricoles, qui permettent d'adapter les filières à l'évolution des marchés, déjà fortement diminués l'an dernier, accusent une baisse de 67 millions d'euros. Ils sont d'ailleurs qualifiés de « fantomatiques » par la FNSEA, qui a bien compris que la vente de l'ancien siège de l'Office des céréales ne devait pas occulter la diminution récurrente de cette ligne budgétaire.

Les crédits de promotion à l'international, quant à eux, enregistrent une baisse de 8 millions d'euros. L'effort en faveur des actions agro-environnementales est lui aussi beaucoup trop faible.

La prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, permettra seulement de renouveler les contrats souscrits, mais pas d'accueillir de nouveaux éleveurs.

La mesure rotationnelle est remise en cause, ce qui est difficilement compréhensible au moment où les mesures de préservation de la biodiversité figurent parmi les propositions du Grenelle de l'environnement.

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, si elles sont reconduites - pour combien de temps ? -, ne sont toujours pas revalorisées à 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, contrairement aux engagements pris par votre prédécesseur, monsieur le ministre. Une fois de plus, du fait des nouvelles contraintes pour accéder à la prime herbagère et de l'insuffisance des ICHN, c'est l'élevage extensif qui est sacrifié. Ce sont pourtant ces exploitations qui participent le plus à l'aménagement du territoire et qui maintiennent la vie dans les zones difficiles.

Vous savez, monsieur le ministre, que la conjoncture s'annonce défavorable pour les productions animales, en particulier bovines, ovines et porcines. Ces productions risquent de voir leur prix encore chuter, alors qu'elles doivent faire face à un coût d'alimentation de plus en plus élevé en raison de l'augmentation du prix des céréales.

J'ai reçu récemment les éleveurs de porcs creusois. Ils m'ont fait part de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvent et de leur inquiétude pour l'avenir de leur exploitation, car ils se sentent proches du dépôt de bilan. C'est une réalité ! Votre budget n'apporte pas de réponse à leurs interrogations. Il ne répond pas non plus aux attentes des territoires ruraux, qui ont besoin de solidarité. De même, il ne permettra pas à l'agriculture de relever les défis auxquels elle sera confrontée dans les années à venir.

Il est facile de dire aux agriculteurs qu'ils doivent vivre de leur travail, mais comment le peuvent-ils alors que 50 % à 80 % de leur chiffre d'affaires proviennent des aides françaises et européennes ? Ces aides sont d'ailleurs réparties de façon injuste puisque 80 % d'entre elles vont à 20 % des agriculteurs, favorisant ainsi l'agriculture intensive, au détriment de l'élevage, notamment celui du Massif central. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez l'intention de revoir cette question. Il faudra aller assez loin !

À la veille d'une réforme décisive de la PAC, quelle position entendez-vous défendre ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour permettre enfin à nos exploitants agricoles de vivre dignement de leur travail ? Comment envisagez-vous de préserver l'équilibre de nos territoires ?

Vos orientations budgétaires ne nous rassurent pas. Elles confirment l'abandon de l'agriculture au marché et un certain désintérêt du Gouvernement pour les zones rurales défavorisées et les agriculteurs les plus fragiles. Nous n'y trouvons pas de signes d'une volonté d'aller à l'encontre de la politique libérale menée par Bruxelles.

Il s'agit d'un budget de renoncement, monsieur le ministre, qui ne permet même pas d'assurer les besoins actuels au niveau local, par exemple en termes de mise aux normes et d'installation. Il ne donne aucun message d'espoir à la profession, comme si vous-même et le Gouvernement aviez déjà décidé de sacrifier des pans entiers de notre agriculture.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité liée à la filière agricole dans notre économie nécessiterait à elle seule plusieurs heures de débat. Ses différents aspects sont ou seront abordés par l'ensemble de nos collègues suivant leurs centres d'intérêt et parfois - souvent - leur origine géographique. Pour ma part, je me limiterai, dans les dix minutes dont je dispose, à évoquer les préoccupations des professionnels des productions végétales et des productions animales.

J'ai de nombreuses questions à vous poser, monsieur le ministre.

La première question est fondamentale : quel avenir le Gouvernement français et l'Union européenne entendent-ils réserver à notre agriculture ?

Faut-il encore encourager les jeunes à s'installer dans ce métier ? Peuvent-ils espérer, contrairement à la génération de leurs parents, vivre de leurs productions et non des aides publiques ?

Quels outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles avez-vous l'intention de développer ?

Comment rendre compatible une agriculture dynamique, productrice, capable de satisfaire les besoins alimentaires de l'humanité, mais aussi les besoins industriels nécessaires à notre économie, tout en préservant l'environnement dans tous ses aspects ?

Comment nos dirigeants peuvent-ils imaginer que notre agriculture peut vivre de sa production, alors que, en 2006, le prix de la tonne de céréales s'élevait à 90 euros, et que, dans le même temps, le prix du baril de pétrole s'envolait vers les 100 dollars, que le prix de l'acier explosait et que les normes environnementales ne cessaient de s'alourdir, plombant du même coup tous les coûts de production ?

Comment permettre aux salariés de l'agriculture et aux agriculteurs eux-mêmes de « gagner plus en travaillant plus », une formule souvent utilisée depuis quelque temps, alors que leur activité, par sa nature et sa spécificité, les fait travailler 30 %, 40 %, voire 50 % de plus que dans de nombreux autres métiers ? Ils travaillent déjà, pour la plupart, au maximum de leurs capacités !

La profession connaît un effet de ciseau. Les prix de vente des productions sont au plus bas - c'est le cas aujourd'hui pour les éleveurs, c'était le cas en 2006 pour les céréaliers - et les coûts de production, qu'il s'agisse de l'énergie, du matériel agricole, des engrais, des produits phytosanitaires, des taxes - elles s'envolent - ou des impôts, ne cessent d'augmenter.

Cela rend cette profession extrêmement fragile à chaque fois qu'elle subit des aléas climatiques ou que le marché mondial s'effondre en raison de l'absence de préférence communautaire ou de l'ouverture de nos frontières à des produits venant de pays dont les contraintes sociales et salariales, les normes et les exigences de traçabilité, ne sont pas les mêmes que les nôtres.

Où en sont, monsieur le ministre, les négociations conduites dans le cadre de l'OMC ? Quel prix l'agriculture européenne, en particulier l'agriculture française, devra-t-elle payer pour permettre au Brésil et à l'ensemble des pays qui l'accompagnent de commercialiser leurs produits agricoles chez nous, en échange d'une ouverture de leur marché à nos produits industriels ?

Que faut-il attendre du Grenelle de l'environnement ? À quelle pluie de taxes notre agriculture doit-elle s'attendre dans ce cadre ? Ces taxes seront-elles compatibles avec le prix de revient des productions végétales et animales ?

En ce qui concerne la production végétale, certains commentateurs se sont inquiétés de la flambée du prix des céréales et des conséquences qui allaient en résulter pour les transformateurs et les consommateurs.

Il faut le savoir, mes chers collègues, le prix moyen qui sera payé par les coopératives agricoles aux producteurs atteindra à peine 200 euros la tonne pour l'année 2007, ce qui reste à un niveau de prix inférieur de 12 % à celui qui était en vigueur dans les années quatre-vingt, soit voilà plus de 20 ans ! De combien le coût de la vie a-t-il augmenté depuis ?

Même si l'indice devrait être corrigé des gains de productivité que la recherche et la profession ont réussi à grignoter au fil du temps, il faut reconnaître que le compte n'y est pas !

Quel est le salarié, le fonctionnaire, le professionnel libéral ou le chef d'entreprise qui accepterait de voir son salaire ou son revenu diminuer de 30 %, 40 % ou 50 % sans compensation intégrale par les aides publiques, puisque telle a été la politique agricole voulue par nos dirigeants européens dans les années quatre-vingt-dix ?

Quand le prix de l'acier et du pétrole progresse, les sociétés de service comme l'industrie du machinisme agricole répercutent la hausse sur leurs prestations ou produits ! Mais les éleveurs et les agriculteurs, pour leur part, ne peuvent pas en faire autant.

Par conséquent, monsieur le ministre, comme vous le confirmez dans votre lettre adressée le 27 novembre dernier aux parlementaires, il y a lieu d'exiger le « maintien d'une grande politique agricole » qui soit d'abord économique, en permettant d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Europe et le développement équilibré et durable de nos territoires.

De même est-il indispensable de disposer d'outils de gestion des crises. Comment pourrait-il en être autrement alors que les éleveurs traversent une crise économique préjudiciable à leur avenir, avec une augmentation du prix de l'alimentation animale, à laquelle s'ajoutent les effets désastreux sur les plans sanitaires et économiques de la fièvre catarrhale qui touche les secteurs ovin et bovin ?

Monsieur le ministre, à la suite d'une question posée par notre collègue Henri de Richemont, vous avez répondu à une partie des préoccupations des éleveurs par la mise en place d'un plan sanitaire de grande ampleur, afin non seulement de traiter les difficultés actuelles, mais également de prévenir le développement du risque futur. Je vous donne acte de cette initiative, dont nous ne pouvons que nous réjouir, car elle montre à quel point vous avez saisi le problème à bras-le-corps. Mais nous restons tout de même sur notre faim.

C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », je souhaiterais bénéficier de votre part d'un éclairage sur les mesures économiques que le Gouvernement a l'intention de prendre pour aider les éleveurs à faire face à cette dépression économique, qui se traduit aujourd'hui par une baisse des prix de vente à la production animale de 25 % à 30 %. C'est notamment le cas pour la vente des broutards ou des ovins. Certes, par votre action, vous avez réussi à permettre le chemin de l'exportation vers l'Italie. Dont acte ! Pour autant, les cours ont du mal à se redresser et ils n'ont pas encore retrouvé le niveau de l'année dernière.

Monsieur le ministre, je vous invite à porter autant d'attention aux agriculteurs-éleveurs dont l'activité principale réside dans l'élevage qu'à ceux pour lesquels cela constitue une activité secondaire. Même dans ce dernier cas, l'élevage fait vivre des salariés qui y consacrent la totalité de leur temps. D'ailleurs, mon collègue Joël Bourdin, qui est élu de l'Eure, département voisin de l'Oise, où l'élevage ovin est souvent une activité secondaire par rapport à la production végétale, ne me contredira sans doute pas.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

C'est la raison pour laquelle, quelle que soit la nature de l'activité, c'est-à-dire principale ou secondaire, elle devrait retenir l'attention du Gouvernement de la même manière et bénéficier des mesures économiques que vous prendrez.

Je voudrais évoquer un autre sujet, qui a été abordé par quelques collègues au travers du problème des retraites.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître le résultat de la réflexion que vous avez menée avec M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le FFIPSA, en particulier s'agissant des recettes nouvelles qui pourraient être affectées à ce fonds dans une dynamique équivalente à celle des dépenses ?

Vous le savez, mes chers collègues, nous avons un flux annuel de déficit de 2, 3 milliards d'euros, alors qu'il était à l'origine de 1, 7 milliard d'euros. Cela n'ira pas en diminuant !

Je me réjouis que le passage du BAPSA au FFIPSA ait été soldé, mais la question du devenir de l'équilibre de ce fonds, qui assure le paiement des retraites et une partie de l'assurance maladie, reste entière.

Monsieur le ministre, pensant vous avoir posé suffisamment de questions pour alimenter votre réponse, je vous remercie de toute l'attention que vous y aurez apportée.

Je vous remercie également de votre investissement et de votre détermination pour défendre les intérêts de l'agriculture française.

La présidence française devrait être pour le Gouvernement l'occasion de démontrer sa volonté d'agir structurellement pour l'avenir de l'agriculture européenne, et française en particulier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en bon paysan, je resterai vigilant, mais, malgré tout, confiant.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.