Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2008 pourrait être qualifié de budget de « transition », comme celui de l'année 2007. Je souhaiterais dire quelques mots du contexte général, avant de donner une analyse rapide des crédits et d'évoquer la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole, qui fait l'objet d'un développement thématique dans notre rapport pour avis.
En ce qui concerne, tout d'abord, le contexte général de ce budget, je dirai que nous sommes à la croisée des chemins, en termes tant économiques qu'institutionnels.
Les fondamentaux du marché agricole mondial sont en passe d'être bouleversés, et d'une façon qui pourrait être durable. Le recul de l'offre de produits agricoles bruts destinés à l'alimentation, du fait de conditions météorologiques défavorables et de la concurrence des productions non alimentaires, allié à une forte croissance de la demande mondiale sous la poussée des pays émergents, a provoqué une véritable flambée des cours de nombreux produits, qui pourrait se poursuivre à l'avenir.
Sur un plan plus institutionnel, la transition est celle de la politique agricole commune, dont le bilan de santé sera réalisé dans le courant de l'année prochaine. La Commission en a déjà esquissé les pistes il y a peu de temps. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quelle façon vous les appréhendez et comment vous concevez dans ce cadre la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008 ?
Enfin, la transition concerne notre vision globale de l'agriculture, de ses objectifs et de ses méthodes. Le « Grenelle de l'environnement » a été l'occasion de faire ressortir les attentes de nos concitoyens vis-à-vis du monde agricole, mais aussi les engagements que les agriculteurs étaient prêts à prendre. Des propositions, ambitieuses pour certaines, ont finalement été actées. Quel en sera, monsieur le ministre, le calendrier d'adoption et comment se fera la coordination avec les assises de l'agriculture, que vous avez opportunément lancées à l'automne ?
Dans ce contexte global de transition, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche se présente, c'est indéniable, comme fortement contraint, faisant les frais de la discipline budgétaire demandée aux ministères par le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne.
Cette rigueur contraint inévitablement le ministère à choisir des priorités, et donc à moins soutenir certaines actions.
C'est le cas des actions relatives à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés, dont les crédits sont en recul de près de 10 %. Ces baisses touchent surtout, il est vrai, les offices agricoles, dont les moyens sont censés avoir diminué du fait de leur regroupement en trois pôles, conformément à la dernière loi d'orientation.
Plutôt que de rigueur, c'est d'incertitude qu'il faut parler en ce qui concerne les dispositifs de gestion des crises. Mais notre président de commission, M. Jean-Paul Emorine, grand expert de ces questions, vous en dira sûrement plus.
Au-delà de la seule assurance récolte, qui pourra obtenir un financement européen dans les prochaines années, on remarquera par ailleurs que les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels que le dispositif « Agriculteurs en difficultés et le fonds d'allègement des charges, sont en recul inquiétant.
Toutefois, cette rigueur générale qui affecte le budget ministériel doit être très largement nuancée, et cela pour plusieurs raisons.
Premièrement, le budget du ministère ne représente qu'une partie minoritaire - moins d'un tiers - de « l'effort public » en faveur de l'agriculture, qui s'élève tout de même à plus de 16 milliards d'euros.
Deuxièmement, cette rigueur est l'occasion pour le ministère dans un contexte de réforme de l'État de procéder à des ajustements structurels nécessaires, tels que la suppression de plusieurs centaines d'emplois, lui permettant d'économiser quelque 17 millions d'euros cette année.
Troisièmement, enfin, ces contraintes budgétaires n'empêchent pas le ministère de concentrer ses efforts sur certains axes majeurs du développement agricole et rural.
Les mesures agroenvironnementales, dont on a vu l'importance dans le contexte actuel, sont reconduites en crédits de paiement et presque doublées en autorisations d'engagement. Cela permet de bénéficier de très importantes sommes au titre du cofinancement communautaire, et d'oeuvrer très concrètement en faveur d'une agriculture durable.
Le secteur de la pêche, comme le développera sans doute notre collègue Alain Gérard, fait aussi l'objet d'une attention budgétaire toute particulière du ministère, afin de l'aider à traverser la crise.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comment satisfaire les justes revendications des anciens agriculteurs à propos des retraites agricoles dont le montant est très insuffisant ? Cette question revient tous les ans, et il est aujourd'hui temps d'en discuter.
J'évoquerai également l'économie forestière et reprendrai un thème qui a déjà été examiné l'année dernière et qui me tient particulièrement à coeur : la mise en place du plan épargne forêt.
Il n'existe en France aucune procédure de financement adapté aux contraintes de la sylviculture, en ce qui concerne notamment la durée, le taux et la garantie. La défiscalisation des travaux agricoles va dans le bon sens, mais ne suffit pas.
Afin d'encourager une politique de mobilisation des bois pour répondre aux besoins des industries, la propriété forestière doit être assimilée et traitée comme une véritable entreprise sylvicole. Elle devrait disposer d'un système de financement organisé autour de plusieurs produits financiers adaptés à la sylviculture. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet.
En ce qui concerne l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, elle a été créée par la loi relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui a prévu le financement de ses actions. Elle a mené des opérations visant à améliorer la connaissance du monde agricole et rural, à promouvoir l'image de l'agriculture après des consommateurs et à valoriser les métiers et les produits issus des territoires ruraux
Les opérations grand public, comme l'exposition itinérante « Train de la terre », qui a reçu 500 000 visiteurs, les actions en direction des jeunes et des scolaires prévues pour l'an prochain, la présence de l?agence pour la première fois au salon de l'agriculture imposent de reconduire la subvention pour 2008.
Pour finir, je dirai quelques mots de la réforme de l'OCM vitivinicole, à propos de laquelle nous avons adopté une résolution ici même à l'unanimité, voilà quelques jours. Monsieur le ministre, vous étiez présent, et vous avez pris un engagement concernant notre proposition.
Le Conseil agriculture des 26 et 27 novembre, où a longuement été débattu le sujet, a fait apparaître plus particulièrement deux points de friction : la libéralisation des droits à plantation après la politique d'arrachage - c'est totalement incohérent - et le régime d'enrichissement, problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
Pouvez-vous nous dire quelle stratégie de négociation vous souhaitez adopter lors du prochain conseil agriculture le 17 décembre prochain ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais vous soumettre en complément de l'excellent rapport de Joël Bourdin.
Je terminerai en appelant naturellement à voter les crédits de cette mission, que nous avons adoptés au sein de la commission des affaires économiques et qui représentent, au vu des contraintes actuelles un budget cohérent au service du monde agricole et rural.