Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 3 juin 2020 à 15h00
Imposition de solidarité sur le capital — Rejet d'une proposition de résolution

Agnès Pannier-Runacher :

Avant la réforme que nous avons engagée, la fiscalité du patrimoine était significativement plus élevée en France que chez nos partenaires européens. Chacun peut comprendre que, pour des populations très mobiles, et un capital qui l’est tout autant, cette situation nuisait à l’attractivité de notre pays, donc à l’activité économique et, par suite, à notre situation sociale, à notre préférence pour le chômage et à l’état de nos finances publiques. Ce constat n’a pas changé. Il est même d’autant plus important que nous traversons la plus grave crise économique que connaît notre pays depuis presque un siècle et que nous allons devoir relancer notre économie.

La réforme que nous avons réalisée est efficace ; elle a permis à la France de renforcer sa compétitivité et son attractivité. Vous l’avez signalé, les expatriations de contribuables ont ralenti. Les départs de contribuables à l’impôt sur la fortune en 2017 ont été divisés par trois. En 2018 et en 2019, la France a été la première destination européenne en termes d’investissements industriels et de recherche et développement. Notre politique fiscale est clairement ressortie comme un élément expliquant ce regain d’intérêt.

Ensuite, cette réforme est équilibrée. Nous n’avons pas touché à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, parce que nous pensons qu’il est légitime que les contribuables les plus aisés contribuent de façon spécifique. L’ISF était un impôt dont le poids baissait relativement quand la richesse augmentait, ce qui est assez paradoxal pour un impôt supposément progressif. L’ISF taxait finalement moins les plus hauts patrimoines que les patrimoines moins élevés, du fait du dispositif de plafonnement de l’ISF en fonction du revenu. C’était la caractéristique d’un mauvais impôt, et ce n’est plus le cas avec l’IFI.

De plus, la suppression de l’ISF n’a eu qu’un faible impact sur le montant des dons, contrairement à ce que certains anticipaient, ces derniers ayant diminué de 0, 1 %. Le Gouvernement a en effet choisi de conserver une réduction d’IFI au titre des dons. In fine, les experts du Comité d’évaluation indépendant s’accordent pour dire que le nouveau régime fiscal qui s’applique à l’épargne des ménages avec le PFU et l’IFI est plus simple et plus lisible que le précédent. Ils indiquent également que le nouveau régime dissuade par ailleurs les comportements d’optimisation fiscale, qui étaient en effet induits par le plafonnement, et qui nuisaient non seulement aux recettes publiques, mais aussi à la vie des entreprises, notamment dans les situations de transmission.

De plus, cette réforme a vocation à contribuer à réorienter l’épargne des ménages vers l’investissement productif et le financement des entreprises, chose dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

J’entends vos propositions, madame Vermeillet, et je partage les principes que vous mettez en avant : inciter au verdissement de l’économie et s’assurer que l’impôt porte sur les actifs les moins contributifs à l’économie. Vous me permettrez toutefois de ne pas aller plus loin dans l’analyse de vos propositions, qui exigerait bien plus de temps. Des débats de ce type se prêtent parfaitement au contexte d’un projet de loi de finances.

Ensuite, notre politique fiscale s’est concentrée sur les classes populaires et moyennes, largement oubliées ces dernières années. Vous arguez de la nécessité d’une réforme de l’imposition du capital en raison des inégalités et des injustices fiscales subies par les Français, et vous avancez notamment la dimension symbolique de l’ISF. Plutôt que des symboles, je crois que nos concitoyens attendent des faits. Permettez-moi de vous rappeler que les baisses d’impôts engagées sur l’ensemble du quinquennat devraient atteindre 27 milliards d’euros pour les ménages et 13 milliards d’euros pour les entreprises.

Concernant l’impôt sur le revenu, nous avons proposé une baisse de 5 milliards d’euros, qui allégera substantiellement l’effort fiscal des classes moyennes et populaires. Ce sont ainsi 17 millions de foyers fiscaux qui connaîtront une diminution de leur impôt sur le revenu, pour un gain moyen d’environ 300 euros. Le gain sera encore supérieur pour les 13 millions de foyers imposés à la première tranche de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire les contribuables les plus modestes, les classes moyennes et populaires.

Nous ne renoncerons pas à ces mesures fortes pour nos concitoyens les plus en difficulté. Elles sont encore plus justes et nécessaires après la crise.

Nous avons également décidé de reconduire pour 2020 la prime exceptionnelle exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, dans la limite de 1 000 euros. Entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019, elle a été versée dans près de 400 000 établissements à environ 5 millions de salariés, ce qui représente 2 milliards d’euros, pour un montant moyen de 400 euros.

Toutes ces dispositions permettent de rééquilibrer la redistribution, et ce ne sont là que certains des nombreux dispositifs mis en place pour aider nos concitoyens des classes populaires et moyennes, avant même que la crise ne les frappe.

Quant à la CRDS, madame Taillé-Polian, je veux rappeler que c’est l’impôt dont l’assiette est la plus large, puisqu’il s’applique aussi à la vente de bijoux ou de yachts. Utiliser ce moyen en décalé – nous parlons d’un moment où, j’ose l’espérer, nous serons collectivement sortis de cette crise – apparaît donc comme une réponse appropriée.

Pour faire face à la crise, nous avons mené une action puissante et sans équivalent dans notre histoire récente. Rien que pour le plan de soutien, nous avons mobilisé 110 milliards d’euros, dont l’essentiel est destiné aux salariés grâce au chômage partiel et aux indépendants, commerçants et artisans qui ont été les plus exposés, notamment avec le fonds de solidarité.

Dans la balance, vous proposez une réforme symbolique qui permettrait de dégager, selon les calculs, 2, 5 milliards d’euros. De notre côté, nous mobilisons 18 milliards d’euros pour le tourisme, 8 milliards d’euros pour l’automobile et les milliers d’emplois qu’elle représente. Nous nous battons aussi pour le secteur aéronautique, pour relocaliser des emplois en France, pour protéger des activités et faire en sorte qu’elles continuent.

Nous devrons effectivement nous poser la question du financement de cet effort. Mais, comme l’a dit M. Segouin, certaines questions essentielles doivent être réglées dans l’immédiat. Comment relance-t-on notre économie ? Comment relance-t-on notre industrie ? Comment accélère-t-on les transitions numériques et écologiques ? Comment renforce-t-on notre attractivité et, finalement – le mot est lâché –, notre compétitivité ? Comment limite-t-on in fine la casse sociale et comment crée-t-on des emplois d’avenir ?

Je vous tends la main pour répondre à ces questions, monsieur Kanner. Nous devons collectivement être à la hauteur des enjeux pour recréer la confiance et la croissance nécessaires pour accompagner notre relance. Ce sont là les vraies sources de création de richesses, y compris fiscales.

N’oublions pas non plus les enjeux fiscaux européens, et je vous rejoins sur ce point, monsieur Bargeton : taxation des plateformes numériques, mécanisme d’inclusion carbone aux frontières de l’Union européenne, taxation minimale des entreprises, dans le droit fil des travaux de l’OCDE, ou encore lutte contre la fraude fiscale, notamment en matière de TVA. Ce sont autant de combats que nous avons engagés et que nous poursuivrons activement dans les semaines qui viennent.

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