Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui par les membres du groupe CRCE fait suite à plusieurs travaux sur ce qu’il est coutume d’appeler les « travailleurs des plateformes ». Sans chercher à être exhaustive, j’en citerai quelques-uns qui ont déjà été rappelés par des orateurs précédents : la loi Travail de 2016, qui a créé au sein de la septième partie du code du travail un chapitre dédié aux travailleurs des plateformes ; la loi d’orientation des mobilités, ou LOM, de 2019, qui a contribué à lui donner de la substance ; la proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques, déposée par Monique Lubin, il y a quelques mois de cela ; et le travail, évoqué par de nombreux orateurs, que nous avons conduit avec mes collègues Michel Forissier et Catherine Fournier et qui a été publié le 20 mai dernier.
Nous attendons aussi avec impatience, madame la ministre, le résultat de la mission Frouin. Comme l’ont dit Michel Forissier et Catherine Fournier, nous nous tenons à la disposition de M. Frouin, car nous avons des choses à dire en la matière. Cette mission, dont les travaux portaient d’abord sur la représentation des travailleurs des plateformes, a ensuite été étendue à la question du statut des travailleurs.
Autant de textes qui ont le mérite d’aborder un sujet effectif : l’histoire des plateformes. Si l’importance de ce sujet est sans commune mesure avec sa visibilité médiatique, puisqu’il ne concerne que 100 000 à 200 000 travailleurs, nous devons tenir compte de ces personnes.
Chaque texte contribuera à faire bouger les lignes. Cette proposition de loi est une initiative intéressante qui nous rassemble sur l’intérêt du sujet, mais malheureusement pas forcément sur le vote que nous allons lui réserver, même si elle comporte certains aspects que nous avons pu approfondir avec la rapporteure au cours notamment d’auditions toujours très enrichissantes.
Dans son article 1er, la présente proposition de loi introduit un nouveau livre dans le code du travail consacré aux travailleurs des plateformes et prévoit qu’au statut d’autoentrepreneur et d’indépendant peu se substituer un CDI ou un CDD dont le temps de travail et la rémunération donneraient lieu à une négociation annuelle.
Rappelons, tout d’abord, que la multiplicité des plateformes, même si ce texte en limite la portée, comme l’absence de statistiques ou leur faible épaisseur du fait d’un turnover important, ne permettent pas d’affirmer que cette transformation est souhaitée par les utilisateurs, ni même que les plateformes la supporteraient économiquement.
En audition, la Fédération nationale des autoentrepreneurs et microentrepreneurs (FNAE) a rappelé que, globalement, les utilisateurs des plateformes n’étaient qu’une courte majorité à souhaiter changer de statut. Un sondage réalisé par la FNAE montrait qu’ils n’étaient que 20 %.
Par ailleurs, sur le fond, ce contrat que l’on peut qualifier d’elliptique suscite de fortes inquiétudes de la DG. En effet, en matière de conclusion du contrat, d’horaires et de rémunération, ce texte renvoie à la négociation collective. En substituant celle-ci au législateur, il prend le risque d’une possible violation de l’article 34 de la Constitution qui délimite le domaine de la loi.
L’article 2 de la présente proposition de loi étend le droit à l’assurance chômage, dont l’intérêt est indéniable, mais sans en préciser le financement et en prenant en compte des périodes d’activité qui peuvent paraître complexes à atteindre.
Rappelons qu’au contact de la réalité l’assurance chômage universelle promise par le Gouvernement s’est transformée en une mesure nettement moins ambitieuse via l’Unédic. Or en la matière ce texte n’apporte aucune clarté.