Intervention de Olivier Jacquin

Réunion du 4 juin 2020 à 9h00
Statut des travailleurs des plateformes numériques — Article 1er

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin :

Après cette discussion générale passionnante, je veux apporter quelques éléments complémentaires.

Madame la ministre, je vous ai écrit il y a quelque temps au sujet du contrôle des livreurs à vélo – on parle de livreurs à vélo, parce que ces travailleurs n’ont pas de licence de transport et que leur seul moyen légal de se déplacer est un deux-roues non motorisé –, afin de vous demander ce que faisait la puissance publique en matière de contrôle des licences de transport pour les utilisateurs de deux-roues motorisés. Je n’ai reçu aucune réponse, sûrement parce qu’il n’y a quasiment pas de contrôle : je le sais par les livreurs et par ceux qui travaillent à vélo.

Plus précisément, je vous invite à consulter les travaux de la chercheuse Laetitia Dablanc du laboratoire Ville Mobilité Transport, qui vient de nous fournir de nouveaux éléments de mesure : près de 37 % des livreurs utilisent des deux-roues motorisés et n’ont pas de licence de transport. Madame la ministre, que faites-vous en la matière ?

Par ailleurs, pour dissiper quelques mythes, notamment celui selon lequel on offrirait ainsi aux étudiants de petits jobs qui s’inscriraient dans des « parcours d’insertion », pour reprendre l’expression employée par votre collègue Christelle Dubos il y a quelques jours au Sénat lors du débat sur les mesures d’urgence sociale, je dirai que ce secteur d’activité évolue très vite et que les choses ont bien changé.

Certes, il existe encore quelques étudiants qui s’assurent de petits compléments de revenus avec ces livraisons, mais il y en a d’autres qui cherchent à en vivre. Comme l’indique la chercheuse que je viens de citer, on est passé des étudiants aux précaires, puis des précaires aux étrangers sans titre de séjour, comme le migrant dont j’ai parlé précédemment, dont Libération a fait le portrait.

Je vous répète ces chiffres, madame la ministre : environ 37 % des livreurs à vélo et des chauffeurs de VTC partagent ou sous-utilisent des comptes, c’est-à-dire qu’ils sont les sous-traitants de sous-traitants. Laetitia Dablanc estime qu’il y a près de 16 % d’étrangers – il est très difficile de connaître leur situation légale, mais cela pose bien des questions.

Dernier point : le mythe selon lequel ces travailleurs ne voudraient pas être salariés. Allez interroger ceux qui ont été victimes de la crise du Covid-19 et qui n’avaient plus ni travail ni protection ! Les choses ont bien changé dans ce domaine, et même s’ils ne représentent que 1 % de la population active, cela n’est pas rien. Ces travailleurs ne veulent pas avoir de mauvais patron ni être salariés d’Uber dans les conditions de sous-traitance que leur impose cette plateforme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion