Intervention de Michel Barnier

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h45
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Michel Barnier, ministre :

Les raisons sont d'ordre écologique, social, sanitaire ; entre aussi en ligne de compte ce modèle agricole que nous évoquions et qui est ancré dans les territoires.

Tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, exige des outils de régulation, des outils de stabilisation. Cela exige des règles, des solidarités, des protections - et non du protectionnisme ! -, bref : cela exige une nouvelle préférence européenne.

Je tenais à préciser tous ces points parce qu'ils sont le fond de ma conviction, celle que je défends aujourd'hui à la tête de ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche, celle que je défendais déjà dans les autres fonctions que j'ai pu exercer.

J'évoquerai maintenant la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits de paiement sont en légère baisse et les autorisations d'engagement en hausse de 5, 3 %, en raison notamment du renouvellement massif des contrats de la prime herbagère agro-environnementale qui interviendra en 2008.

Ces dotations budgétaires doivent être mises en discussion en les reliant aux crédits communautaires. En effet, quand on parle de l'intervention économique agricole, il s'agit de près de 9 milliards d'euros dans le premier pilier de la PAC, auxquels s'ajoute 1 milliard d'euros dans le deuxième pilier.

Ces 10 milliards d'euros par an attribués à notre pays au niveau européen sont à rapporter au budget de 1 milliard d'euros, dont nous présentons la plus grande partie aujourd'hui au Sénat, si l'on enlève les crédits qui relèvent du fonctionnement et d'un autre poste dont nous avons discuté à propos de l'enseignement agricole.

La proportion est donc de dix à un s'agissant de l'action économique agricole. C'est dire que cette politique est principalement européenne et que la plupart des solutions sont à chercher avec nos partenaires européens.

Malgré les difficultés que M. le rapporteur spécial a décrites et qui sont héritées de pratiques passées - je ne les justifie pas, mais je dois les assumer - ce budget repose sur plusieurs priorités que j'ai voulu préserver.

Les deux premières sont les outils de gestion des aléas et le soutien au renouvellement des générations dans une agriculture durable ; je veux en effet être le ministre d'une agriculture durable. Une agriculture durable, ce n'est pas seulement une agriculture qui est davantage respectueuse de l'environnement, c'est une agriculture qui dure au travers du renouvellement des générations.

La troisième priorité concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Enfin, la quatrième priorité a trait à la modernisation de l'outil que constitue ce ministère.

J'assume depuis près de six mois la fonction de ministre de l'agriculture et de la pêche et je suis, comme vous, confronté chaque semaine à des crises liées à la volatilité croissante des prix, à des crises sanitaires de plus en plus fréquentes : l'influenza aviaire, les dioxines, la sharka ou la chrysomèle du maïs, et surtout, dans soixante-sept départements aujourd'hui, la fièvre catarrhale ovine, que les éleveurs, les services de l'État, les vétérinaires libéraux et les laboratoires affrontent avec beaucoup de responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas aujourd'hui dans notre pays les outils nécessaires pour affronter la multiplication de ces crises économiques, sanitaires et climatiques, quand elles ne se conjuguent pas au même moment !

Comme me l'a demandé le Président de la République, je travaille avec Christine Lagarde à une généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte.

Monsieur César, je vous confirme que l'objectif de stabilisation des marchés sera ma priorité dans le bilan de santé de la PAC. Je l'ai déjà dit lors du Conseil des ministres qui s'est tenu la semaine dernière à Bruxelles.

Les propositions de la Commission, avec un renforcement du second pilier pour financer des dispositifs assurantiels, ne me satisfont pas. C'est à l'intérieur du premier pilier que ceux-ci doivent être mis en place. La PAC doit rester, au travers de ce premier pilier consolidé, même s'il faut le redéployer en son sein, une politique économique. C'est même la première des politiques économiques européennes et, pour l'instant, probablement la seule véritable politique économique européenne.

En attendant, nous utiliserons au mieux les deux outils dont nous disposons.

Il s'agit d'abord de la prise en charge, depuis 2005, de 35 % des primes d'assurance récolte, 40 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des grandes cultures, plus de 25 % des surfaces sont couvertes aujourd'hui par des contrats d'assurance ; 32 millions d'euros, soit 5 millions d'euros de plus que ce qui devrait être dépensé en 2007, sont inscrits en 2008 et devraient permettre une augmentation des taux de prise en charge de ces contrats dans le secteur de l'arboriculture et du maraîchage. Ces augmentations s'inscrivent dans la lignée des propositions du rapport de Dominique Mortemousque.

Il s?agit ensuite du Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial. La dépense de l'État, abondée en cours d'année, s'établit sur la durée à parité avec la participation des professionnels, à environ 80 millions d'euros par an. Il est vrai que ce fonds de garantie n'est habituellement pas doté en loi de finances initiale. Cet outil continue néanmoins d'assurer de manière forfaitaire les indemnisations des aléas climatiques, et il sera doté en tant que de besoin au cours de l'année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut pour ce secteur comme pour les autres un véritable outil de gestion des risques et des crises au niveau communautaire. Ce sera l'une des priorités de la présidence française.

Malgré ce constat, nous conservons quelques outils d'intervention : le Fonds d'allègement des charges, doté de 5 millions d'euros pour 2008 ; les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, dont la plus grande part n'apparaît plus dans le budget du ministère, puisque ces allégements de charges sont inscrits directement dans le budget de la mutualité sociale agricole

Enfin, dans le domaine des risques économiques, lors du dernier Conseil des ministres, nous avons obtenu, pour aider le secteur du porc qui connaît une crise très grave, la mise en place de restitutions - ce n'était pas acquis ! - grâce à une bonne concertation avec nos partenaires ; je pense notamment à l'appui de l'Allemagne. C'est une bonne nouvelle pour cette filière qui est très affectée par des niveaux de cours très bas et une augmentation du prix des aliments.

La deuxième priorité concerne le renouvellement des générations et le maintien des activités dans les territoires fragiles et sur les espaces littoraux

Avec 1, 6 million d'emplois répartis sur l'ensemble du territoire, l'agriculture et l'agroalimentaire sont l'une des clés du dynamisme économique dans toutes nos régions ; Jean-Marc Pastor l'a rappelé tout à l'heure.

Il faut conforter ce dynamisme économique en veillant à préserver son ancrage dans les territoires. Vous le savez bien, seules certaines initiatives se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cela passe d'abord par le renouvellement des générations. Voilà pourquoi nous continuerons de soutenir les jeunes qui veulent s'installer : près de 16 000 installations chaque année, dont 10 000 ont moins de quarante ans.

La hausse des taux d'intérêt a eu pour effet de renchérir le coût pour l'État de la bonification des prêts. J'ai effectué de nombreux redéploiements- autant que je le pouvais - en 2007 : 18 millions d'euros sur les crédits nationaux ; 11 millions d'euros sur les crédits européens en faveur du financement de ces prêts ; la ventilation de la dernière enveloppe de 20 millions d'euros a été transmise pour chacune de vos régions en fin d'année budgétaire.

En 2008, le budget sera de 60 millions d'euros pour la dotation aux jeunes agriculteurs et de 68, 4 millions d'euros pour les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, cette dernière dotation ayant été augmentée de 5 millions d'euros après le vote d'un amendement à l'Assemblée nationale. N'oublions pas que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle proche du double de ces sommes.

Je vous remercie de ne pas oublier que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle assez proche du double de ces sommes. Malgré cet effort, nous allons travailler en 2008 à une adaptation du mécanisme d'attribution des prêts bonifiés pour éviter les files d'attente.

Ce travail a été engagé avec le président des Jeunes Agriculteurs. Nous oeuvrons parallèlement, toujours avec les dirigeants agricoles, à une amélioration du parcours d'installation, qui doit être personnalisé, et à un plafonnement du montant maximum de la bonification.

L'ancrage agricole dans les territoires passe aussi par le maintien d'une activité dans les zones fragiles. Voilà pourquoi nous continuerons à soutenir les élevages dans nos territoires au travers de quatre outils.

Le premier outil est le renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale. Je vous propose de renouveler ce soutien qui représente 457 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les cinq prochaines années.

Le deuxième outil concerne l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, qui est maintenue à 232 millions d'euros. Compte tenu de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cela devrait conduire à l'augmentation de l'indemnité moyenne, qui a doublé en dix ans, passant de 2 650 euros à 5 370 euros. Voilà des chiffres qui sont la preuve de ce soutien pour les zones les plus fragiles, notamment avec l'ICHN.

Le troisième outil a trait à la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, qui s'établit à 165 millions d'euros ; elle est indispensable au maintien de troupeaux à taille humaine, en particulier dans les zones défavorisées et en montagne.

Enfin, le quatrième outil est relatif au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, évoqué par Jean-Marc Pastor, dont l'enveloppe a été augmentée de plus 23 millions d'euros à la fin de l'été et pour lequel j'ai entrepris une régulation après avoir satisfait les demandes en attente.

Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, s'est inquiété de la décroissance des crédits en 2008, qui s'établissent à 50 millions d'euros. Cette enveloppe correspond aux besoins identifiés en 2008, dans le cadre de nouvelles règles négociées avec les éleveurs, qui conduiront à une meilleure sélection des projets, en conservant une majoration pour les projets liés au pastoralisme, en zone de montagne.

Plus globalement, je réfléchis, dans le cadre de l'évolution de la PAC, à une réelle politique de soutien aux productions valorisant l'herbe et permettant de maintenir une activité agricole de production dans nos territoires. Je souhaite engager ces évolutions dès le bilan de santé de la PAC. En utilisant l'article 69 du règlement agricole, nous procéderons sans doute, à l'intérieur du premier pilier, à certaines redistributions...

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