Monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Vous souhaitez imposer aux plateformes et à leurs donneurs d’ordre un devoir de vigilance. Vous prévoyez que le manquement à un tel devoir serait sanctionné et que la plateforme devrait réparer les dommages occasionnés.
Je comprends l’esprit de cet amendement : ce dispositif s’inspire de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, qui impose aux grandes entreprises et grands groupes d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance destiné à identifier et à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé, à la sécurité des personnes et à l’environnement, notamment les chaînes de sous-traitance mondialisées qui ont provoqué des drames.
Nous poussons à l’échelon européen pour que le devoir de vigilance, qui intéresse certains de nos partenaires, puisse être pris en compte dans les directives européennes.
Toutefois, en l’espèce, le dispositif proposé ne s’articule autour d’aucun seuil, crée des contraintes qui seraient difficilement vérifiables. Aujourd’hui, il ne nous paraît pas suffisamment abouti pour permettre de respecter des dispositions légales qui seraient, dans certains cas, disproportionnées ou très difficilement applicables.
Par ailleurs, ainsi que je l’ai déjà indiqué plusieurs fois ce matin, je pense qu’il faut intégrer cette réflexion dans une réflexion globale sur les plateformes et l’inscrire dans le travail que nous devrons mener tous ensemble après la remise du rapport de M. Frouin. Encore une fois, ce dispositif n’est pas assez abouti pour être efficace.
J’en profite pour répondre à vos deux autres motifs d’interpellation.
Premier sujet, les plateformes peuvent-elles être des tremplins ? Je suis d’accord avec M. Savoldelli : c’est sur le terrain qu’on le voit et pas simplement dans les enquêtes d’opinion.
Nous travaillons beaucoup sur l’insertion des jeunes, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville – je salue à cet égard mon collègue Julien Denormandie avec lequel je collabore beaucoup sur cette question.
Nous constatons que beaucoup de jeunes sont intéressés et recherchent un travail auprès des plateformes, parce qu’ils restent ainsi indépendants, libres et autonomes, ce qui ne les empêche pas, ce qui est légitime et fait l’objet de notre débat, de vouloir des protections, mais aussi parce qu’ils aspirent à un tremplin professionnel et qu’il existe encore trop de discriminations à l’embauche pour leur ouvrir une autre perspective.
Il faut être lucide sur ce point : les plateformes sont souvent la meilleure et la première voie d’accès à l’emploi. Le problème se pose quand c’est la seule et quand il n’y a pas de débouché ensuite.
D’un côté, il y a donc le sujet de la protection sociale des travailleurs des plateformes et, de l’autre, celui des possibilités d’évolution. Toute la philosophie de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel repose sur l’idée qu’il faut permettre l’émancipation professionnelle par le travail et la formation tout au long de la vie. Il est important, y compris pour les travailleurs des plateformes, de pouvoir évoluer vers d’autres formes d’emploi, qui ne sont parfois envisagées que plus tard.
C’est pourquoi nous avons renforcé les droits à la formation dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et de la loi d’orientation des mobilités (LOM) : les plateformes doivent désormais payer et contribuer au compte personnel de formation de leurs travailleurs.
Second point, vous avez évoqué la question du contrôle des licences de transport. Ce contrôle relève du ministère des transports, qui s’y emploie. J’ajoute que l’on a aussi mené des opérations de contrôle dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, inspection du travail, police, gendarmerie, Urssaf réunies. Comme pour tous les nouveaux modes de travail – c’est vrai aussi des anciens –, il faut de temps en temps aller contrôler et démanteler quelques opérations qui n’ont pas lieu d’être. Ne vous inquiétez pas, nous sommes aussi attentifs à cette question dans ce secteur.