Intervention de Michel Barnier

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h45
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Michel Barnier, ministre :

Telles sont les orientations auxquelles je travaillerai dès que nous connaîtrons le bilan de santé de la PAC, avec les outils que la Commission nous permettra d'utiliser.

Au-delà de ces mesures sectorielles, je veux rappeler l'importance des pôles d'excellence rurale, qui ont permis de soutenir plus de 375 projets de développement situés, pour l'essentiel, en zone de revitalisation rurale.

L'État a financé cette expérimentation pour plus de 235 millions d'euros, dont 34 millions se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cette politique récente, avant d'être reconduite, devra être évaluée de manière contradictoire avec les observations de votre Haute Assemblée. C'est aussi l'objet du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, à la suite de la mission « ruralité » que vous avez évoquée monsieur Pastor, et qui a été engagé en 2006. Ce PDRH a d'ailleurs été le premier plan approuvé au niveau européen par la Commission dès le mois de juillet dernier.

Enfin, ce soutien passe par l'équilibre de notre littoral en métropole et outre-mer. C'est pourquoi l'une des priorités de ce budget concerne la pêche et l'aquaculture. Je crois en l'avenir de ces deux secteurs, je l'ai encore rappelé dans des circonstances tragiques dimanche, à Étaples, où j'ai rencontré les six marins pêcheurs rescapés du chalutier Mon bijou, qui a coulé en provoquant la mort d'un marin.

Ces secteurs sont au coeur du défi alimentaire. Je crois en leurs capacités de création de richesses et je pense qu'ils ont droit au respect et à la solidarité nationale, même si cela coûte un certain prix.

Nous parlons là du secteur de notre économie le plus dangereux de France : un mort pour 1 000 marins et 10 % d'accidents du travail chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est deux fois plus que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Nous avons donc des raisons de faire appel à la solidarité nationale et européenne.

Cette conviction est aussi celle du Président de la République, exprimée avec force au Guilvinec, et c'est également celle du Premier ministre. Nous devons aider les pêcheurs à relever trois défis : le défi de l'environnement et de la ressource, qui doit être gérée avec précaution ; le défi de l'économie, avec la question de la viabilité des navires en raison du prix du gazole ; le défi de la politique commune de la pêche, qui est un cadre exigeant et européen.

Pour m'aider à relever ces défis, j'ai lancé deux missions : l'une sur la réforme de la pêche, conduite par Paul Roncière, ancien secrétaire général de la mer, et l'autre sur le développement de l'aquaculture, conduite par Mme Hélène Tanguy.

En ce qui concerne le budget, je vous propose aujourd'hui de consolider les moyens consacrés à la pêche à hauteur de 60 millions d'euros. Nous poursuivons ainsi l'effort entrepris en 2007, année qui avait vu le budget de la pêche augmenter de 50 %. À ce montant s'ajoutent plus de 30 millions d'euros annuels provenant du Fonds européen pour la pêche.

Par ailleurs, en concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo, dont dépend l'administration des affaires maritimes, nous allons renforcer les moyens de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, en nous attachant surtout à assurer les conditions nécessaires pour garantir, sur chaque bateau, la sécurité individuelle des marins pêcheurs. À cet égard, je tiens à saluer les efforts entrepris au niveau européen pour mieux coordonner les actions de secours lorsqu'un drame tel que celui que nous avons vécu encore la semaine dernière se produit.

Au-delà de ce qu'ont alors fait les sauveteurs français - ces hommes admirables qui, dans le cadre de la société nationale de sauvetage en mer, travaillent sur des canots -, je me félicite de la bonne coopération entre les autorités françaises, belges et britanniques.

Pour répondre à Alain Gérard, nous préparons un « plan pour une pêche durable », un plan global qui ne se résume pas à la seule question du gazole, mais qui apporte une réponse à la situation économique, ainsi que l'a demandé le Président de la République.

Ainsi, pour faire remonter la ligne d'horizon, nous essaierons de donner une perspective aux pêcheurs qui n'en ont plus, et qui, souvent, désespèrent, en stabilisant la situation économique des entreprises de pêche, en améliorant les conditions de travail et de sécurité des marins pêcheurs, ainsi que leur situation sociale, car, eux aussi, ont droit à un salaire minimum, tout en respectant, de manière transparente et rigoureuse, les conditions fixées, dans le cadre européen, pour une meilleure gestion de la ressource.

La réalisation de ces objectifs s'appuiera sur le budget que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les crédits du Fonds européen pour la pêche, ainsi que sur la création d'une « contribution pour le renouveau de la pêche française », une écocontribution. Cette mesure, qui sera bientôt soumise au Parlement, se situe dans le prolongement des déclarations du Président de la République au Guilvinec et des décisions qui ont été prises dans mon bureau avec les professionnels de la pêche le 7 novembre dernier.

La troisième grande priorité de ce budget, qui est préservé en dépit du plan de maîtrise des dépenses publiques, concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez observé - et ce n'est pas un hasard -, le Grenelle de l'environnement, qui était un premier grand rendez-vous démocratique, ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs, alors que le risque était présent.

Nous devons en effet ce résultat à l'intelligence des dirigeants agricoles, quelle que soit leur sensibilité, au travail des fonctionnaires de l'État et aux parlementaires qui ont été associés à ces travaux. Plusieurs d'entre vous ont participé aux différents groupes de travail, certains en assurant même la présidence, et je les en remercie. Même si c'était improbable, notamment pour ce qui concerne la forêt, des rencontres ont eu lieu, avec une écoute, un respect mutuel.

Lorsque le Président de la République a conclu, à l'Élysée, cette première grande phase du débat, nous avons pu constater que l'agriculture et l'agroalimentaire étaient bien là et que les conclusions globales pouvaient constituer le socle dont j'ai parlé tout à l'heure et sur lequel nous allons bâtir la nouvelle politique territoriale alimentaire et rurale pour notre pays.

Nous allons relever le défi du Grenelle de l'environnement en améliorant encore, au-delà des efforts importants qui ont déjà été consentis par la plupart des agriculteurs, les pratiques durables et respectueuses de l'environnement.

Les outils pour y parvenir sont consolidés dans ce budget, avec notamment la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, la prime herbagère agro-environnementale et l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.

J'illustrerai de manière complémentaire cet engagement en faveur du développement durable de nos territoires en évoquant deux mesures.

Le premier outil pour le développement durable concerne les mesures agro-environnementales territorialisées, en faveur desquelles je vous propose le doublement des crédits à hauteur de 54 millions d'euros. Ces mesures sont simplifiées, conformément au plan de développement rural hexagonal, qui connaîtra sa première année de pleine application en 2008. Elles seront ciblées pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.

Le second outil est relatif au plan nitrates sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec celles et ceux d'entre vous qui représentent la Bretagne. Dès mon arrivée au gouvernement, je me suis attaché à recréer les conditions susceptibles de restaurer la confiance qui avait disparu entre le Gouvernement français et Bruxelles et entre les acteurs locaux et le Gouvernement français.

En accord avec Jean-Louis Borloo, son cabinet et le mien ont travaillé en bonne coopération pour parvenir à un plan, qui a finalement été approuvé par la Commission européenne. Celle-ci a renoncé, au dernier moment, au recours qu'elle avait déposé devant la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu duquel nous devions verser directement et immédiatement une pénalité de 28 millions d'euros et payer une astreinte de 117 000 euros par jour. La Commission européenne nous fait donc confiance.

Certes, ce plan est difficile, mais il est nécessaire. Nous y consacrerons, sur cinq ans, 86 millions d'euros, dont 68 millions d'euros exclusivement en faveur de l'agriculture, dans le cadre du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE. L'objectif est de ramener les eaux des neuf bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.

Enfin, le développement durable, c'est aussi une meilleure valorisation de nos ressources naturelles.

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour satisfaire une demande du chef de l'État que j'approuve, je me suis personnellement engagé à faire réduire de moitié, si possible d'ici à dix ans, la quantité des produits phytosanitaires utilisés par l'agriculture française, en métropole et outre-mer. À cet effet, j'ai mis moi-même en place un groupe de pilotage réunissant tous les acteurs concernés, afin d'aboutir, avant l'été prochain, à la présentation d'un plan que j'ai nommé « Éco-phyto 2018 ».

Pour répondre à l'intervention de Gérard Delfau, j'aborderai maintenant la forêt, le bois et la biomasse.

Notre massif forestier est le troisième d'Europe, et la forêt gagne tous les dix ans la superficie d'un département français. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de CO2 identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. Pour autant, la filière bois est caractérisée par une balance commerciale déficitaire de près de 5 milliards d'euros ; elle occupe le troisième rang après le pétrole et l'informatique.

Le 21 novembre dernier, j'ai ouvert les Assises de la forêt. Elles nous permettront de rénover notre politique forestière et de la filière bois avec un double objectif : mieux mobiliser la ressource et mieux valoriser cette matière première.

Nous pouvons envisager, sur dix ans, un doublement de la récolte commercialisée, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais exige une gestion soutenue. Pour ce faire, nous prendrons les mesures permettant d'obtenir une augmentation rapide de la récolte.

Les crédits consacrés à la forêt, qui enregistrent une hausse de plus de 3, 5 %, s'établissent à 311 millions d'euros en autorisations d'engagement et 321 millions d'euros en crédits de paiement.

Le programme « Forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectif, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et d'une très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts.

L'ONF, dont vous avez salué le travail, constitue un levier puissant pour développer l'exemple concret d'une politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater, sur le terrain, en forêt, le travail réalisé par les agents de cet office. Cet été, je me suis rendu dans le Midi, et j'ai pu mesurer leur capacité d'expertise pour aider à la reconstruction de sites dévastés par des incendies. Nous avons sollicité leurs compétences non seulement pour aider la Martinique et la Guadeloupe à reconstruire après le passage du cyclone Dean, mais aussi au-delà de notre pays pour aider la Grèce, dont près de 200 000 hectares, sur quatre parties de son territoire, ont été dévastés l'été dernier par des incendies tragiques.

Le plan Chablis sera lui aussi conduit à son terme, et nous y consacrerons 23 millions d'euros en 2008, cofinancés à hauteur de 28 millions d'euros par le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural. Nos aides à la restructuration de la filière et de modernisation des scieries seront amplifiées et seront dotées de 9, 4 millions d'euros en 2008, auxquels s'ajouteront les contreparties communautaires.

Outre le budget, la mise en oeuvre de cette politique ambitieuse pour l'alimentation, les territoires, l'agriculture et la pêche requiert une modernisation du ministère de l'agriculture et de la pêche, que j'ai l'honneur d'animer.

À cet égard, je tiens à rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires, des agents régionaux, départementaux ou territoriaux, en métropole et outre-mer, qui réalisent un travail souvent difficile pour faire face à toutes les crises que j'ai évoquées tout à l'heure.

Ce ministère est un grand ministère, qui s'inscrit dans une longue tradition, avec une vraie culture et une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite qu'il vive avec son temps, tout en gardant son âme. Il est le partenaire de plus de 1, 6 million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole ou agroalimentaire. La moitié des agents sont rattachés à un enseignement agricole de qualité. Le nombre des missions de ce ministère augmente continuellement pour répondre aux enjeux posés par la sécurité sanitaire, l'alimentation, l'environnement ou le développement rural.

Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, et ainsi que l'a souligné l'audit commandé par Mme Christine Lagarde au moment où elle fut, durant quelques semaines, à sa tête, le ministère de l'agriculture et de la pêche connaît une situation financière difficile, résultat de plusieurs années de gestion.

Sur ce point, je tiens à préciser que je ne partage pas l'ensemble des conclusions de cet audit, mais j'ai déjà obtenu des avancées. Le décret d'avance de 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros de crédits de paiement qui vous a été soumis en octobre dernier a permis de résorber, monsieur le rapporteur spécial, quelques-uns des reports de charges. Le projet de loi de finances rectificative devrait également le permettre, notamment pour ce qui concerne le refus d'apurement.

Nous prenons notre part à l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique, en diminuant de 198 emplois le nombre de fonctionnaires de la mission. Mais cela s'accompagne d'une évolution des politiques mises en oeuvre. Le ministère est en mouvement, dans le cadre du grand chantier de la révision générale des politiques publiques, et doit devenir - je veux qu'il le devienne ! - le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche. Cette réorganisation passe par le regroupement des établissements publics.

À cet égard, permettez-moi, monsieur le président, de répondre à MM. Bourdin et César, qui ont souligné la baisse des moyens...

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