Intervention de Valérie Létard

Réunion du 4 juin 2020 à 9h00
Efficacité des aides personnelles au logement — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le groupe CRCE et Mme Cécile Cukierman, qui nous donnent l’occasion d’avoir ce débat bienvenu en ce moment particulier.

Le logement, et encore plus le logement pour les plus modestes, doit constituer une préoccupation de chaque instant pour les responsables politiques que nous sommes, que l’on se trouve à l’échelon local, en particulier dans les communes et les intercommunalités, ou au plus haut sommet du Gouvernement. Vous êtes, bien évidemment, monsieur le ministre, un des plus concernés par cette question !

La période de confinement que nous venons de traverser nous a démontré, une fois de plus, si c’était nécessaire, à quel point le logement, d’une part, pouvait être source d’inégalités sociales et, d’autre part, constituait un élément essentiel du bien-vivre, voire peut-être demain du bien-travailler.

Je l’ai rappelé en commission, sans logement, on ne peut construire sa vie, sa famille, son travail, sa santé. C’est le cœur, le nid, comme le dit Jean-Louis Borloo !

Différentes problématiques me semblent essentielles à aborder dans nos réflexions actuelles et à venir.

Tout d’abord, le rôle des offices d’HLM dans la création et l’amélioration du logement pour les ménages les plus en difficulté est essentiel.

Malheureusement, les précédents projets de loi de finances, comme l’a rappelé la rapporteur, et certaines mesures de la loi ÉLAN produisent les effets attendus. Beaucoup d’organismes peinent aujourd’hui à construire et à rénover leur parc de logements sociaux.

L’impact de la RLS, concomitante à la diminution de la contribution de l’État aux APL de 3 milliards d’euros depuis trois ans, a contribué tout autant à remettre en cause le modèle économique des bailleurs sociaux qu’à fragiliser certains ménages en difficulté.

Cette équation budgétaire imposée complique fortement l’atteinte des objectifs assignés au secteur du logement social, qu’il s’agisse de l’engagement de poursuivre la construction neuve ou de l’accroissement de 25 % des rénovations.

La vente d’appartements n’est évidemment pas au rendez-vous pour créer de la trésorerie ainsi que vous l’aviez imaginé. On peut craindre que la crise, qui ne fait que commencer, n’améliore pas la situation.

Par ailleurs, comme je l’avais souligné précédemment, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de vendre des logements locatifs sociaux pour construire d’autres logements locatifs sociaux quand on sait que ce ne sont que très rarement les occupants qui les achètent…

La crise sanitaire dérive aujourd’hui en crise économique et dérivera demain en crise sociale. Cette situation signifie que nous devons protéger et aider ceux qui vont le plus souffrir. Je le rappelais, les questions de logement constituent l’un des principaux freins au retour à l’emploi.

La nécessité de construire plus et mieux, partout en France, est donc importante. Cela doit se faire aussi dans le cadre d’une politique de la ville transversale et puissante. Les ruptures sociales se creusent toujours en période de crise. Nous devrons faire attention et les anticiper.

À ce sujet, monsieur le ministre, j’en profite pour vous signaler de nombreuses remontées des territoires où l’on s’inquiète de l’échéance fixée par la loi au 31 décembre 2024, qui risque de ne pas pouvoir être respectée par les collectivités. C’est un sujet qu’il faudra examiner de près.

Le problème de la construction de logements est lié aussi aux questions d’investissement public : 70 % de l’investissement public est réalisé par les collectivités locales. Ces dernières sont donc un maillon essentiel de la commande publique et de la reprise économique dans les territoires, en particulier pour les entreprises du bâtiment. Elles ont aussi un rôle à jouer dans la construction et la rénovation de logements. Soyez vigilant à ne pas couper les capacités d’investissement des collectivités, comme vous l’avez fait pour les bailleurs sociaux dans le cadre de choix budgétaires.

Votre gouvernement appelle à faire confiance aux maires en cette période de déconfinement progressif. Étendez cette volonté à l’investissement local et aux autres élus locaux. Établissez des relations claires et franches avec tous les niveaux de collectivités. Là encore, j’appelais largement à une telle concertation lors des débats sur la loi ÉLAN.

Vos réformes étaient sans doute calibrées pour des moments où l’on navigue par beau temps. Quand la tempête est là, comme aujourd’hui, elles ne permettent pas d’amortir le choc et de maintenir le cap. Bien au contraire, elles pourraient accentuer les difficultés sociales et compliquer encore davantage l’équation du secteur du logement social. Il faudra donc, monsieur le ministre, comme le rappelait Mme la rapporteur, engager rapidement et en premier lieu le moratoire de la RLS tant attendu par les bailleurs sociaux.

J’en viens maintenant à la proposition de loi présentée par Cécile Cukierman et rapportée par Dominique Estrosi Sassone. Je tiens véritablement à saluer le travail de chacune d’entre elles. Je salue également l’initiative du groupe CRCE, qui pose ce débat essentiel et apporte des solutions concrètes et rapides.

Comme j’ai pu le souligner lors de l’examen de la proposition de loi en commission, ce texte vient à point nommé. Même s’il ne résoudra pas tous les problèmes du monde du logement en général et du logement social en particulier, même s’il n’aidera pas toutes les personnes qui ont des difficultés en fin de mois pour régler leur loyer et leurs charges, il va néanmoins dans le bon sens. Il traite des difficultés réelles et apporte, à son échelle, un peu d’oxygène aux ménages.

Cet oxygène, le Gouvernement a senti qu’il était nécessaire quand il a décidé d’allouer une prime de 150 euros aux ménages les plus modestes qui percevaient le revenu de solidarité active (RSA) ou l’allocation de solidarité spécifique (ASS), ainsi qu’une prime de 100 euros par enfant pour les mêmes ménages et pour ceux qui perçoivent l’APL.

Par ce mécanisme, vous reconnaissez indirectement, monsieur le ministre, que les minima sociaux et les aides publiques aux ménages ne suffisent pas durant cette période de crise sanitaire, mais aussi, sans doute, le reste du temps.

La proposition de loi de mes collègues du groupe CRCE peut vous permettre d’y réfléchir plus précisément. Elle contient des mesures de bon sens que nous soutenons.

La suppression du mois de carence dans la perception des APL est une mesure de justice. À l’heure où le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est devenu possible et se justifie par sa contemporanéité, à l’heure où les APL, comme vous le souhaitez, sont versées en prenant en compte la situation réelle et immédiate des revenus des foyers, il nous semble logique de ne plus pénaliser les ménages par ce mois d’attente.

De même, la réindexation du montant des APL sur l’indice de référence des loyers permettra de suivre la réalité des évolutions économiques du pays. Elle suit la même logique : à situation donnée à l’instant t doit correspondre une aide juste et équivalente à ce même instant.

Concernant les autres articles, nous soutiendrons les positions de la commission et de Mme la rapporteur, je pense en particulier à l’amendement de suppression de l’article 2 sur le seuil de non-versement.

Pour conclure, je me réjouis que la commission ait toujours veillé à ces questions liées au logement et défendu des positions communes, qui vont bien au-delà de nos différences quand il s’agit de financer nos politiques de logements sociaux et nos ménages les plus modestes. La situation actuelle le justifie, ainsi que celle à venir.

Vous l’aurez donc compris, les sénatrices et sénateurs du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte, tel qu’il ressortira de nos débats.

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