Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi est une occasion de plus d’exprimer notre gratitude et notre reconnaissance aux personnels soignants, qui sont mobilisés depuis des semaines pour faire face à une crise sanitaire sans précédent.
Au-delà des mots que je viens de prononcer – ils ont leur importance –, il y a les actes, qui sont imminents. Le Ségur de la santé, qui s’est ouvert la semaine dernière, est riche de promesses et d’espoir pour tous ceux qui soignent, pour tous ceux qui accompagnent, pour tous ceux qui sauvent.
Il est indispensable de reconnaître les soignants dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils font, tout comme il est indispensable de soulager leur quotidien en adaptant notre système de santé aux enjeux de notre temps et en permettant à chacun d’accéder à des soins correspondant à sa situation. La crise sanitaire a été une épreuve de vérité pour notre système de santé en révélant à la fois ses atouts et ses faiblesses.
Depuis plusieurs années, nous le savons, les services d’urgence sont saturés. Ils sont pris d’assaut et sont devenus, pour beaucoup de nos concitoyens, une sorte de réflexe, une première porte d’entrée dans le système de santé. Les images de lits dans les couloirs, de soignants faisant ce qu’ils peuvent dans des conditions dégradées ne datent pas d’hier. Elles sont le reflet des évolutions et des grandes mutations de notre société.
La figure rassurante du médecin de famille qui prenait les décisions de santé, qui était joignable à toute heure du jour et de la nuit a perdu de son évidence pour beaucoup de Français. Elle ne répond probablement plus non plus totalement à la conception qu’ont les nouvelles générations de médecins de leur exercice professionnel. Avec la perte de ce repère, nombreux sont les Français qui font part de leur difficulté à s’orienter dans notre système de santé.
Je sais combien les médecins libéraux se mobilisent aujourd’hui et à quel point ils sont prêts à le faire encore davantage demain, en particulier dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé qui émergent et se structurent dans les territoires afin de garantir l’accès de chacun à un médecin traitant. Ce combat est fondamental, car le médecin traitant est, et doit rester, le gage d’un suivi au long cours, d’une prise en charge globale, intégrant une dimension à la fois préventive et curative et contribuant à la bonne orientation des patients dans notre système de santé. Sans médecin traitant, l’errance médicale s’accentue, les patients n’ont plus personne à qui s’adresser, les urgences deviennent tout à la fois le premier et le dernier recours, pour ne pas dire le seul recours pour beaucoup. Il en résulte un engorgement de ces services, cette situation faisant peser une pression néfaste sur tout le monde.
Le texte qui est débattu aujourd’hui, et dont l’examen a débuté en novembre dernier, est une initiative parlementaire. Sa vocation est d’apporter une plus grande clarté à notre système de santé. Permettez-moi de saluer le travail qui a été effectué pour proposer un texte opérationnel. Je salue également tous ceux qui ont enrichi ce texte à l’Assemblée nationale et ici, au sein de la commission, et qui, par leur contribution, proposent des solutions très concrètes pour améliorer l’accès aux soins dans notre pays.
Pour éviter les situations d’engorgement des urgences, ce texte prévoit la création d’une catégorie nouvelle de structures de santé, à mi-chemin entre la médecine générale traditionnelle et les services d’urgence : les points d’accueil pour soins immédiats. Cette catégorie est, sur le fond, pertinente, car nous savons que beaucoup d’admissions aux urgences ne répondent pas aux critères de la médecine d’urgence.
Il s’agira de labelliser pour une durée de cinq ans, par le biais des agences régionales de santé, des structures capables d’accueillir des patients dans le cadre de soins non programmés, lorsque les situations ne répondent pas aux critères de la médecine d’urgence. Une signalétique spécifique, qui reste à définir, permettra d’identifier ces structures et d’orienter le patient vers celles-ci, contre le réflexe, puisque c’est bien devenu un réflexe, d’aller aux urgences.
La gradation des soins ne doit pas être une notion technique, voire abstraite, pour nos concitoyens ; elle doit être une réalité de terrain. De ce point de vue, cette proposition de loi est un outil très concret pour apporter une réponse juste, pertinente, aux soins requis. Il faut bien le dire, entre la consultation chez son médecin traitant et l’admission dans un service d’urgence, il y a toute une série de nuances, des degrés de gravité divers. On peut avoir besoin de soins immédiats sans pour autant requérir l’intervention de la médecine d’urgence. Autrement dit, l’ambition de cette proposition de loi est non pas de créer une couche supplémentaire, mais bien de matérialiser un chaînon qui parfois peut manquer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous ne ferons pas l’économie, dans le cadre du Ségur de la santé, d’un débat sur les organisations, sur la bonne coordination des collectifs de soins, sur les territoires. C’est l’un des grands enjeux de la concertation qui a été lancée par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran.
La crise sanitaire que nous traversons a conduit chaque service à se réinventer, à prioriser, à s’articuler avec les autres. Des trésors d’ingéniosité, d’imagination sont nés de cette crise. Il faudra que le « monde d’après », comme l’on dit, s’enrichisse de ces dispositifs.
Sous réserve de certaines modalités pratiques, qui restent à définir, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui poursuit, qui complète l’action du Gouvernement dans le champ de l’accès aux soins non programmés entamée il y a désormais plusieurs mois.