Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui la proposition de loi du député Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit d’un texte d’opportunité, visant à répondre à la situation dramatique dans laquelle se trouvent les urgences hospitalières, dont les personnels dénoncent régulièrement leurs mauvaises conditions de travail, le manque de considération, l’épuisement physique, le manque de lits ou encore les conditions déplorables d’accueil des patients.
J’en profite pour rendre hommage à mon tour à tous les personnels soignants. Je n’oublie pas les médecins de ville, qui se sentent souvent très seuls face à l’adversité de l’épidémie.
L’acte médical est devenu, aujourd’hui, un bien de consommation courant. Or la médecine de ville ne répond pas aux critères d’exigence de certains patients, au premier rang desquels figure la possibilité d’être reçu immédiatement en cabinet pour connaître précisément son état de santé ou recevoir des soins primaires.
Les services d’urgence des hôpitaux sont devenus le lieu vers lequel tout un chacun se tourne. On en connaît les conséquences humaines, matérielles et financières, car, au malaise profond des personnels soignants, lié à la surcharge d’activité, il faut ajouter les surcoûts considérables pour l’assurance maladie.
Cette proposition de loi a-t-elle les moyens de ses ambitions ? L’intention est louable : désengorger les services d’urgence des hôpitaux, en créant des points d’accueil pour soins immédiats pouvant réaliser des soins non programmés dès lors que le diagnostic vital du patient n’est pas engagé.
Dans les faits, ce texte ne révolutionnera pas l’organisation du système de santé, tant s’en faut. Il est déposé moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dont l’objet, il faut le rappeler, était de décloisonner toutes les parties prenantes – médecine de ville, hôpitaux, secteurs médico-sociaux – et de tendre vers un exercice plus ouvert, pluriprofessionnel et coordonné. Nous l’examinons alors que le Président de la République vient d’annoncer le Ségur de la santé, censé identifier les maux qui affectent notre système de santé et y répondre.
Pis, au lieu d’apporter de la souplesse dans l’organisation des soins, cette proposition de loi procède d’une vision technocratique, en donnant aux agences régionales de santé compétence, d’une part, pour labelliser et rendre identifiables par les patients des structures qui existent déjà et, d’autre part, pour délivrer des habilitations.
De telles initiatives sont, de mon point de vue, vouées à l’échec tant que l’on ne traitera pas le problème de base, à savoir l’accès aux soins sur tout le territoire. Je pense en particulier au monde rural et aux territoires de montagne, mais également à la question de l’inégale répartition des professionnels de santé et à celle de la démographie médicale, qui sont fondamentales. À quoi bon créer des structures, si l’on ne dispose pas de personnel pour les faire vivre ?
J’attends plutôt du Gouvernement qu’il laisse les professionnels s’organiser localement et qu’ils privilégient les initiatives émergeant partout en France pour rendre les soins accessibles au plus grand nombre. Ces projets sont la plupart du temps portés par des élus ou par des communautés de soignants qui souhaitent être utiles et exercer différemment leurs compétences, au service de l’intérêt collectif.
J’en veux pour preuve une offre innovante qui a vu le jour récemment à Moigny-sur-École, village de 1 200 habitants de mon département de l’Essonne. Le premier centre de télémédecine d’Île-de-France y a ouvert ses portes au début de l’année 2019, au cœur d’un territoire – le Gâtinais français – marqué par le vieillissement de sa population et la perspective du départ à la retraite, d’ici à cinq ans, de 50 % des médecins y exerçant. L’objectif de la municipalité était de faciliter l’accès aux soins des patients, de telle sorte qu’il n’y ait pas de rupture de suivi ou de prescription. L’autre volet du projet était de libérer du temps de soins pour les médecins généralistes du territoire, par des téléconsultations performantes, centrées sur l’expertise médicale, le diagnostic et la prescription. L’expérimentation de la télémédecine en zone rurale fait d’ailleurs partie des actions développées dans le plan Santé 2019-2023 du département de l’Essonne pour lutter contre la désertification médicale et désengorger les urgences hospitalières.
Je ne peux conclure mon propos sans évoquer la maison de santé hors les murs de Verrières-le-Buisson, fruit d’une collaboration exemplaire entre la municipalité et des professionnels de santé.
Monsieur le secrétaire d’État, faites confiance aux territoires pour créer et innover dans le domaine de la santé plutôt que d’imposer des solutions toutes faites et bien peu efficaces comme celle que comporte cette proposition de loi ! C’est à cette condition que notre système de santé retrouvera sa crédibilité et sa capacité à soigner nos concitoyens, où qu’ils résident et quelles que soient leurs pathologies, légères ou graves.
Pour les raisons que j’ai exposées, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.