Intervention de Philippe Nogrix

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h45
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Philippe NogrixPhilippe Nogrix :

Je voudrais d'abord saluer votre présence, monsieur le ministre, à la tête de cet important ministère de l'agriculture et de la pêche, qui concerne l'ensemble de notre territoire, qu'il s'agisse du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes aura à coeur de comprendre et de défendre, j'en suis convaincu, les intérêts qui concernent les zones de montagne.

Dans le Cantal, proche de la Haute-Loire, vous avez même parlé d'un « ministre des agricultures ». C'est au nom de l'une de ces agricultures, qui ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité, que je veux m'exprimer ce matin.

Chaque année, l'étude du budget de l'agriculture mobilise notre attention, car nous savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la place que celle-ci a tenue hier, qu'elle tient aujourd'hui et qu'elle devra tenir demain dans notre pays, avec des vocations nouvelles et complémentaires dans des mutations successives indispensables et nécessaires.

Dans cette perspective, nos agriculteurs doivent être prêts à faire face, en sachant s'adapter et réagir en permanence. La réflexion lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement montre combien l'agriculture, en France et dans le monde, occupe une place majeure, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, notamment par rapport au défi alimentaire mondial qui est le sien. Nourrir sept milliards d'habitants aujourd'hui, et neuf milliards en 2050, quel défi ! Comment l'aborder ?

Nous le savons tous, le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre aujourd'hui demande de définir des priorités. Malgré cela, vous avez su faire entendre la voix de l'agriculture de notre pays, monsieur le ministre, et votre forte implication est constructive, car elle est reconnue au niveau européen. Elle en est un signe essentiel pour l'avenir.

J'en veux pour preuve votre mobilisation permanente et votre volonté de nous informer régulièrement, en vous servant des technologies de l'information et de la communication, par le biais de courriels que nous recevons dans nos permanences. Je vous remercie beaucoup de cette attention.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite avant tout attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps et qui mérite une attention, un soutien et un accompagnement permanents.

La montagne souffre et, avec elle, tous nos territoires ruraux, soucieux de leur aménagement et de leur développement. Nos éleveurs ont bien des difficultés. Concernant l'avenir, se font jour des problèmes de trésorerie, mais aussi de lisibilité en matière de production, que ce soit pour les bovins - lait et viande - ou pour la filière ovine, sans oublier la filière porcine, qui traverse à l'heure actuelle une très grave crise.

L'agriculture de montagne ne demande rien d'autre, je le disais au début de mon intervention, qu'une parité, une équité et une certaine égalité dans l'appréhension de ses difficultés. Elle souhaite que lui soient reconnus également les nombreux handicaps qui la caractérisent. Je pense, entre autres, à la collecte du lait, qui doit être assurée tous les jours, quel que soit le temps, même pendant les hivers les plus rigoureux. Je n'oublie pas non plus les normes spécifiques des bâtiments d'élevage dans les zones de montagne, les mesures agro-environnementales particulières, la multiplication des contrôles, appliqués parfois avec un manque de réalisme et de bon sens.

Autre sujet d'inquiétude, monsieur le ministre, un impondérable vient aggraver la situation déjà fragile de nos exploitations : le prix du baril de pétrole. La situation devient préoccupante, car elle hypothèque tous les jours un peu plus le revenu de nos agriculteurs. Avons-nous véritablement la volonté de mettre en place une filière de biocarburants ? Je le sais, cela ne fera pas de miracles, mais encourageons les expériences, afin de pouvoir juger et fixer durablement les perspectives possibles pour l'avenir.

L'un des blocages actuels ne serait-il pas la filière fiscale qui, elle, ne demande pas trop de technicité, mais engendre, malheureusement, une trop grande production normative et administrative ? Ne peut-on pas faire fi quelques instants de ces obstacles et encourager, comme il se doit, une technologie nouvelle, une évolution naturelle, une innovation essentielle pour l'avenir de la France ? Sommes-nous prêts à répondre rapidement et de la meilleure manière qui soit à ce projet non seulement déterminant pour l'indépendance énergétique de notre pays, mais aussi de nature à renforcer le pouvoir d'achat, sujet dont on parle tant et qui inquiète tous nos concitoyens ?

Régulièrement, je profite de ma présence à la tribune du Sénat pour rappeler combien il est important de favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs, mais également de permettre à tous ceux qui ont oeuvré, avec beaucoup de courage et de détermination, une longue partie de leur vie, de pouvoir bénéficier, comme il se doit, d'une retraite bien méritée.

Chaque année, la question des préretraites dans l'agriculture pose problème, car les dotations sont trop faibles. Pour les retraites, reconnaissons-le, des avancées ont été obtenues, avec la retraite complémentaire obligatoire. Au moment même où l'on souhaite favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, permettons à ceux qui le désirent, mais aussi à ceux qui en ont le plus besoin, de pouvoir partir à l'âge qui leur convient, compte tenu de leur état de santé ou de leurs difficultés économiques.

Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité, dont les enjeux, pour l'agriculture de demain, sont énormes. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus. En effet, la revalorisation de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et limitée, aujourd'hui, à 35 %, constitue un véritable sujet de préoccupation. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette disposition devrait permettre de pérenniser et de clarifier la politique de soutien à l'agriculture de montagne, à laquelle vous êtes attaché.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, je mesure combien les efforts successifs de nos gouvernements en la matière ont permis des avancées depuis 2004. L'enveloppe budgétaire a en effet été portée de 23 millions à 120 millions d'euros, dont 42 %, soit précisément 42 millions d'euros, sont consacrés aux zones de montagne. De 19 000 euros en zone de plaine à 32 000 euros en zone de montagne, cette aide moyenne offre aux exploitants une véritable bouffée d'oxygène. Cependant, dans le même temps, le nombre de bâtiments à financer a été multiplié par trois.

Vous le savez, le succès rencontré par ce plan est incontestable, mais il trouve aujourd'hui ses limites, puisque le nombre de dossiers en attente - près de 10 000, soit trois années de retard - est impressionnant. Même s'il vous a été permis de débloquer une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros, portant ainsi la participation française à 75 millions d'euros, il est plus que nécessaire - je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre -, pour ne pas créer de précédents, d'inégalités, de fossés, de solder l'ensemble des dossiers en attente.

Il est également impératif de mettre en oeuvre cette mesure dans des conditions identiques à celles qui étaient en vigueur lors du dépôt des dossiers.

Cette mesure d'équité est d'autant plus vraie que nos agriculteurs en zone de montagne connaissent des coûts de construction plus importants eu égard au climat, à la topographie, à l'isolement - capacité plus importante -, sans oublier la disparition des prêts spéciaux de modernisation.

L'économie agricole, en montagne donc en zone rurale, ne peut être laissée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments en est l'un des moyens, principalement chez nous, en zone de montagne.

En terminant mon propos, je veux très simplement, avec la détermination de Jean Boyer, aborder une fois de plus la question de la nécessaire simplification administrative. Nous en sommes tous d'accord et nous l'appelons tous de nos voeux, mais elle ne vient pas !

Elle devrait faciliter, autant que faire se peut, toutes les aides à l'agriculture, notamment celles qui concernent les contrats agro-environnementaux. Qui de nous n'a pas rencontré un agriculteur se plaignant du nombre de dossiers qu'il avait eu à remplir pour obtenir, au bout du compte, une petite aide.

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