Intervention de Yvon Collin

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h45
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un département où l'agriculture occupe une place économique importante, je suis naturellement sensible au contenu de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Cependant, au-delà des intérêts locaux qui peuvent animer chacun et chacune d'entre nous, je crois que l'agriculture n'est pas seulement une préoccupation sectorielle. Avec 800 000 actifs exploitants ou salariés, notre pays conserve une forte tradition rurale. Grande nation agricole, la France est le second exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Avec plus de 40 milliards d'euros d'exportations, le secteur contribue ainsi à soutenir notre balance commerciale, qui en a d'ailleurs bien besoin.

Ce résultat témoigne de la vitalité des filières agricoles et de la capacité des exploitants à s'adapter aux grandes mutations. Face aux nouveaux défis qui s'annoncent demain, en particulier le défi alimentaire mondial dû aux pressions démographiques, il est important que l'agriculture française conserve les moyens de défendre ses positions et de réaliser ses ambitions.

Le projet de loi de finances pour 2008 sera-t-il en mesure de répondre aux attentes de la profession ? Cette année encore, je crains que les crédits ne soient pas à la hauteur des objectifs de la mission.

Tout d'abord, comme le faisait remarquer très justement notre collègue rapporteur spécial, la politique agricole est fondée sur un budget fortement perturbé par des reports de charge d'une année sur l'autre, obligeant à procéder à des dégels ou à des redéploiements internes de crédits.

Il en résulte un manque de visibilité à moyen terme, et je dirais même un manque de sincérité à court terme, car nous devons aujourd'hui nous prononcer sur un budget dont nous savons qu'il ne sera pas exécuté demain d'une façon conforme à la loi de finances initiale.

Il est vrai que certains dispositifs sont victimes de leur succès et que leur montée en puissance exige sans cesse des besoins nouveaux. En témoignent les files d'attente observées dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, le PMBE, des contrats d'agriculture durable et des contrats territoriaux d'exploitation. Les enveloppes sont manifestement insuffisantes.

La diminution, en euros constants, de 2 % des crédits pour 2008 ne va pas arranger cette situation budgétaire particulièrement dégradée.

Un certain nombre de programmes sont fortement contraints. Dans le cadre du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », je pense notamment aux offices agricoles, dont les moyens sont continuellement sacrifiés.

Par ailleurs, alors que le monde agricole est fortement impliqué dans le Grenelle de l'environnement, est-il bien raisonnable de ne pas donner plus de marge de manoeuvre aux actions concourant à moderniser les exploitations dans une perspective écologique ?

Résorber les files d'attente du PMBE doit être une priorité. Le manque de soutien au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et la timidité des crédits pour les retenues collinaires risquent de contrarier fortement les efforts de modernisation engagés par les exploitants.

En ce concerne les dispositifs touchant à la gestion des crises, les agriculteurs pourraient rester sur leur faim, si je puis dire. Les crédits AGRIDIFF et le Fonds d'allégement des charges des agriculteurs connaissent une forte diminution, alors que l'agriculture, soumise à de nombreux aléas, nécessite de réelles réserves pour la gestion des risques.

J'ajouterai d'ailleurs sur ce point que l'assurance récolte, telle qu'elle est dimensionnée actuellement, n'est pas suffisamment incitative. Vous le savez, monsieur le ministre, le caractère facultatif de la couverture laisse un grand nombre d'exploitants démunis face aux risques climatiques. Les arboriculteurs et les viticulteurs, par la nature de leur production et la taille de leurs exploitations, ont besoin d'un filet de sécurité important, qu'ils ne trouvent pas actuellement, même si, j'en conviens, le régime des calamités agricoles apporte des solutions relativement immédiates au moment de crises aiguës.

Enfin, je terminerai sur un autre aspect de la solidarité qui concerne les agriculteurs en tant qu'individus ; je veux parler des retraites agricoles, même si celles-ci ne relèvent pas directement de la mission dont nous débattons aujourd'hui. Ce sujet touche toutefois beaucoup d'élus de terrain, qui, comme moi, rencontrent des agriculteurs trop souvent en situation de précarité, alors qu'ils ont donné toute leur vie à l'agriculture.

Les retraités d'aujourd'hui, ce sont les actifs d'hier qui ont contribué à l'amélioration considérable de la productivité agricole, ainsi qu'à l'enrichissement commercial de notre pays. C'est pourquoi je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne fasse pas un geste plus significatif en faveur des retraités agricoles pour porter les pensions à au moins à 75 % du SMIC ; c'est une demande récurrente depuis de nombreuses années. Au moment où le pouvoir d'achat des Français fait débat, n'oublions pas celles et ceux qui subissent aussi de plein fouet l'augmentation du coût de la vie.

Mes chers collègues, si l'agriculture française se porte bien sur un plan purement macro-économique, nous connaissons néanmoins dans le détail les difficultés qui fragilisent un grand nombre d'exploitations. Par ses manquements, je crains que ce projet de budget pour 2008 ne remplisse pas ses missions en termes de solidarité et de préparation à l'avenir. C'est pourquoi, à ce stade de la discussion, je n'approuve pas le budget du Gouvernement.

Cependant, il est vrai aussi que les crédits nationaux ne reflètent pas la totalité de la politique agricole, qui se décide, en majeure partie, à l'échelon européen. À cet égard, les agriculteurs seront très vigilants quant aux orientations qui découleront du « bilan de santé » de la PAC prévu en 2008. La France aura la chance d'assurer à ce moment-là la présidence tournante de l'Union européenne.

J'espère, monsieur le ministre, que vous serez un porte-parole déterminé et volontaire pour défendre les intérêts de l'agriculture française. Les récents propos de Mariann Fischer Boel, trop axés sur le développement rural et sans réelle prise en compte du problème de la volatilité des marchés, ont inquiété à juste titre les syndicats agricoles. L'objectif de la PAC doit être clair. L'agriculture, ce sont des hommes et des femmes qui ne demandent qu'à vivre de leur travail, tout simplement.

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