Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Agnès Pannier-Runacher :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’épidémie que nous traversons est un événement qui n’a pas d’exemple dans notre histoire récente. Ses conséquences économiques sont encore difficiles à chiffrer précisément, mais nous sommes certains d’une chose : elles sont massives.

Ce que nous montre cette crise, c’est que les solutions traditionnelles ne fonctionnent pas et qu’il faut en inventer de nouvelles.

Ce que nous montre cette crise, c’est qu’il nous faut être « solidaires, fraternels, unis, concitoyens d’un pays qui fait face », comme nous y incitait le Président de la République le 13 avril dernier.

Parce que de telles crises pourront se reproduire à l’avenir, il est nécessaire de créer un régime de type assurantiel destiné à intervenir en cas de future catastrophe sanitaire majeure. Bruno Le Maire et moi-même nous y étions engagés à la fin du mois de mars. Dès le mois d’avril, sous l’égide du ministère de l’économie et des finances, nous avons installé un groupe de travail qui rassemble toutes les parties prenantes, afin de rendre concrète l’idée d’un régime assurantiel spécifique. Je tiens d’ailleurs à remercier les élus, dont les sénateurs Jean-François Husson et Michel Raison, qui participent activement à ce groupe de travail sur l’assurance des risques exceptionnels. Les échanges sont riches en contenu, constructifs dans l’esprit et transparents dans la forme.

Déjà quatre séances ont eu lieu ; elles ont permis de s’interroger sur les principaux paramètres d’un futur dispositif de couverture des risques exceptionnels destiné aux entreprises : la typologie de dispositif et de contrat, le champ des périls à couvrir, la délimitation des événements déclencheurs, les modalités d’indemnisation, les schémas de partage des risques.

Plusieurs options sont à l’étude sur chacun de ces thèmes, et le travail se poursuit.

Un thème fait néanmoins l’unanimité. Les enjeux financiers associés aux risques à couvrir sont colossaux et nécessiteront de trouver des solutions de remplacement à une solution assurantielle habituelle, à moins d’imposer à nos entreprises une charge qui serait démesurée.

En effet, selon des estimations préliminaires, la Fédération française de l’assurance évalue à 120 milliards d’euros le coût théorique des pertes d’exploitation pour une durée de confinement de deux mois, ou environ 50 milliards d’euros hors salaires et bénéfices.

Cette somme est à rapporter aux primes annuelles d’assurance dommages aux biens professionnels collectées, qui s’élèvent à environ 4, 5 milliards d’euros. Je crois que la différence parle d’elle-même. Or ce sont ces primes qui permettent de provisionner un risque futur.

De plus, un dispositif associé à une surprime de 12 %, à l’image du régime des catastrophes naturelles, permettrait de récolter annuellement environ 540 millions d’euros de surprimes annuelles, ce qui correspond à peu près au montant de toutes les primes des contrats pertes d’exploitation en France, de l’ordre de 600 millions d’euros aujourd’hui.

Il faudrait donc une période de cotisation de plusieurs décennies pour permettre d’indemniser les effets d’une crise comparable au Covid-19.

Si nous voulons construire le « paratonnerre économique » – je reprends les termes de M. Husson – dont la France a besoin, nous devons donc poursuivre les travaux et trouver ce mécanisme supplémentaire au mécanisme assurantiel classique.

Nous avançons vite : sur la base des discussions qui seront finalisées dans les prochains jours, le groupe de travail rendra ses conclusions à la mi-juin. Il proposera un nombre réduit de scénarios, qui feront ensuite l’objet de plus larges consultations avec toutes les parties prenantes durant l’été. Cela permettra d’aboutir d’ici à la rentrée à un dispositif opérationnel pouvant répondre aux attentes de nos concitoyens.

Je remercie le sénateur Jean-François Husson de cette proposition de loi. C’est une manière de prendre date. Cela pourra constituer la première pierre d’un édifice qui devra être consolidé dans les prochaines semaines. Je souhaite en effet que nous trouvions une traduction législative définitive dans le courant de cette année pour ce mécanisme assurantiel de protection des entreprises face à des crises majeures.

Pour bien faire, il nous reste à finaliser les consultations techniques auprès de toutes les parties prenantes sur la base des scénarios dessinés par le groupe de travail avant que la représentation nationale ne poursuive ses travaux.

Si la présente proposition de loi met en avant des principes auxquels nous souscrivons et qui répondent aux attentes des élus, comme la simplicité, l’accessibilité et l’indemnisation rapide, je n’aurai pas la présomption de dire que nous disposons aujourd’hui de tous les éléments pour cristalliser les contours exacts et précis du dispositif.

Je suis certaine que le groupe de travail saura proposer une ou plusieurs solutions d’assurance offrant une indemnisation satisfaisante aux entreprises pour un coût acceptable tant pour les entreprises assurées que pour l’État.

Le dialogue et le travail vont donc se poursuivre. Notre débat aujourd’hui en est une étape importante. Je sais que nous pouvons compter sur l’entière coopération des élus durant cette période, afin de trouver ensemble un dispositif pertinent, utile et durable. Il y va de la résilience à venir de nos entreprises et de notre capacité à résister collectivement aux chocs futurs.

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