Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous réjouissons que le déconfinement soit engagé. Concomitamment, le temps nous semble en effet venu de tirer les leçons de cette crise et de commencer à construire les dispositifs nécessaires pour l’avenir.

En cas de nouvelle pandémie, nous devrons être prêts à aider et accompagner plus encore les entreprises et leurs salariés, prêts aussi à éviter différents écueils, notamment ces débats incessants sur la participation des assureurs. De fait, ces derniers ont participé, d’abord un tout petit peu, puis, sous la pression, de plus en plus.

Nous nous réjouissons donc de voir examiner par la Haute Assemblée une proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d’une menace ou d’une crise sanitaire majeure.

Quand la majorité sénatoriale, lors du budget rectificatif, n’a pas adopté les amendements du groupe socialiste visant à instituer une contribution exceptionnelle des assureurs affectée au Fonds de solidarité, à hauteur de la totalité des sommes économisées du fait de la diminution importante des sinistres, nous nous sommes dit qu’un texte plus global, incluant cette ambition contributive, était sans doute en préparation, un peu à l’image de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 7 avril dernier par nos collègues députés socialistes, ou de celles de nos collègues Olivier Jacquin et Roland Courteau, qui, cumulées, visent à la fois le court terme, via une contribution exceptionnelle des assureurs, et le moyen terme, avec une garantie « pertes d’exploitation » étendue dans les futurs contrats à un nouveau risque de catastrophe sanitaire.

Malheureusement, nous restons quelque peu sur notre faim. Ce texte se limite en effet à la création d’un nouveau risque, ce qui est positif, et à celle d’un fonds pour le garantir. Ce fonds, garanti par l’État, serait toutefois exclusivement financé par les cotisations des assurés. C’est là que le bât blesse.

Le dispositif de l’article 2 du texte ne s’appuie que sur la solidarité entre les entreprises, au moyen d’une cotisation additionnelle. Il ne faudrait pas qu’une telle mesure entraîne un renchérissement du coût des assurances, supporté par les plus faibles.

Nous attendons toujours la solidarité des assureurs eux-mêmes et leur participation à ce fonds, à la hauteur de leurs capacités financières et des dividendes qu’ils partagent régulièrement.

Depuis le début de la crise, la question de l’engagement des assureurs s’est posée à de multiples reprises dans le débat public. Certes, ne le nions pas, ils ont fini par participer, à hauteur de 3, 2 milliards d’euros, si l’on additionne toutes les mesures prises. Mais il a fallu pour cela que les mutuelles donnent l’exemple, et surtout que l’opinion publique exerce une très forte pression.

Tirer les leçons de cette crise, c’est aussi, selon nous, ne plus attendre la pression des opinions publiques et les demandes des élus. Il faut faire en sorte que les contributions des assureurs soient immédiates et organisées. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il est pour nous extrêmement important de parvenir à une solution équilibrée et conforme à notre conception du monde d’après.

Apprenons de cette crise, ne nous plaçons pas dans une situation où nous devrons de nouveau exhorter les assurances à la solidarité, créons le risque pour qu’il soit couvert à l’avenir et pour que nos entreprises, grandes comme petites, sachent qu’elles pourront affronter les futures crises avec davantage de sécurité.

La création de ce nouveau risque nous semble éminemment positive. Comme je le rappelais, nous soutenons les propositions de loi de David Habib à l’Assemblée nationale et de Roland Courteau au Sénat.

Nous interrogeons toutefois l’équilibre global de la présente proposition de loi, sur laquelle, sans préjuger des débats à venir, nous nous abstiendrons très vraisemblablement.

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