Intervention de Bernard Delcros

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bernard DelcrosBernard Delcros :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les débats que nous avons eus à l’occasion de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative ont bien montré toute l’étendue des interrogations que suscite, en cas de crise sanitaire grave, la question de la contribution des assurances à l’effort de maintien du tissu économique et de redressement du pays. Ces débats nous ont également montré les insuffisances et les lacunes du droit existant en la matière.

C’est dire si le sujet que nous traitons aujourd’hui est capital, alors que la pandémie que nous traversons est la plus grave crise sanitaire qu’ait connue notre pays depuis la grippe espagnole il y a un siècle. Nous tenons donc à saluer l’initiative prise par Jean-François Husson et ses collègues de présenter cette proposition de loi : elle vise à définir en pareille circonstance les rôles respectifs du secteur des assurances, d’une part, et de la solidarité nationale, d’autre part, dans le soutien aux entreprises, aux artisans, aux commerçants, aux agriculteurs, bref au tissu économique et social dans tous les territoires de France.

Nous savons bien que les compagnies d’assurance enregistrent, malgré elles, à la faveur du Covid-19, des résultats exceptionnels sur la couverture des dommages. Il aura pourtant fallu qu’elles soient sous le feu des critiques de leurs assurés et sous la pression du Gouvernement et du Parlement pour qu’elles s’engagent, au début du mois d’avril, à mobiliser 200 millions d’euros, puis 400 millions pour abonder le fonds de solidarité en faveur des PME, des TPE et des indépendants.

Certes, c’était là un premier pas nécessaire, mais il est néanmoins insuffisant. C’est ce constat qui avait amené le Sénat à adopter, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative, deux mesures fiscales : l’une visait à relever la taxe sur les excédents des provisions des sociétés d’assurance ; l’autre, adoptée sur l’initiative du groupe Union Centriste, proposait d’appliquer une taxe exceptionnelle de 10 % sur la réserve de capitalisation des assureurs. Mais le Gouvernement ayant indiqué conduire des négociations avec le secteur des assurances, nous avons bien voulu renoncer à ces mesures par la voix de notre rapporteur général en commission mixte paritaire.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer où en sont vos pourparlers et où en est le plan d’investissement d’un milliard d’euros annoncé en concertation avec la Caisse des dépôts et consignations pour accompagner les entreprises dans un plan de relance et sur le long terme ? La perspective, déjà proche, d’un troisième collectif budgétaire pourra-t-elle aboutir à une solution satisfaisante pour tous ?

J’en viens maintenant au cœur de la proposition de loi qui n’a évidemment pas vocation à s’appliquer de manière rétroactive. Au contraire, l’assurance relative aux crises sanitaires que propose ce texte ne vaudrait que pour l’avenir, dans l’hypothèse où surviendrait une nouvelle crise d’ampleur. Cette proposition de loi a donc pour objectif de bâtir un cadre pérenne, sans qu’il soit nécessaire de colmater les brèches dans l’urgence par voie d’amendements au gré des budgets rectificatifs.

C’est donc un texte d’importance qui a vocation à dépasser les seules circonstances immédiates pour s’inscrire dans le temps long avec, en toile de fond, la préservation en cas de grave crise sanitaire du tissu entrepreneurial et productif français.

Le texte contient deux volets qui nous semblent opportuns et complémentaires : créer une couverture obligatoire des entreprises par les assurances pour les pertes générées par une menace ou une crise sanitaire grave ; corrélativement – c’est important –, permettre le financement de cette couverture obligatoire par un fonds, mutualisé entre les assureurs et abondé par l’État.

L’examen du texte en commission des finances a permis de l’enrichir substantiellement et je tiens ici à saluer le travail de notre rapporteur, Claude Nougein.

Premièrement, plutôt que de calculer l’indemnisation sur les pertes d’exploitation, comme le prévoyait la mouture initiale du texte, la commission propose de la fonder sur les charges fixes de l’entreprise. Cela permettrait à la fois d’approcher ses coûts fixes et de ne pas renchérir inconsidérément le coût de la prime pour les entreprises.

Deuxièmement, le calibrage du dispositif nous semble lui aussi parfaitement cohérent, en ce qu’il réserve l’octroi de la garantie aux seules entreprises les plus en difficulté et selon des critères d’éligibilité comparables à ceux de l’actuel fonds de solidarité.

Troisièmement, notre commission a apporté des modifications au texte en ce qui concerne le montant des primes payées par les entreprises. Elles devront faire l’objet d’un encadrement par voie réglementaire de façon à prémunir les entreprises contre toute dérive dans la fixation des tarifs.

Quatrièmement, toujours dans une même logique d’efficience, la commission des finances a souhaité préciser les délais de versement des indemnisations aux assurés. Le texte initial de la proposition de loi comportait quelques écueils que le travail du rapporteur a permis de gommer afin que les entreprises soient très rapidement indemnisées, ce qui est évidemment essentiel en pareille circonstance.

Concernant la création du fonds de soutien de l’État proposé à l’article 2, la mutualisation entre les assureurs des ressources destinées à l’indemnisation, d’une part, et la contribution de l’État à ce fonds, d’autre part, constituent deux points forts qui me paraissent importants. Par sa composition et sa structure, ce fonds d’indemnisation permettra opportunément de limiter le montant de la prime versée par les entreprises.

Enfin, la clarification apportée par la commission concernant le rôle dévolu à ce fonds, recentré sur les crises de grande ampleur, à l’image de celle que nous connaissons, nous apparaît là encore totalement justifiée.

En conclusion, c’est sans la moindre réserve que nous soutenons la création pour l’avenir d’une assurance obligatoire destinée à faire face à des pertes consécutives aux crises sanitaires. C’est donc à l’unanimité que le groupe Union Centriste adoptera la présente proposition de loi.

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