Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sait, les agriculteurs sont indispensables à la vie et à l'équilibre économique de nos territoires.
Aujourd'hui, ils sont confrontés à de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques. En outre, ils doivent faire face à des charges en constante augmentation.
Ces difficultés, le Président de la République en faisait le constat dans le discours qu'il a prononcé à Rennes. Il affirmait alors vouloir « porter une nouvelle ambition pour l'agriculture », suscitant ainsi de grands espoirs dans la profession. Hélas, force est de constater qu'il ne s'agissait là que de belles paroles, qui ne se traduisent pas dans le budget que vous nous proposez.
Ce budget connaît en effet une diminution encore plus importante que les années précédentes : plus de 4 % en euros constants. Ce n'est pas un signe encourageant donné à la profession, même si ce budget ne représente qu'un tiers environ de l'ensemble des crédits publics affectés au monde agricole et rural.
Alors que l'actualité montre que la gestion des crises devrait être sérieusement prise en compte, les financements prévus prouvent que tel n'est pas le cas.
Même s'ils sont revalorisés de 2 millions d'euros cette année, les crédits consacrés au développement de l'assurance récolte sont trop faibles pour être efficaces. D'un montant de 32 millions d'euros, ils sont loin des 260 millions d'euros mobilisés par l'État espagnol en 2007. Il aurait pourtant été souhaitable d'augmenter la prise en charge partielle par l'État des primes ou des cotisations des contrats assurantiels protégeant les récoltes contre différents risques climatiques.
Les dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficulté et à la gestion des crises imprévisibles, le Fonds d'allègement des charges des agriculteurs, sont sous-dotés, le premier diminuant de 50 %, le second de 15 %. Ils sont très insuffisants au regard des besoins.
La dotation pour les prêts bonifiés pour aléas chute de 75 %. Une paille ! On peut donc légitimement s'interroger sur la volonté du Gouvernement de soutenir les agriculteurs en cas de crise.
Les agriculteurs vivent dans un monde de plus en plus concurrentiel, où ils doivent être de plus en plus compétitifs tout en veillant à préserver l'environnement. Pour ce faire, il leur est nécessaire de moderniser leurs exploitations. Or dans ce domaine non plus, les financements ne sont pas à la hauteur.
Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage a rencontré un vif succès, mais il convient de résorber rapidement les files d'attente.
Il est regrettable que les taux de subvention et les montants pouvant être subventionnés aient été réduits, malgré des promesses régulièrement réitérées.
Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, en diminution de 3 millions d'euros, ne permettra pas de satisfaire toutes les actions volontaires des dizaines de milliers d'éleveurs. Leurs efforts risquent d'être anéantis.
Pour ce qui est de l'installation des jeunes agriculteurs, qui est en augmentation, on constate que les mesures d'accompagnement ne répondent pas à cette volonté, pourtant si nécessaire à l'occupation de l'espace et du monde rural. En effet, l'enveloppe pour les prêts bonifiés est, selon le terme même de la FNSEA, « insignifiante ». Par ailleurs, la dotation aux jeunes agriculteurs voit ses crédits fortement diminuer. C'est vraiment incompréhensible ! Cela ne traduit pas une grande confiance en l'avenir.
Il a fallu une très forte pression de la profession pour que vous déposiez un amendement à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, tendant à redéployer 5 millions d'euros sur les prêts bonifiés. Toutefois, cette mesure n'est pas suffisante. Elle ne satisfait pas les jeunes agriculteurs, qui se battent pour obtenir plus de financement pour l'installation et pas uniquement pour les prêts bonifiés.
Finalement, 2 millions d'euros risquent de manquer sur des programmes qui sont déjà sous-dotés : le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, les aides à la transmission, les stages à l'installation, etc. Pouvez-vous au moins remédier à ce problème et doter la ligne « renouvellement des générations » de 5 millions d'euros supplémentaires ?
Les moyens destinés à conforter la compétitivité de l'agriculture enregistrent eux aussi une baisse importante.
Les crédits des offices agricoles, qui permettent d'adapter les filières à l'évolution des marchés, déjà fortement diminués l'an dernier, accusent une baisse de 67 millions d'euros. Ils sont d'ailleurs qualifiés de « fantomatiques » par la FNSEA, qui a bien compris que la vente de l'ancien siège de l'Office des céréales ne devait pas occulter la diminution récurrente de cette ligne budgétaire.
Les crédits de promotion à l'international, quant à eux, enregistrent une baisse de 8 millions d'euros. L'effort en faveur des actions agro-environnementales est lui aussi beaucoup trop faible.
La prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, permettra seulement de renouveler les contrats souscrits, mais pas d'accueillir de nouveaux éleveurs.
La mesure rotationnelle est remise en cause, ce qui est difficilement compréhensible au moment où les mesures de préservation de la biodiversité figurent parmi les propositions du Grenelle de l'environnement.
Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, si elles sont reconduites - pour combien de temps ? -, ne sont toujours pas revalorisées à 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, contrairement aux engagements pris par votre prédécesseur, monsieur le ministre. Une fois de plus, du fait des nouvelles contraintes pour accéder à la prime herbagère et de l'insuffisance des ICHN, c'est l'élevage extensif qui est sacrifié. Ce sont pourtant ces exploitations qui participent le plus à l'aménagement du territoire et qui maintiennent la vie dans les zones difficiles.
Vous savez, monsieur le ministre, que la conjoncture s'annonce défavorable pour les productions animales, en particulier bovines, ovines et porcines. Ces productions risquent de voir leur prix encore chuter, alors qu'elles doivent faire face à un coût d'alimentation de plus en plus élevé en raison de l'augmentation du prix des céréales.
J'ai reçu récemment les éleveurs de porcs creusois. Ils m'ont fait part de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvent et de leur inquiétude pour l'avenir de leur exploitation, car ils se sentent proches du dépôt de bilan. C'est une réalité ! Votre budget n'apporte pas de réponse à leurs interrogations. Il ne répond pas non plus aux attentes des territoires ruraux, qui ont besoin de solidarité. De même, il ne permettra pas à l'agriculture de relever les défis auxquels elle sera confrontée dans les années à venir.
Il est facile de dire aux agriculteurs qu'ils doivent vivre de leur travail, mais comment le peuvent-ils alors que 50 % à 80 % de leur chiffre d'affaires proviennent des aides françaises et européennes ? Ces aides sont d'ailleurs réparties de façon injuste puisque 80 % d'entre elles vont à 20 % des agriculteurs, favorisant ainsi l'agriculture intensive, au détriment de l'élevage, notamment celui du Massif central. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez l'intention de revoir cette question. Il faudra aller assez loin !
À la veille d'une réforme décisive de la PAC, quelle position entendez-vous défendre ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour permettre enfin à nos exploitants agricoles de vivre dignement de leur travail ? Comment envisagez-vous de préserver l'équilibre de nos territoires ?
Vos orientations budgétaires ne nous rassurent pas. Elles confirment l'abandon de l'agriculture au marché et un certain désintérêt du Gouvernement pour les zones rurales défavorisées et les agriculteurs les plus fragiles. Nous n'y trouvons pas de signes d'une volonté d'aller à l'encontre de la politique libérale menée par Bruxelles.
Il s'agit d'un budget de renoncement, monsieur le ministre, qui ne permet même pas d'assurer les besoins actuels au niveau local, par exemple en termes de mise aux normes et d'installation. Il ne donne aucun message d'espoir à la profession, comme si vous-même et le Gouvernement aviez déjà décidé de sacrifier des pans entiers de notre agriculture.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas ce budget.