Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h45
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité liée à la filière agricole dans notre économie nécessiterait à elle seule plusieurs heures de débat. Ses différents aspects sont ou seront abordés par l'ensemble de nos collègues suivant leurs centres d'intérêt et parfois - souvent - leur origine géographique. Pour ma part, je me limiterai, dans les dix minutes dont je dispose, à évoquer les préoccupations des professionnels des productions végétales et des productions animales.

J'ai de nombreuses questions à vous poser, monsieur le ministre.

La première question est fondamentale : quel avenir le Gouvernement français et l'Union européenne entendent-ils réserver à notre agriculture ?

Faut-il encore encourager les jeunes à s'installer dans ce métier ? Peuvent-ils espérer, contrairement à la génération de leurs parents, vivre de leurs productions et non des aides publiques ?

Quels outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles avez-vous l'intention de développer ?

Comment rendre compatible une agriculture dynamique, productrice, capable de satisfaire les besoins alimentaires de l'humanité, mais aussi les besoins industriels nécessaires à notre économie, tout en préservant l'environnement dans tous ses aspects ?

Comment nos dirigeants peuvent-ils imaginer que notre agriculture peut vivre de sa production, alors que, en 2006, le prix de la tonne de céréales s'élevait à 90 euros, et que, dans le même temps, le prix du baril de pétrole s'envolait vers les 100 dollars, que le prix de l'acier explosait et que les normes environnementales ne cessaient de s'alourdir, plombant du même coup tous les coûts de production ?

Comment permettre aux salariés de l'agriculture et aux agriculteurs eux-mêmes de « gagner plus en travaillant plus », une formule souvent utilisée depuis quelque temps, alors que leur activité, par sa nature et sa spécificité, les fait travailler 30 %, 40 %, voire 50 % de plus que dans de nombreux autres métiers ? Ils travaillent déjà, pour la plupart, au maximum de leurs capacités !

La profession connaît un effet de ciseau. Les prix de vente des productions sont au plus bas - c'est le cas aujourd'hui pour les éleveurs, c'était le cas en 2006 pour les céréaliers - et les coûts de production, qu'il s'agisse de l'énergie, du matériel agricole, des engrais, des produits phytosanitaires, des taxes - elles s'envolent - ou des impôts, ne cessent d'augmenter.

Cela rend cette profession extrêmement fragile à chaque fois qu'elle subit des aléas climatiques ou que le marché mondial s'effondre en raison de l'absence de préférence communautaire ou de l'ouverture de nos frontières à des produits venant de pays dont les contraintes sociales et salariales, les normes et les exigences de traçabilité, ne sont pas les mêmes que les nôtres.

Où en sont, monsieur le ministre, les négociations conduites dans le cadre de l'OMC ? Quel prix l'agriculture européenne, en particulier l'agriculture française, devra-t-elle payer pour permettre au Brésil et à l'ensemble des pays qui l'accompagnent de commercialiser leurs produits agricoles chez nous, en échange d'une ouverture de leur marché à nos produits industriels ?

Que faut-il attendre du Grenelle de l'environnement ? À quelle pluie de taxes notre agriculture doit-elle s'attendre dans ce cadre ? Ces taxes seront-elles compatibles avec le prix de revient des productions végétales et animales ?

En ce qui concerne la production végétale, certains commentateurs se sont inquiétés de la flambée du prix des céréales et des conséquences qui allaient en résulter pour les transformateurs et les consommateurs.

Il faut le savoir, mes chers collègues, le prix moyen qui sera payé par les coopératives agricoles aux producteurs atteindra à peine 200 euros la tonne pour l'année 2007, ce qui reste à un niveau de prix inférieur de 12 % à celui qui était en vigueur dans les années quatre-vingt, soit voilà plus de 20 ans ! De combien le coût de la vie a-t-il augmenté depuis ?

Même si l'indice devrait être corrigé des gains de productivité que la recherche et la profession ont réussi à grignoter au fil du temps, il faut reconnaître que le compte n'y est pas !

Quel est le salarié, le fonctionnaire, le professionnel libéral ou le chef d'entreprise qui accepterait de voir son salaire ou son revenu diminuer de 30 %, 40 % ou 50 % sans compensation intégrale par les aides publiques, puisque telle a été la politique agricole voulue par nos dirigeants européens dans les années quatre-vingt-dix ?

Quand le prix de l'acier et du pétrole progresse, les sociétés de service comme l'industrie du machinisme agricole répercutent la hausse sur leurs prestations ou produits ! Mais les éleveurs et les agriculteurs, pour leur part, ne peuvent pas en faire autant.

Par conséquent, monsieur le ministre, comme vous le confirmez dans votre lettre adressée le 27 novembre dernier aux parlementaires, il y a lieu d'exiger le « maintien d'une grande politique agricole » qui soit d'abord économique, en permettant d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Europe et le développement équilibré et durable de nos territoires.

De même est-il indispensable de disposer d'outils de gestion des crises. Comment pourrait-il en être autrement alors que les éleveurs traversent une crise économique préjudiciable à leur avenir, avec une augmentation du prix de l'alimentation animale, à laquelle s'ajoutent les effets désastreux sur les plans sanitaires et économiques de la fièvre catarrhale qui touche les secteurs ovin et bovin ?

Monsieur le ministre, à la suite d'une question posée par notre collègue Henri de Richemont, vous avez répondu à une partie des préoccupations des éleveurs par la mise en place d'un plan sanitaire de grande ampleur, afin non seulement de traiter les difficultés actuelles, mais également de prévenir le développement du risque futur. Je vous donne acte de cette initiative, dont nous ne pouvons que nous réjouir, car elle montre à quel point vous avez saisi le problème à bras-le-corps. Mais nous restons tout de même sur notre faim.

C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », je souhaiterais bénéficier de votre part d'un éclairage sur les mesures économiques que le Gouvernement a l'intention de prendre pour aider les éleveurs à faire face à cette dépression économique, qui se traduit aujourd'hui par une baisse des prix de vente à la production animale de 25 % à 30 %. C'est notamment le cas pour la vente des broutards ou des ovins. Certes, par votre action, vous avez réussi à permettre le chemin de l'exportation vers l'Italie. Dont acte ! Pour autant, les cours ont du mal à se redresser et ils n'ont pas encore retrouvé le niveau de l'année dernière.

Monsieur le ministre, je vous invite à porter autant d'attention aux agriculteurs-éleveurs dont l'activité principale réside dans l'élevage qu'à ceux pour lesquels cela constitue une activité secondaire. Même dans ce dernier cas, l'élevage fait vivre des salariés qui y consacrent la totalité de leur temps. D'ailleurs, mon collègue Joël Bourdin, qui est élu de l'Eure, département voisin de l'Oise, où l'élevage ovin est souvent une activité secondaire par rapport à la production végétale, ne me contredira sans doute pas.

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