Intervention de Philippe Bas

Réunion du 2 juin 2020 à 14h30
Procurations électorales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Historiquement, le Parlement a tendance à ériger en dispositions législatives de nombreuses règles qui pourraient certainement être de nature réglementaire. Ce fut encore le cas récemment sur la durée des campagnes électorales ou sur les caractéristiques des bulletins de vote, pour interdire par exemple des photographies sur les bulletins de vote ou la représentation d’un animal.

Tout cela aurait pu être considéré comme des dispositions d’ordre réglementaire, mais le Parlement se reconnaît une petite liberté dans l’appréciation de ce qui est réglementaire ou de ce qui ne l’est pas, étant entendu que les termes de l’article 34 de la Constitution sont assez généraux : en tant que législateurs, nous n’hésitons pas à inscrire dans la loi tout ce qui constitue à nos yeux une garantie importante pour l’électeur.

Quand il s’agit de mesures impliquant des dispositions financières dont nous voulons garantir qu’elles soient mises en œuvre de manière effective, il arrive que nous les mentionnions dans la loi. C’est le cas pour la prise en charge des masques, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez pleinement rassurés en déclarant que l’État entendait bien le faire.

Discutons article par article sur ces points, nous verrons bien ce qu’il en ressortira. Vous avez reconnu que le régime des procurations constituait le cœur du dispositif. Vous n’avez pas de doute sur le caractère législatif des dispositions que nous proposons ; nous n’avons pas non plus de doute sur le fait que créer un droit au recueil des procurations à domicile pour l’électeur relève également de la loi.

Il nous semble que, pour l’essentiel, les dispositions que nous vous proposons peuvent figurer, sans préjudice pour l’étendue du pouvoir réglementaire, dans un texte législatif.

Par ailleurs, si je comprends bien, le problème, c’est le choix du texte législatif. Vous avez prononcé le mot « vecteur », monsieur le secrétaire d’État, et vous considérez qu’il en existe un meilleur que le nôtre. Soit. Mais dans ces conditions, j’aimerais que vous puissiez nous expliquer en quoi il pourrait être plus rapide et plus adapté.

En effet, le vecteur dont vous nous parlez a pour objet – vous ne l’avez pas rappelé – d’annuler le second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, etc., et d’organiser un nouveau scrutin, qui pourrait se dérouler jusqu’au 31 janvier 2021 pour pourvoir les sièges de conseillers municipaux qui n’ont pas été définitivement attribués le 15 mars dernier.

Dois-je comprendre que vous suggérez de faire figurer des dispositions relatives au régime des procurations pour les élections du 28 juin dans un texte visant à annuler ces mêmes élections à cette date ? Si tel est le cas, monsieur le secrétaire d’État, me voilà plongé dans un profond désarroi…

Qui plus est, je ne suis pas du tout certain que ce texte pourra aboutir plus rapidement que celui que nous vous avons présenté, quand bien même vous auriez décidé d’engager la procédure accélérée. Vous le savez, il est bien rare que le Parlement réclame lui-même l’engagement de la procédure accélérée : en général, il ne se résigne à l’observer que contraint et forcé.

Toutefois, nous nous étions dit que le Gouvernement, au fond, devait être quelque peu reconnaissant au Sénat comme à l’Assemblée nationale d’avoir adopté en quatre jours la loi du 23 mars 2020 créant l’état d’urgence sanitaire et en cinq jours la loi le prorogeant.

À partir du moment où cette coopération entre le Gouvernement et le Parlement, notamment le Sénat de la République, s’était enclenchée, nous avons eu l’illusion – oserais-je dire la naïveté ? – de penser que, pour des raisons d’intérêt supérieur, le Gouvernement utiliserait non pas un vecteur inapproprié et qui n’aboutira pas à temps, mais un vecteur qui a toutes les chances d’arriver au port suffisamment à l’avance pour que les procurations puissent être enregistrées.

Si d’aventure vous parvenez à faire aboutir votre texte aux alentours 20 juin – c’est la meilleure hypothèse –, sans recours devant le Conseil constitutionnel, imaginez-vous que l’on puisse organiser un nouveau régime de procuration, et éventuellement de vote par correspondance, entre le 20 et le 28 juin ? Pour ma part, je ne trouve pas cela raisonnable.

Je le dis sans acrimonie ni véhémence, et mes propos n’ont absolument rien de personnel : je ne comprends pas la position du Gouvernement. Pour rendre applicable en temps utile le nouveau régime de procuration, il fallait faire vite. Désormais, j’en suis désolé, j’ai bien peur que l’on n’y arrive pas !

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