Intervention de Yolande Boyer

Réunion du 4 décembre 2007 à 15h10
Loi de finances pour 2008 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Yolande BoyerYolande Boyer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », mon intervention portera uniquement sur la pêche.

Ce débat intervient dans un contexte particulièrement difficile, c'est-à-dire sur fond de crise due à l'augmentation du coût du gazole.

Vous tentez, monsieur le ministre, après la visite du Président de la République au Guilvinec et les engagements qu'il a pris, de mettre en musique ce que le chef d'orchestre a proposé. Mais nous sommes dans un domaine très complexe, avec des limites imposées par l'Union européenne, et dans un monde où tout est aléatoire, d'où les crises et explosions sociales récurrentes et la fragilité de ce métier. Je m'explique.

Pour un marin pêcheur, rien n'est assuré, ni la météo, ni la ressource, ni le financement des bateaux, ni le prix du gazole, ni la vente du poisson, sans compter les difficultés de recrutement qu'il rencontre. Combien de bateaux restent à quai faute d'équipage ? Combien de chalutiers naviguent avec quatre hommes à bord au lieu de cinq « habituellement », sinon « réglementairement » ? À cela s'ajoutent les difficultés de formation et la dangerosité du métier que vous avez évoquées ce matin.

Le tableau que je brosse est bien noir, mais il correspond à une réalité, celle de l'activité de pêche dans notre pays. Elle mérite donc une politique volontariste de la part du Gouvernement.

Vous nous avez dit que le budget était stable à 60, 5 millions d'euros - 1 million d'euros de plus qu'en 2007 - et qu'il s'agissait d'un bon budget, puisque l'an passé il avait doublé. Certes ! Mais il faut le comparer à l'ensemble de la mission. Il faut aussi le comparer aux fonds européens attribués à la France, soit 63 millions d'euros en 2008. Il convient également d'analyser à quoi ont servi les fonds octroyés l'an passé. Quel est leur intérêt si l'essentiel sert à la casse des bateaux ?

Je constate parallèlement la baisse des sommes consacrées à la modernisation et à la restructuration de la flottille.

Les crédits alloués devaient servir à faire vivre le plan d'avenir pour la pêche présenté en juin 2006. Constitué de dix mesures, il fixait des objectifs et proposait de nouveaux outils pour adapter les filières des pêches maritimes aux contraintes, qui se multiplient ; il devait aussi leur permettre de se moderniser.

Aujourd'hui, peu d'actions sont en cours, en particulier sur la rentabilité des entreprises, qui est une urgence. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ?

Autre interrogation : le fonds européen pour la pêche, mis en place en 2006 - en remplacement de l'IFOP, l'instrument financier d'orientation de la pêche - pour la période 2007-2013, n'est toujours pas effectif. Or il est supposé soutenir les restructurations nécessaires et faciliter la mise en oeuvre de la nouvelle politique commune des pêches. Dans le contexte actuel, particulièrement sensible, nous sommes en droit de nous inquiéter.

Comment, dans un environnement très libéral, permettre à une filière de vivre de façon pérenne ? Car, il s'agit bien d'une filière, et il est essentiel de rappeler qu'un emploi en mer en induit près de quatre à terre ! Malgré une division par deux du nombre de bateaux de pêche en vingt ans, le volume capturé est resté stable grâce aux gains de productivité.

Rappelons aussi que la France importe 80 % de son poisson. Les 20% restants de ce marché en expansion servent à faire vivre une filière sur l'ensemble de notre littoral. Il faut maintenir un niveau d'activité dans les ports si l'on ne veut pas fragiliser les équipements et, par conséquent, l'existence de l'économie nationale de la pêche.

Je veux, d'ailleurs, saluer la responsabilité d'un département comme le mien, le Finistère, et de la région Bretagne, qui mènent une politique d'accompagnement résolument active. Il est à noter également que, lors de la crise récente, les collectivités locales et les chambres de commerce et d'industrie ont accepté des baisses significatives des redevances portuaires. Dans ce domaine comme dans d'autres, l'État ne doit pas se désengager sur les collectivités !

J'en viens aux actions indispensables qu'il convient de mettre en oeuvre pour garantir une pêche durable dans notre pays.

Tout d'abord, il faut maintenir et moderniser la flottille. Or on note, dans le projet de budget pour 2008, seulement 1, 3 million d'euros en crédits de paiement.

Ensuite, il convient de mener une politique de recherche et de développement permettant de « pêcher autrement ». Ce serait une garantie de préservation de la ressource, d'une part, et un gain important de dépense d'énergie, d'autre part.

À cet égard, je vous donnerai un exemple tout simple : pour la pêche au chalut, on compte en moyenne deux litres de gazole pour un kilo de poissons. On sait aussi qu'un chalutier naviguant à dix noeuds utilise cent litres de gazole et, à 10, 5 noeuds, cent cinquante litres. Cela illustre bien la nécessité de naviguer autrement, d'une prise de conscience et d'une formation pour pêcher différemment.

Des mesures simples et de bon sens s'imposent donc ; je pense, notamment, à l'installation d'économètres sur tous les bateaux et à des contraintes concernant les chaluts, mais je pourrais en ajouter d'autres. Toutefois, cela prendra du temps.

En attendant, vous avez créé un groupe de travail afin d'étudier la possibilité d'une éco-contribution, qui se répercuterait sur le prix du poisson à l'étal. On annonce une taxe de 1 % à 2 %. Mais jusqu'à quand le consommateur assumera-t-il une hausse récurrente dans le contexte difficile de pouvoir d'achat que nous connaissons ? Le poisson va-il devenir un produit de luxe ? Tout cela n'est acceptable ni pour la santé des Français ni pour le maintien de la filière.

En outre, quelles marges de manoeuvre l'Union européenne vous laisse-t-elle ? Quelle est la compatibilité du mécanisme proposé avec les règles communautaires ?

Des évolutions structurelles majeures pour sortir la pêche de cette situation sont indispensables.

Des techniques de pêche plus économes en énergie permettant d'améliorer la situation économique des entreprises de pêche sont indispensables. Car pêcher autrement impose non seulement un nouveau regard sur la ressource, mais aussi une valorisation de l'image de la pêche et du métier de pêcheur. Ce métier doit être attractif pour les jeunes afin de favoriser le renouvellement des équipages et des patrons de pêche.

La pêche est aussi un gisement d'emplois au service d'une filière clairement positionnée sur la qualité des poissons pêchés et sur la gestion durable de la ressource.

L'État doit affirmer sa volonté d'avoir une véritable politique portuaire, qui doit s'inscrire dans une authentique politique d'aménagement du territoire. On ne peut se contenter d'annonces ponctuelles, concédées durant la crise récente, alors que des mesures structurelles, gages de pérennisation de la filière, auraient dû être mises en place depuis quelques temps déjà.

Tels sont les éléments, monsieur le ministre, que je souhaitais vous soumettre sur ce sujet difficile.

Vous nous l'avez dit ce matin : vous croyez en l'avenir de la pêche et de l'aquaculture. Je m'en réjouis ! Cependant, même si le projet de budget que vous nous proposez affiche un certain nombre d'intentions louables, les retards pris dans la mise en oeuvre des mesures attendues nous conduisent à nous interroger sur votre volonté réelle de constituer une filière de la pêche française qui soit solide et durable.

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